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  • Dipshits

    26 avril 2024 à 17:35 • Telephage-o-thèque •

    Nous avons Parlement. La télévision suédoise a Dips, une comédie qui comme son nom le suggère se penche sur plusieurs employées des services diplomatiques. J’ignorais que les épisodes avaient été traduits jusqu’à ce que je découvre que les deux saisons ont été mise à disposition sur… bon, bref, on n’a pas besoin d’entrer dans les détails. …Mais pour toute question, vous savez où trouver mon compte Mastodon.
    En tout cas j’ai sauté sur l’occasion pour tenter le premier épisode, et décider si je voulais voir les suivants.

    La série démarre lorsque deux nouvelles stagiaires sont affectées au service protocolaire du ministère des Affaires étrangères suédois, sous la responsabilité de Mimmi Hamilton, jusque là l’unique agente dudit service. Il apparaît très rapidement que c’est un peu le placard pour elle, et du coup aussi pour ses stagiaires, le pistonné Jens Stråhle et l’incompétente Fanny Båtsman.
    Ce jour-là, le ministère reçoit une délégation chinoise.

    Alors on pourrait se dire qu’au service protocolaire, là où l’essentiel du travail consiste à s’assurer des conditions d’accueil des invitées du ministère, le risque pour ces trois-là de tout foirer est minime. Quel mal pourrait donc découler de badges mal imprimés ? En tout cas c’est clairement la raison pour laquelle ces zigotos ont ce job : leur impact sur les activités diplomatiques est microscopique.
    Microscopique n’est pas zéro, hélas. Dés le premier épisode, Mimmi (qui bien-sûr fait genre elle a de l’expérience et de l’autorité alors que personne ne la prend au sérieux dans le reste des services) se plante, donne des consignes floues voire difficiles à exécuter à ses stagiaires (par exemple elle demande à Fanny d’aller chercher les épouses des dignitaires chinois à l’aéroport… alors que Fanny n’a pas le permis), et n’exécute aucun contrôle de leurs tâches (par exemple en laissant Jens choisir le cadeau diplomatique). Et cela donne les résultats qu’on peut espérer vu le niveau, forcément.
    Si vous avez du mal avec l’embarras de seconde main, c’est sûr que je ne recommande pas le visionnage de Dips. On a là une comédie qui se régale de leurs bourdes et de l’humiliation qui s’en suit lorsque lesdites bourdes sont découvertes par des personnes extérieures au service protocolaire… ou, pire, lorsqu’elles en sont directement témoin.

    Si l’on dépasse les bouffées de malaise, toutefois, il se dit aussi des choses dans Dips. Le commentaire sur les relations internationales de la Suède est cinglant et sans merci, même si évidemment la plupart des personnages de la série n’ont pas la compétence directe pour établir ce constat volontairement.
    Cela se révèle par exemple dans les raisons-mêmes de la vue de la délégation chinoise. Le ministère des Affaires étrangères est en effet en train d’essayer de leur pitcher la vente du Mjölner, une bombe à fragmentation qui n’est plus utilisée par la Suède depuis qu’elle a ratifié une convention interdisant ce type d’armes. Mais dont, du coup, elle voudrait bien se débarrasser. Naturellement, cela pose quelques questions éthiques, vite balayées du revers de la main par la diplomatie suèdoise qui se fait forte de remarquer qu’on vend à la Chine des Mjölner vides, c’est-à-dire sans explosifs… donc du coup, on a les mains propres ! Et peu importe ce que les autorités chinoises (qu’on sait soucieuses de n’oppresser personne) en feront ensuite ; ça se trouve, les bombes à fragmentation seront utilisées pour distribuer des prospectus ! Qui peut dire ?
    Vous le voyez, Dips ne fait pas de quartiers. Même si ses protagonistes n’ont pas la main sur les décisions ou même les négotiations, elles ne baignent pas moins dans le monde diplomatique. Elles sont trop stupides et/ou nombrilistes pour s’intéresser à ce qui se passe (sauf Fanny, qui en dépit du fait qu’elle ne sait strictement rien faire, semble sincèrement passionnée par la géopolitique), mais il n’empêche qu’elles font partie de ce système, à leur humble, très humble échelle.

    Dips saupoudre son commentaire pendant tout l’épisode, pointant discrètement son nez dans le fond d’une scène où ce sont les clowneries de ses trois pitres qui sont supposées attirer notre attention. Cela signifie aussi que la série est truffée de références, et notamment de références à la vie politique suédoise ou à des personnalités dont nous, spectatrices francophones incultes, nous n’avons peu ou pas entendu parler (en tout cas, moi, j’ignorais l’existence de Dag Hammarskjöld, désolée).
    Par exemple, un attaché diplomatique que connaît Mimmi a envoyé par erreur une dickpick à Barbro Holmberg ; ou bien les stagiaires sont invitées à ne pas déranger l’équipe qui travaille d’arrache-pied dans le département chargé de faire libérer Dawit Isaak (…et qui s’avère être un placard à balais), ou bien le ministre des Affaires étrangères cherche une entreprise suédoise à laquelle faire porter la responsabilité de la venue de la délégation chinoise devant la presse (« dites-leur que c’est pour Volvo »/ »On a déjà utilisé cette excuse »/ »D’accord, essayez… euh, Ericsson, ça marche à tous les coups »). Je vous avais prévenue, Dips (pour diplomates… ou pas) est sans pitié !

    Dips est une série dont je n’avais en réalité découvert l’existence que par accident, en 2020, lorsque sont sorties trois autres séries sur le monde diplomatique scandinave et que je faisais mes recherches dessus.
    …Et dont hélas je n’ai jamais trouvé de sous-titres pour les trois, ce qui persiste à m’empêcher de les comparer. Vous savez combien j’adore les comparaisons ! Ces trois séries sont la suédoise Ambassadören, la danoise Ambassadøren, et la norvégienne Ambassadøren… et à voir le matériel promotionnel, vous devinez combien la comparaison, ici, aurait du sens :

    Les trois séries ont en effet été produites et proposées en parallèle par Viaplay, la plateforme nordique (dans laquelle Canal+ est en train de mettre ses billes à hauteur de 30%, au passage), et ç’aurait été vraiment intéressant de voir quelles nuances, notamment politiques, justifient une localisation pareille pour ces séries politiques.
    Si vous savez comment regarder ces trois séries (pas juste une, pas juste deux, mais les trois), hit me up.

    Dips ne fait clairement pas dans la nuance, en attendant. Cela signifie que je l’ai trouvée un peu usante à regarder. Je ne venais pas vraiment pour voir ce connard de Jens avec son complexe de supériorité ou Fanny passer de longues minutes à mettre la clé dans le contact du minibus du ministère, voyez. C’est bien dommage, en un sens, parce que le portrait méprisant que Dips fait du monde diplomatique suédois, fier d’afficher un progressisme de façade, a vraiment du mérite.


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  • La loi de Dakar

    25 avril 2024 à 14:24 • Review vers le futur •

    Après trois années passées en Asie loin d’un père avec lequel il s’est brouillé, Gabriel Thiam revient au Sénégal pour l’enterrer. Comme souvent dans ce genre de cas, la douleur d’avoir perdu un proche se double d’une nécessité de renouer avec tout un entourage forcément présent pour les funérailles. A commencer, bien-sûr, par sa mère Yvonne, à laquelle il n’avait plus trop donné de nouvelles, ou son cousin Bacar, dont il n’est plus autant proche qu’avant ; mais aussi son oncle, Racine, ancien ministre depuis devenu un haut fonctionnaire de l’Union africaine, ou son ex, l’avocate Lika, toutes deux venues à la cérémonie.
    Toutefois, au-delà de la douleur et de l’inconfort des obsèques elles-mêmes, Gabriel commence aussi à se poser des questions quant aux circonstances du décès de son père.

    Lex Africana est à la fois un thriller et une série d’action, et semble se doubler également d’un commentaire sur le développement du Sénégal voire plus largement de l’Afrique. C’est la dernière série originale en date de Canal+ Afrique, lancée il y a quelques jours. On la doit à un acteur, cascadeur, créateur et producteur, Seydina Baldé, qui semble avoir des idées très arrêtées sur ce qui fait une bonne série en 2024.

    …Et ces idées, malgré les efforts de Canal+ Afrique en la matière, ne sont hélas pas toujours partagées dans la sphère africaine francophone ; Lex Africana est plus aboutie que plusieurs des séries de la chaîne. Le soin mis dans la réalisation, la photographie, les dialogues, ou encore la direction d’actrices, témoigne d’une ambition rare, et ce avec des moyens qui pourtant n’appraissent pas comme très différents d’autres productions originales de la chaîne cryptée en Afrique. Je peux naturellement me tromper, Canal+ Afrique n’ayant pas pour coutume de me donner accès à son budget fiction !
    Cette ambition en traduit une autre : Lex Africana est résolument ancrée dans le contexte sénégalais, mais elle se rêve en série panafricaine voire même internationale, comme le montre le parcours international de son héros et ses références multiples à l’Asie mais aussi l’Europe. Il ne fait pas vraiment doute dans mon esprit en la voyant que ses efforts pour optimiser sa qualité objective ont été produits dans l’espoir d’exporter la série, ce qui est d’autant plus intéressant qu’elle est, au risque de me répéter, une série de Canal+ Afrique. C’est-à-dire que d’une part, elle est vouée à être diffusée dans plusieurs pays d’Afrique francophone quoi qu’il arrive… mais d’autre part, qu’au-delà de ce cadre, les séries de la chaîne connaissent rarement un sort international. Par exemple, ces séries ne sont jamais diffusées par Canal+ en France, où ça me fait suffisamment râler, ni en Pologne… et à ma connaissance pas au Myanmar non plus, où le groupe est également implanté.
    Ce pari sera-t-il suivi d’effet ? Pour l’instant rien n’est moins sûr, mais en tout cas Lex Africana met autant de chances de son côté que possible, et c’est évident à la regarder.

