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    12 mars 2023 à 22:31 • Review vers le futur •

    En commençant une série historique située dans un pays lointain, il n’est pas rare que je me pose plein de questions. Et c’est bien normal, quand rien ne nous a préparées à des pans entiers de l’Histoire mondiale. Dans le cas de TAJ, lancée la semaine dernière sur la plateforme indienne Zee5, la question dominante à mes yeux était toutefois un peu atypique.
    C’est un peu compliqué mais, disons pour résumer qu’on pourrait la formuler ainsi : « …qu’est-ce que le fuck ?! ».

    Parce que, oui, figurez-vous que TAJ est la deuxième série indienne en l’espace de deux ans seulement à s’attaquer à un aspect très précis de l’Histoire du sous-continent, en se penchant sur l’empire mughal. La première série à s’être emparée du sujet était nulle autre que The Empire, l’une des séries indiennes que j’ai le plus aimées ces dernières années. Ce qui n’est pas peu dire. Proposée par Disney+ Hotstar pendant l’été 2021, elle voulait vraisemblablement dresser le portrait de plusieurs têtes couronnées de la dynastie issue de l’empereur Babur… mais on ne saura jamais lesquelles précisément, parce qu’après avoir été tout feu tout flamme au sujet d’une saison 2 (certains des acteurs en parlaient comme si c’était signé !), on n’a plus eu de nouvelles. Et croyez-moi, je lance des recherches régulièrement.
    En cause ? Eh bien, le fait que l’empire mughal, pour autant qu’il fasse partie de l’Histoire de la région (et notamment, on lui doit la construction du Taj Mahal… je vois que vous suivez), a quand même été un envahisseur musulman, avec ce que cela inclut de massacres des populations hindoue et sikh pendant la conquête de l’Hindustan. Dans l’ambiance actuelle, en Inde, ça en fait un sujet sensible. Et effectivement, The Empire s’en est pris plein la gueule au moment de sa sortie, accusée que la série était de faire l’éloge de Babur. Des voix nationalistes et/ou anti-musulmanes se sont emparées de la polémique… et je n’ai aucun mal à imaginer Disney comme la production à préférer éviter que les choses ne s’enveniment. On n’en aura probablement jamais la confirmation officielle, toutefois.
    Vous comprenez bien que je sois surprise qu’une autre plateforme de streaming, Zee5, se soit dit « eh bah vous savez quoi, ça semble être un excellent sujet de série ! » dans ce contexte.

    L’existence de TAJ suggère à partir de là deux possibilités : soit Zee5 a plus de courage que Disney+ Hotstar… soit elle en a encore moins, et a décidé de s’aplatir devant les critiques (rarement adressées à la série elle-même) affrontées par The Empire.
    Le suspense est insoutenable.

    TAJ fait plusieurs choix qui, dés son premier épisode, démontrent assez bien quelle démarche a été choisie.

    Le premier de ces choix est de tout simplement ne pas parler de la naissance de l’empire mughal, et de se défausser de la figure de Babur : la série commence directement sur une campagne menée en 1568 par son petit-fils, Akbar, troisième empereur de la dynastie. Pendant le siège de Chittor, qui a piétiné pendant plusieurs mois mais a finalement débouché sur un massacre, celui-ci est en effet pris par la soudaine réalisation qu’il n’a pas d’héritier, et vient chercher le conseil de quelque sage. Le vieil homme en question ne manque pas de lui rappeler qu’il a tué le fils de nombreuses mères pendant ses campagnes, et que vouloir un fils à son tour semble hypocrite ; en outre, s’il était un meilleur empereur, il considèrerait son peuple comme ses enfants… Mais qu’il ne se trouble pas, dans son futur il y a bien non pas un, mais trois fils. Toutefois, ce présage s’accompagne d’un autre moins réjouissant, quoique vague, qui annonce qu’Akbar assistera à un bain de sang au sein de sa propre famille.
    La tagline de TAJ, après tout, est « Divided by Blood » (c’était un thème que préparait la fin de la première saison de The Empire aussi).
    Après quoi TAJ opère un bond de plusieurs décennies en avant, pour nous montrer les trois fils d’Akbar qui ont effectivement vu le jour : Salim, l’aîné et donc héritier traditionnel du trône, un homme à femmes qui aime faire la fête ; Murad, un guerrier accompli mais détestable et vindicatif ; et puis Daniyal, encore adolescent, pieux mais couard. Bref, aucun fils vraiment digne de reprendre le flambeau, et ça n’a pas échappé à Akbar.
    Comme si ce dernier manquait de problèmes, il lui faut également prendre en considération son propre demi-frère Mirza Hakim, plus jeune que l’empereur vieillissant, et qui considère avec mépris le règne d’Akbar. Celui-ci a en effet cessé ses conquêtes sanglantes et offert sa protection aux populations hindoues se pliant à son règne. L’une de ses femmes est également Jodha, une Hindoue, la seule dont il écoute le conseil d’ailleurs. Mirza Hakim ambitionne de reprendre l’invasion au nom d’Allah, de se débarrasser de tout ce qui n’est pas musulman, et tant qu’à faire, de monter sur le trône mughal dans la capitale d’Agra, pourquoi se gêner.

    Le propos moral de TAJ n’est pas exactement subtil : il y a les bonnes musulmanes (qui sont pas trop musulmanes) et les mauvaises musulmanes (qui sont très musulmanes). Ce n’est pas un hasard si l’essentiel de l’intrigue se focalise sur l’opposition des protagonistes musulmanes entre elles ! La série met un point d’honneur à commencer par un massacre hindou, pour le punir moralement (via une prophétie sanglante), puis forcer les membres de la famille d’Akbar à se déchirer, se jalouser, et même lancer des guerres les unes contre les autres.
    Le sujet de TAJ, c’est l’auto-destruction de la dynastie mughal, sans ambiguïté.
    Dans ce cadre, il n’y a pas vraiment de façon d’être musulmane qui fonctionne, en fait. Par exemple, prenez Daniyal, le frêle avorton de la famille qui n’a aucun courage, et qui même quand il se plie simplement aux principes de sa religion sans faire de mal à qui que ce soit est présenté comme médiocre (ça empire au fur et à mesure de la saison, d’ailleurs)… La série va même nous révéler que ce n’est pas par ferveur religieuse qu’il ne touche pas de femme : il est gay ! Un comportement présenté comme honteux, en plus d’être réprouvé par quiconque en prendrait connaissance. Les choix que Daniyal fait sont ainsi, en surface, motivés par la religion, mais au final ne conduisent quand même à rien qui soit considéré comme noble. On peut également mentionner la haute figure religieuse du palais, Badayuni, qui est le premier à s’assurer d’une place auprès du pouvoir en cas de changement d’empereur, et n’hésite pas à employer l’Islam le plus conservateur possible comme argument d’autorité quand il veut faire taire les opinions divergentes… Et puis, que dire de Mirza Hakim qui parle de Jihad et d’infidèles à éradiquer (…mais qui bien-sûr n’est pas uniquement motivé par la religion), et dont les méthodes dépeintes comme arrogantes, cruelles et même barbares ne laissent aucun doute quant à son rôle de « méchant ». A noter qu’en réalité, Murad a été en partie élevé par un Jésuite, Antonio Montserrate, sporadiquement présent dans la série mais pas spécialement montré comme une influence importante pour Murad.
    Le cas Akbar peut sembler plus ambigu de prime abord. Quand il était jeune, on lui a promis un bain de sang familial comme punition pour ses actions à lui (il pense que cette prophétie concerne son frère Mirza Hakim…). Actions qui, vous l’aurez compris, sont surtout jugées à l’aune des massacres hindous, et qui servent aussi de prétexte pour également punir ce que ses ancêtres mughal symbolisent. Sauf que quels que soient ses efforts, aucune action ne vient effacer cette dette de sang initiale qu’il a contractée en massacrant des populations hindoues pendant ses campagnes plusieurs décennies plus tôt. Peu importe qu’Akbar semble être juste, ou qu’il soit plus libéral et ouvert à la pluralité. Surtout quand son ego s’en mêle… d’autant que son interprétation d’une société multi-confessionnelle est quand même de s’auto-proclamer figure centrale d’une nouvelle religion, Din-i-llahi, suite à un, euh, rêve. Bon.
    Bref, dans TAJ, être de confession musulmane, c’est être soit violent, soit arrogant, soit hypocrite. Et souvent une combinaison des trois.

    Alors, quel personnage s’en tire réellement la tête haute dans cette galerie de personnages ? Vous ne devinerez jamais : c’est Jodha, l’épouse hindoue de l’empereur, tentant d’orienter son époux vers la raison (rarement avec succès). Enfin… non, il n’y a pas qu’elle. On peut aussi citer une mystérieuse jeune femme hindoue qu’Akbar cache à absolument tout le monde, Anarkali, enfermée dans une pièce secrète du harem depuis ses 14 ans. Anarkali est une figure tragique, qui n’existe que pour jouer la victime, et l’intrigue ne va pas se gêner. Mention honorable mais très passagère pour Bakht-Un-Nissa, sœur et conseillère de Mirza Hakim, qui n’hésite pas à lui faire savoir ce qu’elle pense de ses massacres hindous (encore) bien que sa priorité soit la sécurité de Kabul. Toutefois, même si leur tempérament est montré comme noble, on ne s’intéressera que modérément à leur sort : TAJ est une affaire d’hommes. Justement, du côté de ceux-ci, on pourrait mentionner les deux conseillers les plus fidèles d’Akbar, Man Singh, un Rajput hindou qui est également son général, et Birbal, un Hindou plutôt calé sur la diplomatie (la série évite soigneusement de mentionner qu’il s’est converti après la fondation de Din-i-llahi…). Ils se présentent systématiquement comme la voix de la raison, s’exprimant hélas dans une oreille d’Akbar avant que ça ne ressorte par l’autre.
    A ce stade vous aurez sûrement compris comment se jouent les dynamiques : les protagonistes hindoues ont la tête sur les épaules, mais ne sont jamais écoutées, et ont tout à perdre de leur proximité avec l’empereur. Rien ne leur sera épargné parce que, dans le fond, bien qu’appartenant à la cour impériale mughal, elles restent hindoues, et donc des victimes des passions de l’empereur.

    Dans une certaine mesure, Salim est aussi un protagoniste relativement positif. Cela se communique essentiellement par contact avec sa mère, qui essaie de l’influencer pour qu’il prenne sérieusement sa position d’héritier du trône, et par sa romance impossible avec Anarkali (…deux protagonistes hindoues, donc). TAJ le traite comme ce qu’il y a de plus proche d’un héros romantique, et ce n’est pas un hasard que son comportement, eut égard aux femmes (d’ailleurs pas nécessairement de sa propre ethnie) et à diverses substances (dans certains des épisodes, il consomme de l’opium… d’ailleurs explicitement présenté comme « la seule richesse que Kabul ait à offrir »), soit si peu présenté comme adéquat pour un musulman. Moins encore un futur empereur musulman.
    Sa vocation, de toute manière, est d’être l’enjeu amoureux d’une tragédie intéressant bien plus TAJ que toute autre partie de son intrigue, plutôt que de se focaliser sur son rôle d’héritier.

    …Et puis, c’est une position bien précaire, car Akbar, convaincu que Mirza Hakim remet son règne en question parce que c’est l’aîné qui a hérité de l’empire mughal, décide que ce sera lui qui choisira son propre héritier. Au mérite. Donc Salim n’est plus nécessairement le futur empereur, et ses frères Murad et Daniyal, s’ils se montrent compétents, ont leur chance de monter sur le trône à Agra.
    Enfin, en théorie en tout cas, car TAJ ayant décidé qu’ils ne sont pas de bons personnages, a en réalité déguisé derrière cette intrigue un parcours initiatique pour Salim. Akbar est déjà convaincu de qui doit lui succéder, il veut juste que chaque frère pense que c’est mérité. Cette histoire de mérite, c’est avant tout un argument moral : ce ne sont pas les actions qui intéressent Akbar ou la série elle-même, mais plutôt l’âme de ses fils. Quoiqu’ils fassent, leur intention est ce qui est examiné.

    Tout dans TAJ est vu par le prisme religieux et moral, et en particulier à travers les yeux des intérêts hindous. L’Histoire du pays (quand bien même elle remonte à 5 siècles en arrière) ne peut se lire que de cette façon pour être acceptable.
    Toute protagoniste qui veut causer du tort à une autre qui serait de religion hindoue est, immédiatement, disqualifiée. C’est sans appel. Aucune action ultérieure ne peut réellement changer cela. Tout personnage qui parle ou même pense un peu trop à Allah est également d’emblée déconsidéré ; généralement ces personnages ont même tendance à employer la religion comme couverture pour leurs ambitions personnelles (en gros, il n’y a pas de véritable foi possible pour un personnage musulman dans TAJ). Et de toute façon, quoi que fasse tout ce petit monde, c’est toujours présenté avec comme inéluctable conclusion que l’empire mughal va un jour tomber, et que franchement ce sera mérité. Et si vous vous posez la question : oui, l’empire mughal va effectivement chuter… deux siècles après les événements de cette saison.
    Toute l’intrigue va se dérouler selon ces principes.

