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    20 janvier 2023 à 23:45 • Review vers le futur •

    Avec le début de l’année, plein de diffuseurs aux quatre coins de la planète en profitent pour dégainer des nouveautés ; de toute façon, on le sait bien, il n’y a plus de saison. C’est par exemple le cas de Citytv, au Canada anglophone, qui nous propose en ce mois de janvier Wong & Winchester. Après avoir vu le premier épisode, je vous confirme que son timing ne pourrait être plus impeccable.
    Alors, je sais, j’avais dit que je ne parlerais plus de séries policières. Pour ma défense, les héroïnes de Wong & Winchester sont détectives privées… On dit que ça passe ? Allez, juste cette fois on dit que ça passe.

    Pour être tout-à-fait franche avec vous, Wong & Winchester n’a rien inventé, et force deux protagonistes à coopérer sur des enquêtes, dans une série à la structure procédurale.
    Dans le cas présent on a la vague originalité d’avoir un tandem féminin, mais bon, en l’an de grâce 2023 encore heureux que ça ne soit plus trop exceptionnel. Plus rare en revanche est le fait que l’une de ces femmes soit asiatique, et à la télévision canadienne même s’il y a eu quelques efforts depuis quelques années (avec par exemple Second Jen, Kim’s Convenience, ou plus récemment Run the Burbs), ça reste encore exceptionnel. La série tourne un peu plus sur cette héroïne, d’ailleurs, présentée comme un peu plus centrale et complexe que sa collègue, au moins pour le moment. Ah, petit point anecdotique : la série est tournée à Montréal, aussi. Bon c’est le cas de plein de séries aussi, hein, mais la plupart du temps elles sont francophones donc c’est un peu marrant, je voulais le signaler.

    Marissa Wong a été contrainte de quitter la police, et travaille désormais dans un petit cabinet d’investigations privées, sous la direction de son patron Gary Johnson. Le problème c’est que des, euh, mésaventures précédentes, dirons-nous, ont donné lieu à un retrait de permis pour Marissa, et elle a donc besoin en permanence de quelqu’un pour la conduire partout. Et vraiment juste ça ! Pas question de partenaire ou quoi que ce soit.
    Gary, qui est résolument bonne pâte, a décidé d’engager un chauffeur pour elle. Ou plutôt sept. Sept chauffeurs se sont succédés, et n’ont pas toléré le tempérament épouvantable de Marissa, qui est blasée, cynique et, qui plus est, les met en danger (généralement parce qu’elle se met en danger elle-même, cela dit). Après une ultime démission à cause d’une brumeuse histoire de batte de baseball, Gary décide donc de changer de modus operandi, et contre l’avis de Marissa, propose le poste à Sarah Winchester. Sarah est, au passage, la nièce de Gary, mais surtout elle représente l’exact inverse de Marissa, et a tout de la charmante première de la classe qui est toujours gentille avec tout le monde. Ce qui va sans nul doute irriter Marissa. Point irritant supplémentaire : Marissa ne veut pas travailler avec une femme (…on ne nous a pas trop expliqué pourquoi, j’avoue ; en même temps quelle raison pourrait être audible, je vous le demande), donc elle est ulcérée à l’idée de devoir travailler avec celle-ci plutôt qu’un homme.

    Wong & Winchester n’a pas inventé le buddy cop show, mais le fait est que ça marche. Et ça marche parce que ce premier épisode démontre assez rapidement que ces deux femmes ne sont pas vouées à s’entendre en théorie, mais que dans la pratique, exactement comme le prédisait Gary, elles forment une formidable équipe parce qu’elles sont très complémentaires. Marissa Wong est compétente ; elle a le sens de l’improvisation, elle est tenace, elle est intelligente ; Sarah, elle, a le sens du contact humain et parvient aisément à amadouer les gens, elle est fine observatrice, et elle se montre très douée pour relier entre eux les indices qu’elle relève.
    Lorsque la série se focalise sur leurs forces respectives (et c’est le cas assez rapidement pour un premier épisode qui a aussi de la mise en place à faire), elle en tire quelque chose d’efficace et sympathique, qui permet de rapidement dépasser le stade des petites chamailleries typiques du genre. De fait, après une petite période d’hostilité, Marissa finit par réaliser qu’elle a affaire à une jeune femme intelligente qui peut être un atout, et elle redirige ses répliques sarcastiques ou désabusées vers d’autres personnages. Finalement c’est peut-être le choix le plus fin de Wong & Winchester : décider que ses héroïnes, même si elles ne sont pas compatibles sur tout, ne vont pas se tirer dans les pattes en permanence parce qu’elles sont capables de voir ce qui est positif chez l’autre. Ou au moins, dans les moments qui comptent !
    L’enquête de ce premier épisode ne surprend pas (j’avais deviné qui était coupable environ à la fin du premier acte), mais introduit suffisamment d’ingrédients drôles ou atypiques pour retenir notre attention. Le meurtre sur lequel cette introduction porte s’est déroulé dans une maison de retraite haut de gamme, et la victime est un homme de presque 90 ans qui multipliait les conquêtes sexuelles, par exemple. C’est plutôt amusant comme idée et la série (loin de porter un jugement, d’ailleurs ; au fait, dites à vos grand’mères de se protéger, les capotes c’est pas que pour les jeunes) s’amuse un temps avec tout cela, avant d’offrir un peu d’action vers la fin de l’enquête. C’est efficace en diable, que voulez-vous que je vous dise.

    On me fera remarquer, et à raison, que Wong & Winchester ne fait rien de très nouveau, et c’est précisément la raison pour laquelle à mes yeux son timing est parfait. Ecoutez, moi, c’est le début de l’année, je suis déjà épuisée de tout, je suis en colère d’à peu près tout aussi ; je regarde mes séries avec une tasse de thé à la main (devenu un plaisir onéreux par les temps qui courent), drapée de mon fidèle plaid violet ; je suis pas là pour regarder des trucs chiants ou compliqués, j’ai tout le reste de l’année pour ça, pardon. Donc Wong & Winchester, c’était parfait pour ce que c’était, et pour mon humeur du moment.
    Si ce n’est pas la vôtre, c’est pas grave ! Mais c’est bon de savoir qu’il y a des options en matière de cozy mystery ou juste d’enquêtes procédurales légères (et je sais combien So Help Me Todd ne fait pas l’unanimité) : au cas où vous cherchiez des idées, eh bien, en voilà une.

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  • pARTage

    13 janvier 2023 à 22:48 • Dorama Chick •

    « La nourriture n’a-t-elle pas meilleur goût quand on la partage ? »
    Ce qui est vrai d’un bon petit plat l’est autant d’une œuvre artistique. Comme, par exemple, une série, aussi je ne pourrais être plus ravie de vous parler de Maiko-san Chi no Makanai-san, la première série japonaise de Netflix pour 2023. Elle est apparue cette semaine sur la plateforme, sous le titre international de The Makanai: Cooking for the Maiko House (mais pas en France où on a préféré Makanai, dans la cuisine des maiko), et on la doit entre autres à Hirokazu Koreeda, qui a co-écrit, co-réalisé et co-produit la série.

    On se retrouve, le temps de 9 petits épisodes, transportées à Kyoto, plus précisément dans le quarter traditionnel de Gion. C’est là que subsistent quelques unes des dernières yakata du pays, ces maisons où l’on abrite et forme les geiko (à Kyoto, on emploie ce terme plutôt que geisha) de demain. Même si au 21e siècle, l’âge d’or du métier est désormais derrière lui, il reste encore des jeunes filles pour rejoindre ces établissements aux rites centenaires, afin de maintenir en vie une tradition artistique qui autrement serait à bout de souffle.
    Deux adolescentes de 16 ans, Kiyo et Sumire, font justement ce choix dans Maiko-san Chi no Makanai-san ; les deux amies ont quitté leur ville natale d’Aomori, dans le nord du pays, pour venir à Kyoto ensemble et rejoindre une yakata du nom de Saku. Le parcours qui s’annonce pour elles à partir de là sera long. D’abord, elles s’occuperont de maintenir la yakata tout en prenant des cours traditionnels, le temps se familiariser avec leur nouveau milieu ; puis elles deviendront maiko, c’est-à-dire apprenties, et commenceront à faire des représentations devant un public ; plus tard, elle accèderont, enfin, au statut de geiko.
    Ou, disons que c’est l’une des possibilités.

    Car très vite il apparaît que, si Sumire se révèle prometteuse, Kiyo, elle, n’est pas franchement douée, que ce soit pour l’ikebana, le niveau de langage, ou la mai, cette danse aux gestes mesurés et symboliques qui exige une précision impeccable. Les trois premiers mois passent (et, ce, dés le premier épisode) sans que l’adolescente ne parvienne à progresser.