    Toutefois, je reconnais que j’aurais apprécié que la même intention préside au scénario. L’histoire telle que la présente ce premier épisode est pour le moins peu inspirée.
    Gabriel est un architecte à succès mais qui a tenu ses distances avec ses proches (dont sa mère Yvonne et son cousin Bacar, donc), et qui se voit obligé par le deuil de revenir dans un lieu qui lui est douloureux à bien des égards. Il ne s’est pas réconcilié avec son père avant le décès de celui-ci, il a perdu le contact avec les autres membres de sa famille, et son ex est, il va bientôt s’en apercevoir, heureuse dans une nouvelle relation. Il n’a plus vraiment sa place en Afrique, et pourtant, il n’avait pas tellement plus sa place en Asie, où quelques flashbacks/cauchemars nous indiquent que Gabriel n’a pas connu la sérénité non plus, même si les détails de son traumatisme nous échappent pour le moment. Seydina Baldé campe un homme taciturne, cassé, éteint même ; qui n’aime pas parler de lui ou de sa vie au loin, mais qui n’a pas envie de trainer au Sénégal non plus. D’ailleurs, il n’a prévu que d’y passer quelques jours le temps d’enterrer son père, avant de repartir.
    De toute façon, ce n’est pas grave si Lex Africana ne nous donne pas plus de détails dans cet épisode introductif. Tout ce que l’on a vraiment besoin de savoir sur lui, c’est que Gabriel est un homme tenace et un expert en arts martiaux ; c’est là où tout se joue. Aussi, lorsqu’il va commencer à se poser des questions sur l’accident de voiture qui a coûté sa vie à son père (un homme réputé pour sa prudence et sa sagesse !), il va commencer à affronter, au sens littéral, des ennemis violents. Cela ne va sûrement que le conforter dans l’idée qu’il y a anguille sous roche, et que cet accident n’en était pas vraiment un… Mais dans ce cas, qui a pu vouloir assassiner son père, un médecin respecté et ancien ministre de la Santé qui a tant fait pour le peuple sénégalais ?

    Vous le voyez, l’histoire ne casse pas exactement trois pattes à un canard pour le moment. On voit arriver de loin certains aspects à venir de l’intrigue de Lex Africana dés cette introduction, qui suggère que le chaleureux oncle Racine a beau s’épandre en discours larmoyants à des funérailles (et être tout sourire lorsqu’il parle du développement radieux de l’Afrique), il ne dit peut-être pas toute la vérité ; ou bien que Razak, le criminel et trafiquant de drogue avec lequel Bacar travaille, trempe dans des choses bien plus complexes que le simple crime de rue. Ce qui serait surprenant, ce serait que Racine et Razak ne se connaissent pas, en fait ! Il y a une conspiration à l’oeuvre, et l’avenir de l’Afrique semble se construire sur la tombe du père de Gabriel Thiam, raison pour laquelle il va lui falloir se battre dans un garage ou une ruelle une fois de temps en temps.
    Et c’est TRES dommage. Peut-être que ce sera l’oeuvre des épisodes suivants, ne perdons pas espoir. Cependant, je soupçonne que ce soit plutôt l’aspect dramatique (la relation de Gabriel à ses parents, notamment) qui soit mieux préparée par l’exposition, et plus à même de se développer. Sur l’angle plus politique, j’avoue que j’ai été un peu refroidie par cette mise en place qui ne cherche pas franchement à dire des choses que nous n’aurions déjà entendues. Je ne dis pas qu’une série d’action a besoin d’être nécessairement d’une complexité inouie, je dis juste que dans le cas de Lex Africana, qui a l’air si désireuse de rompre avec le business as usual, ç’aurait vraiment été mieux avec un scénario plus inspiré.
    Toutefois, répétons-le quand même parce que ça mérite de l’être, ce premier épisode est ambitieux, bien fichu, et interprété avec beaucoup de sobriété. C’est déjà pas mal, surtout pour une série d’action !


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  • Ooh you make me live, Ooh you’re my best friend

    24 avril 2024 à 21:48 • Review vers le futur •

    « Pour vous, c’est un livre. Mais pour nous, c’était notre vie ».
    En 1924, Franz Kafka décède, laissant derrière lui une oeuvre, mais surtout un ami, Max Brod. Or, ce dernier est l’exécuteur testamentaire de Kafka, et a pour mission de détruire cette oeuvre toute entière, pour qu’il n’en reste aucune ligne. Incapable de détruire la matérialisation de ce qu’il considère avoir été un génie littéraire, Brod garde l’intégralité des romans, notes, lettres et autres écrits de Kafka. Il finira par les faire publier, permettant à Franz Kafka de passer à la postérité.

    Trigger warning : suicide.

    C’est dans ce geste paradoxal que réside la tension dramatique de Kafka, mini-série germano-autrichienne diffusée à l’occasion du centenaire de la mort de l’auteur.

    Ainsi, Kafka est au moins autant un biopic de l’auteur lui-même, qu’une histoire du parcours de ses oeuvres… et qu’une radiographie de l’amitié que lui porte Brod à travers les décennies. Une approche pour le moins originale, et qui permet qui plus est à la série d’emprunter un cadre narratif et un angle uniques.
    Ce premier épisode propose en effet de raconter tout cela à travers le prisme d’une interview de Brod en 1968. Le journaliste ne souhaite pas que parler de l’oeuvre de Kafka dont Brod s’est fait à la fois le dépositaire et l’expert, mais aussi interroger le vieil homme, précisément, sur sa place dans les écrits de son ami, ainsi que son rôle dans leur transmission. Toutes sortes de questions se posent en effet : au juste, qui est Brod pour s’arroger le droit de ne pas détruire ces textes comme Kafka le voulait ? De quel droit s’est-il autorisé à les publier, ensuite ? Plus encore, il a caviardé une partie des journeaux intimes de Kafka… comment expliquer qu’il a unilattéralement décidé de ce que Kafka laisserait ou non derrière lui ?

    Ces questions ne sont pas juste des accusations envers le rôle de Brod dans la perpétuation de l’oeuvre de Kafka, et son entrée au Panthéon littéraire du 20e siècle. Ce sont aussi des façons pour la série de communiquer pourquoi son aspect biographique est forcément incomplet, édité, partial ; cela donne des scènes dans les années 1900 ou 1910 pendant lesquelles Brod brise le quatrième mur pour rappeler que ce que nous voyons de Kafka, c’est ce qu’il veut que nous voyions.

    …Avec la meilleure des intentions. Kafka, je l’ai dit, c’est une puissante histoire d’amitié. Brod, auteur de multiples fois publié de son vivant, se sait en même temps qu’il craint d’être médiocre. Il est insatisfait par sa prose, surtout qu’il voit celle, brillante mais jamais publiée, que produit Kafka avec le plus grand des naturels. Si l’on croit le récit de la série, il n’y a aucune jalousie ; juste une profonde admiration qui se juxtapose à l’affection, la multiplie, même.
    A travers les yeux de son ami, Kafka est un original, un petit être à la fois hypersensible et étonnamment détaché, qui se voit comme un observateur de la vie avant d’en être un acteur. A plusieurs reprises, ce portrait semble même suggérer une neuroatypie ; dans un monde qui ne fonctionne pas comme lui, Kafka semble étrange, en tout cas. Mais cette étrangeté, même quand il ne la comprend pas toujours (par exemple lorsque les deux hommes assistent à un suicide), Brod la trouve impressionnante. La série se régale de leurs échanges de points de vue et d’idées, de la friction entre deux auteurs n’ayant rien de commun si ce n’est le besoin d’écrire, de la confrontation entre deux esprits si différents mais qui s’entendent si bien.
    Sauf que naturellement, Kafka ne nous laisse pas oublier que tout ce que nous voyons, c’est ce que Brod nous laisse voir. Ce qu’il a laissé entrer dans l’Histoire. Quand il nous dit que les écrits de Kafka sont la seule chose qu’il transportait avec lui lorsqu’il a fui la Tchécoslovaquie en 1939, nous devons le prendre au mot. Quand il nous dit qu’il n’a jamais envié son talentueux ami, nous devons le prendre au mot. Quand il nous dit qu’il a dédié une grande partie de sa vie à l’oeuvre de Franz Kafka par pure dévotion, nous devons le prendre au mot. Quand il nous dit que ce qu’il a effacé à jamais l’a été par soucis de préserver l’intimité de son ami de toujours (plutôt que sa propre image, ou l’opinion de Kafka sur l’oeuvre de Brod), là encore, nous devons le prendre au mot.
    Mais n’est-ce pas le cas de tout biopic, dans le fond… Quelle biographie représente une retranscription parfaite de l’existence d’une personnalité ?

    En jonglant avec les outils à sa disposition pour nous rappeler que son narrateur est peu fiable, Kafka admet tout haut ce que les autres séries en son genre ne suggèrent qu’à voix basse. Il y a une multitude de nuances perdues à jamais dans les plis de l’Histoire, pour une multitude de raisons : eh bien qu’il en soit ainsi, nous dit la mini-série. L’hagiographie proposée par Brod d’un ami pour lequel il fait montre d’une admiration semble-t-il sans limite (mais qui lui donne, aussi, le beau rôle) est imparfaite, mais c’est mieux que rien. Et rien, c’est effectivement ce que nous aurions dû avoir si, comme Franz Kafka le souhaitait, la totalité de ses écrits non-publiés avait été détruite à sa mort…
    Pour toutes ces raisons, le premier épisode de Kafka assume parfaitement d’être imparfait. Y compris dans ce qui apparaît, au moins pour le moment, comme un impensé majeur (le sionisme de Brod n’est pas un secret, celui de Kafka est toujours débattu à ce jour) quant à la représentation de ses deux personnages centraux, ou la maigre représentation d’autrui (il paraît que les épisodes suivants vont nous parler des relations amoureuses de Kafka, mais pour le moment les rares femmes que l’on voit dans cet épisode introductif sont des prostituées faisant à peine mieux que de la figuration…).
    Je suppose que l’on peut faire ce genre de choses une fois qu’on a dit « perché » pour assumer d’être subjectif.


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  • Screen sonata

    22 avril 2024 à 20:47 • Review vers le futur •

    Deux séries fantastiques pour la jeunesse ont démarré ce mois-ci : The Spiderwick Chronicles (sur Roku) puis La partitura secreta (du côté de Disney+). Cela faisait deux jours que j’essayais laborieusement d’écrire sur la première, quand pour me changer les esprits j’ai décidé de jeter un oeil vite fait à la seconde. Et en fait, vous savez quoi ? The Spiderwick Chronicles est bien trop ratée pour que je lui consacre toute une review ; alors parlons de la série mexicaine à la place.
    Pourtant, La partitura secreta (ou The Secret Score de son titre anglophone) n’est pas, dans le fond, révolutionnaire. Elle emploie au contraire des recettes employées depuis, au bas mot, les 25 dernières années. Eh bien vous savez quoi ? Il y a une raison.