    Vous serez donc surprise d’apprendre que la diffusion de TAJ n’a pas mené à une levée de boucliers, pas même parmi les voix nationalistes et/ou anti-musulmanes qui s’étaient élevées il y a à peine deux ans pour The Empire.

    Alors je l’admets volontiers : ça fait deux ans que j’ai des étoiles dans les yeux en pensant à The Empire. Je l’ai sincèrement aimée, cette série ; j’ai aimé à la fois son esthétisme et son interrogation du pouvoir. Je ne vais pas répéter ici ce que j’ai dit dans la review d’alors, mais il y avait un propos autour des choix que l’on fait (et ceux que Babur, en particulier, faisait) quand on peut tout ; de la façon dont on prend, garde et utilise le pouvoir ; et une interrogation sur, peut-être, la façon dont on pourrait envisager de le partager. La promesse d’une saison 2 résidait précisément dans la difficulté à le faire, car il n’est pas dans la nature du pouvoir d’être équitablement partagé.
    Dans TAJ, la démarche est à mille lieues de tout cela. Je ne sais pas si les historiennes ont jugé la dynastie mughal, mais les scénaristes ont rendu leur verdict, sans doute possible. Peu importent les choix des personnages : c’est leur nature qui compte. Et cette nature se définit par un critère et un seul : leur comportement vis-à-vis des Hindoues. Aucun autre choix n’existe, et du coup il n’y a pas d’interrogation, pas de dilemme, pas de conflit interne. Leurs émotions ne comptent même pas vraiment : tout tiraillement est résolu par ce simple théorème. Les protagonistes n’existent pas : elles font juste partie de la démonstration qu’il est justifié de haïr les mughal, ou au moins s’en méfier.
    C’est une logique différente des séries historiques dans lesquelles les personnages n’existent que par leur fonction, leur rôle dans les événements connus, leur ligne factuelle dans les livres d’Histoire ; mais le résultat est le même : ce n’est pas de la bonne fiction.

    Dramatiquement, TAJ n’a pas vraiment grand’chose à offrir au-delà de ça. Plusieurs de ses intrigues secondaires prouvent qu’il y avait du matériel pour créer d’autres enjeux, mais rien n’en est vraiment fait.
    Un exemple parfait de cela est l’épisode, environ à mi-saison, pendant lequel Akbar est victime d’une tentative d’empoisonnement dont il réchappe, mais qui le pousse à faire croire à tout le palais qu’il est sur son lit de mort. L’occasion parfaite d’interroger et torturer tout le palais… une occasion dont la série ne se saisit pas vraiment, peu de choses avançant pendant cet épisode qui aurait pu être le pivot de la saison. Je repensais à un épisode similaire de la saison 1 de The Great (pourtant largement moins sérieuse par plusieurs aspects !), et la façon dont cet épisode sert à la fois à du torture porn et à faire progresser le statut de Catherine à la cour. TAJ n’est même pas capable de ça, se contentant de faire confirmer certaines choses déjà sues depuis plusieurs épisodes par les spectatrices… et d’abondamment montrer la violence des mughal, bien-sûr (tout en faisant mine de mettre vaguement Salim en danger). Tant d’opportunités ratées dans cette série.
    C’est d’autant plus dommage que, en choisissant Akbar pour ancre de sa série sur la dynastie mughal (par opposition à Babur, notamment), TAJ avait l’opportunité de raconter bien d’autres histoires. Ce que l’on sait de la réalité historique suggère que le rapport d’Akbar à la curiosité et tolérance des autres religions était profond et complexe. Il était illettré mais que malgré voire grâce à cela, il a été désireux d’apprendre de nombreuses religions, organisant de nombreux débats religieux. Savez-vous qu’en réalité, il s’est arrangé pour que Murad soit le premier de ses fils à être éduqué selon différentes religions, au lieu d’une seule ? Le peu que j’ai appris pendant mes recherches à l’occasion de cette review était fascinant ; je n’imagine même pas ce que ç’aurait été en allant plus loin, avec les moyens de faire des recherches pour un scénario comme celui de TAJ. Son progressisme aurait pu faire l’objet de la série toute entière (y compris avec ses aspects moins reluisants, lorsqu’il se place au centre de Din-i-llahi), et questionner l’Histoire multi-éthnique et multi-religieuse de l’Inde à travers lui. Mais TAJ n’a aucune envie d’étudier l’intériorité d’un roi mughal… et clairement n’a aucun intérêt pour une société pluraliste non plus. Du moment où Akbar décrète vouloir faire une place égale à toute les religions, c’est là que la série s’intéresse aux mouvements dissidents menaçant de fracturer son royaume depuis l’extérieur ! Honnêtement si quelqu’un d’autre veut adapter la vie d’Akbar en série, on n’en est plus à une série sur un roi mughal près et personne ne pourrait faire pire que TAJ.
    Au passage je veux bien qu’on m’explique pourquoi cette série a, à son générique, autant de scénaristes, réalisateurs et producteurs exécutifs (masculin volontaire) qui ne sont PAS Indiens, et n’ont souvent même jamais travaillé pour l’industrie audiovisuelle indienne avant. Ce, alors que la distribution et l’équipe technique, ainsi que l’équipe exécutive de Zee5, sont dans leur immense majorité indiennes. Ron Scalpello, William Borthwick, Christopher Butera, Simon Fantauzzo, Jason Newmark… voilà, de cette série-là je veux une oral history, ça ça m’intéresse.

    Cette review est un peu longue, même d’après mes propres standards. De toute évidence, j’aurais pu vous épargner cette lecture en vous disant simplement que TAJ n’est juste pas une bonne série. Qu’elle n’est même pas spécialement belle (ah oui parce que, ça aussi). Qu’il m’est arrivé de m’endormir devant ses épisodes ou de les mettre en pause pendant plus d’une heure par ennui. Que franchement, sur le fond comme sur la forme, c’est dispensable. Et vous savez quoi, je viens aussi de le dire.
    Cependant, je crois qu’on s’accordera toutes à dire qu’il y a un arrière-goût dégueulasse dans ses choix, qui méritait d’être mentionné et expliqué. Par les temps qui courent, il faut prendre ce temps.

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  • Sans remords et sans regrets

    10 mars 2023 à 23:35 • Review vers le futur •

    Not Dead Yet est une série que j’avais envie par avance d’aimer, et je n’y suis pas parvenue ; mais c’est aussi une série que j’avais envie par avance de détester, et je n’y suis pas parvenue. Il faut dire que je n’ai aucune forme d’affection pour son actrice principale, Gina Rodriguez, qui ne s’est jamais distinguée par sa finesse de jeu dans Jane the Virgin, non plus que sa finesse d’analyse en interviews, en plus de tenir régulièrement des propos racistes.
    Mais Not Dead Yet est, d’un autre côté, une série au thème engageant (pour moi, en tout cas), en ce qu’elle s’intéresse aux regrets. Et très franchement, en 2023, qui n’a pas de regrets ? De nos vies individuelles à la direction que prennent les choses plus largement (en passant par la façon dont la seconde interfère sur les premières), il est difficile de n’être pas amère quand à la direction que prennent les choses dans de nombreux domaines. Me voici donc devant le premier épisode de Not Dead Yet (diffusé le mois dernier) à en attendre à la fois quelque chose de tendre, voire peut-être optimiste… et à la fois quelque chose d’irritant.
    Tout ce que je peux dire c’est que j’ai et n’ai pas été déçue.

    Comme le matériel promotionnel l’établit simplement (vous allez voir que la subtilité n’est pas exactement le fort de Not Dead Yet), il s’agit d’une dramédie dans laquelle une journaliste chargée d’écrire des rubriques nécrologiques, Nell, se retrouve dans l’étrange position de voir les personnes sur lesquelles elle écrit. Et qui sont, un peu par définition, décédées. Ce qui évidemment coïncide avec le fait que Nell soit dans une passe difficile : elle a atteint la fin de la trentaine et n’a pas accompli grand’chose de ce qu’elle voulait. Après une relation ratée pour laquelle elle avait tout plaqué afin de suivre son fiancé à Londres (et qui a fini par la voir plaquée, elle), la voilà qui revient dans sa ville natale, retrouvant ses amies Dennis et Sam, et décrochant un job dans une publication dirigée par une vieille connaissance qu’elle déteste, Lexi. Elle y a hérité d’un job peu reluisant, mais hey, ça permet de payer la moitié de loyer de sa colocation avec Edward, un type qu’elle ne connaît que parce qu’elle a répondu à son annonce.
    En faisant le bilan, et le premier épisode de Not Dead Yet le dresse vraiment vite fait, sans vraiment avoir envie d’entrer dans les nuances de la situation, Nell voit bien que rien n’a tourné pour elle comme elle l’espérait. Fait-elle contre mauvaise fortune bon cœur ? Pas vraiment. Mais la vie continue et elle essaie tant bien que mal d’accepter qu’il lui faille prendre ce nouveau départ. Bon, on fait comme on peut.

    Not Dead Yet a décidé, comme pas mal de séries avant elle, que sa vie était suffisamment en bordel pour s’autoriser à y incorporer des éléments fantastiques. On ne sait pas trop pourquoi du jour au lendemain elle commence à voir des fantômes… est-ce inhérent à sa fonction au sein de la rubrique nécrologique ? A-t-elle toujours été un peu capable mais les circonstances se prêtent à plus de vulnérabilité à l’au-delà ? Ecoutez, posez pas des questions comme ça.
    Tout ce que le pilote a besoin que nous sachions, c’est que le musicien dont elle écrit l’avis de décès commence à lui apparaître, et n’a pas vraiment de difficultés à lui dire ce qu’il pense de son état dépressif et sa déception. Mais, à son contact, Nell va bien être obligée de regarder la vie à travers ses yeux, et cela va l’aider à aller de l’avant. Peut-être même à s’améliorer elle, et pas juste son statut dans la vie.

    Bon, ce que fait Not Dead Yet, on se comprend bien que ça n’a rien de nouveau. Ce n’est pas très différent de ce que faisaient des séries comme Dead Like Me, par exemple, et au moins il n’y a là aucune forme d’enquête : le fantôme sait très bien comment il est mort, et ça n’a rien d’un meurtre. Les choses sont vraiment simplifiées au maximum pour qu’en une vingtaine de minutes, Nell se voit délivrer une leçon de vie. Naturellement, tout ne part pas nécessairement du fantôme : les relations de l’héroïne sont aussi dans une phase où certaines réalités qui n’avaient parfois pas été dites à voix haute, ou parfois simplement ignorées par Nell, commencent à révéler les travers de celle-ci. Il y a du travail à faire.
    Not Dead Yet s’arrange pour que tout l’aspect « dramatique » (un bien grand mot) ne repose pas exclusivement sur l’au-delà, et pousse Nell à interagir différemment avec les personnes vivantes qu’elle connaît, et même qu’elle connaît mal ou pas du tout. A travers la mort, s’ouvrir au vivant, bon, encore une fois pas d’innovation majeure ici. Mais le fait est que je suis plutôt sensible à ce genre de mécanisme, alors bon, soit.

    Le problème majeur de Not Dead Yet, c’est son ton : la série a d’emblée décidé que Nell, que tout le monde s’accorde à définir comme égocentrique et un peu chiante (même les personnes qui l’aiment, comme sa meilleure amie Sam), est quand même dans le fond une chouette personne. Ce sont les circonstances qui sont le plus à blâmer, et il lui est plutôt facile de faire volte-face même quand elle a été proprement imbuvable, parce qu’on a besoin d’une résolution positive en moins d’une demi-heure. Les choses sont assez simplistes, au point que ladite résolution ne se ressent pas nécessairement comme méritée : à la fin du pilote, Edward vient s’ouvrir à Nell (et lui parler de son autisme) alors qu’elle n’a rien fait pour l’inviter ; mais la série a décidé que la relation devait avancer. Il y a peut-être même un embryon d’enjeu amoureux là-dessous, je ne suis pas sûre. En tout cas on ne va pas perdre du temps à réellement faire progresser l’héroïne, tout lui tombe dans le bec dés qu’elle fait mine de vaguement avoir un tiers de huitième de moitié de prise de conscience (alors que dans le même temps Not Dead Yet affectionne aussi un angle très pull yourself up by the bootstraps, et prend soin de responsabiliser Nell pour tout ce qui lui arrive sans exception).
    A cela faut-il encore ajouter que Not Dead Yet en rajoute dans la comédie, sans doute effrayée que son sujet si sérieux fasse peur à un public qui n’est pas capable de se concentrer plus de 10 secondes sur une émotion donnée. Ce qui nous donne des scènes dans lesquelles Gina Rodriguez semble penser que gesticuler dans tous les sens est le summum de l’humour, bon. D’un âne on ne fera jamais un cheval de course.

