Stolen hearts

10 février 2017 à 18:15

Dans un monde télévisuel où tant d’intrigues (principales ou secondaires) consistent à trouver l’âme sœur, je ne suis pas fâchée de voir émerger Imposters, une série où l’histoire d’amour n’a aucune chance de conduire au happy ending. Et pourtant, si j’ai l’air contente, là, tout de suite, de mon visionnage du premier épisode, j’y allais à l’origine plutôt à reculons, échaudée que j’avais été par The Catch et son sujet similaire mais terriblement soporifique.
Alors mettons quelque chose tout de suite au point : oui, Imposters partage avec The Catch un certain nombre d’éléments, dont celui plutôt central de la trahison accompagnée de fraude. Mais ça s’arrête bien là.

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Tout avait pourtant si bien commencé pour Ezra et Ava, un charmant jeune couple marié depuis moins d’un mois, et encore, très littéralement, dans la phase de lune de miel. Mais un soir qu’il compte acheter un énième cadeau, Ezra découvre que sa carte bancaire est refusée. En fait, toutes ses cartes le sont. Il n’a plus un sou. Il n’a plus d’épouse non plus, Ava s’étant évaporée dans la nature en l’espace de quelques heures. Elle ne laisse derrière elle qu’une video courte, un message d’adieu sans aucun remord mais sans cruauté, dans lequel elle lui annonce qu’elle est partie, qu’il ne la reverra jamais, non plus que sa fortune, et que d’ailleurs, il est dans son intérêt de ne pas chercher à entreprendre quelque mesure officielle à son encontre, car elle peut ruiner sa vie et celle de ses parents…

Nous allons apprendre que la jeune femme qu’Ezra connaît sous le nom d’Ava, une jeune femme d’origine belge qu’il a croisée un peu moins de deux ans plus tôt, est en réalité une arnaqueuse dont ce n’est pas du tout le coup d’essai. Elle fait équipe avec deux autres personnes, et travaille sous les ordres d’un mystérieux docteur (docteur qui ? on ne sait pas) qui lui assigne des cibles. Son modus operandi est toujours le même : endosser une nouvelle identité, charmer sa pauvre victime en comblant tous ses désirs, et puis s’enfuir un jour en ayant totalement vidé son compte en banque.
Le premier épisode d’Imposters nous l’explique sans qu’Ezra ne soit pleinement en possession de ces éléments, et cela donne parfois l’impression qu’outre le choc, il est un parfait idiot de ne pas comprendre ce qui vient de lui arriver une fois Ava partie. Le pilote a un peu de mal sur ce point-là, parce qu’en optant pour un point de vue omniscient, il a délivré beaucoup plus d’éléments au spectateur qu’à l’un de ses héros. Mais ce choix s’équilibre par la suite grâce à l’arrivée d’un autre personnage, Richard, qui a également été victime de la belle arnaqueuse par le passé. Ensemble, Ezra et Richard se lancent donc à sa poursuite…

Bien qu’en prenant la décision contestable de ne pas laisser Ezra comprendre l’arnaque qui vient de se dérouler sous ses yeux avant un point très tardif du pilote, Imposters s’avère incroyablement rafraîchissante. Pourquoi ? Parce que contrairement à The Catch, elle refuse de se prendre totalement au sérieux. Il y a des moments légèrement absurdes, le jeu de Rob Heaps qui incarne Ezra, et de multiples autres petites touches, qui permettent à Imposters de se classer plutôt comme une dramédie et donc d’éviter de tout nous faire prendre au tragique. En outre, et c’est peut-être le plus important, Imposters met très peu l’accent sur l’aspect de chasse à la femme (ce qui est bienvenu étant donné que nous avons la coupable sous les yeux régulièrement pendant ce premier épisode), et en évitant de virer au jeu du chat et de la souris, nous enjoint rapidement à nous pencher sur l’aspect dramatique des choses. La « deuil » d’Ezra suite à son abandon par son épouse (qui laisse ponctuellement place à de la paranoïa), les tentatives de son assistante pour se rapprocher de lui (plus ou moins consciemment), et ses relations à sa famille (il travaille avec ses deux parents et son frère dans la compagnie familiale), sont détaillées afin de préciser ce que représente une telle arnaque pour la victime, et pour épaissir le personnage. L’arrivée de Richard en cours d’épisode, qui a lui aussi une backstory quand bien même on y passe moins de temps, continue de rappeler que derrière le crime financier, il y a un préjudice moral, et il se ressent véritablement. La désorganisation des deux hommes, remontés mais pas équipés pour réagir, est quant à elle formidable parce qu’elle a un côté curieusement réaliste, en dépit du fait que le tandem Ezra/Richard a tous les attributs de la buddy comedy chamailleuse.
Le résultat c’est que bien que ne s’autorisant jamais d’émotion trop profonde, Imposters parvient à éviter une impression de superficialité creuse telle que pouvait dégager The Catch.

Au-delà de ça, j’admire que progressivement le portrait de Maddie (le vrai nom de notre arnaqueuse en série) s’épaississe. Elle n’est pas rongée par le remords, mais elle est animée par des choses qui ne se limitent pas à l’intrigue en cours. Ses velléités d’indépendance vis-à-vis du Docteur (ou de la Docteure, qui sait ?) sont pleines de promesses, par exemple, et on va dés la fin du pilote deviner qu’un plan se dessine dans sa tête pour ne plus être limitée dans ses victimes et/ou pour mener une vie plus rangée, lorsqu’elle rencontre par hasard (…suppose-t-on) un riche entrepreneur dans un café.
Imposters n’établit pas toujours de façon très claire ce qui est calculé et ce qui est naturel, chez Maddie, mais nous montre néanmoins un certain nombre de choses qui nous la rendent humaine. A charge pour la série de continuer à nous dire qui elle est, derrière le personnage de « femme parfaite » qu’elle joue pour ses cibles.

D’ailleurs si la série se débrouille bien, elle peut en sortir une critique très intéressante du personnage qu’on joue parfois pour plaire à l’autre, à dessein ou non… Il y a du potentiel pour raconter quelque chose d’original sur la rencontre amoureuse, les attentes dans ce domaine, les mécanismes qui font que parfois on s’entiche en dépit du bon sens ; si Imposters joue bien son jeu, elle peut discuter de ces choses-là sans avoir à faire de concession de ton, et virer à la dramédie de mœurs futée.
Au pire, si ce n’est pas le cas, on se sera retrouvés devant un divertissement charmant et rythmé, et on ne peut pas dire non plus qu’il y ait de quoi se plaindre de ce côté-là. Ezra et Richard rencontreront-ils d’autres victimes de la jeune femme ? Le trailer de fin d’épisode suggère que oui. Mais combien y en a-t-il eu en tout ? Combien d’autres encore ? Qu’est-ce qui arrêtera cette arnaqueuse et son équipe : ses ex, ou son propre désir de changement ? Eh bien moi, j’ai envie de le découvrir… même si je regrette de ne pas avoir la possibilité de me faire un binge watch pour la Saint Valentin.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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