    L’environnement est très bienveillant à Saku, la maison étant tenue par une ancienne geiko au cœur tendre du nom d’Azusa, laquelle est secondée par la doyenne Chiyo qui lui a passé le relai il y a quelques années, mais vit toujours sur place entre autres pour former les jeunes recrues. Lorsque Sumire et Kiyo arrivent, la yakata abrite déjà trois maiko : Kikuno, Kotono, et Tsurukoma, qui certes sont légèrement plus âgées mais avec lesquelles les points communs ne manquent pas. Il faut aussi compter sur Ryouko, la fille qu’Azusa a eu lors d’un premier mariage et qui a aujourd’hui 17 ans, mais si elle vit sur place, elle suit une scolarité normale et n’est pas entrée dans le monde des geiko. Dans ce gynécée tentant de faire perdurer les traditions japonaises anciennes, on ne voudrait rien tant que voir Kiyo réussir. Mais il semblerait que cela ne relève pas du domaine du possible.
    Alors que faire ? Après quelques courtes hésitations, Azusa réalise que le potentiel de Kiyo est ailleurs. D’une façon étonnamment naturelle, elle abandonne sa formation pour devenir makanai-san, c’est-à-dire la personne chargée du makanai (le repas de la maison, ou du personnel). Et elle y excelle !
    Eh oui ! Je vous ai bien eue, en fait Maiko-san Chi no Makanai-san est une « série d’appétit » ! Je vous parle depuis des années, maintenant, de ce sous-genre dramatique typiquement japonais consistant à adosser une série à une exploration culinaire. Sauf que contrairement à beaucoup de ces séries (quoique pas toutes), Maiko-san Chi no Makanai-san est hautement feuilletonnante, reflétant le parcours initiatique de ses deux protagonistes centrales ; elle révèle cependant, dans les détours de son intrigue, un superpouvoir secret, celui d’être aussi un formidable ensemble drama.

    Ce qui frappe instantanément dans la façon qu’a Kiyo de bifurquer vers la tenue de la cuisine de Saku, c’est combien ce choix n’est absolument pas un conflit. Elle ne le vit pas comme un échec ; en fait, son seul soucis, quand on lui annoncé qu’elle ne ferait jamais une bonne maiko, a été de s’imaginer séparée de Sumire. Du coup, cet emploi comme makanai-san est idéal, puisqu’il lui permet à la fois de briller par ses talents culinaires, qui s’avèrent précieux, et de rester aux côtés de son amie pendant que celle-ci poursuit son propre parcours dans la hiérarchie geiko. Pour Kiyo, ne pas devenir maiko n’est pas un échec. Quand Sumire réussit (et elle semble très bien partie !), cela ne crée aucune sorte de fossé. Il n’y a, à aucun moment, ni amertume ni jalousie, parce que Maiko-san Chi no Makanai-san n’est pas le genre de fictions qui s’intéresse à des émotions aussi basiques et soapesques. Et puis, Kiyo fait pleinement partie de la yakata, elle est une part importante de son fonctionnement, quand bien même elle est invisible pour le public, et ne sera jamais prise en photo par les touristes.
    Grâce à cette situation apaisée, Maiko-san Chi no Makanai-san peut explorer la vie de la yakata Saku, et se glisser aux côtés de ces jeunes filles et femmes qui ont choisi un mode de vie si atypique.

    Rappelons par exemple, même si théoriquement ce cliché devrait être mort et enterré maintenant, que les maiko et geiko, bien qu’oeuvrant en soirée dans des établissements nocturnes, ne sont pas des travailleuses du sexe. Ce sont des artistes, des interprètes, des personnalités publiques. Paradoxalement, ce vers quoi elles tendent, c’est être elles-mêmes ; les apprenties de Saku, et à sa façon, Kiyo aussi, sont là pour découvrir qui elles sont. Et le devenir, tout en devenant autre : s’impreigner des traditions de ce milieu, c’est se changer. Venues de tout le pays, les maiko et geiko parlent en effet en Kyoto-ben (ou dialecte de Kyoto), adoptent le vocabulaire spécifique de leur milieu, apprennent un maintien particulier, portent des vêtements et du maquillage traditionnels, apprennent à vivre avec un style capillaire peu adapté à la vie moderne… On y adopte même un nouveau nom ! C’est une performance particulière de la féminité qui passe par des artifices et des changements (qui rappelle un peu le drag par certains aspects), mais qui à terme garantissent un moyen d’expression artistique et intime. Pour ne pas dire politique, vu la façon dont les maiko et geiko doivent négocier leur rapport à une féminité moderne en accord avec les principes traditionnels qu’elles tentent très consciemment de préserver.
    Devenir autre pour devenir soi. Or, on ne devient pas soi par dépit : trouver le bonheur est essentiel.

    Dans tout cela, Maiko-san Chi no Makanai-san s’assure d’un double-rôle pour la nourriture : veiller au bien-être des femmes qui vivent à la yakata, et offrir des opportunités de voir comment elles vivent, au quotidien, cette existence hors du commun.
    Ce que fournit Kiyo dans ce contexte, c’est une cuisine quotidienne et populaire, pas de la nourriture haut de gamme qu’on associe avec l’image des geiko. Pourtant la qualité doit être là, et elle doit accomplir plus que nourrir les maiko : elle doit les aider dans les coups durs, les accompagner dans les moments de joie, les rassembler autour d’une même table… C’est un art intime par essence, celui que de rester attentive aux besoins de chacune. Dans le premier épisode, Kiyo apprend d’ailleurs une grande leçon : il faut faire plaisir à tout le monde, malgré les origines et préférences variées, pour que chacune trouve dans la nourriture sa comfort food idéale. A partir de là, Kiyo développe (ou avait peut-être un terrain favorable qui peut à présent s’épanouir) un talent pour sentir le plat dont quelqu’un a besoin (c’est très similaire à l’idée que Shinya Shokudou se faisait, régulièrement, des plats que le Master décidait de cuisiner de lui-même, et qui finissaient par combler parfaitement le besoin d’une cliente avant même qu’elle ne passe la porte).
    Faire en sorte que d’autres se sentent bien, c’est, en réalité, tout un art. L’excellence se juge ici au bonheur qu’apporte un plat ; et Kiyo trouve, justement, son propre bonheur en donnant du bonheur à d’autres.

    Précisément, Maiko-san Chi no Makanai-san est une série sur l’art que l’on aime, et l’art que l’on donne. C’est le plaisir des plats que l’on prépare pour autrui… mais aussi pour soi, pour se sentir utile, pour se sentir soi-même. De la même façon qu’on prépare une performance de mai. Contrairement à la grande majorité des séries d’appétit, la nourriture est ici surtout montrée de près lors de la préparation ou du dressage, pas vraiment quand elle est mangée ; les plans se font alors plutôt lointains, la scène s’intéressant alors surtout à la façon dont le plat est reçu et partagé. Maiko-san Chi no Makanai-san n’est pas une série qui veut nous faire ressentir le goût de chaque plat, elle veut nous faire ressentir le plaisir qu’on trouve à le voir apprécié par quelqu’un d’autre, et si possible, plusieurs personnes. Ces deux performances artistiques, en tant que makanai-san ou que maiko/geiko, n’existent que dans le moment présent, et n’existent que comme un don. On ne cuisine pas pour soi, et on ne danse pas pour soi. Ce sont des arts qui ont de l’influence sur les autres, même si l’effet est parfois imperceptible sur le moment (comme le démontrera tendrement l’épisode du Nouvel An).
    Au-delà, la série est un commentaire sur le rapport intime que l’on entretient avec son art, quelle que soit la nature de celui-ci. « Tu peux tomber amoureuse de ton art, pas que d’un homme », dira la geiko la plus populaire de Kyoto à Sumire dans un épisode ; et l’expression de cet amour, c’est de partager cet art plutôt que de le garder pour soi. Si Kiyo continue d’être considérée comme une membre de la maison à titre égal avec l’apprentie Sumire ou les trois maiko de la maison, c’est justement parce que la série ne considère pas que le travail que l’on fait détermine qui l’on est. En revanche, qui l’on est détermine ce que l’on fait. Or, c’est cela qui détermine ce que l’on donne à d’autres. Ainsi, il importe de trouver la bonne place pour soi, qui nous correspond, dans le monde (ça se sent par exemple lorsque le père de Sumire vient en ville), parce que c’est ce qui nous permet à la fois de nous exprimer et de faire profiter à d’autres de notre talent. « On peut cuisiner, ou être la personne qui mange. On peut être la personne qui part ou celle qui reste. Et aucun de ces choix n’est meilleur ou pire que les autres », dira la grand’mère de Kiyo dans l’une des rares scènes nous rappelant que, à Aomori, sont restées quelques personnes chères qui ont donné d’elles-mêmes aux adolescentes pour qu’elles puissent un jour devenir des jeunes femmes pleins de talent. Cette conviction que chaque personne a sa place dans le monde, un art fut-il simple mais vital dans lequel briller, et des choses à apporter aux autres sans besoin de se mesurer (« tu n’as pas besoin d’être la meilleure »), c’est ça, qui anime Maiko-san Chi no Makanai-san.

