She works hard for the money

16 décembre 2023 à 22:11

Il est de notoriété publique que je ne suis jamais à la première à me précipiter sur une série dont l’un des composants principaux serait la romance, et ça explique en grande partie pourquoi je ne parle d’ANIMALS que maintenant. Mais en partie seulement. Car l’autre explication, c’est que Mila l’a si bien vendue que ma curiosité a été piquée. Et par les temps qui courent, une recommandation est suivie soit immédiatement, soit dans trois ans ; il n’y a tout simplement pas de juste milieu quand on a tant de choses sur notre to-watch list.
L’argument vendeur pour ANIMALS, à mes yeux, était la présence d’Airi Suzuki, une idol que j’ai connue quand elle était encore toute petiote, et qui aujourd’hui (ou plutôt l’an dernier) tient le premier rôle d’une série romantique. They grow up so fast.

Dans ANIMALS, Airi Suzuki interprète Umi, une jeune femme dans la vingtaine qui a le genre d’existence où l’on s’oublie. Elle fait des journées de 40 heures comme assistante de production au sein d’une émission matinale du dimanche sans grande importance, mais pour laquelle elle donne tout. Elle ne donne même pas l’impression de faire un job qui la passionne, ou pour lequel elle ait de l’ambition ; sa motivation principale est plutôt d’avoir un salaire lui permettant de louer le petit appartement qu’elle partage avec sa jeune sœur, qui est encore au lycée et qui, si elle devait retourner vivre dans leur ville natale, aurait quelque chose comme 2h de transport par jour pour aller en cours. Si Umi sacrifie sa santé à bosser autant, c’est donc uniquement par sacrifice, ce qui pour elle tombe sous le sens.
Le premier épisode nous permet de juger de l’ampleur du sacrifice. ANIMALS fait même un job fascinant lorsqu’il s’agir de décrire les journées d’Umi au travail, et si l’on met le stress de côté, il faut admettre que c’est un peu grisant de la voir dans un environnement où, bien qu’étant épuisée, elle excelle. Sa capacité à prendre des décisions rapides, à anticiper les besoins de son supérieur hiérarchique, à garder un œil sur l’employé plus jeune qu’elle… Elle est très bonne à son job et c’est satisfaisant à regarder. Mais effectivement, cela consomme toute son énergie et tout son temps.

De son propre aveu, Umi a perdu de vue tout le reste. Y compris une potentielle vie affective, qui lui apparaît comme une idée complètement alien à ce stade vu son état d’épuisement après une longue journée de travail. C’est le moment où je soupire : bon, il fallait bien qu’on en arrive là à un moment.
« Et puis, où je vais rencontrer quelqu’un ? », dira-t-elle à sa collègue et amie. Bougez pas, ANIMALS s’en charge.

Voilà donc qu’arrivent dans sa vie deux hommes : l’un est Keisuke Sakaki, PdG d’une grande entreprise de cosmétiques, ANIMAL BEAUTY, qui doit être interviewé pour l’émission ; l’autre est Kazao Nagamine, photographe de mode, embauché pour la promotion d’un produit du premier. Le mannequin ce jour-là est Hina, une gloire montante de l’industrie de la beauté, une très jeune femme qui a cependant beaucoup d’assurance.
Toute la journée, Umi cavale dans tous les sens, mais elle ne peut pas s’empêcher de remarquer avec quelle gentillesse et élégance Keisuke a été présent dans le studio ce jour-là, prenant le temps de saluer chaque employée (elle y compris) au lieu, comme c’est généralement l’usage, de saluer les personnes les plus importantes et passer à l’interview. Le soir, quand le photoshoot est fini, elle prend un moment pour parler avec Kazao, qui lui a fait moins bonne impression ; pour un prétexte que je vous épargne, elle accepte un échange de numéros.
L’histoire pourrait commencer là (et finir là en ce qui me concerne), mais ANIMALS a, et c’est fort heureux, d’autres choses en tête. Son but est quand même de précipiter Umi dans un triangle-amoureux-mais-on-sait-bien-que-c’est-pas-vraiment-un-triangle-parce-que-comeon, mais pas parce que c’est tout ce qu’elle a à dire. Et c’est une agréable surprise en ce qui me concerne.

C’est que, voyez-vous, le premier épisode d’ANIMALS est en grande partie intéressé par le monde professionnel, et en particulier, sur la notion d’environnement professionnel sain. Ce qui, en particulier pour une série japonaise, ne manque pas d’intérêt.
Qu’est-ce qu’une culture d’entreprise saine quand depuis des décennies, la norme est de passer sa vie au bureau ? A quel moment faut-il poser des limites ? Et dans ce cas, quelle est la limite juste ? A première vue, Umi n’est pas si mal lotie après tout : on ne lui hurle pas dessus, elle est au contraire appréciée pour le travail qu’elle fournit, et lorsque l’employé plus jeune décide de se faire porter pâle et ne pas revenir au boulot, sa capacité à prendre le relai est ostensiblement félicitée. Il y a pire… mais c’est placer la barre plutôt bas, quand même ! ANIMALS semble décider à interroger cela, et à forcer Umi à se poser deux-trois questions sur son rapport au travail et ce qu’elle considère comme suffisant pour tout donner à une compagnie.
Le point d’orgue est atteint quand Umi, épuisée au dernier degré, s’endort en plein milieu du tournage en direct de l’émission du dimanche, et que l’incident est retransmis dans des millions de foyers. Les téléspectatrices voient alors une jeune femme épuisée, qui s’est littéralement endormie debout, sauter sur ses pieds et par réflexe s’écrier qu’elle n’a pas dormi depuis trois jours. Le pays est sous le choc ; un peu que ce soit vrai… et beaucoup que ce soit dit.

