Dispositions générales

31 décembre 2021 à 17:31

Je dis souvent que les séries n’ont pas de date de péremption, et que le « retard » ne devrait même pas être un concept en matière de consommation de séries… mais force est de constater que je me sens un peu coupable de ne vous délivrer une review de la première saison de Le Code qu’en fin de mois, quand elle aurait pu, quand elle aurait dû soutenir la diffusion et éventuellement encourager des gens à se mettre devant leur poste. Même si, pour ma défense, les chaînes devraient savoir que décembre est un mois chargé pour les téléphages, et qu’y faire démarrer une série est risqué, mais bon… Disons qu’on porte à égalité le poids du blâme.
Certes, vous n’êtes pas là pour assister aux prises de judo entre ma conscience et moi-même, donc parlons aujourd’hui d’une des rares séries françaises que j’ai appréciées cette année, en grande partie parce qu’il s’agissait d’un legal drama. Or, je suis, depuis des décennies, très réceptive aux legal dramas, genre qui plus que tout autre a une obligation d’intelligence, et vis-à-vis duquel j’ai tendance à être exigeante. La mission est-elle remplie pour The Code ?

Coupons court au semi-suspense : dans l’ensemble, plutôt, oui ! Malgré sa brièveté, sur laquelle je vais revenir dans un instant, Le Code (en référence au Code pénal, ce qui d’ailleurs explique l’esthétique rouge du matériel promotionnel ou bien-sûr du générique) parvient à trouver un équilibre très honnête. Il y a d’un côté une formule procédurale qui a fait ses preuves pour ce genre en particulier, héritée des legal dramas des années 90 (l’une de ses co-créatrices a fait ses débuts sur Avocats et Associés, après tout, avant de passer à Engrenages ; dans des interviews, The Practice est également citée), et de l’autre, ce qu’il faut d’efforts pour créer un fil rouge (ha ! rouge) permettant de tout de même s’aventurer dans le feuilletonnant, surtout en début et fin d’épisode.

Cette intrigue tourne autour d’Idriss Toma, un avocat qui a trouvé le succès à la Cour de Paris, jusqu’à la victoire de trop. En défendant un fabricant de peintures dont les produits sont suspectés d’avoir empoisonné plusieurs personnes, il provoque la colère du mari d’une des victimes. Celui-ci se rend dans son bureau et décharge trois balles sur l’avocat, dont une à la tête. Après une douzaine de jours dans le coma, Idriss Toma reprend conscience, passe par des semaines de rééducation physique, et finalement décide de tout plaquer pour aller s’installer à Lille dans un petit cabinet, fondé avec deux avocates et amies : Jeanne Vanhoven et Nadia Ayad. Le cabinet compte également deux collaboratrices, Clarence Caldeira et Maxime Laffargue, ainsi qu’une seule et unique secrétaire, Élodie. Wikipedia me dit que son nom de famille est Nedelec, très franchement je l’apprends, mais soit.
A plusieurs égards, Idriss Toma a changé. Toutefois, la mutation la plus importante de sa vie est que désormais il veut se consacrer à « donner une seconde chance » aux personnes qu’il défend. Il s’évertuera à le répéter à plusieurs reprises, haut et fort, quand bien même Jeanne, qui préside aux réunions du cabinet, passe son temps à insister plutôt pour prendre des dossiers prestigieux et rémunérateurs. Au cabinet, seule Élodie est au courant de son état de santé… puisqu’en effet, Idriss continue d’avoir un shrapnel dans la tête qui est inopérable, et lui cause régulièrement des migraines intenses. Entre autres. On verra au fil de cette première saison que Le Code veut à la fois nous indiquer qu’il y a un problème, et ne surtout pas s’embarquer dans une explication trop concrète de ce qui se trame, exactement, sur un plan médical. Et en même temps, j’ai envie de dire, si on veut s’assurer qu’Idriss Toma vivra pendant plusieurs saisons, c’est pas plus mal de se garder un deus ex machina dans la manche.
Cela, évidemment, pose des questions sur sa capacité à pratiquer, même à un rythme moins soutenu ; et cette épée de Damoclès pèse aussi sur sa relation avec sa fille, Chloé, dont pour la première fois en près de deux décennies il tente de se rapprocher.

