Séquence unique

20 avril 2016 à 21:00

Vous savez ce qui est précieux ? Quand une série est unique. Par les temps qui courent, c’est une qualité rare ; la Finlandaise Ihon Alla la possède tout justement. Puisque vous n’êtes pas en mesure d’accéder à la série, à moins d’avoir une accréditation à Séries Mania, permettez que je m’épanche sur ce qui est probablement l’un de mes coups de cœur de ce festival.

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Sofia Sivenius est une jeune infirmière dont le père n’est nul autre que le Dr Hannu Sivenius, un médecin dont la renommée, ces derniers temps, est essentiellement due à une affaire hautement médiatisée. Il est en effet devant la Justice finlandaise pour une manipulation génétique opérée sur un embryon, qui lui a permis de choisir certains gènes de la petite Mimosa, un bébé aujourd’hui âgé de 4 mois. Or, la loi finlandaise interdit de sélectionner et modifier des gènes humains (et la société civile y est profondément opposée). Le Dr Sivenius ainsi que les deux parents risquent jusqu’à un an de prison ferme.
Sofia, on l’aura imaginé, est un peu alarmée par cette affaire. Mais c’est pour une toute autre raison qu’elle se présente un soir dans l’hôpital de recherche médicale où son père travaille. Elle était en effet sortie boire un verre avec des amis, avait repéré un jeune homme charmant, Henri, et ils étaient en train de discuter dans la rue… quand un accident à provoqué une grave blessure à la jambe pour Henri. Celui-ci a d’ailleurs poussé Sofia de justesse, lui sauvant la vie. Choquée, Sofia se retrouve dans l’ambulance, qui décide d’amener Henri auprès du Dr Sivenius, pourtant loin d’être urgentiste. Sofia est écartée et Henri est opéré… mais curieusement, c’est sa rate qui est retirée en priorité. Tout cela, vous en conviendrez, est particulièrement surprenant.

C’est à partir de là que Sofia commence à se poser des questions. Elle va se demander pourquoi Henri a été amené au Dr Sivenius, et non à un hôpital normal. Elle va se demander pourquoi sa fiche de soin, qu’elle a eu le temps de voir, mentionne qu’il est atteint d’histiocytose, une maladie rare. Elle va se demander à quoi correspond la cicatrice toute fraiche sur le torse du jeune homme.
Ces questions, elle va aussi les poser à son père, ainsi qu’à l’avocate du centre de recherches Elisabeth Alvquist (qui semble étrangement obsédée par l’idée de récupérer tout document médical lié à Henri auprès des ambulanciers, d’ailleurs). Pour finir, elle tentera d’en poser même à Henri, qui la supplie pourtant de laisser tomber.
Mais laisser tomber quoi ? S’il n’y a rien de suspect, pourquoi devrait-elle cesser de poser des questions sur les éléments juste un peu discordants dans le déroulé de la soirée ?

L’enjeu pour Sofia va bien au-delà de son affection naissante pour Henri : la jeune femme n’est pas simplement la fille du Dr Sivenius, elle est aussi sa patiente. Malade depuis l’enfance, elle doit en effet se soumettre régulièrement à un traitement au centre de recherche médicale de son père. Sans confiance, ces deux pans de leur relation s’écroulent. Et en plein tumulte du procès, Sofia commence à se demander si par hasard son père n’est pas coupable de quelque chose. Elle ne sait pas quoi. Mais quelque chose !

Ihon Alla est passionnante, mais c’est la révélation de la fin du premier épisode (que je vous épargne, mais j’ai glissé une moitié d’indice dans les articles recommandés au bas de cette review) qui a vraiment tout changé pour moi. Voir Sofia se débattre avec ses questions naissantes est intéressant, mais voir qu’une réponse y est apportée à la fin de la première heure de la série me donne vraiment envie de savoir ce que les épisodes suivants feront à partir de ces éléments. Le Dr Sivenius est, clairement, en train de jouer avec les lois de la nature : qu’en fera Ihon Alla ? Personne n’est vraiment en danger dans l’état actuel des choses, en plus (tous les acteurs du grand secret que Sofia apprend en fin de premier épisode semblent consentants), ce qui signifie que le suspense a de grandes chances de se dérouler à un autre niveau, plus intellectuel que les simples questions de vie et de mort. C’est en fait uniquement Sofia qui, pour le moment, a le pouvoir de mettre son existence en péril, si elle décidait que ce qu’elle a appris des agissements de son père devait interrompre son traitement de la myelofibrose.
Devant ces évidences, il est clair qu’Ihon Alla est bien plus préoccupée par les questions éthiques, que par la potentialité d’une intrigue de thriller. La série, dénuée de tout élément policier (et le procès occupant, au moins pour le moment, une place très secondaire), semble vraiment poser des questions complexes plutôt que de vouloir nous provoquer des pics d’adrénaline. J’ajoute que l’interprétation d’Elena Leeve, qui campe Sofia, apporte beaucoup d’humanité à la série, l’empêchant d’être abstraite ; plusieurs scènes nous rappellent que Sofia est avant tout une personne complexe, jamais seulement une fille, ou seulement une infirmière, ou seulement une jeune femme célibataire.

Pour être tout-à-fait franche, et sans citer de nom, il y a une ou deux séries en projection cette année à Séries Mania qui auraient dû céder leur place à Ihon Alla. Celle-ci s’avère être une démonstration prodigieuse que la télévision nordique ne se limite pas aux meurtres et disparitions, et, surtout, qu’il y a des sujets dont la fiction télévisée commence à peine à aborder.
A l’heure où j’écris ces lignes, et je vous assure que je me suis creusée, je n’ai pas la moindre idée de ce que Ihon Alla va faire par la suite. C’était quand, la dernière fois qu’une série vous a laissé cette impression ?

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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