    L’un dans l’autre, Not Dead Yet délivre le strict minimum quant à sa promesse initiale : forcer son héroïne à changer de perspective quant à ses regrets, éviter qu’elle n’en crée de nouveaux, et le faire en amusant gentillement la galerie. On ne peut pas lui en vouloir, parce qu’il y a quelques bons moments à en tirer (en plus on y retrouve Lauren Ash, de Superstore, une fois encore très en forme), mais il ne faut pas non plus en attendre une grande œuvre de télévision. Même une œuvre de télévision de taille moyenne. C’est de la télévision, c’est déjà bien.
    Votre vie ne changera pas si vous regardez Not Dead Yet, mais au moins, vous ne le regretterez pas trop non plus.

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  • A couper le sifflet

    8 mars 2023 à 20:57 • Zappeur, Zappeur n'aies pas peur ! •

    Ce soir France2 propose Les Siffleurs, une mini-série en deux volets diffusée à l’occasion du 8 mars. L’histoire ? Eh bien tout part du harcèlement de rue, comme le titre le suggère ; mais rapidement il apparaît que le sujet de la fiction est « diffusée à l’occasion du 8 mars », tant on y mélange toutes sortes de sujets. Du coup, bah…

    Trigger warning : homophobie/lesbophobie, troubles dysmorphiques, harcèlement de rue, harcèlement en ligne, culture du viol, violences sexuelles (agressions, tentative et menaces de viol, viol), pédopornographie et pornographie sans consentement, violences intrafamiliales, dépression post-partum, PTSD, suicide.

    …N’en jetez plus, la coupe menstruelle est pleine.

    En un sens, ce n’est pas la pire des idées de montrer, comme Les Siffleurs ambitionne par moments de le faire, que le harcèlement de rue n’existe pas dans le vide, et qu’il existe tout un continuum de violences. Le début du premier épisode est assez parlant à ce sujet, montrant directement comment Lila Rivière, la protagoniste dont part la série, est décidée à dénoncer les nombreux harceleurs qui truffent son quotidien. Pour cela, elle a créé un compte appelé @lessiffleurs sur les réseaux sociaux (pas sûre que la plateforme ait été citée, en tout cas ce n’est pas Instagram), où elle poste les photos des hommes qui la harcèlent pendant son quotidien. Un jour, cela se passe mal, et les jeunes (…forcément les jeunes) qui sont ainsi pris en photos l’agressent sexuellement dans la rue ; Lila tente d’aller porter plainte, et se fait refouler à l’accueil du commissariat.
    Toutefois, l’intrigue ne commence réellement que lorsque Lila disparaît, quelques heures après pendant une virée au karaoke avec ses deux amies Rebecca (une pote féministe belge) et Solène (son amie d’enfance), alors qu’elle espérait passer la soirée à se changer les idées.

    La mini-série démarre donc plutôt pas mal, en montrant que du point de vue des hommes (et du flic de l’accueil), ce à quoi Lila est confrontée ressemble à des cas isolés (et en démontrant que même comme ça, il y a en plus minimisation de ces cas isolés), mais que dans son quotidien c’est extrêmement pesant. La mise en ligne des photos est, en gros, sa seule option pour contre-attaquer les violences sexistes du quotidien. Jusque là, Les Siffleurs remplit le contrat… et puis, intervient la disparition.
    Préférant alors complètement changer son fusil d’épaule, la mini-série décrète alors que la véritable héroïne de la série, ce ne sera pas Lila, ce ne sera pas non plus l’une de ses amies, ou sa mère (une survivante de violences domestiques). Non, la figure centrale de la série, en réalité, c’est la capitaine Marianne Kacem ; vous savez bien que si une série française n’est pas une série policière, elle doit payer une amende, c’est la loi.

    Kacem est une figure autoritaire qui nous est présentée, la première fois, comme une flic qui minimise elle aussi les violences sexuelles. Elle va même explicitement tenir des propos blâmant la tenue de Lila pour l’agression sexuelle qu’elle est venue rapporter. Pourtant on va bientôt apprendre que Kacem est elle aussi une victime de viol, ce qui va remonter à la surface quand, pendant l’enquête, elle découvre que le père de Solène n’est autre que son propre violeur, Maulin, formateur dans la police et ami de sa hiérarchie. Comme les faits remontent à leurs années à l’école de police voilà 20 ans, Kacem ne peut pas vraiment faire quoi que ce soit maintenant à titre personnel. Par contre, elle va orienter ses soupçons vers lui, tout en tâchant de suivre les preuves concrètes qui vont (c’est une série policière, donc c’est la règle) la conduire à quelques fausses pistes avant de découvrir la vérité.
    Histoire de bien charger la mule, dans le même temps, son nouveau collègue Laurent Tardi est, quant à lui, un enquêteur pro-féministe dévoué qui est choqué par le sexisme normalisé dans la police. Il est également un jeune père qui n’a pas remarqué que son épouse souffre de dépression post-partum. Il va se trouver confronté à la réalité quand son épouse quitte le domicile familial en pleine nuit et s’évapore dans la nature.
    Ponctuellement, Les Siffleurs se rappelle quand même qu’elle a introduit d’autres personnages, en particulier Solène, l’amie boulotte et mal dans sa peau ; Rebecca/RBK, la lesbienne féministe qui n’a que des slogans à la bouche ; Pablo, le petit ami bienveillant et dévoué de Lila ; ou encore Matthieu, le pote un peu geek que personne ne calcule trop. Mentionnons également le compagnon de Kacem, le fils de celui-ci, ou encore Lenoir, une collègue qui n’a pas vraiment d’intrigue en propre mais participe à l’enquête. J’ai trouvé l’interprète de Lenoir très solide avec le peu qui lui avait été donné ; justice pour Louise Massin.

    Vous l’aurez sûrement compris, Les Siffleurs a très vite cooooomplètement oublié le harcèlement de rue à ce stade. On est tellement lancées dans cette histoire d’enlèvement, avec ses inévitables retournements de situation, que finalement on n’inquiètera ABSOLUMENT AUCUN DES SIFFLEURS DU TITRE. Aucun. Zéro ! Vraiment, je vous assure, je me suis frottée les yeux. On a même droit à une exonération : le seul harceleur de rue interrogé par la police (et temporairement suspecté) est en fait… un pauvre homosexuel de cité qui a agressé Lila sexuellement pour sauver sa propre peau. Ah bah ça va alors, pardon pour le dérangement.
    C’est d’autant plus irritant que France2 fait pourtant une grosse partie de sa communication sur le harcèlement de rue, proposant des vignettes consacrées dans un volet spécifique sur le site de la chaîne où la série est en replay.

    Ou, pardon : LA harcèlement. Oui, bon. C’est à la mesure du traitement, on va dire.

    …Et le harcèlement, du coup, on n’en parle pas trop. Ou alors on essaie d’en dire tout et son contraire. Tout d’un coup on nous parle du harcèlement subi par Solène, à laquelle on extorquait des photos sexualisantes depuis ses 15 ans (axe qui sera balayé vite fait hors de l’intrigue une fois la vérité établie, parce que la série veut surtout offrir une conclusion à Kacem pour son viol). On nous parle aussi vite fait du harcèlement du père de Lila, qui continue de terroriser son ex-femme (il ne se passera RIEN pour lui, ou si peu). Quant à l’épouse de Tardi, bon en fait désolée pour le spoiler mais elle est partie se faire enfermer en isolement dans un hôpital psychiatrique et refuse de lui parler jusqu’à la fin de la série. Si c’était pour dire ça, est-ce que c’était bien la peine d’en parler, je vous le demande ?
    Non parce que, je sais pas si les scénaristes des Siffleurs le savent, mais ya pas de bingo à cocher, hein. C’est pas grave si vous n’abordez pas un sujet qui ne vous a jamais intéressées. On vous en voudra pas ! Promis.

    Et puis… au-delà de ça, il y a cette obsession policière sur laquelle je voudrais bien qu’on revienne. Bon alors évidemment, une fois qu’elle souffre de syndrome post-traumatique, Kacem est soudain très sensible à ce que tout le monde puisse la croire immédiatement : un luxe qu’elle n’a jamais offert à Lila, et qui d’ailleurs ne fera l’objet d’aucune remise en question. Les Siffleurs parle aussi des relations de pouvoir au sein de la police, à la fois celles qui permettent à Maulin de violer Kacem puis continuer sa vie pendant 20 ans sans s’inquiéter de son sort, et celles qui font de Maulin le meilleur ami du supérieur de Kacem, conduisant à des GROSSES irrégularités de procédure pendant l’enquête parce que « c’est bon, il est de la maison, et puis je le connais ». A la toute fin de la série, cependant, le patron affirme croire Kacem, vouloir l’appuyer (ça aura pris ses aveux enregistrés quand même), et hop on oublie tout comme par magie. Les Siffleurs ne remet RIEN en question. Pas même l’agent de l’accueil du commissariat qui n’aura pas droit à un recadrage en fin d’intrigue histoire de dire qu’on a tous et toutes appris quelque chose d’important sur la prise en charge des violences sexuelles. Nooooon.
    Moi, ce qui m’agace le plus dans tout ça, pour être honnête, c’est que tout cela se fasse pendant que Les Siffleurs prend un étrange plaisir à décrédibiliser toute démarche politique féministe et/ou anti-policière. Le compte de Lila où elle épingle ses harceleurs avec photos à l’appui ? Si ça sert à l’enquête de sa disparition, on regarde ; sinon, aucune poursuite, même une fois que tout le monde a eu une épiphanie. Plus tard dans le premier épisode, on apprendra qu’en réalité elle n’a pas disparu : elle a orchestré sa disparition avec Rebecca afin de faire des interviews dans la presse pour parler du harcèlement de rue. Ouh, les vilaines féministes qui s’inventent des enlèvements pour qu’on parle d’elles. Il y a même un moment où la police vient interroger quelqu’un à la fac de Droit (ah oui parce que toutes les protagonistes jeunes de la série sont en fac de Droit), et pour faire diversion, Pablo scande un slogan anti-flic qui permet à un criminel de s’échapper. On n’a JAMAIS des motivations politiques nobles, dans Les Siffleurs. Il n’y a que si on est flics qu’on peut (éventuellement) avoir de bonnes intentions, et (encore plus éventuellement) accomplir quelque chose de positif.
    Au point que Rebecca, la copine féministe ? A la fin de la série elle vient demander conseil à Kacem pour rejoindre la police ! Non mais à un moment…

    Bon, alors je finis cette review un peu tard, et certaines d’entre vous la liront peut-être après la diffusion, peut-être même après avoir regardé Les Siffleurs. Et il sera trop tard.
    Mais moi je la trouve complètement contre-productive, cette série. Sur le harcèlement de rue, au final, on n’aura rien dit. Sur l’engagement féministe de lutte contre ce harcèlement, finalement rien non plus. Sur toutes sortes d’autres sujets, finalement on dira un peu mais jamais rien de concret. Par contre, pour offrir une réparation a posteriori à la capitaine Kacem, et lui permettre de trouver le bonheur, bon bah ça, Les Siffleurs sait faire.

    Mais bon. On est le 8 mars. Dans le fond, on a l’habitude des projets comme Les Siffleurs.

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  • Rule of three

    4 mars 2023 à 19:57 • Review vers le futur •

    Une prise d’otage dans un cabinet médical : une femme nerveuse pénètre en tirant sur quiconque se place sur sa route, pour emmener avec elle la psychiatre qui y exerce. Les autorités sont prévenues et le capitaine Solana arrive bientôt avec toute une équipe d’intervention. Une fusillade conduit l’otage à être blessée, et la femme est laissée pour morte. En arrivant sur les lieux pour examiner le corps de la preneuse d’otage, toutefois, l’inspectrice Rebecca Fuentes a une bouleversante révélation : la femme lui ressemble parfaitement. Et, plus intrigant encore étant donné que tout le monde la pensait morte, elle a le temps d’articuler quelques syllabes qui indiquent qu’elle connaît le nom de Rebecca.

    Malgré certaines ressemblances de surface avec Orphan Black (dont le look d’une des protagonistes), le premier épisode de Tríada semble se diriger vers une série un peu plus ancrée dans le réel, privilégiant une approche dramatique.