Le Code, c’est donc en partie l’histoire d’une quête de rédemption. Elle est assortie d’une autre thématique, renforcée par le personnage de Jeanne qui est sortie de retraite pour fonder ce cabinet avec Idriss, mais qui semble lentement lâcher la rampe elle aussi, sur la capacité intellectuelle de ces avocates, et ce qui se produit lorsque celle-ci s’effrite. C’est un des grands thèmes récurrents de David E. Kelley (on le retrouvait dans quasiment toutes ses séries des années 90 et 2000, à un moment où à un autre, en particulier s’il pouvait être incarné par Fyvush Finkel), et vu les influences des scénaristes, je ne suis pas surprise de l’avoir retrouvé ici. On ne nous en dira rien de nouveau, et les protagonistes visées ont tendance soit à faire des cachotteries, soit à être traitées avec humour, ce qui n’aide pas à aller au fond de la question.
Cela étant, encore une fois, Le Code n’a une première saison que de 6 épisodes, et à l’impossible nulle n’est tenue. C’est d’ailleurs ce qui semble parfois gêner la série le plus, plutôt que ses choix d’intrigues ou ses orientations pour ses personnages : le manque de temps. Les séries judiciaires dont elle tire son glorieux héritage, en particulier les legal dramas étasuniens, sont des séries bâties sur des saisons autrement plus longues (généralement une vingtaine d’épisodes). Ce qui est permis par le mélange de procédural et de feuilletonnant, et se construit sur la longueur, manque ici de place pour s’épanouir. Je ne sais pas si j’aurais aimé TOUS les choix faits si la saison de Le Code avait été plus longue, évidemment ! Toutefois elle aurait gagné en nuances dans l’exploration de ses personnages et de leurs relations. Le season finale procède heureusement à quelques explications (tardives, mais bienvenues) sur la façon dont plusieurs de ces personnages ont commencé à travailler ensemble, qui font que ce n’est pas un trop grand défaut, mais on ne m’ôtera pas de l’idée que certaines choses auraient gagné à être détaillées. Parce que moi, avant le season finale, je n’avais paaaaaaas du tout compris qu’Élodie en pinçait pour Idriss, d’ailleurs je refuse que ce soit canon, je vais faire celle qui a rien entendu.

Pour autant, on s’attache à la série assez facilement. La plupart des dialogues y invitent, et surtout Le Code mise régulièrement sur une forme d’intimité (toute professionnelle, s’entend) entre ses personnages, qui fonctionne pleinement.
Je suis par exemple extrêmement fan des multiples échanges entre Capucine Caldeira et Maxime Laffargue, qui émaillent les épisodes à la fois pour commenter l’action, histoire de s’assurer que tout le monde suit bien ce qui se passe (…ce qui est loin d’être superflu pour une série qui n’a même pas 6h devant elle), et à la fois s’arrêtent sur l’impact émotionnel des affaires traitées. Le Code ne fait en outre pas l’erreur de créer une rivalité entre ces deux collaboratrices (genre The Good Wife des premières saisons). La série les pousse à se soutenir, ce qui leur permet de s’ouvrir l’une à l’autre, et donc à nous.
Les doutes ne sont pas totalement absents des affaires traitées par les autres avocates de la série, bien-sûr ; mais Le Code s’applique particulièrement avec Clothilde Caldeira et Maxime Laffargue, probablement parce qu’elles sont notre cheval de Troie émotionnel : le fait qu’elles soient en début de carrière les rend plus accessibles pour des néophytes en Droit que sont la plupart des spectatrices.

Plus largement, ce cabinet vit comme un vrai bureau. On se croise dans l’entrée, on demande des choses à l’assistante, on fait des réunions, on parle agenda, on fait des pots, on reçoit des courriers… Le Code réussit à insuffler quelque chose de réaliste (autant que faire se peut) dans la vie de ses personnages, dont d’ailleurs (hors Idriss et Chloé ; mais franchement j’aurais bien aimé qu’on m’explique pourquoi cet appartement est au-dessus du bureau) on ne connaît pas vraiment la vie domestique. Du coup, le seul moyen d’apprendre à vivre aux côtés de ces avocates, c’est de transformer leur bureau en une maison, avec son petit train-train quotidien. Je trouve que ça fonctionne très bien parce que, même si les protagonistes ne se témoignent pas nécessairement de l’amitié (ou autre) en continu, on sent une proximité entre elles. En cela, même si le cabinet est un peu plus élégant et moins couvert de piles de paperasse, je vois totalement la parenté avec The Practice.
J’ajoute que je suis tombée irrémédiablement sous le charme de Catherine Demaiffe, qui joue Élodie, et qui a non seulement une présence incroyable, mélange d’assurance et de vulnérabilité, mais aussi une capacité bluffante à incarner la super-assistante qu’on a toutes croisée au moins une fois dans notre carrière. Et c’est une ex-assistante qui le dit. Elle sert de ciment à cette équipe de façon discrète mais tangible, et j’aurais vraiment aimé savoir sur elle des choses qui ne soient pas liées à Idriss. Notez que le reste du cast ne démérite pas, c’est juste que j’ai ma préférée et qu’elle joue un rôle-pivot dans cette dynamique si appréciable.

