All checked out

7 octobre 2023 à 16:14

Une fois de temps en temps, j’aimerais débarquer le sourire aux lèvres et m’exclamer avec enthousiasme que j’ai trouvé une romcom qui me plait. Juste pour voir comment ça fait. J’envie un peu celles qui y parviennent, de temps en temps.
Alors je ne sais pas. Peut-être que je choisis mal mes tentatives, ou que c’est sans espoir. Dans tous les cas me voilà ressortant du premier épisode de King the Land, une série sud-coréenne diffusée l’été passé, avec une seule préoccupation : est-il possible de se faire une luxation du nerf optique à force de rouler des yeux ?
Pour être honnête, c’est un peu ma faute. J’étais tombée sur deux extraits de King the Land par hasard pendant une nuit d’insomnie passée dans les Youtube Shorts, et ces deux extraits étaient plutôt en rapport avec la vie de l’hôtel du groupe King, qui sert de décor principal à la série. Et ça me convenait parfaitement ! Je regarderais volontiers une série avec des enjeux professionnels humbles tels que « comment allons-nous gérer cette cliente odieuse » ou « dans combien de langues différentes l’héroïne peut-elle accueillir les clientes », même si elle devait inclure une intrigue romantique en arrière-plan.

Sauf que ce n’est pas ce qui se trame ici, évidemment. King the Land est une énième série dans laquelle un fils de chaebol émotionnellement constipé et une pauvre jeune femme avec une attitude positive sont vouées à se rencontrer et s’amouracher l’une de l’autre. Naturellement, cette rencontre se fait sous des auspices négatifs, et cet amour doit se construire dans la confrontation permanente.
Cette configuration est courante, en particulier dans les romcoms asiatiques ; et elle m’insupporte profondément. Objectivement, je comprends pourquoi elle existe : ce rêve de n’avoir rien en commun avec un homme riche et inaccessible, mais de finir par le conquérir grâce à des qualités qui lui manqueraient et qui proviendraient précisément d’une condition humble, est séduisant pour des spectatrices appartenant à un groupe socio-économique modeste. Même les conflits ne sont pas sans intérêt de ce point de vue : voir un couple résoudre ses différences avant de commencer la partie romantique de leur histoire ensemble paraît promettre un avenir radieux et sans le moindre accrochage. Si l’on se chamaille, ce n’est pas que l’on est incompatibles ! Il y a forcément une récompense derrière.
Je comprends bien que ce soit rassurant.

Dans les faits, toutefois, voilà ce que ça m’évoque une fois que je suis devant ces séries.
On a deux protagonistes qui n’ont rien en commun, et rien à faire ensemble. Ce n’est pas juste leur condition sociale qui les oppose, ou leur personnalité, mais leurs préférences et même leurs valeurs, aussi. Si elles se retrouvent dans un même environnement, c’est parce que les scénaristes en ont décidé ainsi, mais elles ne s’y trouvent pas pour le même motif, c’est-à-dire que même leurs motivations divergent. On ne construit pas un couple comme ça, et dans le fond tout le monde le sait bien. Alors, comme elles doivent impérativement finir ensemble, les circonstances vont à tout prix les faire interagir, parce qu’il faut leur forcer la main. Et quand je dis à tout prix, c’est vraiment à tout prix, c’est-à-dire qu’on n’en finira pas de multiplier les coïncidences, les accidents et les malentendus. Il n’y a pas de ficelle assez grosse.
On les aura à l’usure. Si on les oblige à se quereller pendant quelques épisodes de plus, elles finiront par reconnaître qu’elles sont vouées à être ensemble. Le fils de chaebol élevé dans une famille froide et distante va enfin apprendre ce que sont la gentillesse et la bonne volonté. La courageuse jeune femme partie de rien va, euh, enfin avoir le prince charmant dont parlent tous les contes, je suppose (…elle n’a en réalité pas grand’chose à gagner ici à part le statut social de son futur bienaimé, vu qu’il est d’une froideur à toute épreuve). C’est le grand amour sur lequel on écrit des romans !
…Et je n’ai même pas encore abordé les dynamiques genrées de pareil trope.

Dans King the Land, on a toutes les marques de ce type d’histoire, il n’en manque rien.
Ah, si, peut-être. Le premier épisode a éventuellement oublié d’introduire des personnages qui pourraient se dresser en chemin de cette charmante histoire, comme, disons, un enjeu amoureux pour chacune des deux protagonistes, bien plus compatibles mais dont les scénaristes ont décrété que c’était sans espoir. Mais peut-être que cette formule, commençant à dater, commence à devenir obsolète ? Ce serait déjà un progrès.