    Ainsi ce n’est pas le capitaine Solana, chargé de diriger l’enquête, que nous suivons, mais Rebecca, qui est (et on la comprend) troublée que la femme qui a pris en otage la psychiatre soit sa copie la plus exacte.
    Comme elle est flic, et qu’en plus elle est une ex de Solana, elle obtient toutefois des renseignements plus vite que la citoyenne moyenne. Elle apprend avec facilité que cette femme s’appelle Aleida Trujano, et que quelques mois plus tôt, elle était une personnalité du monde des affaires avec une vie remplie de succès. Quelqu’un qui, osons le dire, avait l’air d’être parfaitement équilibrée… Quelque chose s’est produit, pourtant, de toute évidence, et la digue semble s’être rompue. Nous avons vu, nous, Aleida Trujano faire irruption dans le cabinet de la psychiatre au début de l’épisode, l’accusant à mots couverts de lui avoir causé du tort (évidemment la série ne va pas nous dire comment dés la première scène, ce serait trop facile !). Nous avons lu la douleur sur son visage. Nous l’avons aussi entendue dire qu’après avoir tué la psychiatre, elle avait l’intention de se donner la mort.
    En l’espace de quelques mois, donc, Aleida Trujano est devenue profondément désespérée, et visiblement elle tenait la psychiatre pour responsable de son tourment. Alors que s’est-il passé ?

    Eh bien Tríada n’est pas tout de suite intéressée par la réponse à cette question, et personnellement je pense que c’est tout à son honneur. Celle qui prime dans ce premier épisode, c’est une autre question, celle que se pose Rebecca quant à l’identité d’Aleida : qui est-elle, et plus précisément qui est-elle qui justifie qu’elle lui ressemble autant ? D’ailleurs, chose encore plus troublante, elles partagent aussi le même anniversaire !
    Mais même cet aspect-là n’est pas vraiment conduit comme une enquête policière, plutôt comme une quête de sens. L’un des premiers réflexes de Rebecca sera ainsi de se rendre chez sa mère et de lui demander ce qu’elle cache. Malheureusement, Rebecca et sa mère n’ont pas la meilleure des relations ; comme c’est souvent le cas entre une alcoolique et sa famille, il y a un déficit de confiance entre les deux femmes. Il faut dire que quelques mois plus tôt encore, Rebecca n’avait pas encore arrêté de boire, et que les mauvais souvenirs sont frais. Cela vient, qui plus est, s’accumuler avec les difficultés que ressent Rebecca depuis sa rupture aver Solana, un homme marié qui pendant de longs mois lui avait promis qu’il allait quitter sa femme et, devinez quoi, il n’a pas quitté sa femme (je sais, incroyable). Après s’être faite trimbaler, la voilà donc qui doit fréquenter au quotidien l’homme qu’elle a aimé, y compris quand sa famille vient le chercher au commissariat après une journée de travail…
    Elle aussi est en souffrance.

    Bref, Tríada se lance avant tout dans une exploration de ce que tout cela signifie pour Rebecca que de découvrir, le jour de ses 33 ans, qu’elle a une double quelque part, alors qu’on ne peut pas dire que sa vie était simple jusque là. Et il y a fort à parier que celle d’Aleida n’ait pas été plus lisse non plus, même avant la prise d’otage, si l’on en juge par la plaque qui surplombe la sienne dans le caveau familial, entrevue pendant son enterrement. Tout ça, sans compter sur le fait qu’à la fin de l’épisode, sans que Rebecca n’en ait connaissance, une troisième femme apparaît qui lui ressemble parfaitement. Bon, pour les spectatrices on ne peut pas dire que ça relève de la surprise (…on connaît le titre de la série, et on a forcément vu son matériel promotionnel en cliquant sur Netflix), mais pour Rebecca ça va de nouveau faire un choc, c’est sûr.
    Il est évident que Tríada aurait parfaitement pu ne pas mettre en scène une énième protagoniste qui soit flic (en gros, pour le moment, ce milieu professionnel fournit juste à l’intrigue un peu d’impulsion régulière, aux limites du deus ex machina, pour faire avancer l’intrigue). Son sujet est ailleurs, et semble réellement interroger la santé mentale de ses protagonistes. Pour avoir vu passer quelques synopsis peu scrupuleux (des fois on a l’impression que la presse parlant de série voudrait remplacer le visionnage desdites séries, plutôt qu’informer à son sujet ou le compléter…), je pense comprendre pourquoi. Tout ce que j’ai à dire c’est que le mystère de Tríada ne relève pas de la science-fiction (et le reste, je vous laisse le découvrir).
    Mais honnêtement ? C’est peut-être ça le plus dérangeant.

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  • Accountability

    3 mars 2023 à 23:43 • Review vers le futur •

    La semaine a été longue et froide, et on a toutes bien besoin de se détendre. Forcément, une série semble être une bonne idée pour cela. Quelque chose de sympa. Quelque chose de léger. Quelque chose sans prise de tête.

    Trigger warning : violS.

    Ou alors, oui, effectivement, on pourrait aller dans une toute autre direction, et parler du premier épisode de la série québécoise L’Empereur, lancée en janvier dernier.

    L’intrigue de L’Empereur suit Manuela, une jeune femme qui en 2005 se fait embaucher comme standardiste dans une agence de pub québécoise. Elle est pleine d’énergie et d’enthousiasme, et se fait bien vite une place sur son nouveau lieu de travail, aidée notamment par Edith, la secrétaire du patron Antoine. Entre autres, elle se lie d’amitié avec Christian, un jeune créatif de la boîte qui semble avoir des idées peu conventionnelles ; leur relation de travail est joyeuse et détendue. Christian, qui cherche à s’imposer dans le boys’ club de la boîte où ses idées ne sont pas forcément bien reçues, semble apprécier son soutien.
    L’intrigue de L’Empereur suit aussi Manuela, une femme qui en 2015 travaille pour Christian, et organise, notamment, la soirée de lancement pour la maison d’accueil qu’il inaugure à destination d’enfants malades et de leur famille. Ce soir-là, il faut que tout soit parfait, car c’est un moment important pour Christian, aussi Manuela est-elle attentive au moindre détail. Et notamment, dans les toilettes, elle a remarqué qu’une des serveuses semblait perturbée et échevelée. Vu que l’un des conseillers municipaux invités à la soirée a, disons, une réputation (et qu’il est passablement saoul ce soir-là), Manuela décide d’en avertir Audrey, sœur et bras droit de Christian ; mais il est déjà trop tard, et la serveuse a quitté les lieux.

    Parce que c’était quasiment la toute première scène de la série, nous savons, en revanche, que la serveuse, qui répond au nom de Marilou, a été violée juste avant que la soirée ne commence. Nous ne savons pas par qui ; pas exactement. Mais l’on devine.
    On devine que le conseiller municipal aviné n’est (…pour cette fois) pas coupable. On devine parce que, en réalité, juste avant de la voir sortir, bouleversée, d’une chambre de la maison d’accueil, on a vu une autre scène. Celle qui ouvre, réellement, L’Empereur, et qui nous montre Manuela, en 2015 (quelques mois après la soirée, précise même la série), pousser les portes d’un commissariat et porter plainte pour viol. Elle aussi.
    Et d’ailleurs la fin de l’épisode vient confirmer cette suspicion, quand Christian et Manuela se trouvent ensemble dans l’appartement de celle-ci (sous un faux prétexte), et que Manuela tente, malgré l’alcool, de repousser les avances de son collègue.

    L’intention de L’Empereur ne fait, donc, pas beaucoup de mystère : il s’agit vraisemblablement de raconter comment Christian s’en est pris à plusieurs femmes au cours de sa vie, mais sans que ce soit perçu de la même manière. La série semble vouloir dire : ce genre de type ne s’est jamais vraiment inquiété de ses actions, et dans une certaine mesure, les femmes autour de lui, même celles qui en ont souffert, n’ont pas dénoncé quoi que ce soit. Et puis… et puis #MeToo. Enfin, pas exactement, parce que les deux époques pendant lesquelles l’intrigue se déroule pour le moment sont avant #MeToo, mais vous voyez l’idée : les mentalités ont évolué, et Christian est mis face à ses actes. Sauf que maintenant on prend ça au sérieux, mais c’est trop tard, il a déjà fait beaucoup de casse. Pendant qu’il n’était confronté à aucune conséquence, il a pu continuer sa vie, dans l’intervalle : sa carrière, sa famille, son influence.
    La tagline de la série (« La construction d’un agresseur », qui s’affiche sur un sobre fond noir en fin d’épisode, pendant que Manuela essaie timidement de convaincre Christian que ses avances sont une mauvaise idée) semble confirmer cette thèse. Mais j’avoue que je ne sais pas quoi en penser. S’agira-t-il de détailler l’impunité dont Christian a bénéficié au fil des années, de par la tolérance ambiante, le boys’ club de son milieu, sa frimousse charmeuse, son milieu socio-professionnel, et son statut d’homme respectable au sein de celui-ci ? Peut-être, mais à quelles fins ? Le premier épisode est pour le moment mutique là-dessus, d’autant qu’on ne peut pas dire que les consciences aient beaucoup évolué entre 2005 et 2015.
    Dans le fond, ai-je vraiment envie de regarder une série là-dessus ? Une série qui, une fois de plus, recentre la question sur l’agresseur, ou, au mieux, sur la société qui l’autorise plus ou moins directement à agresser. Est-ce vraiment une série pour moi, ou plutôt une série faite pour d’hypothétiques spectateurs masculins qui n’auraient pas encore compris ce qui s’est dit ces dernières années sur les mythes sur le viol, le consentement ou le continuum des violences sexistes, mais qui magiquement auraient une épiphanie devant L’Empereur ? C’est-à-dire que les femmes qui ont subi des violences (…souvent bien avant #MeToo) n’y apprennent pas grand’chose de nouveau, pour le moment.

    J’avoue aussi que j’ai été plus que refroidie, pendant mes lectures, en apprenant que le rôle de l’agresseur était tenu par un acteur dont la compagne… a fait l’objet de dénonciations dans le cadre de #MoiAussi. Elle s’est depuis retirée de la vie publique. Evidemment la culpabilité n’est pas contagieuse, mais enfin, j’avoue que pour une série qui se targue abondamment de sa démarche d’utilité publique, ça ne fait que brouiller un peu plus le message.
    A vous de voir si regarder une nouvelle série sur les violences sexuelles faites aux femmes est vraiment nécessaire dans ce contexte.

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  • Le système protège les siens

    2 mars 2023 à 19:30 • Telephage-o-thèque •

    Jamais à court de bonnes idées en ce qui concerne sa programmation internationale, arte a décidé de lancer ce soir la série israélienne Manayek, initialement proposée en 2020 dans son pays natal et comptant à présent deux saisons. Le plus intéressant au sujet de sa diffusion originale étant probablement qu’il s’agit d’une série de la télévision publique Kan11.
    Si la diffusion française me laisse un peu dubitative (cette première saison de 10 épisodes est diffusée en deux soirées seulement… apparemment seules les insomniaques regardent arte), en revanche je l’applaudis sur le principe, parce que ça fait des mois que le premier épisode de Manayek roupillait sur un coin de disque dur ! Voilà qui me donne donc l’impulsion nécessaire non seulement pour me mettre devant, mais aussi pour vous en parler ; Manayek entre ainsi dans le cercle fermé des séries policières dont je parle encore dans ces colonnes. Il faut dire que, un peu comme Antidisturbios en Espagne (la même année, d’ailleurs), Manayek est autant une série SUR la police qu’une série policière, en fait.

    Et pourtant, l’intrigue démarre lentement. Nous faisons d’abord la connaissance d’Izzy Bachar, un ancien policier qui travaille désormais aux « affaires internes », qui n’ont d’ailleurs d’internes que le nom vu qu’elles sont placées sous l’autorité du ministère de la Justice (quand la police, elle, dépend du ministère de la Sécurité nationale), afin d’éviter tout conflit d’interêt. En fait, à l’entendre, même là il est encore trop proche de la police, et, poussé vers la sortie, Izzy s’apprête à prendre sa retraite à 50 ans.
    Mais pour le moment, on n’y est pas encore, et lorsque Manayek démarre, Izzy assiste avec sa compagne Eti au pot de départ à la retraite de Dudu Eini, directeur de la police. Tout le gratin du poulet est présent pour assister à la fête… et c’est ça, que Manayek veut nous dire. Que tout le monde se connaît. Qu’on a fait ses classes ensemble, comme Izzy et son meilleur pote Barak Harel. Qu’on a bossé ensemble. Qu’on a couché ensemble. Qu’on s’est fritté, aussi, parfois. Mais au bout du compte, on fait toutes partie de la même maison poulaga, et c’est plus fort que tout le reste. D’ailleurs, pour beaucoup qui sont là ce soir, c’est réellement une affaire de famille : on se marie entre flics, et les enfants grandissent pour entrer dans la police plus tard.
    Izzy, toutefois, n’est pas à l’aise (et pas uniquement parce qu’il a arrêté de fumer). Il sait qu’il n’est pas autant à sa place ici que ses amies veulent bien lui dire. Certains comme Shaul Katz, qui devrait prochainement devenir directeur de la police à la place du directeur de la police, ne cachent pas leur mépris pour quelqu’un comme lui, même si c’est sous couvert de blagues ; et c’est sans parler des collègues qui font mine de rien. Bref, Manayek dresse le portrait d’une police du réseautage, hostile à tout ce qui est perçu, individuellement et donc collectivement, comme une menace. Et ça, c’est capital pour la suite.