Comme souvent pour ne pas dire toujours dans des dramas procéduraux comme celui-ci, tous les épisodes ne se valent pas nécessairement, et plairont à des publics variables. Pour ma part j’ai une solide préférence pour le 3e (Parole contre parole, qui porte sur une affaire de viol) et sur le 5e (Le moment de vérité, se penchant sur la personnalité d’un accusé).
Au début j’avais pourtant des sueurs froides devant l’intrigue de Parole contre parole : l’intrigue semblait prendre un parti étonnant (limite contraire à sa position jusque là), puis a fait volte-face sans prévenir (l’accusé dévoilant sa véritable nature sans aucune raison apparente)… Je me disais que j’avais trouvé le ventre mou de la saison. Pas du tout ! Le Code fait en fait le choix de ne pas s’intéresser autant au procès qu’aux conséquences de celui-ci (notamment sur Caroline Caldeira), et sur les dilemmes que pose l’exercice-même de la loi. Ne perdant pas son principe de vue, celui qui veut qu’Idriss tente d’être un avocat avec une âme, l’épisode conclut son intrigue sur la façon dont le héros va gérer le cas de conscience, plus que sur le résultat du procès lui-même, quand bien même les deux sont évidemment liés.
Le moment de vérité a un mérite tout différent, celui d’interroger l’attitude du système judiciaire vis-à-vis de la perception de l’accusé. Celui-ci apparaît en effet coupable, et Jeanne n’a d’ailleurs pas vraiment de problème avec cette possibilité (elle défendrait le pire des criminels tout pareil pourvu de gagner et d’être payée !). En revanche, sa réalisation que les idées reçues jouent contre lui parce qu’il est neuroatypique est intéressante, surtout dans un procès devant un public et avec un jury citoyen. Souffrez que je me répète, mais c’est exactement le genre d’intrigue, plus intéressée par son commentaire sur le système que sur l’issue d’un seul procès, qui aurait pu être déclinée de mille (ou au moins dix) façons captivantes. Quand je vois des épisodes comme Le moment de vérité, je suis un peu révoltée contre la pingrerie de France2, je l’admets.

Bon… je mets le tag « Série complète » par principe, parce que je le fais toujours lorsque je reviewe des séries qui n’ont pas encore été renouvelées. Mais vous aurez compris que je n’attends que de le retirer, et que je milite activement pour une deuxième saison, si possible plus longue. Le Code est le genre de série qui mérite de s’épanouir, pour sa connaissance des classiques (…l’avocate sans âme qui s’appelle Louise Litt !) autant que sa volonté de raconter des histoires modernes sur le monde judiciaire. Et puis, un legal drama s’affine nécessairement avec le temps.
D’autant que j’ai trouvé que cette première saison se finissait de façon peu satisfaisante, sans toutefois délivrer un véritable cliffhanger. Ce serait indigne de s’arrêter là… Renouvelez ! Ou je vais voir rouge.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

2 commentaires

  1. Céline dit :

    Mais quel est donc le prénom de la jeune collaboratrice ? XD On sent que tu t’es bien amusée, en mode Jeanne (j’avais aussi bien aimé toutes les expressions sur l’eau que tu avais glissées dans l’article sur The Silent Sea)
    Pour en revenir à Le Code, je suis aussi restée sur ma faim avec ces 6 épisodes, j’aurais aimé en voir plus.
    Contrairement à toi, je regarde très peu de séries judiciaires, donc je n’ai pas beaucoup d’éléments de comparaison, du coup j’ai beaucoup apprécié dans ta review d’avoir cet éclairage par rapport à d’autres séries du même genre, de quoi elle a pu s’inspirer, des thèmes etc.
    (Je rattrape doucement tes articles de décembre que je n’ai pas encore lus, pas dans l’ordre, et oui je sais, ya pas de « retard », mais j’ai cru comprendre que janvier allait être chargé 😉 )

    • ladyteruki dit :

      Oui, désolée, son vrai nom est évidemment Clarice Caldeira…
      (ne t’en fais pas, les articles ne vont nulle part ! mais ça me fait plaisir qu’ils t’intéressent et te plaisent)

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