    L’atmosphère de Maiko-san Chi no Makanai-san est douce, chaleureuse, joyeuse. Les épisodes embaument votre vie comme un bon plat qui a mijoté des heures. Mais c’est tout de même un plat « exotique » pour beaucoup.
    Dans cette maisonnée pas comme les autres, modernes mais configurée pour perpétuer des traditions menacées d’extinction (raison d’être des personnages, bien souvent), on vit dans un monde un peu à part. On n’a pas le droit de porter des lunettes lorsqu’on est en costume, il ne faut pas utiliser son portable (ou idéalement ne pas en avoir), on ne peut pas quitter la formation de maiko ou alors en étant certaine de ne pas y revenir, et on ne peut être à la fois geiko et mariée, et ainsi de suite. Or on a là des femmes qui, dans leur immense majorité, pensent que ces traditions doivent être maintenues (…même si elles ne s’opposeraient pas à quelques nuances de modernité à l’occasion), et qui dédient leur vie à faire perdurer ce système. Cela peut être étonnant.
    En outre, la série se déroule presque totalement en Kyoto-ben (à l’exception bien-sûr des quelques scènes à Aomori, qui elles ont plutôt recours au Tsugaru-ben), fait appel à tout un vocabulaire très spécifique d’un univers méconnu, surtout qu’on nous en montre ici les coulisses. Seront donc nommés toutes sortes d’objets complètement inconnus au bataillon ici, et des rites qui le sont à peine plus. Ces éléments traditionnels, en un sens, sont la raison pour laquelle Netflix a commandé la série (c’est, comme beaucoup de séries d’appétit, l’adaptation d’un manga éponyme) : l’exotisme est encore, très souvent, un produit d’appel pour ses séries non-anglophones. Mais ce peut aussi être un frein considérable, comme si le style de Koreeda n’était déjà pas assez lointain des standards nord-américains ou européens…

    …D’autant que c’est le moment où j’arrête mes compliments de façon brutale, et vous annonce que Maiko-san Chi no Makanai-san n’a bénéficié d’absolument aucun effort pour se montrer accessible à un public néophyte. J’ai regardé la série avec les sous-titres anglais (par habitude ; je ne sais pas si j’aurais été mieux servie avec les sous-titres français, vous me raconterez) et c’est un absolu carnage.
    Plein de termes sont reproduits tels quels dans les sous-titres (quoique parfois avec des variations orthographiques parce qu’on n’a pas décidé de quelle romanisation on voulait se servir, et non, ce ne sera pas toujours Hepburn). Les mots tombent donc sans aucune explication. Alors, tout d’un coup on vous dit un mot et si vous ne savez pas ce que c’est, eh bah pas de bol (un jour il faudra vraiment qu’on parle de la tradition de l’explication culture dans les fansubs, parce que les plateformes ont des leçons à prendre de ce milieu). Un mot employé quotidiennement, comme « ookini » (du Kyoto-ben pour « arigatou« ) n’est jamais explicité, juste ponctuellement traduit directement, ou parfois livré tel quel ; on peut en induire le sens à force, mais pour quelqu’un qui regarde la série sans connaissance linguistique je ne suis pas sûre que ça donne particulièrement envie. Les dialectes sont en outre systématiquement effacés par la traduction, certains termes portant parfois une nuance dans une scène sans que les spectatrices non-nipponophones ne puissent y avoir droit.
    Pire, il y a des passages qui sont, je ne vois pas d’autre explication, des aberrations dues à une traduction automatique ; par exemple « se no« , qui se dit pour faire un compte à rebours par exemple avant de prendre une photo, a été traduit en « say no« . Dire non à quoi, à la photo que toutes se sont réunies pour prendre ? D’où ? Pourquoi ? Beaucoup, beaucoup d’expressions idiomatiques deviennent ainsi, dans les sous-titres anglais, parfaitement idiotiques, en raison d’une improvisation totale au moment de l’adaptation. Il y a par exemple un simple « douzo, yoroshiku onegaishimasu » (dont l’équivalent en français serait « je vous en prie, je m’en remets à vous », formule de politesse quand on se place sous l’autorité de quelqu’un) qui devient tout d’un coup :

    Hey, si vous vouliez écrire vos propres dialogues, fallait pas faire traductrice comme métier. Pour ce coup-là, on peut difficilement accabler Google Traduction…
    Alors après, je comprends que, lorsqu’on n’a rien expliqué à personne avec la plus petite note de traduction, on a besoin de faire dire des choses aux personnages pour simplifier. A de nombreuses reprises, les sous-titres emploient par exemple le nom d’Azusa alors que quelqu’un vient de l’appeler « Okaasan » (« maman », en raison de sa position de matriarche), et sur le coup ça a du sens… jusqu’à ce que quelqu’un s’émeuve plus tard de toutes ces femmes qui s’appellent l’une l’autre par « maman » ou « sœur », alors qu’elles ne sont pas liées par le sang. Bah oui mais on n’a pas le temps de repasser sur les épisodes déjà traduits, Netflix a pas prévu dans la deadline ni le budget, alors tant pis. Pareil quand la série se pique d’utiliser le nom de naissance d’une protagoniste alors que c’est son nom de maiko qui a été employé (…on a beau avoir eu tout une scène juste avant sur l’importance de l’emploi d’un nom plutôt que l’autre, rien à faire). Il n’y a juste pas les moyens de faire un travail, je vais même pas dire décent, mais au moins cohérent.
    Tout est à l’avenant. C’est rageant pour quelqu’un qui est habituée à ce que ses sous-titres aient un minimum de, euh, comment ça s’appelle déjà ? Oui : passion pour le sujet. Ou soucis de bien faire. Ou juste professionnalisme. Et je n’imagine pas à quel point ça doit être frustrant pour quelqu’un qui n’a pas les références de regarder une série et de n’en comprendre que la moitié. Des incohérences comme ça, ça donne l’impression que c’est la faute de la série, quand on n’a pas le bagage linguistique pour on ne peut pas l’inventer.

    Comment vous voulez inciter les gens à sortir de leur zone de confort et tenter des perles comme Maiko-san Chi no Makanai-san, de la jolie slow TV sans retournement de situation à couper le souffle ni même vraiment de conflit externe… quand on voit la façon dont sont malmenées les personnes curieuses qui voudraient la regarder ? Le mépris de Netflix pour ses propres productions originales est un puits sans fond.
    Alors qu’on a ici une oeuvre délicate, elle est passée au rouleau compresseur sans aucune forme d’égards pour sa forme… ou son fond. Parce que Maiko-san Chi no Makanai-san est une touchante lettre ouverte d’un artiste sur son rapport à l’art, son amour pour celui-ci, les sacrifices consentis et même embrassés à pleine bouche en son nom, et son désir de partager, autant que possible, avec autrui, cet amour et son expression. Le partage est gâché par une plateforme qui n’en a cure, et se soucie uniquement du temps que vous allez passer devant les épisodes pendant ses premiers jours de mise en ligne. Pour le reste, il ne faut pas compter sur Netflix.
    Alors je compte sur vous.

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  • Altérisation

    8 janvier 2023 à 22:51 • Review vers le futur •

    Les grandes vacances sont finies, et c’est le jour de la rentrée pour Victoire, une jeune fille de 17 ans qui entre en 1ère. Ce n’est toutefois une rentrée comme une autre : l’adolescente intègre le même lycée que son grand-frère, Théo, qui suit ses cours au lycée Toulouse-Lautrec. L’établissement est spécialisé dans l’accueil à la fois pédagogique et médical de lycéennes handicapées, tout en accueillant également des étudiantes valides.
    Victoire considère n’être pas à sa place dans cette école.

    Trigger warning : tentativeS de suicide.

    Ce sont que vous entendez, ce sont mes dents qui crissent alors que se resserre ma mâchoire à l’idée de regarder Lycée Toulouse-Lautrec, une série parlant de handicap. Plus encore quand sa créatrice (une femme valide) lance des expressions crispantes comme « J’avais cette envie, peut-être utopique, de faire changer le regard sur le handicap » lors d’interviews. Et, pardon de le dire, mais c’est une co-production TFHein (avec la RTBF, certes), chose qui, euh, bon. Il n’y a pas que du très mauvais sur cette chaîne, mais on se sait. La prudence était, a minima, de mise.
    Lycée Toulouse-Lautrec part en outre avec un défi supplémentaire : celui de convaincre qu’elle a pour but de faire autre chose que de l’able gaze, son personnage central étant en effet une adolescente valide. Le présupposé, comme souvent dans ce genre de circonstances, est que les spectatrices vont s’identifier en premier lieu à l’héroïne (à laquelle il brûle d’employer le terme « normale » pour se définir elle-même)… avant d’envisager éventuellement de s’intéresser à l’intériorité des protagonistes handicapées, qui sont secondaires.
    Je veux dire, regardez-moi ce matériel promotionnel, quoi : les 4 personnes les plus grandes sur l’affiche sont les personnes valides, les 5 autres (pourtant plus nombreuses et, en plus, dont dépend le synopsis de la série) sont entassées en arrière-plan…

    Ouais, c’est pas gagné. Et il y a encore des moments, disons, compliqués, dans ce premier épisode.