    Pendant la fête, à quelques kilomètres de là à Bat Yam, une exécution a lieu à la terrasse d’un café… et le tueur, vite arrêté, s’avère être un flic. Eliran Chen semble à la fois résigné et terrifié, et confie à Izzy, chargé d’enquêter sur son cas, avoir des informations compromettantes sur son supérieur… Barak Harel.
    Après avoir établi l’intégrité d’Izzy (un peu un cop out, si vous me pardonnez ce jeu de mots), Manayek lui donne l’opportunité de prouver qu’il va éviter le conflit d’intérêt, à la fois auprès de sa hiérarchie (il se défausse de l’affaire, qui est reprise par l’enquêtrice Ronit Meinzer et son partenaire), et auprès de nous, quand Barak l’appelle pour innocemment demander si Izzy a eu vent de l’arrestation d’Eliran, et qu’Izzy fait mine de n’être pas bien au courant de l’affaire. Pourtant c’est bien-sûr cette même intégrité qui est le nœud dramatique de la série : comment douter de cet homme qu’Izzy connaît comme un frère, et qui serait, apparemment, en lice avec l’un des plus grands syndicats du crime de Tel Aviv ? Eliran raconte-t-il n’importe quoi pour obtenir l’immunité ? …Ou Izzy est-il, finalement comme n’importe quel autre flic, enclin à protéger les siens au mépris de la vérité ? C’est un dilemme forcément inconfortable quand on tire de la fierté de sa droiture morale.
    Pire encore, l’intégrité d’Izzy commence à être remise en question par sa propre hiérarchie, sur l’initiative de Ronit qui veut qu’on le mette quand même sur le dossier Barak, histoire de vérifier s’il procède à des fuites.

    Par de nombreux aspects, ce premier épisode de Manayek pose des bases similaires à celles d’Antidisturbios (à laquelle il est vraiment TRES difficile de ne pas penser pendant ce premier épisode). Une affaire très secondaire est ainsi employée pour nous présenter à la fois les vertus morales d’Izzy, et la collusion qui existe dans le milieu policier : le beau-fils de Shaul, également flic, a tabassé un ado arabe de 15 ans quelques mois plus tôt, et malgré l’enquête d’Izzy ainsi que l’implication de la mère de la victime, le jeune policier s’en sort avec une tape sur les doigts, et encore. Les instructions seraient venues de plus haut, semble-t-il. Cette violence parfaitement assumée et couverte est ainsi similaire, et sert vraiment à planter le décor ; je ne pense pas qu’il s’agisse vraiment d’un fil rouge important par la suite. En revanche cela pose les bases d’un univers où Izzy ne fait pas le poids contre le système, qui protège les flics, y compris les pommes pourries. Et d’ailleurs on a un peu le sentiment qu’il y a, dans Manayek aussi, un discours sur les pommes pourries, de par le métier-même d’Izzy et le regard qu’il pose sur ses anciens collègues.
    …Toutefois, Manayek semble un peu moins reculer devant l’obstacle qu’Antidisturbios. Pas tant dans ce qui se déroule pour le moment, que dans ce qui se dit. Par des touches subtiles mais multiples, le premier épisode insiste sur la façon dont le corps de police fait bloc contre tout ce qui menace certains individus (peu importe de quoi ils se sont rendus coupables, preuve à l’appui pourtant) au prétexte de maintenir la réputation de l’institution dans son ensemble. Il y a une critique qui se prépare, assez cinglante, qui apparaît comme plus poussée que dans la série espagnole.
    Et très franchement, c’est exactement le genre de série policière qu’on réclamait en 2020.

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  • Take Five Deux

    28 février 2023 à 21:33 • Take Five •

    Dans cette deuxième édition de Take Five, la rubrique inaugurée le mois dernier pour parler vite fait du premier épisode de séries qui n’ont pas eu l’occasion d’avoir leur propre review, il y a du bon d’un côté, et du français de l’autre. Non, pardon, c’est gratuit : j’ai aussi quelques problèmes avec la série norvégienne, dont vous allez vite comprendre pourquoi elle n’aura droit qu’à deux paragraphes avant d’être totalement oubliée.

    Quel que soit leur sujet ou leur qualité, les séries du jour ont cependant un point en commun : elles datent toutes de 2023 ! A vrai dire, ce mois-ci, je n’ai pas vraiment regardé de pilotes moins récents (du mois pas sans avoir poursuivi la série). Cela s’est produit totalement par accident, mais il faut bien admettre qu’avec le nombre de nouveautés qui nous tombent dessus en permanence, ça n’a rien d’étonnant…

    Avenir (2023)

    Des quelques séries françaises que j’ai tentées ces dernières semaines (En place…), Avenir est la seule qui ne m’ait pas plongée dans un profond ennui, et vous savez quoi, c’est déjà ça.
    Mais la mauvaise nouvelle, c’est que pendant la totalité du premier épisode, mon cerveau n’arrêtait pas de répéter : « Oui enfin, ça c’est Plan B, mais sans la complexité de Plan B, quoi ». L’idée d’utiliser le passé pour changer le présent n’est pas du tout nouvelle, mais elle ne semble poser aucune forme de dilemme pour le moment. Histoire de donner le change, Avenir fait de l’humour, mais ça ne trompe personne : la situation est assez simpliste, et le fait que le premier épisode soit entièrement consacré à empêcher à sa sœur aînée de devenir handicapée ne m’a pas mise dans de meilleures dispositions. Au lieu de vraiment s’inquiéter de la vie médiocre dans laquelle le personnage central se complait (qui aurait été un axe de réflexion intéressant), Avenir fait même le choix de radicalement améliorer son sort sans même qu’il essaie, balayant d’un geste de la main la seule sève dramatique de son intrigue pour le moment. Bref, c’est divertissant, mais sans substance.
    Vous m’excuserez si je cherche plutôt à regarder la saison 4 de Plan B, ou même son remake canadien anglophone qui débutait sur CBC ce mois-ci. Pardon mais entre Kev Adams et Patrick J. Adams, le choix est vite fait… et ne parlons même pas de Karine Vanasse.

    Hello Tomorrow! (2023)

    Sans qu’on n’y prenne vraiment garde, Apple TV+ est devenue une valeur sûre dans le domaine de la science-fiction : entre For All Mankind, Foundation, Severance, et maintenant Hello Tomorrow!, la plateforme n’arrive pas à se planter. Après, ça parlera à des publics différents, c’est sûr ; par exemple Hello Tomorrow! est un peu moins à mon goût, mais c’est parce que son aspect rétrofuturiste est, pour le moment, l’angle le moins développé. Le premier épisode s’intéresse à Jack Billings, un vendeur d’immobilier en temps partagé… sur la Lune. Si dans cette réalité, l’humanité semble effectivement avoir colonisé le satellite (il faut dire que la technologie de ce monde-là est très évoluée), en revanche il n’est pas certain que ces logements existent vraiment, et Billings a surtout l’air d’être un excellent charlatan. Cependant, pendant ses voyages avec son équipe (…au passage, je mettrais ma main à couper qu’un de ses employés est un androïde, mais pour l’instant la série ne le confirme pas), il croise le chemin de son fils, Joey Shorter, qu’il n’a pas vu depuis quelque chose comme vingt ans et qui d’ailleurs ne le reconnaît pas.
    C’est surtout à cela que la série semble s’intéresser, ce qui signifie que, mis à part le monde dans lequel la série se produit, cette histoire pourrait pour le moment très bien se dérouler dans les années 60, dont elle tire une grande partie de son esthétique. Les choses peuvent encore évoluer, et au pire le cadre n’est pas déplaisant, d’autant que derrière le côté utopique tout droit tiré des Jetsons (une inspiration évidente), il y a des choses qui montrent bien que cet univers est loin d’être parfait. C’est juste très compliqué d’explorer ces nuances-là dans un simple épisode d’exposition, alors j’attends de voir la suite.

    Ôbatanga (2023)

    C’est bien sympa que Canal+ Afrique mette le premier épisode de ses séries systématiquement sur sa chaîne Youtube, depuis quelques temps, ça permet de vraiment tester plein de choses. Bon, faut pas s’attacher, vu la difficulté à voir le reste de la saison ensuite (…je comprends pas, Canal+ France aime pas avoir du contenu original déjà financé, c’est quoi le problème ?), mais en tout cas ça permet de prendre la mesure de quoi Ôbatanga est faite.
    En l’occurrence, il s’agit d’une enquête se déroulant dans un pays imaginaire, la République de Batanga, et plus particulièrement sa capitale, Yakoma. Dans un des plus beaux immeubles de la ville, un millionnaire du nom de Gregory trouve la mort… en position compromettante. C’est sa maîtresse Eva, une influenceuse à succès, qui le trouve de la mousse sur les lèvres, inerte ; elle panique immédiatement, bien-sûr, mais a la présence d’esprit d’appeler son ami d’enfance (et accessoirement son ex), Nicolas. Toutefois, les heures qui suivent démontrent que cette mort est loin d’être anodine… Je pense comprendre pourquoi Ôbatanga a choisi de se dérouler au cœur d’une nation fictive : au moins, on ne s’y fait pas d’ennemi. La série dépeint en effet un pays où l’influence est une monnaie plus encore que l’argent : tout est question de qui connaît qui, et qui connaît quoi sur qui. Eva semble innocente, et a mis un doigt dans un engrenage qui la dépasse ; par ricochets, c’est également le cas de Nicolas (un simple employé des télécoms qui n’a rien à faire dans un tel univers). Lequel va progressivement comprendre que les enjeux dépassent la mort d’un homme riche (ce qui n’est pas une mince affaire !). « Greg le millionnaire » (…oui, il se faisait vraiment appeler comme ça) n’était pas qu’un simple homme d’affaires, c’était très probablement un blanchisseur d’argent en lice avec des personnalités placées dans les plus hautes sphères de l’Etat. C’est grâce à la perspective de la capitaine Olinga, enquêtrice sur ce décès, que nous allons en avoir un aperçu. Dans Ôbatanga toutes sortes de choses s’emmêlent, et ce serait sans doute fascinant si le premier épisode avait juste un peu plus de rythme (certaines scènes sont longues sans raison apparente), pour le moment c’est juste intrigant. Ce qui, avouons-le, est déjà pas si mal. Apparemment la première saison d’Ôbatanga est plutôt courte (6 épisodes), donc d’une façon ou d’une autre les choses devraient s’accélérer pour Eva et surtout Nicolas. Il y a en outre quelques très bonnes répliques saupoudrées çà et là sur les dialogues, qui font que dans l’ensemble, ce premier épisode ne se porte pas trop mal ! En tout cas c’est beaucoup plus intéressant que ne l’était Terranga, la série sénégalaise qui la précédait dans les grilles de Canal+ Afrique.