C’est quelque chose que je vois de plus en plus dans les séries japonaises, en toile de fond ou en sujet principal, et on a eu l’occasion d’en parler par exemple pour le thriller Fukushuu no Miboujin, ou plus récemment avec la dramédie juridique Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru. Comme un frisson qui parcourt non seulement la société japonaise, mais aussi, maintenant, les séries japonaises de plus en plus souvent, on se demande si oui ou non ça vaut la peine. La télévision japonaise se met au quiet quitting !
Voilà donc le premier épisode d’ANIMALS qui s’attaque à ce sujet, et qui, j’ai l’impression, ne va pas complètement le mettre de côté par la suite, quand bien même l’environnement de travail d’Umi va changer à cause de cet incident.

Alors, il n’en reste pas moins qu’ANIMALS est une romcom, et que je ne m’imagine pas regarder les épisodes suivants. Mais ça, honnêtement, je le savais avant de lancer cet épisode. Ce que je ne savais pas ? Que le propos de la série irait plus loin (c’est ma faute, je n’ai regardé que le Calendrier de l’Avent de Mila, et pas sa review de la série il y a quelques mois ; je m’en vais de ce pas corriger ça).
J’en profite pour confirmer qu’Airi Suzuki est vraiment, vraiment impeccable dans ce premier épisode. Elle est dénuée de beaucoup des tics de jeu que l’on peut trouver chez des actrices encore un peu vertes, et qui peuvent être irritants. C’est sa première fois à tenir le premier rôle d’une série, mais on sent qu’on n’a pas affaire à une débutante. Elle est capable de nuance, de vulnérabilité, et probablement ce qui m’impressionne le plus, d’authenticité. A sa place bien d’autres actrices japonaises se seraient contentées de minauder, mais on sent qu’Airi Suzuki a mûrement réfléchi à comment faire d’Umi une personne avec une vie intérieure. C’est toujours quelque chose qui m’impressionne quand cela se produit dans la fiction japonaise, en particulier, parce que la plupart des actrices ayant démarré leur carrière très jeunes (et elles le sont presque toujours) ne sont tout simplement pas formées à cela, parce que les tournages extrêmement serrés ne sont pas propices à cela, et parce que, dans le cadre des séries plus légères (dont font généralement partie les romcoms), ce n’est même pas un attendu de la part du public. Alors, assister à cette prestation pleine d’introspection et de fragilité est vraiment précieux.

C’est triste à dire qu’il ait fallu non pas une, mais deux video à Mila pour me convaincre d’assister à cela (et ça m’a tenue éveillée une bonne partie de la semaine, parce que si ça s’applique à d’autres reviews, je suis dans la merde !). Maintenant que c’est fait, en tout cas, je suis contente de m’être infligé une romcom pour assister à cela. Et je pense même que, dans un monde où j’aurais moins de choses sur ma to-watch list, j’aurais peut-être même envisagé d’en regarder plus, parce qu’une performance comme ça, ça peut sauver même la plus banale des séries. L’air de rien, ce petit épisode m’a donné beaucoup de grain à moudre ces derniers jours.

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2 commentaires

  1. Iriskv dit :

    Ça donne super envie.

  2. Mila dit :

    “t par les temps qui courent, une recommandation est suivie soit immédiatement, soit dans trois ans “ Truer words have never been spoken u_u

    Je suis tout heureuse que le premier épisode t’ait plu ! Et très honnêtement, comme je sais que tu as moins de mal à rester aux pilotes des séries, je te dirais que tu n’es pas si mal lotie à rester à l’épisode 1. Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de bonnes choses dans la suite: les personnages féminins et leur solidarité sont une des meilleures choses de ce drama, et pour ma part, j’aime la romance de la série, puisque je suis amatrice du genre, mais le drama, à mes yeux, change de ton et devient plus quelque chose de feel good ou globalement tout se passe bien, et on perd l’émotion du premier épisode. J’ai trouvé aussi que le drama était bien moins dans la critique du monde du travail par la suite. Donc je pense que ce qu’il y a après te parlerais moins. Moi, j’ai aimé… mais même moi, j’étais un peu déçue que le reste ne soit pas plus dans la continuité de l’épisode 1.

    Suzuki Airi est impeccable tout le long, cela dit 🙂

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