Médecine familiale

7 mars 2014 à 20:18

Vous souvient-il l’époque où il suffisait à une série médicale d’être… médicale ? St. Elsewhere, Urgences, Chicago Hope… se contentaient amplement d’un thème généraliste. Mais c’était un autre âge, c’est sûr ; les spectateurs attendaient sans doute un peu moins qu’on les bluffe d’entrée de jeu, et acceptaient plus facilement des promesses vagues. Désormais il faut absolument un pitch qui claque, coco, un truc qui accroche, qui fait revenir, qui flirte avec le soap si possible parce que sinon le grand public ne suit plus. Apparemment.

Du coup ça donne une série comme Remedy. Une série qui a le potentiel pour raconter plein de choses, mais que le ton trahit.

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Remedy offre, dés le pilote, des thèmes intéressants, notamment celui de la hiérarchie hospitalière, esquissé dans bien des séries mais jamais utilisée comme pilier fondateur (sauf si l’on compte Brain, mais ce n’est pas tout-à-fait ce que faisait Brain non plus…).
L’une des intrigues centrales de ce premier épisode va intelligemment parler du « rang » inférieur des petites mains, non seulement les infirmières, souvent défendues corps et âmes dans de nombreuses séries médicales les réhabilitant, mais aussi les auxiliaires divers, souvent encore plus anonymes. Les blouses brunes de Remedy s’en prennent plein la tête, tout le temps, de la part d’un personnel plus « instruit » qui se croit supérieur ; l’épisode rend bien une certaine forme de mépris qui vire au harcèlement de la part des très prisées blouses blanches. ÇA, c’est intéressant, car bien qu’un certain angélisme entoure les fameuses blouses brunes (forcément très travailleuses, honnêtes, compétentes, etc.), cette discussion n’a que très peu eu lieu dans les séries médicales.

Or l’hôpital est, avec l’armée et la police, l’un des derniers contextes professionnels dans lesquels une série peut questionner les rapports hiérarchiques de façon claire. En fait, même les séries policières de ces 15 dernières années ont, pour la plupart, éludé la question, en s’intéressant quasi-exclusivement à des enquêteurs libérés du port de l’uniforme et donc de la rigide échelle d’autorité de la police. Quant aux séries sur l’armée, si vous me passez l’expression, elles ne sont pas légion ; et quant elles existent, elles ont tendance à insister sur l’esprit de corps et la camaraderie plus qu’autre chose (et quelque part, c’est bien souvent leur « rôle »). Qui reste-t-il pour parler d’une structure professionnelle dans laquelle la subordination reste fondatrice ? Les séries médicales.
Et là encore, la plupart n’ont pas abordé frontalement la problématique de la hiérarchie, la reléguant à des épisodes isolés, ou, au mieux, à la question de l’avancement dans la carrière : un médecin débutant s’opposant à un aîné et/ou apprenant grâce à lui. La progression du médecin illustrait alors la progression de l’humain. C’est précisément ce que faisait Scrubs, et là encore, c’est parfaitement valide.
Mais il y avait un sujet à saisir, une niche dans laquelle se loger.

Remedy refuse de s’y engager totalement, par crainte que ce soit trop obscur pour le grand public, et par effet de mode aussi. Il lui faut absolument un fil rouge soapesque ; de la même façon que Grey’s Anatomy et Saving Hope, Remedy prend pour décor un hôpital… et se refuse à nous parler exclusivement d’hôpital. C’est une famille de soignants qui occupe le devant de la scène (avec ses pièces rapportées et ce qu’on devine être ses love interests potentiels), avec ses chamailleries et ses problèmes internes, faussant non seulement entièrement les rapports hiérarchiques entre eux, mais de façon plus large, tout l’intérêt d’une série sur l’organisation par « castes » d’un hôpital. A la limite, si les rapports familiaux s’étaient contentés de mettre à bas les différences de rang, Remedy aurait pu conserver un certain cap, mais là, il s’agit surtout de reléguer l’hôpital au second plan, voire même de le transformer en excuse pour que tout le monde se côtoie et se querelle régulièrement.

Je n’ai eu aucun intérêt pour les rapports familiaux entre les protagonistes (y compris voire surtout celui de la fratrie qui reparaît dans ce premier épisode). Cela ne m’intéresse pas, parce que ça a été fait cent fois, et mieux, par des séries réellement familiales ; les noms ne manquent pas et dans la catégorie « bisbille familiale sans grande conséquence », Brothers & Sisters s’impose comme le parent le plus proche de Remedy. Or, Brothers & Sisters sans le vin et dans un hôpital, ça ne me motive pas des masses.
C’est ma faute, j’avais oublié qu’on ne peut plus faire une série médicale sans absolument lui accoler des histoires sentimentales ; dommage pour moi, si Remedy ne s’était pas perdue dans des prises de bec stériles, je l’aurais absolument adorée.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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