    R.I.P. Henry (2023)

    Lancée en janvier par Viaplay, c’est certainement l’une de leurs offres les moins enthousiasmantes à ce jour (certes ce sera toujours mieux que Try Hard, mais tout est mieux que Try Hard). Ce premier épisode m’a un peu évoqué la série islandaise Jarðarförin mín, en cela qu’elle met en scène un personnage central solitaire et détestable, qui se découvre des problèmes de santé. Le premier épisode de R.I.P. Henry ne confirme d’ailleurs pas tout de suite ce dont il s’agit explicitement, mais vu que ça se passe dans le cerveau, c’est difficilement bon signe. Henry, auquel le titre de la série semble donc prédire un funeste destin, est dans une situation complexe : c’est un neurochirurgien de talent mais qui est venu (pour des raisons brumeuses) exercer dans le petit hôpital d’Odda, et il ne cache pas sa joie à quitter bientôt ce trou perdu pour un poste plus prestigieux à Bergen. On imagine sans mal comment ses plans vont se trouver perturbés… Ainsi, et c’est au moins aussi important, que son ego : Henry est une caricature de chirurgien avec un ego surdimensionné, et il ne fait aucun mystère de son impression d’être meilleur que tout le monde. Forcément, si comme ce premier épisode le suggère, ses plans de se tirer tombent à l’eau, et que pire encore, il va devoir se montrer vulnérable à ses collègues (voire même en laisser certaines le suivre médicalement), il risque de tomber de haut.
    Et… et honnêtement, je m’en fous. Rien dans ce premier épisode ne nous donne vraiment envie de nous dire « oh, non, c’est un connard antipathique, mais quand même là c’est dur » à propos de Henry. Pas même quand on comprend pas à pas qu’il est (plus ou moins récemment) devenu veuf. Franchement, R.I.P. Henry a bien du mal à humaniser son personnage pour qu’on s’inquiète de son sort, à plus forte raison parce qu’il semble refouler toute émotion qui ne serait pas du dédain. Sans compter qu’on est en 2023 : après plusieurs décennies d’anti-héros méprisants et prompts à insulter leur entourage sans l’ombre d’une hésitation, série après série, mes réserves d’empathie pour les enfoirés sont totalement vides.

    The Watchful Eye (2023)

    Certaines d’entre nous sont suffisamment âgées pour se souvenir de 666 Park Avenue, et je m’attendais à ce que The Watchful Eye, qui en partageait non seulement une partie du pitch mais même l’identité visuelle dans son matériel promotionnel, emprunte la même voie. Il faut également préciser qu’assez peu de séries étasuniennes se déroulent dans des immeubles en co-propriété (comme j’avais eu l’occasion de vous le rappeler dans ma review du premier épisode d’Only Murders in the Building). Bref, je ne m’attendais pas à être bluffée… et ça n’a pas été le cas, mais je n’ai pas été contrariée non plus. La série suit une jeune femme, Elena, qui se fait embaucher comme gouvernante d’un petit garçon dans l’un des foyers riches d’un immeuble ne manquant pas d’habitantes cossues.
    En réalité, la jeune femme a d’autres intentions bien moins louables : elle et son petit-ami sont à la recherche d’un rubis qui devrait les rendre riches. Comment et pourquoi ce rubis a-t-il échappé à la vigilance de quiconque l’a jadis possédé ? On ne sait pas trop, mais Elena semble le tenir pour acquis, et est convaincue qu’il est toujours quelque part dans l’immeuble. Et puis, dans l’intervalle, c’est l’excuse parfaite pour aller fouiller dans les affaires des gens et découvrir les dessous pas très propres de la haute société newyorkaise. Il semblerait qu’outre les cachotteries des unes et des autres, The Watchful Eye ait également l’intention d’entretenir une ambiguïté quant à des éléments surnaturels, qui pour le moment sont assez légers dans ce premier épisode. La série essaie d’inquiéter plutôt que de vendre une véritable mythologie fantastique, l’ambiance étant sa priorité. Je respecte cela. Ce n’est pas forcément ma tasse de thé, mais je respecte cela. Et en attendant de voir quels sont ses plans sur le long terme, en tout cas c’est du primetime soap qui se tient, à défaut d’être absolument renversant.

    Voilà, je ne sais pas si cet exercice vous intéresse (j’ai pas trop eu de retours le mois dernier), mais personnellement pour le moment, il m’amuse bien !

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  • Everywhere Girl

    26 février 2023 à 22:03 • Review vers le futur •

    Quand j’étais jeune, il n’y avait qu’un univers et on était parfaitement contentes. Les jeunes de maintenant, il leur faut des multiverses, sinon rien !

    Je plaisante, mais c’est vrai que le concept de multivers est devenu omniprésent en l’espace de quelques années. Pour les jeunes générations, il relève désormais de l’évidence (alors qu’à mon époque, à part dans Sliders et peut-être une ou deux autres séries, bon) avec toutes ses complexités, aussi sûrement que le voyage dans le temps et son paradoxe temporel étaient entrés dans la conscience collective avant lui. En témoigne l’apparition en janvier sur Disney+ de Mila no Multiverso, une série brésilienne pour la jeunesse qui repose entièrement sur les possibilités du genre.
    Pour la jeunesse ! Je sais pas si vous vous rendez compte.

    L’héroïne de Mila no Multiverso a beau avoir 16 ans (en fait, c’est même son anniversaire quand commence la série), la série s’adresse vraisemblablement à un public plus jeune, le ton et la production value laissant penser que la cible serait plutôt les 10 ans et plus (un peu comme Nowhere Boys, série australienne avec laquelle elle partage plusieurs caractéristiques).
    Ludmila dite « Mila » est la fille d’Elis, une inventeuse de génie qui passe tout son temps dans son laboratoire, localisé sous leur maison mais qui pourrait aussi bien être à des années-lumière tant la mère et la fille ne se parlent plus depuis une décennie. Pourtant, elles étaient complices quand Mila était enfant… La jeune fille est même convaincue que sa mère a oublié son anniversaire, et ça ne s’arrange pas quand de mystérieux personnages masqués viennent fouiller leur maison, conduisant Elis à s’enfuir dans un autre univers à l’aide du PÓLEN, un instrument qui permet d’être transférée dans le corps d’une de ses doubles n’importe où dans le multivers (et, du coup, vice versa).
    Ces figures inquiétantes s’appellent des Operadores (« Opérateurs » dans la VF, j’imagine), et viennent également d’un monde parallèle. Leur but affiché : détruire chaque univers du multivers… sauf le leur, qui est considéré par leur organisation comme l’unique univers légitime. Mais ça évidemment, Mila ne le sait pas. Elle ignore aussi qu’Elis a passé les 10 dernières années à lui construire son propre PÓLEN, pour qu’elles puissent voyager ensemble. Les événements se sont précipités avant qu’Elis ne puisse tout lui expliquer, et voilà Mila qui trouve, par hasard, le PÓLEN qui lui était destiné, commençant à voyager à son tour.

    A ma grande surprise, Mila no Multiverso change assez peu de destination au cours de cette première saison ; mais la façon dont celle-ci s’achève prouve nettement que si saisons ultérieures il y a, d’autres mondes devraient être montrés. La série attribue à chaque univers à la fois des coordonnées et un surnom : la Mila que nous suivons a ainsi grandi dans l’univers 1S34T, ou « Casa », et c’est un univers qui ressemble au nôtre (c’est très probablement le nôtre, même, mais la série ne le formalise pas). Sa première utilisation conduit l’adolescente dans l’univers D07P8, ou « Instituto » ; nous verrons aussi, plus brièvement, les univers V537B ou « Purificação » (détruit dés le premier épisode, dans un flashback remontant à 2011), 2R9MP soit « Tóxico », Y61QW aka « Ácido », et un dernier univers non-identifié, dans lequel la seconde saison devrait se dérouler pour tout ou partie. Cependant il faut noter que Mila no Multiverso n’est pas encore officiellement renouvelée, donc ça se trouve, on ne saura peut-être jamais !
    L’essentiel de l’intrigue se déroule toutefois entre Casa et surtout Instituto, où Mila va faire la rencontre du double de plusieurs personnes qu’elle connait plus ou moins dans son propre monde. Il faut noter que si les gens ont des doubles dans chaque monde, leur personnalité et leurs relations ne sont pas gravées dans le marbre, et il n’est pas tenu pour évident que leurs relations soient similaires. Dans Instituto, par exemple, l’énergique Juliana n’est pas la meilleure amie de Mila ; elles ne se sont, en fait, jamais parlé dans cet univers, et Juliana a même un peu de mépris pour la Mila qu’elle croise vaguement de temps à autres. Vinícius, qu’elle ne connaît que de nom sur Casa, va en revanche rapidement sympathiser avec elle. Il faut aussi mentionner Pierre, qui va s’avérer être un peu à part et sur lequel je reviens dans un instant. Mila n’a donc au départ personne sur qui compter, et il va lui falloir bâtir des relations avec toutes sortes de personnes ; ça tombe bien, elle a une personnalité plutôt amicale, mais vu les circonstances ce n’est quand même pas si simple.
    A cela encore faut-il ajouter que le monde d’Instituto est radicalement différent de Casa. Dans cette réalité-là, où le savoir est une valeur centrale, elle est en effet interne dans un institut d’alchimie, où enseigne également la version d’Elis de cet univers. Le choc culturel est énorme, de la nourriture aux cours qu’il faut suivre, rien n’est familier. Mila no Multiverso n’a pas le temps, hélas, de s’attarder souvent sur ce qu’impliquent les différences entre les divers univers de son multivers. Pas en profondeur, en tout cas, laissant la responsabilité à ses spectatrices de se saisir (ou non) des mondes et de ce que les variations représentent. Toutefois il est assez intéressant, quand on prend le temps d’y prêter attention, de voir comment la série aborde ces différences. En un certain sens, ça m’a rappelé ce que faisait Les 7 Vies de Léa : donner à l’héroïne (et à travers elle, le public) une opportunité de percevoir le monde comme plus vaste et plus complexe que sa propre expérience. Sauf qu’ici, évidemment, Mila reste Mila, elle ne devient pas quelqu’un d’autre, elle endosse juste l’apparence de l’une de ses doubles. Vu le côté éducatif « futuriste » d’Instituto (bien que, multivers oblige, tout se déroule simultanément), ça m’a aussi un peu rappelé Gostya iz Budushchevo… Je vous rassure, je ne suis pas sans savoir que vous ne lisez pas forcément mes articles sur les séries soviétiques des années 80 et vous ai donc mis le lien en bas d’article, en plus des tags !

    Dans Instituto, les jeunes sont dans une situation non seulement d’apprentissage mais d’expérimentation et de curiosité (il y a une très courte scène assez intéressante pendant laquelle Mila, habituée à l’école telle que nous la connaissons, demande si elle fait les choses correctement, et sa professeure ne semble pas comprendre la question, préférant répéter que c’est à elle d’explorer son sujet d’étude). C’est en outre un monde verdoyant, vivant entouré de plantes qui occupent la majeure partie de la surface de la planète (ou au moins, ce que nous voyons de la planète), dans des matériaux organiques et durables, et alimenté par une source d’énergie propre. Bref, le monde d’Instituto ressemble pas mal à une utopie, et pour moi qui me lamente souvent qu’il soit si rare (parce que difficile) de dépeindre une réelle utopie dans les séries, on en a ici un plutôt solide exemple. A l’inverse, Tóxico est un monde pollué, qui comme son nom l’indique est irrespirable, et en plein déclin.
    Il faut noter que lorsque Mila ou Elis voyagent à travers le multivers, leur double y est contraint également. Ainsi, quand Mila arrive à Instituto, son double qui y vivait prend sa place dans Casa ; il y a un passage à la fois amusant et touchant, quand Mila-Instituto et Elis-Tóxico se rencontrent sur Casa, et, comprenant qu’elles n’ont pas le choix quant à leur présence dans ce lieu (elles n’ont pas accès à un PÓLEN), décident d’apprendre à apprécier le meilleur de ce que notre monde a à offrir ; Elis-Tóxico est ravie de l’abondance de nourriture, mais Mila-Instituto, elle, est outrée par le gâchis que représente quelque chose d’aussi simple que la chasse d’eau des WC. Mila no Multiverso ne réfléchit pas longtemps sur ces sujets, mais ils sont bel et bien là, au cas où son public voudrait s’en saisir pour une réflexion sur ce à quoi notre monde pourrait (ou va…) ressembler, et combien ce qui nous paraît normal n’a pas nécessairement à l’être.

    Le monde d’Instituto, non seulement de par son approche de la nature, mais aussi de la connaissance, la technologie et la « science » (relative : à mon grand regret souvent une forme de technobabble), laisse en tout cas entrevoir des possibles. Juliana-Instituto est d’ailleurs une force vive qui passe son temps à apprendre et expérimenter de nouvelles techniques, qui a de quoi encourager la curiosité des plus jeunes. Une large part de l’intrigue du milieu de saison va d’ailleurs reposer sur les compétences en résolution de problèmes des jeunes vivant à ce moment-là sur Instituto. La série met très clairement en avant des protagonistes qui brillent avant tout pour leurs compétences intellectuelles, et plusieurs des objets les plus importants pour l’intrigue sont soit des inventions, soit des livres. Le PÓLEN est évidemment le plus important. Ou plutôt les PÓLEN, puisque Elis-Casa et Mila-Casa ont chacune le leur ; celui d’Elis s’est hélas endommagé pendant son transfert (ce qui explique en partie qu’elle ait atterri dans un univers différent de Mila). Comme le PÓLEN est également un outil de communication, cela va conduire à des transmissions incomplètes, et des messages hachés. C’est une bonne métaphore pour les difficultés moins littérales que rencontrent la mère et la fille pour communiquer, quand bien même, une fois encore, Mila no Multiverso n’a pas trop le temps, ni semble-t-il l’envie, d’en faire un axe majeur de l’intrigue ; cela fait une fois de plus partie de ce que les spectatrices, selon leur âge et leur degré d’attention, seront capables de capter ou non. Les choses sont établies pour être assez peu creusées par la suite (comparativement, la relation entre Mila-Casa et Juliana-Instituto, et dans une moindre mesure Juliana-Casa, est plus approfondie), au profit de l’action. Et en particulier, il faudra découvrir le but des Operadores… et notamment l’identité d’Operador Zero (d’ailleurs attention, certaines ressources sur internet contiennent des spoilers !).


