L’antichambre de l’humour

1 décembre 2013 à 14:32

Du pilote de Getting On, la série britannique, il ne m’est resté que quelques bribes. Mon psychiatre dit que ça me passera, qu’il faut laisser le temps et l’hypnose faire leur œuvre.
D’ordinaire je préfère consigner mes impressions dans une review, au moins pour pouvoir les relire et comparer plus tard, mais enfin, parfois il faut admettre que l’omission a du bon. L’omission de review sauve des vies, amis téléphages, voilà la vérité.

Bref, disais-je, du pilote de Getting On, il ne m’est resté que quelques bribes, mais c’est fort suffisant parce que très franchement, Getting On n’était pas ma tasse de thé. L’ambiance de la série, très réaliste et tentant d’adopter un ton quasi-documentaire, m’avait mise mal à l’aise. Je salue cependant l’effort d’éviter de verser totalement dans la structure du mockumentary, personne ne semblant reconnaître la présence de cameras et encore moins témoigner directement face à elles.
Le procédé est pourtant sensiblement le même : saisir un instant écrit pour être aussi « réel » que possible, et embrasser toute sa maladresse. Et en fait de maladresse, on était plus souvent dans une forme de malaise.

GettingOn-US-650

Il me faudra vraisemblablement signer pour quelques séances d’hypnose supplémentaire afin d’oublier également le pilote de Getting On, la série américaine. Mais je n’en suis plus à ça près !

Pour autant que je puisse le dire (rapport à mon amnésie volontaire), l’adaptation est très fidèle, au moins dans l’esprit. Le sentiment de malaise se retrouve parfaitement, avec cette même quête du « réel » fictif, cette même entreprise de mise à nu d’instants maladroits voire carrément dérangeants. L’absence de musique, la camera au poing, les dialogues peu ciselés, les silences pesants, sont dans cette même optique.

Getting On se fixe pour mission de parler plus du quotidien des soignants, avec ce qu’il implique de mesquineries notamment, que des personnes hospitalisées elles-mêmes. Celles-ci n’ont finalement pas beaucoup de temps d’antenne, ou quand elles l’ont, elles ne peuvent s’exprimer : les patients sont des femmes généralement silencieuses, ou aux propos limités ; il y a aussi cette patiente qui ne parle pas anglais du tout, et qui, en dépit de sa volubilité, ne peut pas vraiment exprimer quoi que ce soit. Les scénaristes font ainsi le choix, qui est une véritable prise de position sociale, de faire des personnages majoritaires à l’écran (ils sont partout dans le décor) des personnages muets et/ou inexpressifs.
Ce qui ne veut pas dire que le contexte du service soit anodin, et encore moins interchangeable : le fait que la série se déroule dans un service de gériatrie est plus révélateur de la façon dont les personnages (et par extension, la société) gèrent leur relation aux personnes âgées. Les patients, qui sont généralement des patientes, sont manipulables à volonté par les soignants qui les considèrent souvent comme des objets, et non des personnes ; seule la nouvelle infirmière prend le temps de leur parler avec gentillesse et de les traiter avec douceur. Elle porte d’ailleurs un regard lourd de sous-entendus sur ce à quoi elle assiste. Le Dr. James elle-même n’a pas beaucoup de considération pour les patients, les prend de haut, leur parle comme à des enfants stupides, et s’intéresse cent fois plus à leurs selles (pour une étude, paraît-il) qu’aux gens qu’elle rencontre.

Le service de gériatrie fonctionne ainsi de façon déshumanisante, sans que les soignants qui le connaissent sur le bout des doigts ne s’en aperçoivent. Cela conduit à quelques absurdités que Getting On fait passer pour des séquences d’humour, mais qui m’ont mise, une nouvelle fois, plus mal à l’aise qu’autre chose, parce que dans le fond, ce sont avant tout des situations de maltraitance sur une population fragilisée. On aimerait pouvoir en rire, mais c’est un peu difficile, tout de même.

Ce que veut faire Getting On est clairement de la comédie, sa distribution en témoigne (Laurie Metcalf est toujours aussi géniale que depuis Roseanne, Alex Borstein trouve enfin de quoi briller totalement), mais c’est parfois difficile à admettre vu le contexte. Il faut à cela ajouter que la version originale faisait planer une ambiance d’absurdité toute britannique, qui manque à la version américaine, plus brute de décoffrage peut-être, et qui rend les choses moins « drôles » par essence. On peut copier une série anglaise, il reste difficile de copier l’humour anglais…

Le résultat ? Une demi-heure passée dans l’inconfort total. Et un appel à mon hypnotiseur préféré pour finir.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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