Olé, Olé, Olé

11 novembre 2023 à 19:33

Beaucoup a été dit sur le rôle du football dans les affaires en Amérique du Sud, et vice-versa. Il ne faut pas chercher bien loin des exemples de séries s’attaquant à la corruption dans ce milieu, même si c’est généralement en se plaçant à hauteur des exécutifs des clubs, voire des stars du ballon rond. La série argentine Barrabrava a opté pour un angle plus original…
…mais, au regard de son premier épisode, son intrigue n’est en réalité pas follement passionnante. En fait, il s’agit moins d’une série sur le foot qu’une série sur un gang. Attendez, je vous explique.

Alors, je l’admets bien volontiers, je n’étais pas très familière du terme comme du concept de barra brava, un groupe de supporters de type « ultra » qui bien souvent conduit des activités mafieuses autour de l’activité des clubs.
Fort heureusement, le premier épisode l’explique plutôt bien, en nous présentant El Tío (« l’Oncle »), qui est depuis des années à la tête de la barra brava du Club Atlético Libertad del Puerto (soit « CALP »). En fait d’oncle, El Tío a tout du parrain. Les mécanismes de son pouvoir nous sont rendus évidents par un montage plutôt pédagogique, et une énumération en voix-off de ses occupations : contrôle des espaces entourant le stade de l’équipe, racket (pardon, « protection ») des professionnelles vivant de l’activité du club y compris des joueurs, et même, participation notamment financière aux décisions du club. S’il est acté de longue date qu’El Tío peut faire tout cela, c’est parce qu’il assure une sécurité (relative) autour du club, que ses hommes n’hésitent pas à conduire les expéditions les plus sales pour que personne au club n’ait à se salir les mains, et qu’il a, de l’avis plus ou moins général, gagné cette place dans l’écosystème à force de décisions fines et de réseautage insistant.
Ce fichu Tío règne sur un petit empire local, tout en redistribuant les richesses ainsi obtenues aux membres de sa barra brava ; pour tout le monde autour de lui, c’est devenu assez normal. Tout le monde, ça inclut ses neveux César et Polaco (qui sont donc réellement de la même famille !), qui vivent un peu dans son ombre et lui servent à l’occasion de bras droits.

L’intrigue de Barrabrava démarre alors que, toutefois, des changements se préparent. Le patron du CALP envisage le transfert d’un des meilleurs joueurs, sinon le meilleur joueur, de l’équipe ; si l’accord est conclu avec le club français qui souhaite le recruter, cela fera pas mal d’argent, à la fois pour le CALP, mais aussi pour, disons, les personnes intéressées par ce deal. Comme le maire, par exemple (eh oui, c’est aussi ça le football !). Or, pour la première fois, El Tío n’a pas été inclus dans la décision, et donc dans les retombées financières de cette décision. Piqué au vif, le vieux Tío décide donc de peser de tout son poids dans les négociations, en intimidant le patron du club qu’il soutient et en lui rappelant que le pourcentage que touche la barra brava n’est pas discutable. Ce sera 200 000 billets ou rien. Et le petit joue un match décisif qui a lieu dans quelques jours, contrairement aux demandes du club français qui veut que le transfert soit immédiat, ou qu’au moins son petit investissement reste assis sur le banc de touche.
Sauf que, ayant déjà prévu comment diviser l’argent de ce transfert, le patron du CALP commence à se dire que… ma foi, a-t-on vraiment besoin d’El Tío ? Il est devenu trop puissant. Il faut faire quelque chose. Ce sentiment pourrait même être partagé par certains membres de la barra brava eux-mêmes…

Dans Barrabrava, le jeune Polaco (dont on suit principalement la perspective) manque de la capacité de son oncle à planifier, mais El Tío n’a, lui non plus, pas vraiment senti le vent tourner. Vu les sommes en jeu (si vous me passez l’expression), pourtant, il n’est pas très surprenant que le CALP essaie de se passer de lui. El Tío tient bon, cependant. Il sait que s’il cède cette fois, son pouvoir va s’effriter. Il démarre donc ce qu’il sait faire de mieux : une opération utilisant sa barra brava pour influencer la décision du club, et accepter le transfert tout en faisant jouer le joueur au sus-mentionné match décisif…
…pendant lequel le jeune homme est terriblement blessé. Il ne jouera plus jamais. Le transfert est annulé et tout le monde vient de perdre de l’argent, juste parce qu’El Tío voulait prouver que sa volonté primait sur tout le reste. Sans parler du fait que le match a été perdu, et que sa star est détruite. Il n’en fallait pas plus pour que les choses dégénèrent.

Barrabrava s’enlise dans les tractations, les messes basses, et la violence. A dessein, dans Barrabrava, on ne parle plus vraiment de foot. Mais ce qui se dit est, pour moi qui suis profondément imperméable aux histoires mafieuses, passablement ennuyeux. Si éventuellement le trafic d’influence conduit par El Tío pouvait être intéressant, parce qu’apportant un éclairage sur la vie des petits clubs et leur fonctionnement… en revanche les luttes intestines de la barra brava m’ont rapidement lassée, et c’est ce vers quoi la série s’oriente. Les histoires de gangs qui se tapent dessus, je vais être honnête, je m’en tape assez royalement, et avoir choisi de raconter l’histoire principalement du point de vue de Polaco n’arrange rien parce qu’il a un peu de l’eau entre les oreilles (contrairement à César, par exemple, qui semble plus réfléchi en plus d’avoir quelques années supplémentaires). Même les intrigues intrafamiliales, distillées maladroitement dans cet épisode, n’ont pas beaucoup de valeur pour le moment. C’est assez banal et/ou mal présenté, et on ne nous donne pas vraiment des clés pour s’intéresser au petit frère paraplégique de la famille (qui n’a pas d’intrigue en propre pour le moment) ou à la nièce/cousine/quelque chose Ximena (c’est même pas clair à ce stade quel est son lien familial). Il faut en outre noter que, un peu par nécessité vu le contexte, et un peu par paresse, Barrabrava est une série s’intéressant principalement aux personnages masculins, et que dans cette fête à la saucisse assez peu a été fait pour apporter des points de vue extérieurs sur les activités de la barra brava très virile.

Bref, c’était vraiment pas une série vouée à me parler (pas étonnant qu’elle rompiche depuis des mois sur un coin de disque dur…), je m’en doutais en y allant, ça s’est confirmé une fois devant. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est mauvaise, et elle a d’ailleurs décroché le titre de la meilleure série dramatique aux Premios Cóndor de Plata cet automne (l’équivalent argentin des Golden Globes, pour simplifier ; où d’ailleurs toutes les séries récompensées cette année étaient des séries de streaming), mais clairement j’étais pas la cible. C’est parfait, je connais ma place ; je laisse ça avec joie aux amatrices du genre ou du sujet.

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