    Par plusieurs aspects, Mila no Multiverso semble tenir pour acquis qu’elle aura une deuxième saison (une erreur vu l’ambiance sur les plateformes de streaming de nos jours, peut-être), et fait donc plus de place à l’angle « aventurier » de son intrigue qu’à l’exploration dramatique de la situation. Il y a cependant un domaine dans lequel elle brille : ses personnages. Qui ne sont pas seulement bien interprétés (Laura Luz est, fidèle à son nom, parfaitement lumineuse dans les très divers registres exigés par l’intrigue), mais aussi écrit avec pas mal de sincérité, surtout quand on compare à certaines autres productions live action de Disney.
    Mila est une jeune fille avec une grande intelligence émotionnelle, un talent d’adaptation évident, et développe une bonne dose de courage ; toutefois elle se montre aussi, parfois, limitée par les paramètres du monde où elle a grandi, qui a certes des avantages (les marques d’affection n’existent pas dans Instituto, où les jeunes grandissent traditionnellement loin de leurs parents !), mais aussi des inconvénients. Et même si on peut comprendre qu’elle se sente ponctuellement abattue par la situation, à l’occasion elle se fait aussi, tout simplement, râleuse. Juliana est, dans toutes ses incarnations connues à ce jour, pleine d’allant ; c’est quelqu’un de volontaire et de loyal, avec un tempérament fort qui peut parfois la rendre antipathique, mais ouvert à apprendre de nouvelles choses, et à apprendre ces nouvelles choses d’autrui. Juliana-Instituto démontre aussi une faculté incroyable à inventer des objets… en leur donnant un nom, une particularité attachante que j’espère voir explorée dans un sens ou dans l’autre si des saisons ultérieures venaient à exister. Vinícius nous est présenté presqu’uniquement par sa version Institituto, mais se présente comme chaleureux, vulnérable, et prompt au doute. Il est très impliqué dans sa rupture avec Felipe, qui occupe une bonne partie de ses pensées, du moins quand il ne s’interroge pas sur les conséquences de l’existence d’un multiverse (Viní est sûrement le protagoniste qui en aborde la portée métaphysique le plus de toute la bande, j’adore la scène dans laquelle il se demande s’il est le meilleur Vinícius ou le pire Vinícius du multiverse, surtout que je sors d’un visionnage frais de The Good Place).
    Et Pierre. Ah, Pierre ! Quel fantastique personnage. Quand nous le rencontrons sur Casa, il est solidement codé comme étant sur le spectre autistique, et il est présenté comme un personnage très secondaire. Mais une fois sur Instituto, nous apprenons qu’en réalité… il est le même Pierre ! Dans tout le multiverse, il n’y a qu’un seul Pierre, et c’est en fait la connaissance (accidentelle) du multiverse qui, en gros, le rend neuroatypique, parce qu’il doit gérer le capharnaüm que représente la multitude infinie de ses existences en simultané. J’ai trouvé cette « explication » de son mode de fonctionnement plutôt touchante (d’autant qu’elle n’explique pas TOUTES les neuroatypies par défaut, juste la sienne, donc on n’est pas dans la réification non plus). Elle fait de lui un personnage dont la neuroatypie est une force, à condition bien-sûr de prendre le temps de la comprendre, de l’apprécier, et de l’aider à s’en servir plutôt que la subir… ce qui n’a pas toujours été le cas sur Casa. Mila no Multiverso a une vraie tendresse pour Pierre, au point de faire progressivement de lui l’enjeu amoureux pour Mila, une dynamique que je ne pense pas avoir déjà vue dans une série destinée à cette tranche d’âge ; si j’oublie un contre-exemple, n’hésitez pas à me le faire savoir en commentaire. En tout cas personne ne cherche à changer Pierre, juste à l’aider à vivre mieux, et à faire partie de l’aventure selon ses possibilités ; j’ai vraiment adoré cet aspect. En outre, cela fait en quelque sorte de Pierre un voyageur du multiverse au même titre que Mila et Elis, contrairement à Juliana et Viní qui, dans chaque univers, devront certainement se voir expliquer à chaque fois ce qui se trame. Les possibilités d’évolution de la relation avec Mila sont donc aussi infinies que le nombre d’univers !

    Vous l’aurez compris, Mila no Multiverso est avant tout une série de science-fiction et d’aventure, mais elle possède tout de même de solides qualités. Elles ne peuvent que s’épanouir si la série connaît une suite ! La saison est plutôt courte (8 épisodes durant entre 21 et 31 minutes), ce qui est probablement l’une des raisons pour lesquelles certaines choses n’y sont pas approfondies, et se regarde avec plaisir même quand on est une vieille croulante comme moi. Et puis, j’aime l’idée d’une infinité de Mila.
    Si vous connaissez/avez des enfants, je gage que ça devrait facilement les charmer. En plus, le world building est plutôt réussi (conséquence logique de passer beaucoup de temps à Instituto), et comme la série est tournée en single camera, elle n’a pas l’air cheap, et ses décors colorés sont un vent de fraîcheur dans le registre de la science-fiction moderne ! Ils m’ont à l’occasion un peu rappelé Spellbinder, mais ne vous en faites pas, les jeunes générations n’auront sans doute pas la référence.
    Il ne reste plus qu’à espérer qu’elle trouve une suite.

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  • Il était une fois dans le Sud

    26 février 2023 à 21:59 • Review vers le futur •

    Il y a des pays qui ont été de grands producteurs de westerns… et il y a les pays sur les écrans desquels c’est plus rare. Sur Amazon Prime Video, c’est une série mexicano-colombienne qui a débarqué en ce début d’année pour essayer d’offrir un point de vue différent sur une Histoire que, autrement, on aurait déjà vu de nombreuses fois.
    Cette série, c’est La Cabeza de Joaquín Murrieta, une fresque qui semblait intrigante… mais à laquelle j’ai hélas eu un peu de mal à accrocher. Ce qui ne veut pas dire que tout est à jeter, loin de là, mais force est de constater que son premier épisode a quelques défauts.

    Pour vous situer l’affaire, établissons que La Cabeza de Joaquín Murrieta se déroule pendant la ruée vers l’or, mais plus précisément en 1851, quelques années après que le Mexique ait essuyé des défaites (dont la bataille de San Jacinto), conduisant à une perte d’une large partie du territoire nord-américain. En particulier, la Californie et le Texas sont passées à l’ennemi, c’est-à-dire les Etats-Unis d’Amérique. On est donc ici dans une série qui offre, en partie, un point de vue opposé à celui porté sur Texas Rising (reviewé il y a quelques années dans le cadre d’une semaine spéciale sur les westerns), sauf que l’intrigue explore plutôt les répercussions de cette défaite.

    Comme son titre le suggère, il s’agit ici plus particulièrement de suivre Joaquín Murrieta, autrefois membre de l’armée mexicaine, et qui a déserté au dernier moment, ne voulant pas mourir pour une hiérarchie qui lui apparaissait de plus en plus comme véreuse, envoyant volontairement ses soldats au casse-pipe. Sauf qu’évidemment, peu importe ses raisons : considéré comme un déserteur, sa tête est désormais mise à prix. Quand la série démarre, il n’est cependant pas un cavalier solitaire : il est accompagné d’Adela Cheng (Becky Zhu Wu, saisissante alors que c’est semble-t-il son premier rôle), une très jeune femme au tempérament de bête sanguinaire, elle aussi recherchée : entre outlaws, on se comprend.
    Murrieta traverse le Mexique avec un petit carnet, où sont listés toutes sortes de noms. Sauf que ces noms peuvent avoir deux raisons d’être ajoutés : soit parce que Murrieta veut s’en venger, soit parce que Murrieta veut s’en faire pardonner. Ce ne sera facile ni dans un sens, ni dans l’autre.

    Ce premier épisode d’exposition a un peu de mal à aller au-delà de ces constatations. Il y a clairement ici le point de départ d’une intrigue sur la rédemption, rendue d’autant plus difficile que pendant leur périple, Murrieta et Cheng continuent de tuer sur leur passage, aggravant leur situation aux yeux de la loi mexicaine comme américaine ; en particulier, une fusillade meurtrière dans ce premier épisode conduit un soldat à se lancer spécialement à leurs trousses pour venger son frère, décédé pendant l’altercation.
    Il faut également souligner que, tout en suivant ces personnages, La Cabeza de Joaquín Murrieta met également en place une intrigue, pour le moment sans connexion apparente, qui s’intéresse à Tayya et Carillo, un couple interracial qui possède un ranch autrefois mexicain, désormais américain. La vie y serait plutôt belle, permettant à leur fils Quino de grandir dans une maison où les deux cultures coexistent (ce qui ne serait pas possible si le couple vivait avec la famille de l’une ou de l’autre), tout en faisant pousser du maïs et, secrètement, en exploitant un filon d’or que Carillo a trouvé sur la propriété. Le problème c’est qu’évidemment, depuis que le territoire est passé aux mains des Américains, le couple est persécuté par l’armée, et notamment le Capitaine Love qui a décidé d’exproprier tous les foyers étrangers sous prétexte que désormais leurs terres appartiennent au gouvernement US. D’un petit exploitant agricole ou un militaire accompagné de tout un régiment, je vous laisse deviner qui a le pouvoir dans cette situation.

    Dramatiquement, les choses se tiennent dans ce premier épisode… jusqu’à ce qu’elles deviennent plus floues. Adela et Joaquín se disputent et leurs chemins se séparent. La famille de Carillo est exécutée. Joaquín rejoint un ami « curé » et semble établir des motivations différentes de celles qui pourtant avaient été établies par la série un peu plus tôt. On ne comprend soudain plus vraiment pourquoi certaines choses ont été mises en place (je suppose évidemment que Carillo survit, mais la fin de l’épisode n’est pas très claire à ce sujet). Il y a aussi une protagoniste présente sur le matériel promotionnel qui pour l’instant n’a pas vraiment d’existence dans cet épisode introductif, ne faisant qu’ajouter à la confusion. Alors vous allez me dire : bah, oui, c’est le premier épisode, il y en a d’autres derrière ! Certes. Je ne nie pas. Mais c’est assez difficile de comprendre dans quoi on s’embarque quand La Cabeza de Joaquín Murrieta semble flottante quant à sa direction, plutôt que de s’engager dans les axes narratifs qui paraissaient avoir été posés (mais apparemment non ?).
    Sur le plan thématique, l’intention ne fait pas de doute : la série veut aborder la défaite mexicaine et surtout la déchirure qui en a résulté, aussi bien intime que sociale. L’Histoire est écrite par les vainqueurs, et… les séries historiques, souvent aussi. D’ailleurs au pire, même quand ça ne s’est pas passé conformément à ce que l’on voudrait, il suffit de réécrire l’Histoire (souvent de façon raciste). Soyons honnêtes, combien de fois avez-vous vu une série dont le sujet est la défaite ? La série historique, c’est le domaine de l’espoir, de la conquête, de la fondation d’une nation. Qui a envie de penser que son pays s’est construit dans l’échec ? Là, on est devant une série qui s’intéresse au côté perdant, et c’est rare. Et fantastique.