    Maya est une jeune saxophoniste qui, pendant l’été, reste en contact avec son petit ami Leo par le biais de son téléphone. Ou en tout cas c’était vrai jusque récemment ; quelques jours avant que ne commence l’intrigue, Leo lui a envoyé une video un peu énigmatique, avant de cesser complètement de répondre à ses messages. Voilà qui préoccupe Maya, que sa meilleure amie Nati n’arrive pas à convaincre de partir en camp d’été à l’Institut Staqui, un conservatoire de musique réputé pour son programme d’excellence. Mais quand Maya reçoit un colis de la part de Leo, qui lui confie le pendentif dont il a hérité de son père… et que le colis s’avère avoir été envoyé depuis l’Institut Staqui, la jeune fille change rapidement d’avis, et se lance dans une investigation sur la disparition de son petit ami.

    La partitura secreta ne perd pas une seconde, et surtout pas en exposition. Il faut que les choses bougent, et la série n’est absolument pas effrayée par les plot holes pour parvenir à ses fins. No time to explain, get in. Maya reçoit donc l’impulsion nécessaire pour aller à Staqui (installée autour d’un ancien temple, euh… maya ; depuis reconverti en musée de la musique à la gloire de Rebecca Staqui, fondatrice du conservatoire), fait la connaissance de plusieurs autres élèves qui sont là pour des raisons bien plus studieuses qu’elle, et ainsi de suite.
    La moitié de l’épisode n’est même pas encore atteinte que, guidée par un mystérieux oiseau rouge, elle est déjà entrée par effraction dans le musée, découvrant que le pendentif du père de Leo est un symbole secret… qui ouvre le passage vers un bureau abandonné ! Dans cet endroit jonché de vieux documents, Maya et sa bande découvrent un clavecin, et surtout, une partition antique, qui dés qu’elle est interprétée, fait entrer des sons magiques dans les oreilles des adolescentes présentes. Quelle n’est pas leur surprise lorsqu’elles découvrent quelques minutes plus tard que chacune d’entre elles est désormais dotée de pouvoirs surnaturels ! Mais tout cela ne nous dit pas ce qu’il est advenu de Leo…

    Devant le premier épisode de La partitura secreta, il ne fait aucun doute que la série veut proposer moins un mystère qu’une aventure. Les questions ne se posent jamais longtemps ! Par exemple, si vous vous demandez comment les amies de Maya vont dissimuler leurs pouvoirs alors qu’elles ne les contrôlent pas du tout, eh bien l’épisode y répond prestemment : d’autres élèves, ainsi que des adultes, vont rapidement s’apercevoir des talents de plusieurs d’entre elles (il faut dire que le pauvre Tenoch se téléporte et que l’agaçant Andy prend l’apparence d’autrui, ce qui est un peu compliqué à camoufler). Voilà, problème réglé. La partitura secreta est lancée sur une intrigue bien précise et elle n’a pas de temps à perdre dans des quiproquos ou des intrigues secondaires : il faut que ça se fasse.
    A côté de ça, The Spiderwick Chronicles n’en finit plus de se répandre en exposition, en contexte, en nuances. Mettons en place un « méchant » complexe, explorons les tensions familiales, psychanalysons les comportements adolescents… On mentionne le racisme (parce qu’on a décidé d’embaucher une distribution majoritairement noire, et que maintenant ça pose toutes sortes de questions sur comment la traiter : dialogues colorblind ou pas ?), on s’interroge sur la santé mentale (toute réflexion à ce sujet étant vouée à tomber à l’eau une fois qu’on aura prouvé que ces protagonistes ne sont pas folles, la magie existe vraiment !), on essaye d’avoir l’air atroce (sans montrer une goutte de sang). La série se débat dans son désir d’être vue comme « réaliste », « adulte » et « sombre », et au final finit par être complètement chiante… parce que ce sont des objectifs difficilement compatibles avec son sujet fantastique et sa cible jeune. Et, surtout, c’est profondément incompatible avec son intrigue absolument simpliste.
    En ne s’encombrant pas de thèmes annexes (pas de propos ici sur la santé mentale par exemple, même quand une des antagonistes qui a également été touchée par la musique magique entend littéralement des voix !), en refusant de s’expliquer sur ses mécanismes (Maya a besoin de rejoindre un conservatoire très prisé, alors qu’elle n’étudie pas la musique et joue juste pour le plaisir… bien-sûr, pas de problème, elle est acceptée pour l’été, on va même pas parler d’admission !), en acceptant que ses personnages comme ses dynamiques soient simples (l’impétueuse Maya et le ténébreux violoniste Max ne peuvent pas s’encadrer, mais éprouvent aussi de l’attirance, bon bah voilà c’est acté), La partitura secreta va droit au but. Pourquoi s’embarrasser de choses annexes, et faire durer ce que l’on sait être nécessaire à la série pour progresser ? Cette efficacité au service d’une intrigue en mouvement permet de lui passer une grande partie des clichés présentés, parce qu’elle ne s’apesantit pas dessus comme si elle les avait inventés.

    Est-ce que La partitura secreta est surprenante ? Pas une seule seconde. Il n’y a pas un souffle pendant ces 25 minutes qui aille là où on ne l’attend pas. Et alors !
    En tout cas, l’épisode est sincèrement divertissant. Il se propose d’emmener ses jeunes spectatrices dans un univers facile d’accès, où la musique tient une place prépondérante (mais la musique classique, pour une fois, pas la pop à la Violetta ou la K-pop de L-Pop !), et qui ne laisse pas de répit à ses protagonistes. On connaît la sonate par coeur, mais elle n’a pas perdu de son efficacité et fournit exactement ce qu’on en attend, sans faux-semblant ni illusions de grandeur.


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  • Tu honoreras ton père

    21 avril 2024 à 22:54 • Review vers le futur •

    Au risque de ruiner votre dimanche soir, aujourd’hui on s’apprête à parler de la série néo-zélandaise Testify, qui a débarqué le mois dernier sur TVNZ+ (et a depuis fait son apparition sur la télévision linéaire) avec un projet ambitieux. Sauf que, je ne vais pas vous mentir, cette ambition s’accompagne d’un avertissement et non des moindres :

    Trigger warning : violences sexuelles sur mineurs.

    Au programme de Testify, on trouve : une megachurch évangélique dirigée par la famille d’un pasteur, une podcasteuse trans athée, et une horrible histoire de viols de petits garçons. Et encore, ça c’est juste dans les grandes lignes. Vous dire que Testify envoie du lourd est un doux euphémisme.

    Le pasteur Scott Jacobson est à la tête d’Avow, une megachurch qui se veut moderne, aussi bien en ce qui concerne son service (lequel se déroule dans un bâtiment récent, inclut des écrans LCD et un groupe de jeunes danseuses de hip hop plutôt qu’un choeur traditionnel) que son image (comme le prouvent les nombreux panneaux publicitaires en ville, qui mettent en avant son ambiance). Sur les idées, en revanche, il est plus conventionnel ; ses sermons sont même plutôt conservateurs. Avec l’aide de son épouse Jen, qui est assise à ses côtés chaque dimanche sur scène, de sa fille Emmaline, qui est en charge de l’organisation backstage, et de son fils David, la superstar proche de la jeunesse qui chaque dimanche attire de nouvelles ouailles, il mène une opération prospère.
    Dana croise le chemin de David complètement par hasard, alors qu’elle se tenait à distance de la religion organisée jusque là. Avec ses meilleures amies Eden et Isla, elle a aidé un jeune homme dans les toilettes d’un club, un samedi soir, et il s’avère que son contact d’urgence était David Jacobson. Or, David n’est pas seulement au service des membres de son église ! Il est aussi très séduisant, ce qui est la raison essentielle pour laquelle Eden et Isla persuadent Dana d’aller jeter un oeil à la messe du dimanche et reluquer le jeune pasteur. Dire que Dana n’est pas enthousiaste est en-deçà de la vérité ; mais elle prépare un épisode de son podcast sur la religion, et se laisse embarquer au nom de « recherches ». Même si pour ses copines, ces recherches se font sous l’emprise de quelques champignons… histoire de se marrer pendant le service.
    Dana, elle, ne rigole pas du tout. Elle est écoeurée et perturbée par ce qu’elle voit pendant la superproduction religieuse que produit Avow dimanche après dimanche, et qui confirme tout ce qu’elle pense de plus négatif sur la chrétienté.

    Et encore, elle n’en a pas vu les coulisses. Car derrière la liesse, les chansons et les bonnes paroles, Avow n’est pas exactement un lieu très cordial. Le pasteur Scott Jacobson est sévère, surtout avec ses propres enfants. Il traite Emmaline comme une employée à ses basques, et voit d’un très mauvais oeil les tentatives de David pour accueillir des jeunes LGBT au sein de l’église (Scott est, osons le dire, une gros homophobe).
    Plus largement, venir en aide aux communautés les plus marginales des environs, ce n’est pas exactement la priorité de Scott Jacobson. Il faut dire que quand on conclut chaque service par : « Vous pouvez prouver votre appréciation en faisant un don. Quelqu’un va passer dans les rangs. Mais ne vous inquiétez pas ; on a aussi EFTPOS si vous avez oublié votre sac à main ou votre portefeuille ce soir, donc… Ou alors, allez sur notre site internet et faites-en un truc régulier ». Au premier degré.

    …Or, les personnes marginalisées n’ont pas autant d’argent à dépenser que les autres.

