Ravies de la crèche

24 janvier 2022 à 18:53

L’Enfer, c’est les autres parents.
Sur ces paroles pleines de sagesse s’ouvre Andere Eltern, une comédie allemande dans laquelle plusieurs résidentes de Nippes (un arrondissement de Cologne) décident de monter ensemble leur propre crèche autonome. C’est dire si ce n’est pas gagné d’avance.

Comme souvent ce mois-ci, Andere Eltern n’est pas une série toute récente, au sens où elle compte déjà 2 saisons, la première ayant été diffusée en 2019 par la chaîne payante WarnerTV Comedy (quand elle portait encore le nom de TNT Comedie), puis diffusée sur la télévision gratuite grâce à ZDFneo, ou encore sur diverses plateformes de streaming comme Amazon Prime Video ou Joyn. Malgré cette armée de diffuseurs, j’étais jusque récemment complètement passée à côté, jusqu’à ce que les épisodes me passent sous la souris en novembre dernier. Très franchement, j’ai bien failli complètement l’oublier, tant mon intérêt pour les séries sur la parentalité est limité.
Mais après y avoir jeté un oeil ce mois-ci, j’avoue qu’on est ici dans un registre un peu différent de l’ordinaire.

Au vu du premier épisode d’Andere Eltern (« les autres parents », donc), il semblerait qu’on soit bel et bien en présence d’une série qui écorche réellement tout le monde. La série s’inspire du procédé du mockumentary, mais le pousse légèrement plus loin, en faisant de la documentariste une protagoniste de la série.
Ainsi donc l’intrigue commence alors qu’Ini, accompagnée d’une petite équipe de tournage, rend visite à sa fille Nina et son beau-fils Jannos pour les filmer lors de la mise en place d’une crèche parentale dont elles sont les initiatrices. Nina a mis sa carrière de florissante en pause pour se consacrer à sa famille, mais a depuis repris une formation pour devenir coach de yoga, pendant que Jannos apporte l’essentiel des revenus du couple grâce à sa start-up. Mais c’est de toute évidence Nina la force motrice de la famille, elle prend la plupart des décisions, et d’ailleurs on la verra, dans ce premier épisode, visiter seule les différents locaux potentiels pour la crèche. Progressivement, Ini rencontre également d’autres parents du collectif : Anita l’institutrice et Lars l’homme d’affaires, qui sont en plein parcours de fertilité ; la pâtissière Yaa et son mari Björn, père au foyer dont la vie tourne autour de leurs enfants ; la productrice et mère célibataire Nike, ainsi que son frère Malte qui espère prochainement avoir un enfant… Tout ce petit monde habite le même arrondissement, mais pas nécessairement le même quartier, et d’ailleurs ne partage pas forcément les mêmes valeurs. C’est évidemment ça qui va être drôle.

Ini arrive dans ce petit groupe avec une perspective d’outsider. Non seulement parce qu’elle n’a plus d’enfant en bas âge, mais surtout parce que, comme une anthropologue, elle est à la fois curieuse et méfiante quant aux rites et coutumes bizarres de cette génération de parents bobos, qu’elle ne comprend pas vraiment. A plusieurs reprises, ses questions montreront qu’il y a des choses qui la dépassent complètement, et même si la série ne se moque pas ouvertement d’elle pour cela, subsiste tout de même le sentiment qu’elle est un peu d’arrière-garde.
Toutefois, il ne faut pas s’y tromper : la véritable cible d’Andere Eltern, ça reste ces parents, dont beaucoup sont des « parents hélicoptères », et qui plus généralement vivent dans des quartiers en phase terminale de gentrification.

Dans ce premier épisode, on va donc commencer à toucher à un peu tout cela, en plus des problématiques spécifiques à chaque famille.

Nina est par exemple la caricature de la maman bobo, avec une attitude à mi-chemin entre hippie New Age et bourgeoise aveugle à sa propre hypocrisie. On apprendra vers la fin de l’épisode qu’elle est évidemment anti-vax aussi (souvenez-vous : c’est une série de 2019, donc les enjeux sont nécessairement différents). Si elle veut fonder cette crèche parentale, c’est parce que la crèche dans laquelle elle avait mise son aînée n’a donné aucune priorité à son second enfant, et que ça l’a ulcérée ; elle est désormais enceinte à nouveau. Dans son sillon, Jannos tente de la soutenir, mais il s’avère qu’il a secrètement quelques opinions très différentes.
Yaa travaille toute la journée dans sa pâtisserie bio, et c’est Björn qui s’occupe de leurs enfants. Mais elle semble s’inquiéter de cette situation : toute la vie de Björn tourne autour de sa vie de père au foyer ; elle espère que mettre leurs enfants à la crèche l’obligera à couper le cordon.
Anita est une femme positive et joviale… au point qu’on se demande ce qu’elle fait avec Lars, dont le seul plaisir dans la vie consiste à prendre tout le monde de haut. Oui, même son épouse. Il est en outre un snob, un homophobe et un raciste, ce qui ne manque pas de créer quelques moments de malaise déjà. Dans cet épisode, il se plaint aussi du prix de la procédure in-vitro, et signifie à Anita que la tentative actuelle sera la dernière pour laquelle il accepte de payer ; celle-ci a de son côté bon espoir d’être enfin enceinte, mais a du mal à entendre la prudence excessive, pour ne pas dire vicieuse, de son mari. D’ailleurs, Anita et Lars suivent une thérapie de couple…
Nike n’est pas très détaillée dans cet épisode, en revanche son frère Malte l’est beaucoup plus. Comédien à la carrière très mineur (qui semble vivre aux crochets de Nike), il veut vraiment avoir un enfant mais n’a pas d’homme dans sa vie, avec qui fonder une famille. Il cherche donc désespérément une célibataire ou un couple de lesbiennes avec lesquelles devenir co-parent. On a du mal à déterminer à quel point il est sérieux quant à son projet de parentalité, mais une chose est sûre, ce n’est pas gagné d’avance, car il se prend le bec avec la première femme qu’il rencontre…
Inutile de préciser que toutes ces protagonistes n’ont aucune, mais alors aucune chance de tomber d’accord sur quoi que ce soit.

Je lis qu’apparemment Andere Eltern est en grande partie basée sur de l’improvisation. Si je l’avais su avant de lancer l’épisode, je verrais peut-être les choses différemment, mais là, dit comme ça après coup, je trouve que ça ne se sent pas vraiment. C’est sûrement grâce au procédé documentaire.
En tout cas, il se pourrait bien qu’on soit en présence, une fois n’est pas coutume, d’une série qui prétend égratigner un peu tout le monde… et qui le fait vraiment. Alors certes, la série s’est choisit des protagonistes très spécifiques (pendant la première réunion officielle de la crèche parentale, on voit par exemple un couple d’origine japonaise qui ne va pas du tout s’exprimer face camera) pour pouvoir les épingler, mais n’empêche que ça fonctionne. Et au moins ça nous change des séries qui se positionnent d’une point de vue d’une mère « anti-conformiste », présentée comme exception à la règle et seule contre tous, genre Odd Mom Out ou même (malgré toute l’affection que j’aie pour cette série) Sanhoojoriwon. Cette formule est d’autant plus intéressante que c’est assez rare, finalement, que les séries s’intéressent à la vie des parents au moment de la crèche, et abordent donc la question difficile des modes de garde, y compris mutualisés comme ici.
Il y a donc plein de bonnes idées dans Andere Eltern, et quand bien même le sujet de la parentalité n’est définitivement pas ma tasse de thé, je la recommande à quiconque s’intéresse à ce sujet.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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