    En cause : le choix de perspective, bien-sûr, additionné à la perspective limitée typique de la tranche d’âge dont il s’agit.
    Victoire débarque pour sa première journée dans son nouveau lycée… et passe le plus clair de son temps à se plaindre que sa vraie vie est dans son ancien lycée (le changement d’établissement est la conséquence d’un déménagement faisant suite au divorce de ses parents, ce qui n’arrange rien…). On la verra à plusieurs reprises essayer de contacter ses copines et son petit-ami, se raccrochant aux relations établies plutôt qu’essayant d’en établir de nouvelles. La voix-off vient renforcer cette perspective, hélas sans y ajouter grand’chose qui ne se dise déjà à l’écran : le monde entier s’est ligué contre Victoire pour ruiner sa vie. L’épisode passe pas mal de temps à la suivre, boudant d’une scène à l’autre, roulant des yeux, poussant des soupirs exaspérés quand il lui faut interagir avec qui que ce soit.
    Lycée Toulouse-Lautrec met évidemment en place les mécanismes qui annoncent la « leçon de vie » qu’elle s’apprête à recevoir : les autres élèves sont des adolescentes comme les autres, avec des personnalités variées, et ce qui change est surtout leurs besoins en terme d’assistance au quotidien, ou sur un plan médical. Victoire va devoir le réaliser si elle ne veut pas passer toute une année scolaire dans une humeur exécrable… ou, pire, au ban de la micro-société du lycée. Hélas, ses choix pour le moment ne sont pas vraiment prometteurs, entre sa réaction ulcérée en apprenant qu’une binôme lui a été attribuée (Marie-Antoinette, qu’elle doit assister au quotidien), son incapacité à saisir l’ampleur des responsabilités que cela représente… ou encore le moment charnière pendant lequel elle choisit de partager une video prise d’un élève s’étouffant à la cantine, avec un hashtag du plus mauvais goût. Tout cela, évidemment, conduit à des regards encore plus désapprobateurs de la part de son entourage (camarades de classe, proviseur, mais aussi son propre frère). Tout indique qu’à leur contact, Victoire finira par comprendre que son attitude est intolérable, et qu’il lui faudra faire mieux…

    …Dans ce premier épisode, on n’en est pas encore là. Lycée Toulouse-Lautrec insiste au contraire sur la façon dont le regard des autres est perçu par l’adolescente, qui continue de se voir comme une victime. Pour elle, il est certain qu’elle est victime d’exclusion parce qu’elle n’est pas comme les autres élèves, ce qui s’ajoute au sentiment d’injustice. La série ne prend pas totalement partie pour Victoire, et c’est heureux ; certaines scènes rappellent que les gens autre qu’elle ont autre chose à penser (comme Charlie, qui a une tumeur au cerveau, par exemple), ou encore que ses états d’âme ne devraient pas avoir d’impact sur la qualité de vie d’autrui (c’est en particulier vrai pour Marie-Antoinette, abandonnée sur la cuvette des WC). Toutefois, une telle place est faite à ses humeurs et ses pensées, qu’au final on a quand même l’impression d’être poussée à avoir de l’empathie pour elle, et sa souffrance. Il suffit d’écouter le monologue de fin d’épisode pour s’en assurer. D’ailleurs, au risque d’en remettre une couche, cette voix-off est, à tous les égards, une mauvaise idée : rien ne marche ni dans son utilisation, ni même dans la façon dont elle est lue par l’actrice…
    Les meilleures scènes de l’épisode, pourtant, sont immanquablement celles où Victoire est absente. Lorsque Marie-Antoinette (qui s’annonce d’ores et déjà comme la force vive de la série) et Charlie, amies de longue date, interagissent. Quand Reda, le clown de la classe, asticote son entourage, testant les limites de ce dont il est acceptable de rire. Quand Maëlle, l’autre nouvelle du bahut, s’ouvre avec vulnérabilité à la psy de l’établissement. Quelque chose de magique se produit parce que c’est là qu’on perçoit, réellement, l’humanité des protagonistes handicapées de Lycée Toulouse-Lautrec… Que Victoire soit, pour le moment, systématiquement tenue à l’écart de tout cela (par choix scénaristique, ou à cause de son rejet du lycée) laisse songeuse quant à la possibilité pour l’ado de voir un jour ses camarades de classe comme des égales. Il y aurait également long à dire de la façon dont Théo, son grand-frère qui a des séquelles d’une chute lorsqu’il était enfant, n’a pas vraiment droit au chapitre dans ce premier épisode. Etant donné que Lycée Toulouse-Lautrec a établi qu’elle n’était pas strictement limitée à la perspective de Victoire, on devrait être capables d’apprendre quelque chose sur lui qui aille au-delà de la vision que sa sœur a du jeune homme ; ce ne sera pas le cas dans cet épisode d’exposition, en tout cas.

    Il ne fait pas vraiment de doute que Lycée Toulouse-Lautrec veut, à terme, faire changer Victoire, et créer une normalisation autour de ses protagonistes handicapées (l’éventail de conditions médicales étant pour l’essentiel restreint aux questions de mobilité, d’ailleurs). L’intention est ce qu’elle est, les choix et les moyens en sont une autre. J’aurais plus volontiers regardé cette même histoire du point de vue de Marie-Antoinette (dont le doux « Sérieux ? »au début du dernier acte a, à lui seul, compensé tous les plans sur la tête à claques qu’est Victoire), Maëlle, qui exprime des choses très importantes à plusieurs reprises, ou Théo, qui se retrouve à la fois victime du validisme de sa sœur et témoin de la façon dont elle le tient responsable de tout, pour quelque chose qui s’est passé quand il était encore bébé. Ce seraient des perspectives bien plus enrichissantes d’un point de vue dramatique, mais voilà, on ne va quand même pas risquer que des spectatrices valides ne sachent pas comment s’identifier. Cela conduit Lycée Toulouse-Lautrec, malgré sa distribution (et même ses figurantes) authentiques, et la bonne volonté dont elle se dit faire preuve, à ne pas franchement réussir à rassurer même au bout d’un épisode…
    Cela dit, je ne ne laisse pas tomber pour autant (d’autant que je me suis vraiment prise d’affection pour les nuances dévoilées par Ness Merad), et vais jeter un œil à la suite. Pas sûre que j’en fasse une review supplémentaire, mais en tout cas je ne m’avoue pas encore vaincue.

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  • Don’t be a little witch

    7 janvier 2023 à 23:44 • Review vers le futur •

    A cause de ma phobie des vampires, je suis un peu passée à côté d’Interview with the Vampire à l’automne dernier. Et par « un peu », je veux dire que les chances que je me mette devant relèvent du microscopique. AMC m’a donné une seconde chance de pénétrer le monde d’Anne Rice avec, en ce mois de janvier, le lancement de Mayfair Witches. Comme son titre le suggère, on y parle cette fois de sorcières, ce qui veut dire moins de canines pointues pour moi.

    Trigger warning : suicide, tentative de suicide.

    Au départ, je n’étais pas certaine de vouloir tenter la série : bien que n’étant pas, officiellement, un spin-off d’Interview with the Vampire, Mayfair Witches est adaptée d’ouvrages de la même romancière, et les deux séries sont diffusées (à un intervalle très rapproché, qui plus est, qu’on ne peut accuser d’être accidentel) par le même diffuseur. Et les deux histoires ont aussi une ville en commun (même si on ne s’y trouve pas à la même époque… pour le moment ?). Est-ce que je me lançais dans une série dont il me manquerait une partie du contexte (ou, pire, si j’en venais à aimer la série, serais-je par la suite forcée de regarder un crossover quelconque) ?
    Fort heureusement, je ne pense pas rencontrer ce problème.

    Le premier épisode de Mayfair Witches se partage en effet entre deux villes, deux époques, et deux personnages. Ce n’est pas rendu très clair au départ, à dessein ; en fait il y a même une transition entre deux plans qui essaie volontairement de nous faire croire le contraire.
    D’un côté, il y a la docteure Rowan Fielding, une jeune neurochirurgienne de talent, mais qui peine à s’imposer dans un univers à la fois très masculin et hiérarchisé. Elle aspire, un jour, à occuper le poste de chef de la chirurgie, mais dans l’intervalle il lui faut composer avec les humeurs de son supérieur autant que faire se peut. On apprend progressivement que Rowan est une enfant adoptée, et que sa mère, Ellie, a eu un cancer par le passé ; dans ce premier épisode, le cancer revient et, au fil des scènes, s’avère incurable. Ellie pose lentement les jalons de l’après, alors que Rowan essaie, dans un dernier effort, de trouver un traitement expérimental de la dernière chance.
    De l’autre côté, on a Deirdre Mayfair, une femme catatonique qui vit enfermée dans sa demeure familiale de la Nouvelle-Orléans. C’est exactement ainsi qu’elle a grandi, surveillée étroitement par ses deux tantes ; et c’était, apparemment, le cas de sa propre mère avant elle. A l’occasion de la visite d’un tout nouveau médecin, qui découvre son dossier médical, Mayfair Witches revient dans le passé pour nous raconter sa jeunesse. Deirdre vit l’enfermement et la surveillance permanentes par ses tantes comme une torture ; cependant, elle a un oncle qui organise toutes sortes de fêtes décadentes, et se retrouve, un soir, à faire le mur pour assister à l’une d’entre elles ; pendant cette soirée, elle a une aventure d’un soir avec un jeune homme, et se retrouve enceinte. C’est évidemment un problème, en particulier parce que ses tantes sont extrêmement croyantes en plus du reste.

