Iron man

19 décembre 2021 à 21:23

On ne va pas se mentir, je ressens un plaisir intense à l’idée de me lancer dans le premier épisode d’une série juste parce que, sur le papier, elle a l’air originale. Même quand je devine sans difficulté que je ne vais pas spécialement l’aimer.
Aujourd’hui on cause steampunk japonais, et laissez-moi vous dire que ces deux mots s’accordent rarement ensemble. Pour être sincère, « steampunk » est un mot qui s’accorde avec très peu de choses à la télévision ; ce genre, sans doute parce qu’il est réputé onéreux à produire, mais aussi parce qu’il s’agit d’une niche méconnue de la science-fiction (c’est un peu le serpent qui se mord la queue, vous en conviendrez) n’a fait l’objet que d’une poignée de séries à travers le monde. Alors vous imaginez bien qu’en Asie, où la science-fiction a une place assez limitée (généralement résumée à des séries high concept et occasionnellement un peu d’anticipation ; Goyoui Bada sur Netflix, la semaine prochaine, sera d’ailleurs une intrigante exception), c’est encore pire.

Avant que vous ne vous excitiez, laissez-moi quand même vous préciser que O-Edo Steam Punk est une série de la chaîne indépendante TOKYO MX (pas très riche, et orientée vers l’animation et la culture geek), et que son poster promotionnel ressemble à ça :

En fait le concept de steampunk est tellement étranger aux spectatrices nippones, que la série se sent obligée d’expliquer le concept-même d’uchronie rétrofuturiste en ouverture de son premier épisode ! Officiellement, la série se déroule donc sur une planète lointaine il y a plusieurs centaines d’années, dans une ville japonaise exactement comme Edo. Donc c’est pas vraiment Edo, hein, vous avez compris ? N’allez pas penser que cette série qui ressemble à une série historique est une série historique. On ne saurait insister assez là-dessus, ne croyez pas trop ce qu’on va vous dire !
Ce point épineux ayant été clarifié, O-Edo Steam Punk démarre alors que deux jeunes hommes se sont engagés dans une compétition pour voir lequel des deux est le plus résistant à la vapeur. Voilà qui ressemble un peu à un concours pour voir qui est le plus masochiste, mais la foule rassemblée devant l’événement observe avec intérêt qui va gagner, après que tous les autres candidats aient déclaré forfait. L’un de ces jeunes hommes est Yuuta, qui se retrouve ici en compétition avec avec celui qui était auparavant son meilleur ami, Yasuke. De l’avis général (y compris Yasuke), le pauvre Yuuta est un homme faible et incapable. Toute la ville le prend pour un nul. Il est apprenti chez le forgeron, où on se contente de le laisser observer car il n’est bon à rien. Mais c’est ce qui lui a permis d’améliorer sa résistance à la vapeur, et aujourd’hui, coûte que coûte, il tente de tenir bon et prouver qu’il a l’étoffe d’un héros… et finalement, c’est bien ce qui se produit, et si l’essentiel de la population rassemblée devant le concours s’inquiète de Yasuke, la résistance physique de Yuuta n’a pas échappé à un observateur.

Peu de temps après, alors qu’il n’a pas encore tout-à-fait récupéré de l’épreuve, Yuuta assiste, impuissant, à l’enlèvement de la belle Oteru. Celle-ci s’avère être la nièce de l’homme qui observait la victoire de Yuuta d’un air satisfait, et qui se révèle n’être nul autre que… Hiraga Gennai ! Ou, euh, ma foi, j’imagine qu’il est un Hiraga Gennai alternatif ? La série ne s’épanche pas sur la raison pour laquelle un monde parallèle ressemblant à Edo mais n’étant pas Edo inclurait des personnalités historiques avérées…
En dépit de son apparence loufoque, Gennai est un scientifique de génie, et il va vite dévoiler à Yuuta son projet secret : il développe une armure fonctionnant à la vapeur ! Elle décuple les forces de quiconque la porte, et peut donc faire de n’importe qui un héros… à condition, bien-sûr, de tolérer la chaleur provoquée par la vapeur. Vous voyez vers quoi on se dirige.