    Clairement, tout ça serait déjà une bonne raison de mépriser le pasteur Scott Jacobson, mais ce n’est pas tout.
    David, apprend-on, est en fait le fils adoptif de Scott et Jen. C’est la raison pour laquelle c’est le seul jeune homme racisé de sa famille, et c’est quelque chose que son pasteur de père n’hésite pas à utiliser comme un levier de culpabilisation. Et pourtant, David est le fils qui est resté. Dans ce premier épisode, son fils Paul revient en ville après pas loin d’une décennie et demie d’absence, sans donner la moindre nouvelle. C’est d’abord Emmaline qu’il a contactée, mais celle-ci organise rapidement des retrouvailles avec David puis le reste de la famille. Si bien que Paul se retrouve, un peu malgré lui, à nouveau au sein d’Avow.
    Paul, en effet, n’est pas réapparu pour des retrouvailles émouvantes avec une famille perdue de vue. Il s’est éloigné volontairement quand il n’était encore qu’un adolescent, et il est de retour en ville avec une idée bien précise : confronter son violeur. La dernière partie de l’épisode introductif de Testify lui en donne l’opportunité ; Paul se présente chez lui sous un faux prétexte, mais son abuseur le reconnaît aussitôt, et c’est l’occasion d’un échange honnête entre les deux hommes. Paul est venu exiger des excuses… et une confession à Scott, qui ne l’a jamais cru. Paul a passé quasiment toute sa vie à clamer une vérité que personne ne semblait vouloir entendre, et aujourd’hui il veut se réparer. Mais il n’est pas prêt pour la façon dont la conversation avec son violeur va tourner…

    Testify a des milliers de choses à dire, et un épisode de seulement trois quart d’heure pour le faire. Les idées se bousculent, les points de vue s’entrechoquent, les expériences se superposent… tout ça en plus de l’inévitable travail d’exposition ! Si bien que Testify n’a pas vraiment le temps d’entrer dans le nerf dramatique des choses. Les tiraillements de David entre ce qu’il considère comme une vocation et les impératifs de son rôle au sein de l’église de son père ? Balayées en quelques minutes. Les interrogations de Dana face à une religion dont elle a gardé un goût amer, mais impressionnée à un niveau individuel par David ? De quoi ajouter un peu de voix off à certaines scènes dans lesquelles elle enregistre son podcast, mais à la limite du gimmick. L’abysse de souffrance dans laquelle Paul est enlisé quoi qu’il entreprenne pour essayer de s’affranchir d’un passé douloureux ? La conclusion de cet épisode inaugural transforme cela en thriller tragique. On peut lui concéder une volonté de parler de l’histoire souvent trouble de la chrétienté avec les abus d’enfants (quelque chose que la télévision de la région n’a pas peur d’explorer, comme l’avait déjà prouvé Devil’s Playground par exemple), et c’est bien courageux, mais est-ce suffisant de simplement aborder le sujet, sans l’approfondir ?
    Testify a des milliers de choses à dire… si bien qu’elle ne les dit pas. Elle les suggère. A charge pour les spectatrices de faire le reste du cheminement. Cela signifie que s’imposer son visionnage ouvre beaucoup de boîtes de Pandore, mais que je ne saurais garantir qu’elles seront ensuite proprement refermées. L’avertissement est donc lancé.


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  • Perle verte

    19 avril 2024 à 20:49 • Telephage-o-thèque •

    Lorsqu’on pense au genre du western, on imagine de grands espaces secs, des plaines arides, peut-être même des déserts comme au Nevada et en Californie. Mais ça, ce sont les westerns étasuniens. Bienvenue dans Outlaws, un western sud-africain qui nous emmène dans la « province-jardin » du KwaZulu-Natal, à la frontière avec le Lesotho, au pied de montagnes verdoyantes. La série choisit d’y suivre deux familles : les Biyela, propriétaires d’un ranch élevant des vaches, et les Ts’eole… voleuses de bétail.

    Une série que je voulais absolument réussir à voir, après être tombée sous le charme de son matériel promotionnel… et aussi parce qu’elle est produite par la même compagnie à laquelle on doit The Republic, dont je chantais les louanges de la première saison en décembre dernier.

    Ah ça, autant vous dire que les Biyela et les Ts’eole ne sont pas prêtes de s’entendre, quand leurs intérêts divergent aussi fondamentalement ! Le premier épisode, toutefois, produit un travail plutôt solide en matière d’exposition, démontrant que c’est tout leur style de vie qui est incompatible, et a, déjà, créé des situations diamétralement opposées.

    Ainsi, les Biyela possèdent un ranch plutôt cossu, doté de plusieurs employées. Tout le monde obéït au patriarche, Bheki, un homme imposant et autoritaire, mais pas dénué d’humour ni d’affection pour la famille qu’il a eue avec son épouse Nandi. Il compte en particulier sur ses deux enfants, déjà adultes, pour assurer la pérennité de sa dynastie. Bandile, le fils aîné, est déjà mari et père ; il travaille au ranch à ses côtés. Sihle, sa fille, est quant à elle plus indépendante, et alors qu’elle est sur le point d’annoncer ses fiançailles avec un riche citadin (Kwanele, l’héritier de la puissante famille Dlamini), elle se prépare à mener sa vie ailleurs.
    Si Outlaws a tendance à considérer les problématiques de Biyela avec bienveillance et intérêt, elle a cependant le bon goût de ne pas négliger les Ts’eole de son intrigue, et surtout de ne pas les tourner en antagonistes caricaturales. Cependant, il est évident qu’elles vivent dans une toute autre réalité. La famille Ts’eole est en effet menée par Moretlo, une vieille femme originaire du Lesotho qui a hérité du gang de son mari à la mort de celui-ci. Toutefois, c’est son fils unique Leruo qui dirige les opérations, et qui dans le même temps compose avec Tlali, son cousin tête brûlée et immature qui a tendance à prendre des risques au nom de son ego.

    Si l’on peut former quelques soupçons concernant les intrigues à venir, pour l’essentiel le premier épisode d’Outlaws est dans l’exposition pure. Nous révélant progressivement les personnages (certains plus que d’autres… et j’oserais avancer que la série maîtrise plutôt bien le female glaze, d’ailleurs !), leurs dynamiques, leurs émotions, cette introduction est principalement dramatique. Attention : elle n’est pas dénuée d’action, comme au début de l’épisode quand Bheki et ses hommes tentent de sauver le troupeau qui s’est perdu sous l’orage, ou à la toute fin dudit épisode lorsque les Ts’eole attaquent le ranch en tentant de s’emparer de l’intégralité du troupeau. Mais il ne s’agit absolument pas d’une série dont l’action est l’objet principal.

    Il y a une bonne raison à cela : Outlaws est une telenovela. Allons bon, je vous ai fait peur.

    Si en Afrique du Sud, le format a ses spécificités (par exemple en matière de durée ; Outlaws est prévue pour durer 40 épisodes à l’heure actuelle), sur le fond, on est dans du primetime soap. Qu’on ne s’y trompe pas : les moyens sont là ! On est dans la fourchette haute des budgets de la télévision sud-africaine, et cela se sent en particulier dans la façon dont la camera embrasse ses décors naturels, ou dans la réalisation de sa scène finale (le vol de bétail se fait de nuit mais passe progressivement au jour, pour finir en apothéose sous le soleil). C’est de la belle ouvrage.
    Mais c’est bel et bien l’aspect dramatique qui est au coeur de sa démarche. La série n’en fait aucun mystère quand elle explicite le conflit de ses deux familles (qui est également un conflit racial, et donc linguistique : Outlaws est l’une des nombreuses séries sud-africaines à mêler de multiples langues), ou quand elle se met à hauteur humaine pour saisir la relation tendre entre Sihle et son fiancé Kwanele, ou quand elle capture l’embarras calme de Leruo lorsqu’il se voit imposer un mode de fonctionnement par sa mère, au nom de la famille ou l’honneur. Au risque de vous spoiler, je ne choisis pas ces deux derniers exemples au hasard : Sihle et Leruo sont les personnes figurant sur le poster dont je ne cesse de vous rebattre les oreilles ! Vous devinez ce qui nous attend.

    Il n’y a pas de grosse surprise dans Outlaws, mais est-ce que toutes les séries ont besoin d’être surprenantes ? Je pose la question, parce que… ma foi, vous savez combien je peux être une fan de fiction dramatique dite « pure », c’est-à-dire intéressée par le destin et l’intériorité de ses personnages avant tout. On fait difficilement dans l’originalité quand le coeur de métier est l’âme des gens. Et c’est parfaitement ok !
    Outlaws a en plus l’avantage immense de s’intéresser à des profils absents du panorama télévisuel d’ordinaire. S’il existe en effet quelques séries rurales en Afrique du Sud (je parlais par exemple d’Omen dans cette review), la majeure partie de la production audiovisuelle, toutefois, se déroule dans des zones urbaines. C’était notamment le cas de la série que pourtant Outlaws replace dans sa case horaire sur M-Net (où elle a débarqué en février, après une mise en ligne sur Showmax à l’automne dernier), The River, qui se déroulait à Pretoria sur fond d’industrie minière. Au passage, The River était un « vrai » soap opera, qui s’est achevé au bout de 1500 épisodes et des brouettes ; un nouveau signe, s’il était besoin d’en trouver, que la télévision sud-africaine se désengage des soaps à rallonge pour préférer sa version de la telenovela.

    Les grands espaces verts d’Outlaws ne sont ainsi pas qu’esthétiques : ils ont vocation à montrer une population à la marge de la fiction sud-africaine. Je ne me sens que d’autant plus chanceuse d’avoir pu en voir, enfin, un épisode… même si hélas trouver le reste de la série persiste à relever du challenge.


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  • A helping hand

    15 avril 2024 à 20:38 • Dorama Chick •

    Les séries médicales hospitalières ne manquent pas, y compris sur les écrans asiatiques qui les affectionnent régulièrement. Généralement elles s’intéressent à des spécialités de chirurgie, parfois à l’obstétrique… bref, à la médecine considérée comme étant d’excellence, telle que pratiquée par des personnes super diplômées. C’est d’ailleurs ce qui explique que beaucoup de ces séries médicales soient plutôt intéressées par les questions éthiques et morales, comme j’avais eu l’occasion de vous le dire par le passé. Les soignantes sont-elles intègres ? Sont-elles encore capable d’humanité ? Sont-elles capable de mettre leur ego de côté pour soigner les patientes ?
    Plus rarement, beaucoup plus rarement en fait, les séries médicales asiatiques se penchent sur d’autres membres du personnel hospitalier. C’est que, forcément, il y a moins de cas de conscience quand on descend dans la hiérarchie…

    La dramédie Tonari no Nurse Aide a cependant décidé d’une approche différente, et entre dans les coulisses de l’hôpital universitaire (fictif) Seiryo aux côtés… d’une aide-soignante. C’est pas banal, et c’est à ajouter avec régal à la liste des séries qui s’intéressent aux « petites mains ».