    En surface, rien de très surnaturel dans tout cela, mais ce n’est qu’en surface. Mayfair Witches nous introduit très tôt à l’existence de Lasher, un étrange personnage qui hante Deirdre depuis l’enfance, mais qu’elle considère plutôt comme un ami imaginaire… sauf que pour elle, il est très réel. Il semble que par le passé, son entourage ait eu vent de Lasher, et que tout le monde ait redoublé d’efforts pour la dissuader d’interagir avec lui ; ce qui invalide la possibilité qu’il soit un pur produit de son imagination. Et en effet, pour Deirdre, il est très réel… même si en définitive elle ne sait pas grand’chose de lui : ça, ce sera pour la fin de l’épisode, quand elle découvrira ce que nous suspections depuis plusieurs minutes déjà : il est une sorte de démon !
    Dans son monde également très réaliste, trop réaliste hélas, Rowan commence à suspecter qu’elle possède une étrange capacité : elle est capable de visualiser le cerveau des gens, et même de leur provoquer des ruptures d’anévrisme par sa simple volonté. C’est évidemment absurde mais c’est, aussi, quelque chose qui lui est déjà arrivé dans l’enfance, et qui va se reproduire deux fois dans ce seul épisode, signe d’une accélération certaine. Ellie essaie de la décourager de croire à pareilles sornettes : un don pareil est évidemment impossible. L’épisode, pourtant, montre qu’Ellie cache quelque chose à Rowan ; elle contacte même une mystérieuse institution à la Nouvelle-Orléans, pour s’assurer que quelqu’un, après son décès, sera en mesure de protéger sa fille. Hélas, Ellie restera fidèle à son serment, et emportera dans sa tombe le secret des origines de Rowan.

    Ce n’est pas exactement un twist foudroyant d’originalité que Rowan soit en réalité la fille de Deirdre, confiée à Ellie par l’une des tantes ; mais avant de le confirmer, Mayfair Witches essaie quand même de nous trimbaler un peu pendant cet épisode initial. Pour le sport.
    Se met pourtant en place, malgré ce temporaire tour de passe-passe, une chronologie terrifiante sur l’arbre généalogique de Rowan, et à travers elle des femmes Mayfair. Au moins trois générations d’entre elles ont vécu de grandes tragédies. Il semblerait cependant qu’en décidant de son adoption (à l’insu de Deirdre), les tantes Mayfair aient essayé d’épargner à Rowan la pire des horreurs : tomber sous le joug de Lasher.

    C’est le moment où je vous avoue que je suis très circonspecte quant à tout cela. Le premier épisode de Mayfair Witches, euh… en fait ne parle pas vraiment de sorcières. Il parle de victimes. Les héroïnes de cette histoire sont une dynastie de victimes. De mère en fille, souffrance sur souffrance. Tout dans ce premier épisode indiquent qu’elles ne font que subir : que ce soit l’enfermement, la compagnie de Lasher, ou même leurs pouvoirs (seule Rowan, à ce stade, fait la démonstration d’un pouvoir, d’ailleurs)…
    Les tantes vivent dans la terreur (on ne nous dit pas précisément de quoi, mais on devine), et passent leurs soirées à genoux chez elles, priant que Deirdre soit épargnée. Deirdre vit dans la terreur, de la surveillance de ses tantes de façon immédiate, mais aussi du sort de sa propre mère, que l’enfermement a poussée au suicide. Peu avant la naissance de Rowan, elle envisagera d’ailleurs de mettre fin à ses propres jours aussi, dans des circonstances similaires. Et Rowan, enfin, vit dans la terreur causée non seulement par l’idée que sa mère est sur le point de disparaître, mais aussi par le don qu’elle se découvre, et qu’elle ne maîtrise pas ; certes pour le moment elle ne l’utilise que contre de parfaits connards, et en un sens cela semble moralement justifié, mais elle ne le fait pas exprès, ce qui ne fait qu’ajouter à sa terreur. Les sorcières de Mayfair Witches sont, dans ce premier épisode au moins, perpétuellement prises en position de faiblesse. Elles ne sont pas actrices de leur propre vie, qui semble toujours décidée par autrui. Même les quelques scènes montrant Deirdre à l’âge adulte, le regard perdu dans le vide (en particulier parce que son docteur précédent lui faisait des injections puissantes pour la maintenir dans cet état), soulignent sa vulnérabilité.
    C’est très perturbant, je ne vais pas vous mentir, d’autant que Mayfair Witches semble ne vouloir donner de pouvoir qu’aux personnages masculins. Lasher, en particulier, dispose d’un pouvoir qui est à la fois surnaturel, et d’une emprise qui elle, l’est moins. Il s’est en effet arrangé pour manipuler Deirdre dés l’enfance pour qu’elle lui soit loyale, et la cérémonie de fin d’épisode n’est que l’accomplissement de presque deux décennies de grooming. L’élement fantastique apparaît presque comme superflu à ce stade.

    Alors évidemment, il est très possible que Mayfair Witches ait pour objectif de déconstruire ce pouvoir masculin, et permette à ses protagonistes féminines de reprendre le contrôle de leurs vies (y compris de leurs aptitudes de sorcellerie). C’est même largement à souhaiter. Deux personnages masculin secondaires (le chef du service de chirurgie et le patron muskesque d’une start-up) tendent à indiquer, par leur discours ainsi que leurs interactions avec Rowan, que leur rôle est d’être des obstacles patriarcaux à surmonter. Soit. Mais dans l’intervalle, cela rend Mayfair Witches très dure à regarder, parce que les indices de cette reprise de pouvoir sont quasiment invisibles pour le moment. Les vraies démonstrations de force, elles viennent des hommes. Les héroïnes de la série, elle, sont là pour souffrir ; et honnêtement, même si c’est pour plus tard nous raconter que cette souffrance va cesser, voire même être vengée (peut-être ?), ça m’évoque quand même un peu du trauma porn.
    Ce sentiment d’inconfort vient donc de mon visionnage, mais aussi de mon ignorance : j’avoue bien volontiers n’être pas familière de l’univers d’Anne Rice. Je n’ai jamais été très fan de littérature fantastique (surtout qu’elle est très connue pour ses histoires de vampires, et forcément c’est un problème pour moi), donc je n’ai jamais ouvert le moindre de ses bouquins. Je pense que si je savais, dans les grandes lignes, quelles histoires elle aime à raconter, je serais peut-être plus à l’aise avec ce que montre ce premier épisode de Mayfair Witches. J’aurais un peu plus confiance, disons. Là, sans connaître ce qui anime Rice, j’avoue que je ne sais pas trop combien de temps durera la torture, et si elle mènera réellement à quelque chose de positif. En tout cas, le peu que j’ai lu sur Wikipedia ne me rassure pas du tout.
    Toutefois, je lis également que l’adaptation d’Interview with the Vampire a fait des choix très différents de l’oeuvre littéraire dont elle est l’adaptation, et ce pourrait aussi être le cas de Mayfair Witches. Auquel cas, j’ai encore moins de références pour déterminer s’il vaut la peine de se prendre dans la gueule des choses aussi violentes (surtout que l’histoire de Deirdre m’évoque des choses personnelles). Peut-être que connaître les livres n’aiderait pas du tout ; ça tombe bien, je persiste à penser que lire ne devrait pas être un prérequis pour comprendre et/ou apprécier une série qui en est tirée.

    Dans tous les cas, vous comprendrez que je suis un peu déroutée par ce premier épisode de Mayfair Witches. Ces dernières années, les sorcières n’ont pas été rares à la télévision ; on doit sûrement cette popularité, au moins en partie, à l’idée de plus en plus répandue que les sorcières représentent un pouvoir féminin. Rien que sur les écrans étasuniens, des séries comme Motherland: Fort Salem (qui joue volontairement avec la notion d’organisation matriarcale, d’ailleurs) ou Wicked City dont on parlait il y a quelques jours, insistent sur l’aspect empowerment de la sorcellerie. Pas nécessairement comme une solution idéale à tous les problèmes (personnels ou structurels), mais en tout cas comme une forme d’affirmation de soi qui peut en régler certains. Dans ce premier épisode de Mayfair Witches, tout cela n’est que théorique, un espoir pour l’évolution des protagonistes ; dans les faits, on assiste exactement à l’inverse.
    Cela me met mal à l’aise, mais, la bonne nouvelle, c’est que si je ne poursuis pas Mayfair Witches… pas de risque d’être obligée de regarder un crossover avec une série de vampires dans un avenir proche !