Car oui, O-Edo Steam Punk n’est pas une uchronie au sens où, mettons, Ooku ~Tanjou ou Onna Nobunaga pouvaient l’être. On ne s’y destine pas à revisiter l’Histoire, mais plutôt à faire joujou avec. C’est avant tout une série tokusatsu (genre dont je vous avais dressé l’historique ici) avec un twist historique.

La suite de l’épisode va confirmer ce diagnostic. Lorsque les criminelles qui ont kidnappé Oteru reparaissent, elles se servent de la jeune femme comme d’une monnaie d’échange pour exiger de Gennai qu’il leur fournisse son « trésor », et Yuuta, désormais affublé d’une énorme armure de métal et de vapeur, va les affronter pour protéger à la fois la nièce et l’inventeur. La séquence d’action (un mot que j’emploie avec un certain laxisme ici) qui s’en suit démontre assez clairement que dans les faits, O-Edo Steam Punk est plutôt l’enfant bâtard des franchises Kamen Rider et… Yuusha Yoshihiko !
Naturellement, même s’il découvre l’étendue de ses pouvoirs au fur et à mesure des attaques successives, Yuuta réussit à secourir Oteru et déjouer les plans des méchantes de la série, au moins pour le moment. Il découvre cependant que la combinaison qu’il porte ne peut fonctionner que pendant 3 minutes, ce qui laisse augurer de petits inconvénients à l’avenir. Mais pour l’instant, il peut se consoler en se disant qu’il est bien devenu un héros. Ou, comme Gennai aime à le dire, un « Steam Punk ».

A ce stade de ma review, vous l’aurez compris, j’ai trouvé ce premier épisode divertissant, mais pas indispensable. Les comparaisons que je dresse (en particulier avec Yuusha Yoshihiko) devraient aussi vous donner une indication claire de la raison pour laquelle c’est un diffuseur réputé comme fauché qui a proposé la série (quand bien même celle-ci a trouvé ensuite une seconde vie sur la plateforme TSUTAYA TV). O-Edo Steam Punk ne s’embarrasse pas trop de la construction d’un univers cohérent, comme le prouvera l’apparition d’un autre personnage historique dans l’épisode… alors que Hiraga Gennai et Shirou Amakusa n’étaient pas contemporains l’un de l’autre.
Mais étrangement, je ressens une certaine tendresse envers la série. Elle essaie avec peu de moyens (narratifs autant que budgétaires) de faire quelque chose d’un peu original, sans se prendre trop au sérieux.
Il faut aussi et surtout préciser qu’O-Edo Steam Punk a une dernière particularité : elle est un projet monté par une troupe de théâtre appelée Europe Kikaku (« le projet Europe »), basée dans plusieurs villes du pays et habituée à jouer des comédies dites « de genre », écrites ou co-écrites en interne par son président, Makoto Ueda. Sa prédilection pour le fantastique ou la science-fiction se retrouve bien ici !
Et moi, ça me fait chaud au cœur qu’une compagnie de théâtre, même si elle existe depuis plus de deux décennies et n’en est pas à sa première incursion dans le secteur audiovisuel (Yoshifumi Sakai, qui est crédité comme scénariste et créateur d’O-Edo Steam Punk, a plusieurs crédits à son actif, dont Honou no Tenkousei REBORN sur Netflix) arrive à monter un projet un peu lunaire comme celui-ci. C’est ce qui s’approche le plus d’un projet alternatif, dans le domaine d’un média de masse comme la télévision, et que quelque chose comme O-Edo Steam Punk parvienne à exister (même si c’est dans une relative obscurité ; je n’ai découvert son existence que récemment alors qu’elle date du début 2020), ça me donne quand même envie d’en parler.


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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Tiadeets dit :

    Je trouve ça très cool aussi qu’une troupe de théâtre se lance dans ce genre de projets. Ça donne de l’originalité et ça change. C’est toujours sympa d’entendre parler de ce genre de projets aussi, ne serait-ce que pour savoir qu’elles existent.

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