    Mio Sakuraba est une femme de 29 ans qui commence son tout premier jour à l’hôpital Seiryo en tant qu’aide-soignante ; or, c’est aussi son premier jour en tant qu’aide-soignante tout court. La jeune femme est clairement motivée, très attentive à la santé (tout ce qu’elle fait le matin en allant au boulot est conditionné par les bénéfices santé apportés), et souriante. Sa première action une fois arrivée à l’hôpital, avant même d’avoir rencontré la moindre collègue, et de… diagnostiquer quelqu’un dans la salle d’attente, allant à l’opposé de l’avis d’une infirmière qui venait juste d’interagir avec la patiente en question. Pas le meilleur des départs, et l’infirmière ainsi qu’un médecin qui passait par là s’insurgent que cette aide-soignante qui techniquement n’a même pas encore pris son service tente de leur donner des leçons de médecine.
    Cela n’atteint pas l’enthousiasme de Mio, qui ne rêve que de travailler dans le service de chirurgie dirigé par le renommé Pr Higami, et plus encore, près du chirurgien Dr Taiga Ryuzaki. Il a le même âge qu’elle, et déjà une réputation mondiale, et Mio, qui s’avère être une « geek de médecine », pour reprendre ses propres termes, a hâte de le rencontrer, comme une fan.

    Ses nouvelles collègues tentent de la rappeler à la réalité, et les tâches qui attendent Mio vont également y contribuer.
    C’est qu’il ne s’agit pas d’un boulot facile. Donner la bécquée aux patientes, les laver, changer leurs couches ou leurs draps, les retourner ou les porter… Et surtout, gérer leur état émotionnel, que les infirmières et évidemment les docteures ne prennent pas en compte. D’ailleurs, une DEUXIEME fois pendant son premier jour, elle va essayer d’intervenir auprès de la même infirmière et du même chirurgien qu’au début, par rapport à une autre patiente pour laquelle elle intercède. Et une DEUXIEME fois, elle va se faire renvoyer dans les cordes, ses supérieures la tançant vertement pour avoir oublié sa place dans la hiérarchie stricte de l’hôpital. Plus tard, elle verra de ses propres yeux son vénéré Dr Ryuzaki montrer un désintérêt total pour l’état psychologique d’un patient qu’il est sur le point d’opérer.
    Mio a beau avoir une attitude positive, il faut avouer que c’est rude pour son dos, et dans une certaine mesure, pour ses nerfs (certaines patientes abusent de la disponibilité des aide-soignantes, par exemple pour prendre des selfies…). Elle commence surtout à réaliser que le service de chirurgie ne tourne pas comme elle l’avait imaginé : personne n’y ressent l’envie de s’intéresser au bien-être des patientes, et certainement pas si ça vient d’une petite aide-soignante de rien du tout. Toutefois son enthousiasme n’est pas entamé, et les yeux pleins d’étoiles, elle découvre au détour d’un couloir que les chirurgiennes de Seiryo font des rondes « comme dans les séries » (et comme dans le manga Black Jack, dont les volumes remplissent le seul carton qu’elle a ouvert dans son appartement !). Cela lui donne l’énergie de poursuivre son service, et d’attaquer une deuxième journée à son poste.

    Tonari no Nurse Aide n’est pas là pour assister à la désillusion de Mio, cela dit. Loin s’en faut. En fait, elle va, après avoir multiplié les faux-pas pendant ses premiers jours, intercéder une TROISIEME fois en faveur d’un patient, et cette fois… va être entendue. Car ce qu’elle ne sait pas, c’est que pour la patiente de la salle d’attente, au tout début de son premier jour, eh bien, Mio avait eu le nez creux, et avait détecté quelque chose de grave. Et que là, c’est à nouveau le cas.
    Et qui l’écoute ? Nul autre que le Dr Ryuzaki, qui est certes complètement insensible à la question du bien-être et de l’état psychologique de ses patients, mais est capable de considérer qu’en tant qu’aide-soignante, quelqu’un comme Mio a un point de vue unique sur des symptômes qui autrement passeraient inaperçus. Mio influe ainsi, directement, sur une opération qu’il allait pratiquer, et se voit même offrir l’opportunité de l’assister (certes de courte durée).
    Triomphalement, Tonari no Nurse Aide est donc là pour ça : parler du bénéfice incommensurable des « petites mains » de l’hôpital dans les choses importantes. Alors oui, ça veut dire vider des pots de chambre et laver des inconnues, mais ça signifie aussi contribuer directement à leur qualité de soin. Encore faut-il pour cela être entendue par la hiérarchie…

    On aura donc compris que Tonari no Nurse Aide ne dit pas grand’chose de nouveau dans le contexte des séries médicales asiatiques. Par contre, elle a trouvé un angle inédit pour le faire, et propose au passage une perspective sur l’univers hospitalier un peu différente de l’ordinaire.
    A cela, elle ajoute aussi un ton bien à elle, à mi-chemin entre la comédie et le drama feelgood. Préparez-vous à des gags pas forcément super fins (Mio est obligée de sortir du théâtre chirurgical parce qu’elle s’est pris du sang pendant l’opération et s’est évanouie) et des violons (le patient qui voulait s’enfuir de l’hôpital parce qu’il pensait que sa femme le trompait a une conversation à coeur ouvert avec ladite épouse), parce que Tonari no Nurse Aide veut éviter d’effrayer les spectatrices. La série introduit aussi une relation ambivalente entre Mio et Dr Ryuzaki (qui s’avèrent habiter le même immeuble !), et suggère peu subtilement que Mio a une backstory brumeuse qui, n’en doutons pas, sera progressivement révélée dans les épisodes suivants.
    Tonari no Nurse Aide assume ses choix. C’est parfaitement respectable de vouloir être grand public tout en traitant de sujets sérieux… c’est juste pas exactement ma came.


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  • Lorsque les enfants paraissent

    13 avril 2024 à 18:40 • Review vers le futur •

    Il n’est pas facile de devenir parent pour la toute première fois, et de nombreuses séries ont su raconter les heures, les jours, les semaines qui suivent la naissance d’un premier enfant (la sud-coréenne Sanhoojoriwon comptant, à mes yeux, parmi les meilleures du genre). Mais imaginez ce que c’est que d’avoir des jumeaux ! Hamdi et Yasmine en font la douloureuse expérience, et dans les 24h qui suivent leur retour à la maison, le couple a tôt fait de réaliser qu’il ne s’en sortira pas seul…

    Comme je n’ai pas beaucoup écrit en mars, on a perdu quelques occasions de parler de séries du Ramadan pour cette année, mais ne vous en faites pas : tout n’est pas perdu. Et pour vous prouver ma bonne foi, je vous propose aujourd’hui une review du premier épisode de la comédie égyptienne Ashghal Shaqa, l’une des séries ayant trouvé un fulgurant succès critique pendant le mois écoulé.

    La force de Ashghal Shaqa réside dans la légèreté de son approche : ici, pas de gag lourd, de vannes à grosses tatanes, d’humour du plus petit dénominateur commun. Il y a une certaine élégance dans la façon dont la série cherche le rire, même si les situations restent relativement simples. Et, plus important encore, contrairement à beaucoup des comédies provenant de pays arabes que j’ai pu voir, les personnages n’y crient pas ou très peu ; j’ai cru remarquer que les engueulades sont souvent le ressort comique de ces séries, et ici ce n’est pas du tout le cas. En gardant un ton très mesuré, Ashghal Shaqa s’assure que le rire ne vienne pas de la forme, mais du fond.

    Yasmine est enceinte jusqu’aux yeux lorsque commence Ashghal Shaqa ; elle vient délivrer au producteur de son émission des extraits de ses anciennes émissions, qui permettront d’avoir quelque chose à diffuser même pendant son congés maternité. La réalité, c’est qu’elle ne veut pas d’un remplaçant pour son rôle : elle ne sait que trop bien qu’ensuite il sera difficile à déloger de sa place à l’antenne. Hélas, son producteur refuse d’utiliser de recycler d’anciens extraits… Elle n’a pas encore quitté le studio de télévision que Yasmine ressent des contractions : pas de chance pour elle, son congé maternité a clairement commencé.
    A l’autre bout de la ville, Hamdi est sur une scène de crime. Expert médico-légal, il s’imagine enquêteur de talent alors que son job n’est pas de jouer les détectives, mais seulement de s’occuper des preuves et examens scientifiques ; il a également un deuxième job, qui consiste à gérer les bourdes de son assistant Arabi. Point culminant de sa journée : lors de son travail sur le terrain, dans le cadre d’une affaire de meurtre dont la victime a été retrouvée nue, Hamdi a réussi à convaincre le détective chargé de l’enquête de laisser les plongeurs chercher des vêtements dans l’eau… et ils ont trouvé un T-shirt suspect ! Il a donc collecté une preuve supplémentaire à expertiser. C’est alors qu’Arabi l’informe que Yasmine a appelé plusieurs minutes plus tôt, pour l’avertir qu’elle était sur le point d’accoucher.

    Cette introduction semble superflue tant elle a si peu à voir avec les déboires parentaux au centre de la série. Pourtant, c’est bien joué : Ashghal Shaqa démontre ici que ses protagonistes centrales ont des vies occupées, et un entourage encombrant. Ce n’est d’ailleurs pas fini : à l’hôpital, dans la salle d’attente, nous avons tout le temps d’apprendre à connaître leurs mères. Celle de Yasmine, Sawsan, est une femme élégante mais un peu snob, et sévère. Celle de Hamdi, Durrieah, est plus humble mais aussi plus fusionnelle ; en outre, Yasmine ne s’entend pas du tout avec elle. Ce tableau étant composé, on peut donc entrer dans le vif du sujet.
    Et le vif du sujet c’est qu’à peine rentrées de la maternité, Yasmine et Hamdi découvrent qu’avoir des jumeaux, ce n’est vraiment pas facile. Entre leur inexpérience, leur fatigue, et le fait qu’elles n’aient personne sur qui compter (Sawsan passe la première nuit chez elles, mais n’a jamais changé une couche de sa vie…), clairement, elles sont dépassées. Toutefois, Hamdi refuse d’employer quelqu’un pour les aider : il prétend que Durrieah l’a élevé elle-même et qu’il ne s’en porte pas plus mal. Yasmine, qui a été élevée par sa nourrice Awatef, pense aussi qu’elle ne s’en porte pas plus mal ! Et que ça ne signifie pas qu’elle ne sera pas présente pour les bébés. Mais rien à faire, Hamdi tient bon…
    …pour une douzaine d’heures encore. Quand il finit par s’endormir dans la chambre froide du laboratoire médico-légal, il faut se rendre à l’évidence. Il finit par accepter d’engager quelqu’un.

