Paris en bouteille

15 janvier 2015 à 20:30

Capturer l’essence d’un univers cosmopolite et divers, sans recours à l’enquête policière, sans faire intervenir un ange claquant des doigts… peu de séries françaises s’y essayent. On a forcément envie de saluer une initiative telle que Paris, son côté chronique, son ensemble show, sa structure.

L’idée ? En 24 heures, les destins de plusieurs parisiens, riches, pauvres, jeunes, moins jeunes, se croisent et s’influencent les uns les autres. Si le concept (comme 90% des concepts !) n’est pas révolutionnaire, en tous cas pour une série nationale, c’est loin d’être la règle, faisant immédiatement de Paris une curiosité gourmande. Et on aimerait pourvoir dire que les promesses sont tenues…

Paris-650
On le voudrait mais on ne le peut pas toujours. Car derrière une bonne idée se cache une exécution qui ne se montre pas à la hauteur de la tâche, certes titanesque. Et ce n’est pas juste dommage : c’est une véritable tragédie que Paris n’atteigne pas son potentiel dans ce premier épisode.

Le premier soucis, et il est de taille, vient du jeu des acteurs lui-même. Je reconnais sans problème avoir de nombreux soucis avec la diction, souvent hachée et peu naturelle, de la plupart des acteurs français de télévision (je ne vais pas assez au cinéma pour pouvoir généraliser hors du petit écran). Le gros inconvénient que cela représente, est qu’en tant que spectateur, on sort systématiquement la tête du guidon dés qu’un acteur s’applique à énoncer ses mots en entier, à éviter toute respiration, toute interjection qui puisse venir apporter ce qui est vraisemblablement perçu comme infidèle au scénario écrit, mais qui insuffle en fait de la vie. Les acteurs disent les dialogues mais ne les vivent pas, et surtout, leur voix, clairement, n’y est pas.
C’est quelque chose que j’interroge à chaque fois que je regarde une série en Français, et avec mes expérimentations québécoises mais aussi, ponctuellement, belges et parfois suisses, je commence à avoir le réflexe de tendre l’oreille. Et il n’y a qu’en France que je trouve systématiquement des problèmes de ce côté-là : le manque de naturel. La rigidité des dictions. Le côté studieux des textes appris par cœur sans les investir. Tous les acteurs de Paris n’en sont pas coupables, mais la plupart le sont, et on ne peut pas simplement parler de mouton noir, mais bien de plaie.
Ma théorie personnelle est que la plupart des comédiens de télé français sont en fait formés sur les planches, qui impliquent des habitudes de présence vocale toutes autres ; mais même ça, ça n’explique pas tout, car la France n’est pas le seul pays à posséder une culture théâtrale. Et du coup, ça reste une grande question pour moi : qu’est-ce qui incite l’immmmense majorité des acteurs français à sonner creux dans nos séries ? Il faudrait sûrement parler de la direction d’acteurs dans son ensemble, et dans Paris on sent qu’elle est parfois maladroite, mais ce ne sont que des pièces d’un problématique puzzle plus large. La question reste entière. En tous cas elle reste un obstacle régulier dans notre fiction nationale et on en a ici, une nouvelle fois, la triste démonstration.
C’est d’autant plus handicapant que Paris est un drama, donc une fiction reposant avant tout sur ses personnages plutôt que sur des détours de scénario. Les personnalités y sont primordiales, or il est parfois un peu difficile de dépasser le fait qu’il s’agit de personnages et non de personnes. De personnages qui récitent leur texte, en fait, dans certaines scènes.

Texte qui lui-même est parfois un peu simpliste. Chose bien triste à observer quand on voit que le premier épisode de Paris est truffé de bonnes idées, et de personnages plutôt bien pensés en général. Mais pour lier tout cela, à plusieurs reprises, le scénario a tendance à tourner au cliché.
Pour quiconque a vu quelques pilotes dans sa carrière de téléphage (et je peux affirmer en avoir chroniqué plus de 700 dans ces colonnes à ce jour, toutes époques et nationalités confondues), les travers de Paris apparaissent clairement : on sent que la scénariste Virginie Brac sait ce qu’elle veut accomplir, ce qu’elle veut dire, et sûrement là où elle veut emmener ses personnages. Il n’y a pas le moindre doute là-dessus dans mon esprit ! Mais elle n’a pas toujours une idée de comment établir le point de départ de ces situations et de ces protagonistes.
Alors son exposition semble raide, parfois même simpliste, et cela fait beaucoup de tort à son entreprise. Avec Paris on se promet des choses, et je pense qu’au-delà de ce premier épisode, on peut progressivement les voir se réaliser. Mais le point de départ est gauche. Les personnages se retrouvent tous dans une situation de départ qui leur donne l’opportunité d’articuler explicitement leur situation, leur émotion du moment, leur dynamique avec tel autre, et si possible leur problématique. Le spectateur pourrait très bien lire une partie de ces choses dans du langage non-verbal et soulager ainsi les dialogues, mais on ne lui en donne pas l’opportunité. Tout est dans l’explicite. On a peur de perdre le spectateur ; sans réaliser que le risque est peut-être de le surcharger d’informations factuelles qui ne laissent aucune place à l’implication émotionnelle.
Le premier épisode de Paris ne fait aucune confiance à la réalisation ou aux acteurs pour raconter l’histoire aux côtés du scénario. Et quand on voit la direction d’acteur, comme je le disais plus haut, oui, on comprend qu’il y ait méfiance. Mais on est aussi en droit de se demander si ce n’est pas le serpent qui se mord la queue.

Paris se contente pour le premier épisode, qui commence dans quelques minutes sur arte, d’être très réel. Il n’inspire pas, en revanche, une impression de réalisme. Je ne vous cache pas ma déception. J’aimerais accompagner ces protagonistes pendant ces  24 heures ; je vais m’efforcer de le faire, mais avec moins d’enthousiasme que prévu. Rendez-vous pour le bilan…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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