    Ce n’est pas tant sur le fond que j’ai eu du mal à accrocher à La Cabeza de Joaquín Murrieta, mais plus sur la façon dont la série veut raconter cela, et sur la construction de plusieurs de ses personnages. Ce qui est dommage parce que visuellement, c’est vraiment réussi, et l’interprétation est solide. Le seul bémol que j’ai à adresser revient au choix du surdoublage, qui vient sûrement, au moins en partie, d’un tournage en plusieurs langues (Capitaine Love est vraisemblablement filmé en anglais mais doublé en espagnol), mais s’étend à la quasi-totalité du cast (…même les protagonistes s’exprimant en espagnol sont doublées en espagnol), ce qui nuit à l’impression générale. Mais bon, le surdoublage est vieux comme le monde, c’est juste qu’à quelques séries près (généralement russes) on a perdu l’habitude. Ce n’est franchement pas ce qui me détourne le plus de la série.
    Je suis presque convaincue que j’y verrais plus clair en lui donnant plus de temps, mais honnêtement ? Je vois bien que l’envie n’est pas là de poursuivre l’aventure. Sûrement que je passe à côté de quelque chose, mais, n’en doutons pas, vous me raconterez. D’ailleurs, dans le même ordre d’idées, je ne sais pas trop si je suis motivée à tenter Django, j’attends vos retours…

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  • We never know whom we date

    24 février 2023 à 19:37 • Review vers le futur •

    Puisqu’on parlait de Gungmin Yeoreobun! il y a quelques jours, jetons donc un oeil à son remake étasunien, maintenant qu’il a effectivement démarré. The Company You Keep a changé pas mal de chose au concept d’origine, parfois à un degré surprenant. Pour moi en tout cas !
    Alors certes, une partie de ces changements étaient prévisibles : c’est la fonction-même d’une adaptation internationale que de s’adapter à la culture d’un pays différent. Il y a aussi des choix inhérents à la différence de format. D’autres aspects, en revanche, tiennent de l’innovation la plus totale… Est-ce que ces choix ont du sens ? Quelles sont leurs implications ? C’est ce à quoi il s’agit de répondre aujourd’hui.

    On trouve encore le squelette de la série d’origine quelque part sous toutes ces différences. Charlie Nicoletti, un arnaqueur qui s’apprête à boucler le plus gros coup de sa carrière, commence la série en vendant un entrepôt à Brendan Maguire, un homme d’affaires irlandais pas exactement dans les clous de la loi… cela sans lui spécifier, évidemment, que l’entrepôt ne lui appartient pas. Mais ça marche, quand bien même le bras droit de Maguire manque de peu de faire foirer l’affaire, et Nicoletti s’en tire avec un joli pactole, sous la forme d’un portefeuille en bitcoin. Avec sa petite amie Tina mais également sa propre sœur, sa mère et son père, Charlie se réjouit déjà de pouvoir savourer cette copieuse somme qui mettra tout le monde à l’abri pour quelques temps. Sauf que Tina disparait dans la nature, évidemment avec la clé vérifiant l’accès à l’argent en cryptomonnaie, et que Charlie comprend, quoique trop tard, qu’il s’est fait avoir.
    Dépité, il se retrouve au bar de l’hôtel où il avait réservé une suite de luxe à partager avec Tina pour célébrer leur grosse prise… or, dans ce même bar a échoué Emma Hill. Sauf qu’elle, elle vient de trouver son petit ami en galante compagnie dans une chambre à l’étage.
    Toutes les deux partagent quelques constatations désabusées au bar, et quelques heures plus tard finissent par passer la nuit ensemble… devant la télé de la suite réservée par Charlie, après avoir ri et papoté une bonne partie de la soirée. Au petit matin, aucune des deux ne veut vraiment arrêter là, et c’est finalement le reste du weekend que Charlie et Emma passent dans l’hôtel de luxe. Mais la parenthèse « rebound » n’a qu’un temps, et chacune est bien obligée de retourner à son quotidien, ce qui veut dire affronter sa famille criminelle pour Charlie, et retourner au boulot pour Emma, qui est agente de la CIA. Oui, voilà : oops.

    L’ossature est donc là, sans conteste. Et pourtant, The Company You Keep fait des choix très différents à partir de cette même base de départ !
    Certains sont dépendants d’une volonté de créer une série dramatique : pour l’essentiel, à part quelques répliques un peu impertinentes (surtout de la part de Charlie ; Milo Ventimiglia cabotine comme jamais, ce qui n’est pas peu dire), la série se refuse à l’humour. On est loin du surjeu volontaire ou des gags de Gungmin Yeoreobun!, tout étant dans cette version toujours pris très au sérieux. Je suppose sans pouvoir le prouver que la production de la série US a mis le ton humoristique de la série originale sur le compte du format d’une demi-heure sans nécessairement prendre en compte le pourquoi de ce format (que j’expliquais dans la review… ou plutôt dans celle de Jojak). Il semble que la production US se soit dit « oui mais moi je veux faire une série d’une heure », et hop, on évacue l’humour. Enfin c’est ma théorie, en tout cas. Il est aussi très possible que, ne répondant pas du tout à l’humour sud-coréen de l’original, la production ait pensé que ce serait plus noble de s’en passer. Quelle qu’ait été le processus de décision, il reste que pas mal de choses qui faisaient de Gungmin Yeoreobun! une comédie romantique ont été totalement abandonnées, et The Company You Keep est plutôt une série de heist avec de la romance (et, plus tard, de la politique).
    Toujours sur la question du ton, on peut d’ailleurs noter une nette insistance, en tout cas si on considère une comparaison entre la première heure des deux séries, sur les techniques d’arnaque de Charlie. Dans la version sud-coréenne, cet aspect était assez mineur pendant la phase d’introduction de la série, de ses personnages et de ses enjeux ; peu de scènes montraient dans la pratique comment Jung Kook et ses associées travaillent. Dans la version étasunienne, on aura droit à deux arnaques dés le premier épisode : celle qui ouvre l’épisode pilote et une autre, plus tard, quand Charlie et ses proches décident qu’elles ont besoin d’argent rapidement, et se trouvent une nouvelle cible. Les moyens mis en oeuvre sont d’ailleurs impressionnants (rivalisant de professionnalisme avec ceux de la CIA, et je ne pense pas que ce soit un hasard), démontrant combien que The Company You Keep veut vraiment en faire un pilier de son épisode, quand bien même c’est une intrigue de surface avec très peu d’enjeu émotionnels ou même intellectuels. Il y a un aspect ici qui peut parfaitement devenir un peu plus procédural que le reste, même si la fin de l’épisode remet dans la boucle le bras droit de Maguire pour éviter que ça ne se disperse trop, et préserver un fil rouge. D’ailleurs, ce personnage est beaucoup moins mystérieux dans la série américaine, et apparait abondamment à l’écran si l’on compare à la première heure de la série originale (soit les deux premiers épisodes).
    Toutefois, beaucoup de ces choix apparaissent comme mineurs comparés à d’autres.

    Les nuances apportées par l’aspect romance sont ainsi bien plus significatives sur le fond.
    Pour des raisons qui ne manquent pas de sens, The Company You Keep a décidé de ne pas marier immédiatement ses deux héroïnes : après leur weekend ensemble, Charlie et Emma ne décident pas d’un pacte qui les conduirait à commencer une relation histoire de voir où elle mène (et qui conduise au mariage en quelques mois). Au contraire, elles décident que leurs chemins se séparent. Traiter cette rencontre comme un « coup d’un soir++ » n’est pas très surprenant pour une série américaine… de la même façon qu’à l’inverse, les séries sud-coréennes ADORENT forcer les personnages à être ensemble, par exemple par les liens du mariage, mais principalement de façon chaste (dans Gungmin Yeoreobun!, le couple marié ne se parle plus, et se touche moins encore) : il faut laisser aux sentiments le temps d’éclore. Dans la pratique, un équivalent aurait parfaitement pu être trouvé si The Company You Keep l’avait voulu, genre par exemple par un mariage express à Las Vegas, mais d’une part ce genre de mariage s’annule sans grande peine, donc n’oblige personne à rien, et surtout d’autre part, la série américaine veut non pas forcer à explorer une relation établie dans laquelle il faut s’épanouir, mais plutôt faire s’épanouir la relation dans toute sa fragilité. Les deux parties peuvent à tout moment rompre la relation, mais elle est basée sur un attachement sincère. Une différence d’approche majeure.
    Le montage tendre vu dans le premier épisode de Gungmin Yeoreobun! (probablement mon passage préféré, du reste) est donc remplacé par un montage détendu dans la chambre (et salle de bains, et piscine, et bar) de l’hôtel, plus décontracté. La complicité n’en est pas absente mais au lieu de montrer l’affection grandissante des personnages, il s’agit juste de prouver leur compatibilité. Plus tard dans l’épisode, Charlie et Emma s’avoueront, à elles-mêmes ainsi qu’à l’autre, n’avoir pas oublié ces quelques heures, et vouloir commencer une relation sérieuse. Mais parce que dans The Company You Keep, cette relation peut se fracturer à tout moment (…au hasard, à cause d’activités professionnelles secrètes ?), l’enjeu est donc transformé radicalement. La romance à l’américaine, c’est forcément différent de la romance à la sud-coréenne, et on en a ici la parfaite démonstration.
    Paradoxalement, The Company You Keep est, dans l’ensemble, peu intéressée par l’état émotionnel dans lequel Charlie et Emma se rencontrent. Leurs ruptures respectives sont balayées d’un revers de la main : Charlie n’arrivera jamais à joindre Tina au téléphone (dans la version sud-coréenne, une dernière conversation offrait, certes de la souffrance, mais aussi des éléments pour tourner la page), et Emma n’échange que quelques mots face à son petit ami trompeur, qui d’ailleurs n’est pas du tout ridiculisé dans cette version (voir aussi : tout est sérieux, rien n’est comique). Certes, les deux protagonistes se retrouvent dans le même bar à l’issue de cette journée décevante, mais elles n’apparaissent pas comme super investies émotionnellement parce qui vient de se produire. Les déceptions amoureuses sont survolées ici pour tout de suite passer au nerf de la guerre : la rencontre, ses paramètres, et ce qu’elle prédit de la relation future. Je suis à deux doigts d’utiliser le terme de « prétexte » ici, soyons claires.

    Le choix original le plus osé reste cependant l’introduction de toute une famille de complices pour Charlie.
    Dans la version sud-coréenne, à part sa petite amie, l’arnaqueur Jung Kook collaborait avec trois personnes qui n’étaient pas (si j’en crois les deux premiers épisodes en tout cas) liées par le sang. Dans le cas présent, on a donc une dynamique toute entière qui se voit transfigurée par ce choix, Charlie ayant des responsabilités vis-à-vis de ses proches : ses parents Fran et Leo tiennent un bar perpétuellement vide, et son père développe une maladie dégénérative ; en outre, sa sœur Birdie est une mère célibataire, sa fille préadolescente Ollie étant d’ailleurs la seule membre de la famille en ignorant les activités. Le fait que Tina se soit évaporée avec tout cet argent signifie que toute la famille, maintenant, voit son avenir chamboulé, y compris les plans de retraite de Fran et Leo. Il va donc falloir remonter une arnaque sans plus tarder… et c’est un sacré poids à porter pour Charlie qui se sent responsable (Birdie se charge de le lui rappeler). C’est donc non seulement des protagonistes qui ont été ajoutées, mais tous les enjeux s’y rapportant qui ont aussi été imaginés spécialement pour The Company You Keep. De telles variations par rapport au format d’origine ne peuvent même pas vraiment s’expliquer par les raisons habituelles (différences culturelles, format, etc.), et donnent à penser qu’il y a eu un véritable effort pour que cette adaptation trouve son propre équilibre. Ce genre de choses confirme que la « loyauté » d’une adaptation ne veut rien dire, et même, n’est pas toujours souhaitable !
    En fait, ce choix témoigne d’une vision à long terme plutôt futée. Dans Gungmin Yeoreobun!, il y a tout un aspect politique que le premier épisode effleure à peine (et le deuxième pas vraiment plus), mais qui repose en partie sur l’influence de la famille de Mi Young. Ici, Emma a une famille influente de façon relativement similaire, et on la verra d’ailleurs interagir avec sa mère, son père et son frère, toutes les trois riches et importantes dans la vie politique locale, ainsi que dans la vie d’Emma qui subit beaucoup de pression de leur part (d’autant qu’elles ignorent qu’elle travaille à la CIA). L’invention de la famiglia Nicoletti introduit donc un effet de balance : il y a désormais des forces équivalentes pour peser sur les enjeux du couple Charlie/Emma, ainsi que sur les intrigues politiques à venir. The Company You Keep semble avoir complètement repensé les dynamiques qui sous-tendent ses intrigues sur le long terme, et j’avoue que je vois très, très peu de remakes fournir une réflexion aussi poussée quand rien ne les y force.

    Dans l’ensemble, je n’ai pas passé un mauvais moment devant The Company You Keep, qui a réussi à éviter avec brio l’effet de redite avec Gungmin Yeoreobun!. Force est toutefois de constater que ce sont deux séries très différentes, quand bien même elles partagent les mêmes fondations. Il y a des changements dont je suis moins fan que d’autres mais, vous savez quoi ? C’est très bien. Rien ne vous empêche de regarder l’une, l’autre, ou les deux séries, de les apprécier à des égards différents, d’y investir des émotions différentes.
    Voilà qui est, très franchement, le scénario idéal quand on parle d’adaptations internationales.

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