Stop the world and let me off

2 mars 2015 à 7:43

Dire que The Last Man on Earth détonne parmi le panorama des comédies de networks est en-deçà de la vérité. Et c’est tant mieux, car, même si on peut comprendre que les comédies soient parfois une valeur-refuge plus que des championnes de l’innovation, ça fait malgré tout un bien fou de trouver une comédie qui veut vraiment faire quelque chose de nouveau, trouver un ton, un sujet, des intrigues, inédites à la télévision actuellement. Et plus si affinités.

Phil n’était personne, et maintenant il est le seul quelqu’un. Un an après l’épidémie qui a ravagé la planète, il a commencé à sillonner tous les USA à la recherche d’un autre être humain — n’importe qui, vraiment, mais de préférence une femme. Le verdict est sombre : personne à l’horizon. Alors après avoir laissé bien des messages dans les villes qu’il a visitées, il retourne dans sa ville de Tucson en Arizona, où désormais il ne cherche plus à faire quoi que ce soit. Il s’en fout de tout.
Très logiquement, il quitte son logement pourri pour une magnifique maison d’un quartier résidentiel : qui pour l’en empêcher ? S’en suit une série de bêtises d’adolescent, entre alcool, bouffe et jeux idiots. Il peut faire tout ce qu’il veut à présent, tout, sauf rencontrer des gens.

Voilà, à partir de là, c’est spoiler.

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The Last Man on Earth réalise dans son premier épisode la prouesse de mettre en images une situation qui n’a rien de comique, vécue par un personnage aux abois. Et pourtant, The Last Man on Earth est une comédie, sans hésitation, grâce au soliloque de Phil, aux absurdités de ses actions, ou à l’extrême de ses réactions. Ce n’est pas simplement qu’il est seul : on le voit expérimenter avec le concept-même de limites dans un monde où plus personne ne va surveiller qui les franchit, et en matière d’humour, la transgression est toujours efficace. On rit aussi, à certains moments, par anticipation du moment où quelqu’un va surprendre Phil dans un de ses moments les moins glorieux, et chaque fois la série déjoue ce piège avec malice, tout en renforçant l’idée que désormais tout est possible et qu’il n’existe plus de jugement par un tiers. Ça se passe entre nous et Phil, et comme regarder la série implique que nous soyons bienveillants à son égard, cela équivaut à dire qu’il n’y a plus de jugement du tout, et c’est une autre limitation qui disparaît.
L’air de rien on s’imprègne de cette mélancolie ambiante, du ton doux-amer de l’exposition, tout en s’esclaffant ponctuellement.

C’était personnellement le défi que je voulais voir la série relever. Depuis la lecture de son pitch, j’ai su que je voudrais voir The Last Man on Earth, et ça ne fait pas un pli, les 16 premières minutes de la série ont répondu à chacune de mes attentes, jusque dans les montages musicaux, jusque dans les prières désabusées à Dieu, jusque dans les séquences où l’imaginaire a pris le dessus.

C’est après que je suis plus dubitative. J’aurais aimé voir The Last Man on Earth admettre que cela allait être son pain quotidien (enfin, hebdomadaire, mais vous me comprenez) pendant un moment, pour voir comment la série allait expérimenter pendant plusieurs épisodes consécutifs autour de l’obstacle : mettre en scène une personne, seule à l’écran, seule au monde. Avec peut-être un épisode à flashbacks, éventuellement. Histoire de la voir relever le défi, sur un plan narratif, sur un plan humoristique… et sur un plan émotionnel aussi.
Mais The Last Man on Earth emprunte une autre route, dés la fin du pilote, en introduisant The Last Woman on Earth, alias Carol ; ce qui semble un peu cliché (à choisir j’aurais préféré qu’il s’agisse d’un autre homme, pour aller au bout de l’absurde). A partir de là, la série est bien consciente que les enjeux vont imposer la présence de l’un à l’autre, et on perd pas mal de l’originalité du concept de départ. En fait, ça vire un peu à la romcom, d’ailleurs les rôles incarnés par chacun sont similaires aux clichés de celle-ci (l’homme est branleur, au propre comme au figuré, il est immature, crasseux et vite excédé ; la femme est pieuse, zélée, exigeante et passe vite pour une chieuse).

En jetant un oeil au deuxième épisode (ouiii, booon, j’admets, je l’ai regardé en entier parce que j’étais encore sous le charme du premier épisode ; cette review de pilote est donc un peu biaisée), j’ai découvert que même comme ça, The Last Man on Earth arrivait à trouver des intrigues et des rebondissements relativement originaux ou, disons, surprenants. Quand bien même la dynamique entre Phil et Carol semble déjà vue, dans ce contexte particulier et avec les intrigues qui découlent de ce cadre, on n’est jamais totalement certain de ce qui va se produire, et ça reste nécessaire non seulement pour qu’une comédie soit drôle, mais pour qu’une série donne envie d’être regardée.
Ce qui fait que, en fin de compte, je conserve mon enthousiasme initial pour The Last Man on Earth, parce que je la crois capable de me proposer un mélange inédit chaque semaine, parce que je trouve que dans le fond elle a une tristesse que j’aime voir dans une comédie, et parce que Will Forte se surpasse. Une partie de moi va également continuer à regarder la série pour voir quand et comment Carol va mourir (…n’est-ce pas ?), mais passons.

En tous cas, l’univers de The Last Man on Earth m’a séduite, ça ne fait aucun doute. J’ai fini le second épisode de la soirée avec le sourire aux lèvres, avec cet air, vous savez, de la téléphage qui s’est trouvé une nouvelle série à attendre de pied ferme toute la semaine. Et à bien y réfléchir, je n’ai pas ressenti ça pour une comédie américaine depuis un sacré bout de temps…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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