    Se présente alors Om Sabrine, qui semble avoir beaucoup d’expérience professionnelle ainsi que personnelle (elle a une fille), et qui promet de suivre à la lettre les conditions posées par Hamdi (on n’entre pas dans son bureau, et on ne touche pas à ses affaires !). Hélas, les promesses s’avèrent peu suivies d’effet. Blasées, Yasmine et Hamdi peuvent rapidement constater que même la promesse de ne jamais décrocher son téléphone perso quand elle est au travail n’est pas tenue par Sabrine…
    A ce stade, je ne saurais dire si Om Sabrine va rester au service du couple parce que celui-ci est trop désespéré pour chercher quelqu’un d’autre, ou si la quête de l’employée providentielle va sous-tenir les épisodes suivants de Ashghal Shaqa. Tout ce que je sais, c’est que les déboires ne sont pas finis pour ces jeunes parents que tout persiste à accabler. Y a-t-il quelqu’un pour les sauver de la fatigue, ou Hamdi et Yasmine sont-elles seules face aux défis de la parentalité ? Bon, pour moi c’est un enjeu un peu facile à regarder de façon détachée, mais je gage que pour des parents, ce visionnage doit être salvateur. En témoigne l’avalanche de compliments adressée à la série pendant le Ramadan.


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  • L’heure de l’addition

    12 avril 2024 à 22:59 • Telephage-o-thèque •

    Jacek a passé les 5 dernières décennies à brûler la chandelle par les deux bouts. Avide de bons plats, d’alcool, de fêtes à n’en plus finir et de jolis jeunes hommes, il pense pouvoir surfer sur son succès passé pour s’offrir le luxe de faire ce qu’il veut, et rien que ce qu’il veut. Tant pis si ça dérange, et tant pis si ça heurte autrui. Moins épicurien qu’enfoiré nombriliste, il tient aujourd’hui une chronique de critique culinaire ainsi qu’une émission de dégustation qui font de lui, si ce n’est un critique respecté, au moins quelqu’un d’un peu renommé. Et ingérable.

    Du moins c’est le cas jusqu’à ce que…

    Le rythme du premier épisode de la série polonaise Udar (ou The Stroke de son titre international, et d’ailleurs la seule preuve concrète que j’aie de sa diffusion pour le moment est en Australie) est ébouriffant. Le montage de la série ne tient pas en place ; c’est bien, au moins c’est assorti à la personnalité survoltée de Jacek. Les plans se succèdent à la vitesse de l’éclair, les répliques fusent, les événements se superposent. Il faut tenir le coup et j’avoue que j’ai décroché une fois ou deux.
    Dans tout cela, que nous dit-on ? Que Jacek est un connard de première, et que l’air de rien beaucoup de monde dans son entourage le tolère plus qu’on ne l’apprécie. Son staff passe sa vie à lui courrir après, et est excédé de ses retards, ses absences, sa combativité de chaque instant. Il a pour seule famille son neveu Krzysiek, mais celui-ci s’apprête à partir pour un an en Thaïlande avec sa famille, abandonnant à la fois Jacek et l’émission gastronomique. Quant à Teresa, son amie de toujours, elle est certainement celle qui a le plus d’affection pour lui. Ensemble, il y a bien longtemps (…oui faut pas compter sur Udar pour des timelines précises), elles ont fondé une chaîne de télévision ensemble, mais aujourd’hui Teresa la gère seule, pendant que Jacek exige juste qu’on cède à ses caprices et qu’il fasse sa petite émission de son côté.

    Jacek semble se foutre de tout. Et de tout le monde. Il fait ce qu’il veut et ne supporte pas la contrainte. Rien n’a d’importance, si ce n’est s’empiffrer des meilleurs plats et se remplir des meilleurs alcools (ou juste d’alcool). Il ne prend rien au sérieux…
    …et c’est probablement la raison pour laquelle il ne se trouve personne pour sembler surprise de son attitude erratique dans ce premier épisode. Udar, avec sa réalisation qui part dans tous les sens (c’est un compliment !), renvoie l’impression d’une confusion qu’on peut interpréter soit comme un effet de style, soit comme le reflet de l’attitude de Jacek dans la vie. Après tout, quand on se murge en permanence, la perception de la réalité est forcément altérée.

    Et donc, Udar emploie un moyen radical pour le confronter à lui-même.
    Voilà bientôt qu’après deux journées particulièrement Jacek-esques, notre homme commence à faire un malaise… qui se transforme bientôt en attaque cérébrale. Bon, c’est pas spoiler si c’est à la fois dans le titre et dans le matériel promotionnel, mais l’épisode fait un travail remarquable pour retarder autant que possible l’inévitable, au point où on en vienne quasiment à oublier où la série se dirige. Il ne fait pas vraiment de doute, une fois qu’on a vu le poster, que Jacek va perdre largement de son autonomie.
    Pour le moment au moins (il faudra voir, bien-sûr, ce que les épisodes post-stroke en diront), Udar met un point d’honneur à ne pas montrer cela comme un retour de bâton, un état de santé quasi-karmique qui punirait Jacek pour son égocentrisme. L’intention semble assez clair de traiter le coup dur de santé comme une façon de forcer la main au protagoniste, et pratiquer un peu d’introspection, qu’il semble volontairement tenir à distance par son comportement et ses habitudes.

    Je dois dire que ça me rend curieuse ; cette idée qu’un changement dans notre abilité physique et/ou cognitive nous pousse à réévaluer les choses est finalement assez rare dans les séries. Tout simplement parce que les séries dans leur immense majorité sont validistes, et ne s’intéressent pas à ces histoires-là. A part quelques personnes âgées de fiction qui soudainement doivent accepter d’être « diminuées » (on en trouve par exemple pas mal dans les séries de David E. Kelley, et du coup ça me fait penser qu’on en trouvait aussi dans Le Code), c’est plutôt rare qu’on se pose la question de : quand le corps dit stop, et qu’il faut s’adapter à une nouvelle réalité, quelle relation peut-on entretenir avec soi-même ? Il y a toutes sortes de questions qui se posent lorsque notre capacité à être se trouve changée par les circonstances, sur la façon de négocier les transitions, d’établir un nouveau normal, d’interroger le rapport à notre propre corps, de réfléchir à nos relations. L’aide dont on a besoin et l’aide que l’on accepte sont deux choses souvent très différentes, aussi. Et celle que l’on reçoit encore une troisième…
    Quel meilleur personnage que quelqu’un comme Jacek pour se confronter à tout cela ? Non parce qu’il a besoin d’apprendre l’humilité, mais parce qu’il se caractérise par un refus têtu de traiter quoi que ce soit sérieusement. Il a, aussi, un appétit dévorant pour les plaisirs de la vie, c’est-à-dire une figure qui, dans l’univers tragicomique d’Udar, ne va pas si facilement abandonner tout face à une condition physique invalidante.

    Alors, malgré ce premier épisode qui donne le vertige, Udar me semble avoir pas mal de potentiel. Il ne faut pas trop espérer se prendre d’affection pour son héros, mais sur le reste, c’est une série pleine de personnalité et de bonnes idées, dont j’espère pouvoir découvrir si elles vont se concrétiser.
    Cela fait quelques années maintenant que Viaplay produit des séries originales en Pologne, et je ne crois pas en avoir déjà reviewé une autre.


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  • Esprit 80

    10 avril 2024 à 21:12 • Telephage-o-thèque •

    En matière de télévision française, il peut être légèrement difficile de se faire une culture télévisuelle sur le tard. Les archives mises à dispositions par l’INA sur Madelen, par exemple, sont majoritairement constituées de titres des années 70 ou antérieures. Les plateformes de streaming sont, à l’inverse, rarement intéressées par des séries ayant plus de 10 à 15 ans grand maximum. Il n’y a plus grand’chose à espérer des sorties en DVD ou Blu-ray. Ne regardant plus la télévision linéaire, je serais également bien en peine de vous dire où trouver des rediffusions de séries françaises spécifiquement.
    Or, j’ai été prise d’une forte envie d’explorer les séries des années 80. C’est à la fois une période que j’ai connue, et une période pendant laquelle je ne consommais pas encore beaucoup de télévision (ou alors avec très peu de choix quant à ce qui m’était accessible ou non). A partir du milieu des années 90 environ, ça a un peu commencé à évoluer, et avec l’adolescence mon appétit télévisuel est devenu plus prononcé… mais c’est aussi une période à partir de laquelle, un peu par principe, j’évitais tout ce qui était français. Ironiquement, j’ai donc une culture télévisuelle française assez pauvre (quoique l’expérience a prouvé que c’était peut-être une vision déformée des faits).

    Alors, eh bien, je me suis dit que j’allais suivre le modèle de mes autres explorations télévisuelles, un peu par défi, un peu par esprit de contradiction, en ce mois d’avril. J’ai décidé spécifiquement de chercher des sitcoms des années 80.
    Après tout, les comédies sont généralement celles dont les ouvrages respectables sur l’histoire télévisuelle parlent le moins, et donc celles où j’ai présumé que mes lacunes étaient plus vastes à combler. Nous voilà donc aujourd’hui devant un nouvel article « Multi« , dans lequel je vais vous parler des comédies des années 80 que j’ai réussi à dégoter !
    Cela n’a pas été sans mal. Et cela a été imparfait. Je regrette par exemple de n’avoir pas pu mettre la main sur Vivement Lundi, qui de par son genre mais aussi son inspiration, aurait été une expérience complémentaire à celles que j’ai pu faire ici. Mais dans l’ensemble, c’était un voyage dans le temps plutôt sympa… Jugez plutôt.