Et c’est dommage parce que, encore une fois, sous ces clichés se cache une série qui aurait pu, dans d’autres circonstances, m’être regardable.
Le premier épisode est par exemple sympathique de par sa timeline : les événements démarrent en 2015, exposant les protagonistes et la situation initiale, mais sur le dernier tiers de l’épisode, on a droit à un montage sur les années suivantes. Bon, du héros on n’apprendra rien, il semble passer plusieurs années à dépenser de l’argent et avoir l’air émotionnellement constipé (à la toute fin on le voit soudainement recevoir un diplôme, euh, moi j’avais même pas compris qu’il faisait des études…). En revanche, c’est super intéressant de voir la vie de l’héroïne et de ses deux meilleures amies évoluer (l’une d’elle se marie, a un enfant…). Sa carrière avance, sa situation personnelle change (elle se trouve un petit ami sérieux), ce genre de choses. Cette séquence fait écho à une autre, plus tôt dans l’épisode, qui compare le quotidien de l’héroïne et ses deux meilleures amies, toutes trois embauchées dans des branches différentes du groupe King (hôtel, compagnie aérienne, boutique duty free), et leurs déboires en tant qu’employées tout au bas de l’échelle. Dans cet autre montage, on voit bien que le problème n’est pas tant d’avoir un job ingrat que d’avoir des supérieures qui les traitent comme des larbins, et de faire face à des clientes désagréables.
Ces ingrédients sont présents, et King the Land pourrait faire de ça son intrigue que j’en serais enchantée. Mais King the Land n’est pas la série que je voudrais voir, elle est la série que la majorité des amatrices de romcoms sud-coréennes veulent voir. Nous sommes profondément incompatibles.

Encore une fois, il est possible que je choisisse mal les romcoms auxquelles je donne une chance. Peut-être que me baser sur le fait qu’elle semblait populaire cet été, ou sur deux extraits suffisamment courts pour tenir dans le format de Youtube Shorts, était un mauvais calcul. Peut-être qu’une fois de temps en temps je devrais lire des reviews avant de regarder un épisode (c’est ma faute, j’aime bien me faire ma propre opinion). Il y a plein de raisons pour lesquelles mon processus peut être la cause de ce malentendu prolongé. Mais… je ne peux pas m’empêcher de constater qu’il n’y a vraiment qu’avec les romcoms que cela se produit avec autant de régularité.
Dans tous les cas, King the Land n’était pas une série pour moi. Si vous l’avez vue, j’espère que c’était un peu plus une série pour vous ! Parfois, je me demande à quoi ça ressemble, de voir dans ces romcoms qui m’agacent autant… quelque chose qui persiste à m’échapper.

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4 commentaires

  1. Mila dit :

    Un jour, je vais le continuer celui-là ! Mais moi, je l’ai pas arrêté parce qu’il ne me plaisait pas, j’avais juste trop de choses en cours. Sinon, en tant qu’amatrice de romcoms en général, j’avais aimé. Enfin, les deux premiers épisodes m’avaient laissé mitigée, mais après ça, j’avais beaucoup accroché. Le lead masculin perd assez rapidement sa façade en vérité, et il est tout sauf froid, s’avère-t-il (après ça veut pas dire qu’il t’aurait plu, mais j’explique le moment où j’ai eu le déclic, et pour moi ça a correspondu à ça en l’occurrence).

    Bon cela dit, c’est VRAIMENT pas le drama que je t’aurais conseillé. Déjà parce que jamais je te conseillerais une romcom, mais parce que celle-là a plu en particulier parce qu’elle utilise plein de tropes hyper classiques, et (pour les amateurs et amatrices)(et passé les deux premiers épisodes à mes yeux, mais les avis divergent) les exécute bien. De ce que j’ai vu, c’est en partie le feeling old-school, classique, et vraiment centré sur la romance, qui a séduit le public amateur, donc clairement, c’est pas la série vers laquelle j’aurais dirigé quelqu’un qui déteste le genre.

    Mais moi, je compte la reprendre un de ces jours en tout cas^^

    • ladyteruki dit :

      Nan mais la vérité, c’est que c’est précisément à cause de mes difficultés avec la romance que j’ai tenté la série (bon par contre je ne savais pas qu’elle serait « old school »). Cycliquement je rêve de trouver la série qui va me faire cesser ce blocage… même si, très souvent, je sais aussi que c’est en pure perte, à mon grand âge 😛 Peut-être qu’on ne se refait pas.
      J’ai été glisser un œil chez Dramabeans (qui est venu sur le tapis pendant que je faisais mes recherches d’images), et effectivement il semblerait que le personnage masculin soit plus accommodant qu’il n’y parait (et aussi que Sa Rang ait plus à gagner en sa présence que je ne m’y attendais). Et du coup, je peux comprendre que tu veuilles poursuivre… Après, ça, c’est aussi les risques de reviewer/regarder un premier épisode. Sur ça, je crois qu’effectivement je ne me referai jamais !

  2. avoloc dit :

    credit to you for continuing to give it a chance; maybe there’s one out there that circumvents all the right tropes in all the right ways, but i’m not sure it would be classified as a romcom at that point

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