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  • New rules

    6 janvier 2023 à 23:11 • 3615 My (So-Called) Life •

    Note : en raison de la fermeture soudaine, en avril 2023, de la plateforme uTip, une partie de cet article n’est plus d’actualité. La nouvelle plateforme pour les contributions est désormais Ko-fi. Le fonctionnement y est, cependant, le même que celui décrit dans cet article.

    Nouvelle année, nouvelles règles.
    Je vous le disais dans mon bilan de 2022 : les derniers mois m’incitent à revoir de fond en comble mon fonctionnement dans ces colonnes. J’avais aussi promis qu’on parlerait de uTip une fois les fêtes passées, et du coup, eh bien, c’est aujourd’hui ce à quoi on s’attèle dans le premier article de l’année.
    Mais en fait, ne l’envisagez pas comme un article, pas vraiment : j’espère plutôt qu’il s’agit-là de l’ouverture d’une discussion.

    La panne d’écriture (faute de trouver un meilleur terme) qui a eu lieu pendant plusieurs mois l’an dernier n’était pas, loin s’en faut, mon seul problème : toute ma santé mentale était dans un état déplorable. Et plus mes finances allaient mal, pire c’était. Et du coup je n’arrivais pas à écrire. Ce qui me faisait honte. Et ce qui n’arrangeait pas mes finances. Forcément, ce qui n’aidait pas ma santé mentale.
    Un cercle vicieux dont je n’arrivais pas à me sortir, et même en décembre, alors que je voulais essayer de rattraper un peu du temps perdu (au moins en partie, quoi) avant la fin de l’année, je me suis retrouvée enlisée plusieurs fois dans ces mêmes mécanismes.

    Alors pour 2023, rompant avec la tradition mise en place pendant plus de 3 ans, j’ai décidé d’en finir avec les objectifs chiffrés.
    C’est vrai pour vous : désormais la page uTip n’affiche qu’un objectif financier, qui correspond tout simplement à la somme dont j’ai besoin pour régler mes factures et celles de Tomcat (pas fun fact : les factures vétérinaires, devenues mensuelles, n’étaient pas prises en compte dans les objectifs créés au tout début de la mise en place du système).
    Et c’est vrai pour moi : j’ai cessé de garantir un certain nombre d’articles par semaine et donc par mois, l’idée étant de me laisser écrire quand j’en ai envie, et seulement dans ces cas-là. Ce dernier point est, pour être honnête, prévu comme transitoire : je veux réparer ma relation à l’écriture, et j’espère que lorsque ce sera fait dans quelques temps, je pourrai revenir à plus de stabilité. Mais je ne sais pas combien de temps la transition durera (ni si j’aurai envie de nécessairement changer le système plus tard). On verra bien.

    Pour la petite histoire, ce n’est même pas ce que j’avais en tête quand j’ai évoqué un changement de système fin décembre : je voulais changer les objectifs en les rendant plus flexibles. Dans mon brouillon d’alors, les objectifs indiquaient une fourchette pour le nombre d’articles par mois. Ce qui m’a fait changer d’avis ? Trois crises d’angoisse, croyez-le ou non ; personnellement j’ai du mal à croire que j’en sois au point de faire des crises d’angoisse juste pour changer les modalités d’un compte uTip, mais c’était clairement un signe que j’essayais de me faire violence pour rien. Il fallait viser plus grand qu’un simple ressemelage des objectifs, et c’est donc chose faite.
    Je suis consciente que ces changements sont moins incitatifs pour vous, en tant que contributrice ou contributrice potentielle. Il se peut qu’il y ait parfois des mois où vous n’en aurez pas « pour votre argent » (quel que soit l’emplacement du curseur pour vous), parce que je n’aurais pas écrit « assez » (et vous mettez derrière ça le sens qu’il vous plaira). On va être claire : ça m’angoisse aussi. C’est même la raison d’être des objectifs, à la base : m’assurer que le soutien que vous m’apportez ne se fait pas « pour rien », et que je vous donne une contrepartie à la hauteur de l’aide que vous m’apportez. Quand bien même j’avais lancé ce programme parce que j’avais besoin d’aide, je ne voulais pas juste « prendre », je voulais avoir quelque chose à offrir en échange. L’expérience a démontré en 2022 que je ne suis pas toujours capable de donner cette contrepartie. Je suis sincèrement reconnaissante (même si je devrais le dire plus souvent) envers les contributrices qui ont tenu bon malgré les mois de silence sur ce site et, même, sur les réseaux sociaux. Et ce, même si je me sens infiniment coupable.

    Pour ma part, je veux réapprendre à avoir plaisir à faire les choses. L’an dernier, j’ai été obligée de reconnaître que ce n’était plus toujours le cas… et que c’était bien de ma faute. Quelques exemples de choses qui ont eu lieu, et qui n’auraient pas dû :
    – Les pilotes de l’Enfer. Vous savez comme moi que j’adore parler du premier épisode d’une série (plus de 1600 articles sur ce seul tag ne sauraient mentir). Sauf qu’à plusieurs reprises, j’ai reviewé un premier épisode parce que « il faut parler de quelque chose ce soir, je n’ai pas fini ma review de demain, je n’ai qu’à parler de CE pilote qui ne m’a pourtant pas inspirée ». Plusieurs fois par mois, certains mois. Il n’y a pas d’autre explication à l’existence d’une review de King of Stonks.
    – Un pilote, c’est trop peu. Le problème inverse du précédent : j’aime le premier épisode d’une série, mais je pense que ce serait plus intéressant et constructif de parler de toute la saison. Alors je ne parle pas du premier épisode (parce que je vais quand même pas dédier plusieurs reviews à une même série quand il y a tant de séries à aborder !), j’attends d’avoir vu toute la saison. Ce qui ne se produit que 6 mois plus tard. Ou jamais. Très souvent jamais, quand bien même je me promets de recommencer le visionnage depuis le début pour avoir les idées en place pour enfin finaliser la review. Surtout dans ces cas-là, d’ailleurs. Spin-off de ce problème : j’ai trouvé du temps pour voir tous les épisodes de Paper Girls sauf le dernier. Du coup, pas de review. On est bien avancées.
    – Ecrire pour écrire. Il y a une review à écrire et j’ai vu la série, et jusque là tout va bien… sauf que je « dois » 4 reviews cette semaine. Pas le temps de chercher à faire de la grande prose. Alors, coucher sur papier quelques banalités. Essayer pour la 712e fois cette année de dire pourquoi cette série est intéressante ou atypique, et au final avoir l’impression de toujours commencer les articles de la même façon : j’appelais ça un article cette série is not like the other girls, parce qu’au final je baragouine toujours un truc comme quoi « Netflix fait jamais ça mais là devinez quoi elles l’ont fait » ou « d’ordinaire les séries de ce genre donné n’existent pas dans ce pays, mais là je vais en reviewer une ». Me décourager devant autant de clichés. Haïr ce que je fais parce que j’ai le sentiment de le faire mal.
    – Les reviews mal écrites. Passer quatre plombes sur la présentation des personnages, mais quand même avoir l’impression d’avoir rédigé une fiche de lecture niveau 3e. Ne pas être capable de formuler des phrases de moins de 10 lignes. Commencer à écrire et avoir oublié ce que je voulais dire ; me rappeler le lendemain des axes que je voulais aborder et ai complètement oublié avant publication… par contre j’ai passé trois paragraphes sur la même idée (syndrome The Bear). Réécrire 712 fois le même paragraphe et au final les phrases ressemblent plus à la créature de Frankenstein qu’autre chose.
    – Les recherches pour rien. Commencer une review, réaliser qu’il y a de la lecture à faire sur sa production, ou un évènement l’entourant, ou son sujet-même. Se lancer dans des recherches. Fatiguer. Ne pas réussir à se concentrer. Se dire que personne ne lira. Ou, au contraire, se dire que ce serait mieux de parler de ce sujet à part, plutôt que de fourrer ça dans une review. Ne jamais avoir le temps de faire assez de recherches pour un vrai article historique/théorique. Regretter l’époque lointaine pendant laquelle j’arrivais encore à publier des choses plus abstraites plutôt que des reviews 100% du temps. Pleurer. Et ne rien finir.
    – La semaine thématique indienne. Qui n’a pas eu lieu, mais le bordel autour a eu lieu, lui. J’ai essayé de mettre sur rails cette semaine thématique au moins quatre fois l’an passé : en planifiant les séries concernées (et à chaque fois avec tout un mercato des séries qui ne pouvaient plus y trouver leur place maintenant qu’une nouvelle série plus intéressante était apparue), en m’assurant qu’elles permettent des angles d’approche différents, en planifiant leur visionnage ou revisionnage (…à ce stade je vais connaître Bombay Begums par cœur), en préparant les images même… et puis, pas de bol, c’est pas prêt parce que j’ai dû m’interrompre dans mon visionnage pour poster une autre review. Puis une autre. Puis une autre. Deux mois plus tard : ah mince, je veux vraiment faire cette semaine thématique indienne… et non. Bon, dans l’intervalle une autre série indienne est sortie dont je veux parler, qu’est-ce que je fais ? Bref, des heures de prise de tête pour, au final, ne toujours pas avoir organisé ce mini-projet qui me tenait tellement à cœur. Il y a tellement de chouette séries indiennes en ce moment, c’est rageant de ne pas réussir à débloquer une poignée de reviews pour en parler.
    – A une échelle différente, mais dans un ordre d’idée similaire : la review-dans-la review. Il y a tellement d’articles commencés parce que je voulais parler d’une série… mais plus j’avance dans ma review plus je réalise qu’il faudrait que je compare à une autre série (remake, adaptation internationale, thème similaire, etc.). Manque de chance, je n’en ai vu qu’un épisode, ou même aucun ; j’interromps donc la rédaction pour commencer le visionnage de la deuxième série. Dans l’intervalle le temps passe et j’ai des reviews à poster. Finalement la multi-review devient une zéro-review, et le brouillon pourrit à l’air libre pendant plusieurs mois. En décembre, j’ai in extremis évité ce problème en publiant ma review de Brokat sans avoir effleuré Minx, puis vu et reviewé Minx le lendemain. Mais ça allait que j’étais à peu près convaincue que ça ne changerait pas grand’chose à la review de Brokat, parfois ce n’est pas toujours si facile, voire contreproductif. D’où le pourrissement.
    …Et tout ça, en ayant en plus l’impression que personne ne lit et que personne ne trouve ça bon et n’ose pas me le dire (oui, les deux à la fois !), que de toute façon même si les lectrices viennent dans le fond c’est juste par pitié et non par plaisir (et comment y prendraient-elles plaisir vu la merde que je fais ?), et que c’était quand la dernière fois que quelqu’un a regardé une série parce que j’en ai parlé ?
    Je me foutais une pression monstre tout en me répétant que ça n’en valait pas la peine, que personne n’en avait rien à foutre à part moi. Et si ça n’intéresse que moi, je ne sais même pas si ça m’intéresse (je crois fermement qu’on n’écrit pas sur internet pour soi, mais pour être lue ; sinon bah, ce serait pas sur internet, quoi).