    Maguy (1985)
    Si vous l’ignoriez, Maguy est le remake français de la série étasunienne Maude (avec Bea Arthur, celle-là même), et en l’occurrence le premier épisode de la version française est une adaptation relativement fidèle de l’originale… A noter que c’est le premier épisode diffusé, et non le premier épisode produit ; la diffusion de Maguy était apparemment assez chaotique de toute façon.
    …Ou, plutôt, du 3e épisode de l’originale. Par ce choix, Maguy a ainsi éludé la question de la psychiatrie (pilote de Maude) et des attitudes sociales vis-à-vis de la nudité et du sexe (deuxième épisode de Maude), pour directement passer à une intrigue reposant sur l’embauche d’une employée de maison. Aaah, je me disais aussi. Ça c’est la télévision française que je connais ! Il me semblait bien que Maude allait être un peu trop gauchiste pour nous, et ce, en dépit du fait que rien moins que 13 années séparent les deux séries.
    Voilà donc Maguy, son mari Georges (dans cette adaptation, il est son troisième mari, là où Maude a été mariée quatre fois), sa fille Caro et, dans une moindre mesure, son petit-fils Jérôme, en train de s’adapter à cette nouvelle présence dans leur foyer. Maguy, dont le tempérament sanguin est vite établi par l’épisode, a déjà eu de nombreuses employées avant elle, et à chaque fois, les pauvres s’enfuient en courant, et la maison de cette famille multi-générationnelle sombre encore plus dans le chaos. Cette fois-ci, Maguy veut absolument prendre soin de son employée potentielle, et se faire bien voir pendant leur entretien d’embauche ; de ses propres mots, Maguy essaie de se faire embaucher comme patronne, ce que les autres protagonistes trouvent parfaitement ridicule. Arrive donc Rose Le Plouhannec, une femme très pragmatique et pleine de bon sens, avec laquelle, très rapidement, il apparaît que les choses ne collent pas. C’est que, à force de vouloir absolument bien la traiter (lui servir un apéritif au déjeuner, porter les courses à sa place, l’empêcher de passer par la porte de service, et ainsi de suite), Maguy lui rend la tâche impossible. Vers la fin de l’épisode, Rose claque la porte… au bout d’une semaine d’essai seulement. Elle n’accepte de revenir que lorsque Maguy commence à mal lui parler. Haha, c’est drôle parce que, dans l’univers de Maguy, la leçon à tirer de tout cela est qu’il faut traiter le petit personnel de façon autoritaire et méprisante, vous comprenez ? Hilarant.
    Et c’est vraiment ça : il y a une leçon à tirer. Maguy n’est pas une série sur la complexité des opinions politiques de son héroïne, sur ses contradictions, sur son hypocrisie parfois même, comme Maude pouvait l’être. La série française a l’intention de rire de l’absurde, pas vraiment donner à réfléchir, même pas par accident. Et si c’est absurde, c’est parce qu’il relève de l’évidence (sauf pour la protagoniste centrale) que cela tombe sous le sens de ne pas chercher à respecter, et encore moins à contenter, une femme de ménage. Même l’appeler « assistante familiale » est complètement risible, n’en déplaise à l’obstination de Maguy dans cet épisode, alors vous pensez…
    Si c’est la leçon à en tirer, c’est parce que, dans la façon qu’a ce premier épisode d’introduire les personnages, tout est fait pour créer une situation dans laquelle Maguy est montrée comme supérieure à Rose. Dans sa belle maison moderne (…oui bon, pour les années 80, quoi), Maguy est une femme plutôt élégante et raffinée, qui s’exprime bien et abondamment, quand Rose a un accent « populaire » (du Sud-Ouest, même si elle porte un nom breton et qu’elle dit avoir passé toute sa vie à Grenoble), et est une femme de bon sens, mais de peu de mots. Ces marqueurs indiquent qu’il tombe sous le sens que ces femmes ne soient pas égales, alors qu’en réalité, ce qui les oppose, c’est juste que l’une emploie l’autre. C’est précisément ce qui horrifie Maguy, mais pas parce qu’elle a un problème avec les différences sociales, non ! Comme vraiment Maguy ne veut pas se mouiller, c’est surtout qu’elle ne veut pas faire fuir une nouvelle employée, après de nombreuses mésaventures précédentes ; il est insinué d’ailleurs que c’est plutôt l’état déplorable de la maison et la personnalité de Maguy qui ont été la cause de ces nombreuses expériences négatives ; alors Maguy, naturellement, a décidé d’être exagérément amicale avec la nouvelle venue pour l’amadouer. Dans Maguy, on ne fait donc rien par conscience sociale (même si, hilares, son mari et sa fille parlent d’elle comme une syndicaliste communiste), mais par intérêt personnel. Au moins on est certaine de ne contrarier aucune spectatrice… Et ça ne fonctionne pas du tout, surtout avec les yeux du 21e siècle.
    Sauf que ce n’est pas qu’une question de recul. Car, quelque part pendant le voyage des scripts entre Tuckahoe et Le Vézinet, une page des dialogues s’est apparemment perdue dans la soute : celle qui précise que dans l’épisode original de Maude, l’employée de maison est noire. Et ça change tout ! L’épisode de la série américaine est en effet placé sous le signe d’une discussion sur l’attitude de Maude (dont les deux épisodes précédents ont prouvé qu’elle était très progressiste, mais que son comportement n’était pas toujours en adéquation avec ses idées) vis-à-vis de cette femme noire qui vient juste faire son travail. Or, Maude est tellement préoccupée par l’émancipation de son employée, Florida, qu’elle en vient à devenir étouffante. Son problème n’est donc pas tant de n’avoir plus de femme de ménage (d’autant que sa maison n’est pas du tout montrée comme particulièrement en désordre), que d’offenser celle-ci en particulier. Plus largement, c’est une question de principe : Maude veut absolument être très ouverte d’esprit. C’est ce paradoxe politique que l’épisode explore (bien que n’utilisant jamais les termes « white guilt » ou « white savior« , que Maude exemplifie) ; et cet angle change absolument tout dans les dynamiques ! C’est d’autant plus paradoxal que Maude a expressément demandé à l’agence qu’on lui envoie une employée noire, comme l’étaient les précédentes qu’elle a trop choyées pour exactement les mêmes raisons. C’est ce progressisme forcené, mais pas très bien appliqué, que le script de Maude critique ouvertement. Plus saisissant encore, la fin de l’épisode offre une confrontation entre Maude et Florida, au cours de laquelle cette dernière démontre que se faire traiter en égale, c’est la laisser faire ses propres choix, et surtout, son travail. Visiblement, honteuse, Maude prend le temps de la réflexion, puis Florida lui offre une chance de la traiter, réellement, comme une égale, et cesse de l’infantiliser au nom de la cause afro-américaine.
    Cela, évidemment, l’épisode inaugural de Maguy ne peut pas le retranscrire à la situation qu’il s’est choisi. En dépolitisant entièrement l’intrigue, la série s’est coupée de toute opportunité de raconter plus qu’une farce. Imaginez acheter les droits d’une série comme Maude et de précisément la stériliser à ce point…

    Marc et Sophie (1987)
    Apparemment, c’est le succès de Maguy qui a conduit à la création de Marc et Sophie, et si vous pensez qu’on avait perdu en qualité entre Maude et Maguy, accrochez-vous, la descente en apnée continue.
    Sur le principe, j’avais pourtant envie d’apprécier ce premier épisode, qui se comporte, chose rare dans notre panorama du jour, comme une véritable introduction. Marc et Sophie viennent de se marier, et arrivent dans leur nouvel appartement, au rez-de-chaussée d’un immeuble, juste après le repas de noces. Cela permet d’exposer plutôt bien qui sont nos protagonistes, ainsi que la situation dans laquelle les épisodes suivants sont amenés à se dérouler. Bon, ça fait un peu doublon avec le générique, lui-même très pédagogique, mais c’est en tout cas l’occasion d’établir que Marc est vétérinaire, Sophie est docteure, et que leurs cabinets vont se trouver dans leur nouvel appartement, ce qui permettra à toutes sortes de personnages de venir les rendre frappadingues avec des malentendus divers. Pour le moment, les cabinets ne sont pas encore ouverts ; en revanche, la nuit torride des jeunes mariées est sans cesse repoussée par toutes sortes d’incidents qui offrent autant de prétextes additionnels à présenter d’autres personnages (comme la gardienne de l’immeuble, Madame Moulinard) ou des dynamiques (Marc est un peu un fils à maman). On a franchement construit des épisodes d’exposition sur moins que ça ! C’est une bonne idée et une plutôt bonne structure, à la base j’étais partante.
    Là où ça se corse, c’est qu’on est ici devant un sitcom dont les dialogues sont parfaitement nuls. Ils sonnent maladroits comme s’ils étaient improvisés, mais c’est une explication préférable à l’autre possibilité : celle que ces mots aient été écrits spécifiquement dans le but d’être tournés, puis montrés à une heure de grande écoute. A des gens. Avec des cerveaux, et tout. Beaucoup de répliques de cet épisode, hélas, ont effectivement été écrites par quatre scénaristes peu inspirés. Les rires enregistrés, courageusement, incitent à ignorer combien une série dont le but est l’humour a décidé de complètement outrepasser son obligation d’être drôle. A une exception près. Marc et Sophie contient dans ces 22 premières minutes une, j’ai bien dit UNE réplique qui m’a fait sourire, au tout début, avant que le couple n’entre dans l’appartement. Je vous laisse la trouver ; l’épisode est par exemple en ligne sur Youtube. Dommage que le reste de l’épisode soit aussi peu enclin à jouer sur les double sens malins (et coquins), pensant vraisemblablement son public trop stupide pour répéter le miracle.
    Il est vrai que mon opinion de cet épisode n’est pas basée que sur la qualité des échanges. J’ai été aussi très agacée par la façon dont Marc et Sophie ne fait aucun mystère d’une partie de sa recette, qui consiste à montrer l’actrice Julie Arnold sous toutes les coutures, et aussi peu habillée que possible. Le racolage est assez grossier, parce qu’il ne se produit même pas nécessairement quand le couple veut par exemple consommer son union, mais aussi, voire surtout, pour tenir une bassine sous une fuite d’eau. Donc, totalement gratuitement. Mais bon, les années 80 sur TFHein, c’est aussi les années Collaro, donc dans le contexte historique, je suppose que ça a du sens. Ce n’en est pas moins rageant.
    En essayant de faire un peu de lecture sur Marc et Sophie (et franchement, il n’y a pas grand’chose à se mettre sous la dent pour une série qui était aussi populaire), j’ai découvert une mention sur le site de l’INA qui m’a fait lever un sourcil circonspect :

    J’ignorais complètement que Marc et Sophie avait été générée par une IA, vraiment le Minitel quelle belle invention française.

