Underground mainstream

22 avril 2017 à 12:00

A 6h37 du matin, dans le métro de Copenhague, une rame freine brusquement. Dans les secondes qui suivent, à son bord, trois hommes sortent des armes à feu et menacent les passagers ; ceux-ci sont désormais leurs prisonniers.
Gidseltagningen (projetée lors de Séries Mania sous son titre international Below the surface) part de cette situation initiale à haute tension pour nous parler une prise d’otages pas comme les autres.

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La TTF (Terror Task Force, dédiée comme son nom l’indique à la lutte contre le terrorisme) est toute désignée pour intervenir sur cette situation hors norme ; son commandant est Philip Nørgaard, un militaire qui est devenu célèbre avoir été retenu en otage pendant de longs mois. Ce n’est que récemment qu’il a fini par être libéré de ses ravisseurs, et en particulier de son bourreau et geôlier, un homme menaçant mais qui se présentait à Nørgaard comme son « partenaire » dans la tentative d’extorsion de plusieurs millions à son gouvernement. Cette expérience douloureuse à bien des égards a laissé des séquelles à Nørgaard, mais lui confère aussi une exceptionnelle expertise, d’où son recrutement à la tête de la toute nouvelle TTF, qui dépend du PET (Politiets Efterretningstjeneste, l’équivalent danois des Renseignements). Nørgaard ne connaît pas encore son équipe, et cette prise d’otages souterraine représente donc une sorte de baptême du feu.

Pourtant, il n’y a pas de place pour les erreurs et les approximations : en dépit de l’heure matinale de cette prise d’otages, ce sont pas moins de 15 personnes qui sont retenues par leurs ravisseurs. Ceux-ci sont, en outre, particulièrement bien préparés : avant même que l’arrêt de la rame n’ait été repéré et remonté au centre de sécurité du métro, les 3 terroristes ont déjà eu le temps d’embarquer leurs cibles, de les priver de tout moyen de communication avec l’extérieur (ils sont même équipés de détecteurs de métaux pour que pas un téléphone portable ne leur échappe), de les emmener dans une future station du métro encore en travaux, et de leur distribuer des vivres et des couvertures. Signe s’il en est, d’ailleurs, qu’ils sont prêts à ce que le bras de fer dure un moment. En échange de ces 15 prisonniers, ils ne réclament « que » 4 millions d’euros, une somme bien en-deçà du « cours » des otages si les derniers cas en la matière sont un indice.
Le problème essentiel dans cette machine bien huilée, bien-sûr, est que par principe, le Danemark refuse de verser des rançons dans pareilles situations. Bonne chance à Nørgaard, du coup, s’il veut parvenir à tirer de là les otages, puisque les circonstances sont presque toutes contre lui…

Gidseltagningen s’offre une entrée en matière efficace, quand bien même elle est assez prévisible. Philip Nørgaard nous est ainsi présenté, d’abord par son expérience comme otage militaire à l’étranger, alors qu’il est torturé par un ravisseur visiblement rôdé, de surcroît, aux techniques de manipulation et de gaslighting ; ensuite pour son efficacité à son nouveau poste à la tête de la TTF. Même s’il a l’appui de sa hiérarchie (Hans Hejndorf, directeur général du PET, l’établit assez clairement devant ses nouveaux subalternes), on peut comprendre qu’il ait une approche mesurée pour ne pas dire timorée de la situation. Efficace, mais peut-être encore trop fraîchement meurtri pour endosser pareil rôle, Nørgaard trouvera-t-il la force de s’extirper de son traumatisme ?
Il le faudra bien : les yeux du pays tout entier, pour ne pas dire de la planète, sont braqués sur le métro de Copenhague. En décidant de suivre ce qui se déroule sur le plateau de Naja Toft, une journaliste ambitieuse, Gidseltagningen rappelle aussi les enjeux de communication inhérents à une situation de ce type. D’autant que les ravisseurs maîtrisent parfaitement les codes des media grand public, et n’hésitent pas à mettre en scène les otages devant les cameras…

Par ce premier épisode fort en adrénaline, et en même temps jamais totalement ancré dans la série d’action, Gidseltagningen veut vraiment assurer le service minimum : les otages sont très sommairement présentés, la situation est brossée sans trop rentrer dans les détails, et même Nørgaard, pourtant supposé être le héros, n’est guère approfondi, la série considérant qu’on peut tout-à-fait n’écrire un personnage que par le prisme du traumatisme qu’il a vécu.
Ce n’est que vers la toute fin du premier épisode, lorsque Alpha, Bravo et Charlie (les surnoms des preneurs d’otages) communiquent avec l’extérieur, et en particulier lorsqu’un message très précis est envoyé indirectement à Nørgaard, que les choses commencent à susciter un peu de curiosité. Comme si elle n’était pas déjà assez dramatique, la situation pourrait en effet être encore plus complexe que prévu…

Je n’ai pas vraiment de reproche à faire à Gidseltagningen, en réalité. Elle remplit son office tout en posant des questions intéressantes sur la politique du Gouvernement en matière de demande de rançon, et de gestion du terrorisme en général, et promet visiblement d’explorer le traitement journalistique de pareilles affaires. La mythologie mise en place sur la toute fin de l’épisode, si elle est quant à elle encore floue, promet en tous cas un thriller intrigant, et on ne lui en demande pas plus. C’est de la fiction grand public, mais de la fiction grand public pas idiote, et tous les thrillers similaires ne peuvent pas nécessairement se vanter de réussir cette combinaison avec autant de brio.
Gidseltagningen ne provoque pas de chavirement téléphagique, mais la série fait son job, et elle le fait donc bien. Il lui faudrait peut-être faire quelque chose d’un peu moins propret, de plus chaotique, pour vraiment émouvoir et inquiéter, mais en tant que divertissement, ça se pose là, sans être creux.

Evidemment le problème essentiel de la série Gidseltagningen, ce n’est pas tant son contenu que le monde qui la contient : son lancement a manqué de peu d’être repoussé par Kanal5 à cause des événements de Stockholm au début du mois (finalement à son démarrage dimanche, elle a réuni 120 000 spectateurs, réalisant la deuxième meilleure audience de la chaîne cette semaine-là), et elle est maintenant projetée à Séries Mania alors qu’un événement se produit à Paris…
Mais en même temps, s’il fallait attendre qu’il n’y ait plus d’attaques terroristes pour regarder de la fiction sur le terrorisme, les vertus de ladite fiction seraient obsolètes.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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