Dans le sang

25 juin 2014 à 10:14

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de regarder un pilote, de découvrir les images de cette série pour la toute première fois, et de vous sentir tellement bien accueilli que vous ne vouliez plus en partir, jamais ? Cette sensation d’appartenance, voire même de fusion, de perfection totale. Ce n’est pas tant une question de personnages, ni même tout-à-fait d’intrigue, c’est plutôt que la substance-même de la série se confond avec l’essence-même de ce qui repose au plus profond de soi. Comme la série que vous auriez cherchée depuis des années, sauf qu’en réalité ça n’avait pas forcément besoin de vous apparaître sous la forme d’une série ? C’est juste un peu votre 42.

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Pour plein de raisons, Tyrant m’attirait depuis qu’elle était en projet. Parce que j’avais très envie de voir comment son pitch de départ serait développé. Parce que ça me semblait très osé pour une série américaine de demander aux spectateurs de regarder une série se passant dans un pays arabe, avec des personnages majoritairement musulmans. Parce que l’ambition générale de tout cela donnait un côté très coup de poker.
Et puis aussi, parce que j’avais l’impression que c’était réellement original. Que quelqu’un essayait un peu d’arriver avec sa propre révolution plutôt que suivre celle des autres.

Ce que je n’avais pas vu venir, c’est que Tyrant me parlerait aussi intimement. Au-delà de la question géopolitique, une fois qu’on enlève les références au Printemps arabe et aux différentes questions afférentes, et passé le plongeon culturel, avec tout ce que ces points entrainent de positifs comme de négatifs, la question du rapport au père dans Tyrant est d’une puissance folle, dévastatrice.
La haine bornée du personnage central n’est rien d’autre que de la dissonance cognitive, comme le pilote va progressivement le dévoiler sous différents angles, pour finalement nous révéler ce le qui hante vraiment. Le fils vit une douleur sourde dont il m’a été impossible de ne pas apprécier chaque contour, alors qu’il cherche à échapper autant à ce que son père est, et à ce que son frère est devenu, qu’à ce qu’il a en lui. Nature ou culture ? Et quand bien même, peut-il totalement s’en extirper ? Peut-être que toutes les tentatives de se réinventer ne seront jamais que suivies d’échec tant qu’il n’y aura pas confrontation.

Bien-sûr, si Tyrant a fonctionné sur moi, c’est en partie à cause de mon histoire personnelle — n’est-ce pas le cas pour toutes les séries qui ont un impact sur nous ?
Je peux imaginer qu’elle n’ait pas cet effet sur d’autres, comme la plupart des séries qui sont, deviennent et restent chères à mon cœur. Leur effet sera plus diffus, voire même nul sur d’autres, probablement. Mais en ce qui me concerne, j’ai ressenti un appel rare, quelque chose qui s’adressait directement à mes plus grandes terreurs, et paradoxalement, ça fait un bien fou d’y être confrontée dans une fiction.

Très sincèrement, après le pilote de Tyrant, je n’ai toujours aucune idée de comment la série peut, ou non, accomplir l’objectif qu’elle s’est fixé. Son ambition géopolitique est peut-être justement sa pire ennemie ! Et ce défi perdure bien au-delà du pilote. Mais je serai chaque semaine cet été devant mon écran pour y assister par moi-même, pour risquer la déception aussi bien que la lacération qui en résultera.
La raison en est simple : il y a une chose que Tyrant, contre toute attente, n’a sûrement pas oublié de faire… être aussi un drama qui m’a parlé intimement.
Et quand on va au fond des choses, ce n’est pas quelque chose qui se produit souvent.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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