    …Plus sérieusement : hein ? en 1987 ? Quelqu’un a des détails sur ça ? Si ça venait d’une autre source que l’INA, je mettrais ça sur le compte d’un gros troll (c’est le genre de truc qu’on disait dans les cours de récré sur TOUTES les séries françaises qu’on n’aimait pas), mais là, bon. Le générique ne comporte aucune indication dans ce sens, et pas moins de 4 paires de mains ont écrit cet épisode (elles semblent toutes humaines). Par contre la série employait un « Conseiller Faits de Société », qui me laisse un peu circonspecte. J’entends bien que le générique proclame que « leur vie c’est un petit peu comme la nôtre aujourd’hui », mais se tenir au courant de qui se passe, c’est pas un peu le travail des scénaristes ? Le « Conseiller vétérinaire », je vois son rôle ; celui-ci, beaucoup moins.
    Non, franchement, tout d’un coup j’ai surtout envie d’une oral history de Marc et Sophie. Qui se dévoue ?

    Objectif Nul (1987)
    La série la plus originale de cette sélection… et aussi la plus courte, l’épisode durant environ 7 minutes. Parodie de séries de science-fiction, Objectif Nul a plus en commun avec Red Dwarf (pourtant apparue l’année d’après outre-Manche ; au passage, j’ai reviewé le pilote il y a quelques mois) qu’avec Star Trek, largement trop proprette en comparaison.
    C’est aussi, hélas, la série la plus difficile à reviewer de cette sélection. Objectif Nul est, pour commencer, une série à sketches, ce qui signifie que sa qualité est par définition très fluctuante. Il y a des passages drôles (j’aime en particulier ses jeux de mots), et il y a les autres. En outre, certains de ses sketches sont des parodies d’autres choses que les séries de science-fiction, notamment des publicités. Autant dire que les références publicitaires de 1987 échappent pas mal aux spectatrices d’aujourd’hui, par opposition à des références musicales ou cinématographiques (qui sont également présentes dans ce premier épisode, mais ne constituent pas la base de tout un sketche), dont l’obscolescence est plus lente.
    Objectif Nul est de la fiction meta par excellence, entre les personnages qui ignorent allègrement le quatrième mur, qui se plaignent de certaines répliques, ou encore l’habillage intégré dans celui de Canal+ imitant les pauses publicitaires, la série jongle avec les codes télévisuels en parfaite connaissance de cause. Hélas cela démontre aussi qu’une série très meta a souvent un peu plus de mal à vieillir que d’autres. L’avantage au moins c’est qu’Objectif Nul, avec ses scènes extrêmement courtes, a tendance à ne pas laisser trainer ses gags en longueur, donc même quand ça ne prend pas (ou plus), ce n’est pas bien grave.
    Cela ne signifie pas qu’Objectif Nul est impossible à apprécier pour autant, et encore moins que son 7 d’Or (décerné à une époque où la télévision française avait encore ses propres récompenses) ne soit pas mérité. Mais il est certain que sans la nostalgie, et tout ce que cette nostalgie implique, c’est un peu difficile d’appréhender son humour à sa juste valeur aujourd’hui. En revanche, ce qui reste saisissant, c’est la volonté de sortir du lot qui se cache derrière ses blagues. Avec son montage survolté et ses jeux de camera constants, la réalisation reste d’une efficacité indéniable (c’était apparemment un point sur lequel l’équipe avait insisté), en dépit des moyens visiblement limités.
    Ah, et puisqu’on parle des Nuls, ils apparaissent également dans la série suivante…

    Palace (1988)
    Egalement comédie à sketches, Palace est pourtant d’une durée record d’une heure et quart, bien loin des 7 minutes d’Objectif Nul ! Pourquoi faire aussi long, quand une série à sketches pourrait aussi bien être deux à trois fois plus courte sans que cela n’ait le moindre impact ? Au cours de cet épisode inaugural, on pourrait se poser la question ; d’autant que certains segments reviennent plusieurs fois et sont voués à devenir des rendez-vous d’épisode en épisode, donc à quoi bon les répéter au sein du même épisode encore en plus. Le nombre d’occurrences des « Brèves de comptoir » déclamées par Jean Carmet, par exemple, est un peu étrange et pas forcément bien étalé (mais fait vraisemblablement bien marrer la production, qu’on entend pouffer dans le fond). En fait, ce format est dû moins à son contenu qu’au cadre de sa diffusion : elle serait inspirée d’une émission italienne, Grand Hotel, lancée en 1985 par Berlusconi pour mélanger comédie et musique, et ainsi faire de la concurrence à une émission de variété en primetime.
    Moins portée sur les numéros musicaux, qu’elle remplace par des intermèdes plus proches du music-hall, Palace ambitionne elle aussi de faire du primetime, quitte à remplir les épisodes de sketches sans trop s’inquiéter de la cohésion d’ensemble de ces pièces mises bout-à-bout. En revanche, visuellement, c’est une réussite : avec ses décors immenses (2500m² !), ses costumes reconnaissables entre mille, sans plans ambitieux et sa réalisation ingénieuse, Palace se donne énormément de mal pour affirmer sa différence.
    Il y a du bon, du moins bon, et du désolant, dans ce premier épisode. Je suis particulièrement fan, par exemple, du numéro final, forcément inspiré par le film Airplane! et dans lequel les clientes du restaurant découvrent, atterrées, qu’il n’y a plus de bacon pour le petit déjeuner. C’est parfaitement délicieux, si vous me pardonnez le jeu de mots. Les gags bon enfant du segment « Service Palace » sont aussi plutôt amusants, notamment de par leur usage du hors champs. On trouve aussi dans l’épisode des choses un peu plus adultes, je vous rassure, comme cette longue scène dans laquelle quelques unes des clientes les plus distinguées du palace se concertent dans le cadre raffiné de l’entrée de l’hôtel sur l’organisation d’une partouze. Primetime oui, mais pas spécialement destiné à un public familial ! En témoignent deux passages de l’épisode, qui trouvent une excuse pour montrer des seins nus… oui, les années 80, ça reste les années Collaro. Heureusement qu’on peut compter sur le client irrascible et l’affable directeur pour revenir à des choses plus innocentes ; immortalisés par les pubs de la MAAF pendant un peu plus d’une décennie, ces sketches sont probablement ce que Palace a laissé de plus propice aux memes dans les esprits.
    Quoi que je pense des sketches en dents de scie (celui sur les clientes qui ont tellement peur de leur facture qu’elles organisent une grande évasion traînait un peu en longueur), reste que Palace fait encore son effet. A la fin de l’épisode, qui pourtant n’est pas bien court, j’avais le sourire aux lèvres et l’envie d’en voir plus. Il se dégage quelque chose d’unique de cette série, à la fois photographie de son époque (et des talents de l’époque : quelle distribution !), et parenthèse absurde, lookée à l’extrême au point de devenir intemporelle.

    Papa Poule (1980)
    « Madame Chalette, c’est moi », énonce comme la plus grande des évidences Bernard Chalette, le héros de cette série. Papa Poule est la seule série de cette sélection à se trouver sur le Madelen, le site de l’INA, probablement parce qu’à cause de sa date de production et de son style, elle est à cheval sur les années 70. On m’avait promis une comédie, je trouve dans son premier épisode plutôt une dramédie tendre, proche de la chronique (et tournée en single camera), qui suit donc Bernard, père de quatre enfants de deux mariages différents. Celles-ci se retrouvent sous sa garde lorsque sa deuxième compagne le quitte ; les circonstances font que la famille doit déménager dans la foulée, ce qui conduit dans ce premier épisode ce pauvre Bernard à chercher également un nouvel endroit où habiter.
    L’essentiel de la bonne humeur de Papa Poule tient à son chaos : les quatre gosses de Bernard (et en particulier les deux filles les plus jeunes) sont pleines de vie, d’idées, de choses à dire. Bernard trimbale sa petite tribu partout où il va (sauf évidemment au boulot, quand même !), écoute leurs suggestions, les embarque dans ses plans. Il n’est pas permissif, et les recadre ou les fait taire quand les situations s’y prêtent, mais il leur laisse aussi pas mal d’amplitude pour s’exprimer, courir, sauter, bref, être des enfants.
    Dans Papa Poule, la parentalité au masculin n’est pas un point d’interrogation. Personne ne se dit « oh là là, il va pas être capable », y compris le principal intéressé ; tout-au-plus sa seconde compagne s’inquiète-t-elle qu’il s’en sorte, mais en même temps, quatre gamines dans les pattes, c’est sûr que ce n’est pas une mince affaire. En fait, on apprendra que c’est une partie de la raison pour laquelle elle quitte Bernard : selon elle, il fait un excellent père ET une excellente mère, si bien qu’elle se sent de trop à la maison. C’est dire si la série se refuse à poser la question de la compétence, et personnellement j’ai trouvé ça super rafraîchissant. Et cette compétence s’exprime, qui plus est, sous la forme d’une relation équilibrant complicité et autorité, loin des stéréotypes sur le rôle de père. Tout cela sans aucune aide, y compris féminine (bien que l’aînée, Julienne, aide parfois à canaliser l’énergie des benjamines), puisque contrairement à d’autres séries il n’y a ici ni employée de maison, ni grand’mère (celle-ci, qui reçoit la visite de Bernard et ses enfants en cours d’épisode, habite ailleurs), ni une voisine, ni quelque autre figure maternelle de substitution. On peut compter ce type de représentation sur les doigts d’une main, et tout justement, Papa Poule était la première en son genre pour la France. La raison de sa quête d’authenticité est sûrement à chercher du côté de son origine : la série est l’adaptation d’un roman semi-autobiographique publié un an plus tôt par Daniel Goldenberg, son scénariste.

    De ce retour en arrière effectué en une poignée de séries, je garde une appréciation nouvelle pour le fameux « esprit Canal », dont j’étais passée à côté vu que chez moi, on n’avait pas Canal+. Sans parler du fait qu’il était mal vu de regarder autre chose que TFHein dans les années 80 (…même 90 et au-delà). Forcément, je ne ressens pas la nostalgie qu’une grande partie de ma génération téléphagique peut ressentir, mais je ne suis pas insensible à ce qui se dégage des séries de C+ à l’époque. Du coup, avec plusieurs décennies de retard, je souffre un peu de FOMO !
    …Au juste, je n’étais pas certaine que ce voyage dans le passé vous intéresse ; surtout que j’ai publié pas mal d’articles « Multi » ces derniers temps. Mais je me suis dit que peut-être l’une ou l’autre de ces séries vous donnerait envie de vous aussi tenter un visionnage de série plus ancienne, par curiosité ou par nostalgie. Laquelle préféreriez-vous (re)tenter, si je vous demandais de choisir ?


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