    On est d’accord que tout cela n’arriverait pas si ce qui est d’ordinaire ma passion (les séries, et partager ma curiosité à leur égard) n’était pas, aussi, lié à la seule façon pour moi de payer mes factures. C’est un gros cas de conscience qui est, dans ma situation, insoluble, parce que je ne peux rien faire d’autre… et de toute évidence je ne peux même pas toujours faire ça.
    Mais c’est, après tout (et j’essaie très fort de me le rappeler régulièrement), la raison pour laquelle je suis dans cette situation : mon handicap m’empêche de travailler. Je ne suis pas capable de passer autant d’heures sur quelque chose qui demande autant d’effort et de pression. Je n’y arrive juste plus, et c’est la raison pour laquelle aujourd’hui je vis sous le seul de pauvreté au lieu d’avoir un salaire qui me permette de n’écrire que pour le plaisir. C’est, en somme, très logique ce qui s’est passé là.

    Vous le voyez, il devenait urgent de remettre les choses à plat. Je prends des risques en changeant le système… mais l’alternative est intenable. Surtout dans mon état actuel.
    Si vous voulez cesser de contribuer sur uTip, cela se comprend parfaitement. Les temps sont durs pour tout le monde, et si vous n’arrivez pas à obtenir ce que vous voulez, c’est normal d’arrêter de me soutenir. De toute façon sur uTip j’ai une visibilité très limitée sur qui donne quoi, donc hors la répercussion sur le montant total des contributions, je ne verrai même pas que vous avez retiré votre contribution.
    J’espère qu’en 2023, en même temps que je me réconcilie avec ce qui normalement me passionne, je saurai vous donner envie de me soutenir, pas juste vous faire pitié. Et honnêtement, vu l’ampleur de ma crise de foi, parfois un bon commentaire suffit amplement à m’aider.

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  • 2022, c’est la vie

    31 décembre 2022 à 23:45 • 3615 My (So-Called) Life •

    ChristmasTree-300Comme chaque année, je laisse bien volontiers les classements à d’autres pour préférer l’exhaustivité. Pourquoi restreindre les possibles quand on peut tout avoir ? En téléphagie, en tout cas, ça a toujours été ma philosophie. Du coup pour le traditionnel bilan de fin d’année, eh bien comme d’habitude, la priorité c’est de ne pas en avoir, et à la place, de récapituler tout ce qui aura été dit au cours de 2022.
    D’ailleurs, de quel droit je ferais du tri à votre place ? C’est quand même encore vous qui êtes mieux placée pour décider de ce qui vous intéressera ou non. Alors allons-y.

    On ne va pas se mentir, l’année aura été largement imparfaite, voire même difficile. Cela ne servirait à rien de le nier, ma santé mentale (et à plusieurs reprises, physique aussi) déplorable m’a empêchée de mener à bien mes objectifs pendant plusieurs mois, et même en décembre ma régularité laisse encore à désirer.
    Cela aura eu des conséquences palpables sur le nombre d’articles, évidemment. Quoiqu’avec un total de 169 articles publiés, ce ne soit pas complètement la débâcle non plus (c’est même plus que l’an dernier !). Mais les répercussions l’ont aussi été sur leur qualité. Avant de prendre cette pause qui a fini par durer plusieurs mois, j’essayais parfois de me forcer à écrire alors que je n’y arrivais pas, que je ne savais pas comment aligner des pensées cohérentes et des phrases moins encore… et ça a donné quelques reviews largement insuffisantes, que je regrette (celle de The Bear en est un exemple, et j’espère secrètement pouvoir la revisiter dans quelques temps à l’occasion d’un bilan d’une saison ultérieure, ou de toute la série, on verra).
    J’ai été très insatisfaite de ma production cette année, et ça me désole d’autant plus que je considère qu’avec le soutien que je reçois sur uTip, il est de ma responsabilité de faire mieux que ça en retour. Sauf qu’évidemment… se le répéter n’aide pas les choses ! Pire, ça a participé au blocage. Je me sentais une telle merde que j’arrivais encore moins à écrire quelque chose qui tienne à peu près la route.

    Et pourtant, une part de moi-même a vaguement conscience que ce sentiment d’inutilité (pour rester polie) dans mes propres colonnes était peut-être exagéré. Je n’en suis pas intimement convaincue, mais fort heureusement j’ai des statistiques pour me l’indiquer !
    Car, comme l’an dernier, j’ai continué d’utiliser Notion pour tenir un journal de mes visionnages. Et, oui, certes, il y a eu quelques semaines de gros blanc. Mais dans les faits, il s’avère que j’ai regardé cette année un total de 933 épisodes ! Là encore, c’est un peu plus que l’an dernier. Comme quoi, la subjectivité, hein.
    Sur ces 933 épisodes, je peux par exemple tirer les données suivantes :
    – 292 ont été des pilotes/premiers épisodes ;
    – 54 ont été des season ou series finales. J’ajoute que ces saisons ont été entièrement regardées pendant l’année, donc j’ai aussi regardé 54 saisons complètes en 2022) ;
    – 24 d’entre eux correspondaient à des séries sud-africaines ! On en reparle un peu plus bas, mais jamais auparavant je n’avais eu un tel accès à la fiction de ce pays ; ça n’a l’air de rien mais 24 c’est vraiment énorme ! C’est sûrement mon chiffre préféré de l’année.

    Avant que je ne vous perde dans des chiffres qui vous intéressent sûrement moins que moi et mon Notion kink, passons donc à la rétrospective de ces fameux 169 articles de l’année. J’ai vraiment l’impression d’en avoir écrit moins, c’est fou.

    Upcoming

    Telephagia, Tivistory & Divers

    C’était en janvier dernier, donc il y a une éternité, mais il s’avère que 2022 était une année anniversaire pour ces colonnes, ce qui nous a valu une petite parenthèse émue. Pour le reste, je continue de n’avoir pas de temps pour les articles historiques qui autrefois me plaisaient tant, mais j’essaie de temps à autre de continuer de parler de mon rapport aux séries, dans la mesure du possible. Certes, c’est aussi quelque chose que j’incorpore désormais aux reviews sur des titres plus spécifiques, mais parfois…

      

    Pilotes - US

    Pilotes – US

    L’an dernier, je me promettais d’essayer de parler plus souvent des séries étasuniennes que j’aime bien, et moins de celles qui m’énervent ou, pire, m’indiffèrent. Je vous laisse juges pour décider si j’ai réussi ; personnellement je ne suis qu’à moitié convaincue d’avoir été à la hauteur de mes ambitions, mais comme c’est l’émotion dominante de 2022, je suis probablement mal placée pour le dire. Reste qu’il y a eu quelques intéressantes découvertes (certaines datées, ce qui me fait toujours plaisir), et que j’espère avoir aussi proposé quelques reviews de pilote dignes d’intérêt.

