Chienne de vie

27 avril 2017 à 11:00

La routine s’est installée entre Nan et Martin ; autrefois inséparables, ils semblent aujourd’hui avoir du mal à cohabiter. La situation ne risque pas de s’améliorer étant donné leurs difficultés de communication… Est-ce la fin pour Nan et Martin ? Ou sont-ils sur le point de découvrir en chacun des ressources inespérées. Contre toute attente, l’intervention de Jason, l’ex-petit ami de Nan, pourrait bien sauver leur relation, voire marquer un nouveau commencement.
Ah, ai-je pensé à le préciser ? Nan est une humaine et Martin est son chien.

Hormis quelques tristes sires que de toute façon sont partis en cours de séance pendant la projection de Downward Dog à Séries Mania, cette nouvelle série a ému tous ceux qui l’ont vue. Il n’y avait pas beaucoup de joues sèches à la sortie de la séance, et c’est bien normal : derrière une comédie a priori classique (la vie d’un humain, ici une humaine, vue par son animal de compagnie), Downward Dog est un moment tendre d’émotion sincère qui parlera à chacun. Même aux amateurs de chats.

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La première des bonnes idées de Downward Dog, c’est de prendre le principe du mockumentary et de le transformer à son avantage : tout au long des épisodes (ils étaient 3 à être projetés lors du festival, mais je vais tâcher de me limiter à chanter les louanges du premier), Martin le chien est en effet face camera pour détailler ses impressions et expliquer ses réactions. Mais contrairement à la plupart des séries ayant recours au mockumentary, Downward Dog ne cherche pas à mettre en scène une éventuelle hypocrisie (les séquences de « confession », juxtaposées aux images décrivant l’action, s’employant d’ordinaire à montrer que le personnage se contredit plus ou moins volontairement). Martin est le personnage le plus sincère possible, il ne se ment pas… c’est simplement qu’en tant que chien, il a une vision un peu limitée des événements.
Ses révélations deviennent donc une façon de révéler sa perspective particulière, de détailler ses émotions, et finalement d’exposer sa naïveté face à un public humain qui perçoit des nuances là où le héros canin n’est pas capable de les déceler.

Ainsi Martin est convaincu que Nan, lorsqu’elle le laisse seul à la maison pour toute la journée, part faire une grande virée en voiture jusqu’au soir ; un choix qu’il tente de ne pas juger mais qu’il prend personnellement parce qu’il estime que tant qu’à l’abandonner pour plusieurs heures, elle pourrait au moins faire quelque chose de constructif de sa vie. Les spectateurs savent bien que Nan a des choses à faire dans la journée (d’ailleurs elle a un travail…), mais du point de vue de Martin, la constatation est amère, voire déchirante.
En n’hésitant jamais à se montrer comme vulnérable, ne cherchant jamais à se présenter sous un jour positif mais au contraire en explorant les choses qui lui font de la peine et/ou le font douter, Martin est ainsi quasiment en train de faire sa thérapie face à nous. La thérapie d’un chien d’un certain âge qui remet en question certains éléments de sa vie, mais n’a pas les moyens de comprendre certaines subtilités de son quotidien. Dans Downward Dog, nous suivons aussi l’existence de Nan hors de la maison qu’elle partage avec Martin, mais nous n’avons jamais droit à ses confessions, aux explications sur ses décisions, ou au décorticage de ses émotions ; pour nous, Nan est parfois aussi difficile à comprendre qu’elle peut l’être pour Martin, quand bien même nous sommes plus omniscients que lui.

Cette dynamique permet à Downward Dog de nous rappeler à nos fragilités et nos insécurités. Pour Martin qui considère tour à tour Nan comme sa compagne, son amie et sa déesse (et ce changement de rôle est tout à l’honneur de Downward Dog et promet d’éviter la répétitivité des problématiques abordées), le sentiment d’abandon, voire de rejet, est récurrent. Martin est un peu dépressif, mais qui ne le serait pas dans une vie en cercle fermé comme celle-là ? La seule personne sur laquelle il puisse compter pour obtenir de l’affection est préoccupée par d’autres choses qui échappent totalement au chien…

Downward Dog est un conte doux-amer sur l’amour, la solitude, la fidélité, et la façon dont on se construit dans une relation avec autrui. Martin peut-il s’épanouir malgré les absences parfois pesantes de Nan ? Trouvera-t-il en Jason un ami imprévu ? Et les frustrations de Nan, dans tout cela ?
D’une merveilleuse sensibilité, Downward Dog s’autorise à être vulnérable, mais jamais pathétique, à être drôle mais jamais grossière, et nous donne envie de rentrer vite fait à la maison consacrer une heure ou deux à ceux qui partagent notre vie… quel que soit le nombre de pattes sur lesquelles ils marchent.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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