       

    Pilotes - Asie

    Pilotes – Asie

    Il n’y a pas de mauvaise année pour l’Asie : dans ces colonnes, on sait toutes que je trouve toujours le temps pour la fiction japonaise, par exemple. L’Inde commence également à occuper une place intéressante, quoique l’un de mes plus grands regrets de l’année, j’ai eu l’occasion de l’évoquer au cours de celle-ci, est de n’avoir pas pu prendre le temps d’une semaine thématique parlant de quelques unes des nombreuses séries indiennes récentes qui méritent votre attention, et qui en tout cas ont eu la mienne. Promis, je mets ça sur la liste des priorités de 2023. Enfin, quelques mots pour les Philippines, la Thaïlande, le Pakistan ou encore la Malaisie, qui ont réussi à se faire une petite place dans une année où il aurait été facile d’être éclipsées.

     

    Pilotes - Canada

    Pilotes – Canada

    Je reconnais bien volontiers avoir eu très peu de curiosité, cette année, pour le Canada anglophone : la majorité de mes reviews dans cette catégorie portent sur des séries francophones ! Et, ma foi, ça me convient très bien, étant farouchement convaincue de la supériorité de nos cousines d’outre-Atlantique sur beaucoup de productions de notre terroir. Là, voilà, c’est dit.

    Pilotes - Océanie

    Pilotes – Océanie

    Ce qu’elle n’a pas eu en quantité, l’Océanie l’a eu en pluralité : des séries en tous genres, de tous tons, et même le tout premier épisode de Neighbours… lorsqu’on pensait que la série allait s’arrêter. Elle a finalement été ressuscitée, mais pas en vain, puisque ça m’aura au moins permis de parler d’un épisode australien diffusé dans les années 80 ET de soap opera. Deux choses qui arrivent trop peu souvent.

     

    Pilotes - Europe de l'Ouest

    Pilotes – Europe de l’Ouest

    Alors là, je sais, tout de suite, on a l’impression que j’ai fait du favoritisme : il y a BEAUCOUP de reviews européennes cette année. Pour ma défense (qui n’est pas nécessaire : fondamentalement il n’y a pas de mal à ça), une grande partie de ces séries viennent sur la multi-review sur les séries belges de la RTBF, qui a été l’occasion d’une rétrospective remontant sur plusieurs mois. Il y a aussi la consommation de séries proposées en festival, qui généralement font la part belle aux séries européennes. Plus surprenant, un nombre plus élevé que la moyenne de séries italiennes est aussi à noter ! Moi qui évite les histoires de mafia (souvent les seules à voyager, avec les séries policières), je commence enfin à avoir accès à un peu de choix…

     

    Pilotes - Scandinavie

    Pilotes – Scandinavie

    La Scandinavie n’a pas une liste aussi impressionnante ; j’ai reviewé, en définitive, assez peu de premiers épisodes. En revanche attendez d’avoir atteint les reviews de saison avant de vous montrer déçue, parce qu’il s’avère que j’ai fini beaucoup des saisons que j’avais commencées avant de vous en parler !

     

    Pilotes - France

    Pilotes – Turquie & monde arabe

    Au printemps, profitant d’une offre spéciale Ramadan, je me suis offert un cadeau : une souscription à l’année à Shahid, une plateforme de séries produites dans le monde arabe. Cela a permis d’étoffer un peu mes découvertes, même si je pense n’en avoir pas encore tiré tout le potentiel. Il me reste encore quelques mois pour le faire, tout n’est donc pas perdu.

    Pilotes - France

    Pilotes – Israël

    A part à l’occasion d’un festival, les séries israéliennes ont quasi-disparu de ma consommation.

    Pilotes - France

    Pilotes – France

    Pour l’essentiel, on n’aura pas été trop à plaindre côté séries françaises cette année. Alors, certes, on sait toutes qu’elles n’ont jamais ma préférence lorsqu’il s’agit de lancer un épisode, mais franchement, on a vu pire que ce palmarès ! Il y a même quelques compliments qui se sont glissés dans certaines de ces reviews.

     

    Pilotes - Divers

    Pilotes – Afrique

    Aaaaah, mais quel bonheur, quel bonheur vraiment que de pouvoir, enfin, dédier toute une catégorie aux séries produites en Afrique noire ! Faire usage de la période d’essai de Showmax a certainement été l’un de mes meilleurs souvenirs téléphagiques de l’année (voire meilleur souvenir tout court), tant ça été un moment propice à la découverte. Je n’ai hélas pas pu parler de tout ce que j’avais prévu d’aborder (et n’ai pas pu finir certains brouillons pourtant assez avancés), mais il y a déjà fort à faire ici pour quiconque serait un peu curieuse.

    Pilotes - Divers

    Pilotes – Amérique du Sud

    Honnêtement, il me faut parfois me mettre des rappels pour ne pas oublier de parler de fiction sud-américaine. Et d’un autre côté, je ne peux pas dire que je sois systématiquement déçue de ce que j’y vois, mais je ne sais pas, l’instinct n’est pas là. En plus, les séries que je voudrais voir ne sont pas toujours celles auxquelles j’ai accès, mais je n’ai pas eu que des critiques à formuler de ce qu’il m’a été donné à voir cette année !

    Pilotes - Divers

    Pilotes – Russie, Europe de l’Est, Europe Centrale

    Paradoxalement, cette année qui peut sembler un peu déplumée a été une bonne année ; mais pour vous en assurer, il faudra aller voir du côté des saisons complètes. Pour les premiers épisodes, c’est sûr, ça n’a pas l’air de grand’chose, mais il faut dire que j’ai pris la décision de ne plus reviewer de série russe dans un avenir proche. Et comme ce sont, souvent, les séries de cette rubrique les plus facilement trouvables…

     

    Saisons / Séries complètes

    Saisons / Séries complètes

    Ma foi, 2022 n’aura pas été un mauvais millésime concernant les reviews de saisons (ou séries complètes). Ce n’est pourtant pas mon point fort d’ordinaire. Le secret d’une année aussi bien remplie ? Ma foi, de bonnes séries : ça aide bien ! Mais aussi l’acceptance totale que je parviens plus facilement à écrire sur des saisons courtes. Il y a toutes sortes de raisons à cela, et je ne vais pas vous embêter avec les détails de ma cuisine interne, mais en tout cas, ça donne des résultats, donc on ne va pas arrêter une équipe qui gagne.

         
    Bon, effectivement, vu comme ça, violet sur blanc, elle n’a pas l’air si mal, cette maudite année. Mais je persiste à penser que j’aurais pu, j’aurais dû faire mieux.

    Pour 2023, je ne vous cacherai pas que l’objectif n’est même pas de battre un quelconque record. J’ai au contraire décidé de m’accorder un peu plus de leste.
    En particulier, le système sur uTip va changer, afin d’éviter de me mettre une pression qui ne fait qu’agraver mes problèmes de dépression et d’anxiété. Franchement, je ne vais pas dire qu’uTip est responsable de mes difficultés de santé mentale : on sait toutes que c’est une condition préexistante chez moi ; c’est même la raison pour laquelle j’ai, encouragée par plusieurs d’entre vous, mis en place cette plateforme : parce que mon handicap m’empêche de travailler, que j’ai été mise à la retraite avant 40 ans, et que maintenant je vis dans la pauvreté donc toute aide est bienvenue. Mais ce serait aussi mentir que de prétendre que ce système n’engendre aucune forme de pression. Soyons réalistes : si je ne peux pas travailler, ce n’est certainement pas pour passer 8h par jour sur des reviews. Et je pense avoir, cette année, atteint les limites de ce système dans mon état, et provoqué un burn-out.

    …Donc en 2023, au risque de perdre des contributions, on va lever le pied et changer l’organisation d’uTip.
    Les modalités seront publiées la semaine prochaine sur la plateforme, et on pourra en parler alors à tête reposée. Mais dans les grandes lignes, les objectifs ne seront plus aussi rigides qu’il l’ont été les premières années. Je vais essayer de publier un peu plus à mon rythme (ce qui veut dire que ce sera un peu plus inégal selon mon état), mais avec plus de qualité, aussi. En tout cas je l’espère. A terme j’espère assainir un peu ma relation à l’écriture.
    C’est difficile parce que, eh bien, sans vouloir faire ma Cosette, financièrement je dépends des contributions sur uTip. Mais à un moment à quoi sert de pouvoir payer les factures vétérinaires si je n’arrive pas à m’ôter de l’idée que je serais mieux morte ? Même quand on est pauvre, il y a des limites, et je crois que j’aurais dû mieux les poster (en particulier à moi-même, mais aussi sur uTip) que je ne l’ai fait. Je suis la seule responsable de cela, mais pour autant, ça va quand même changer.

    Tout cela en espérant une année 2023 moins chaotique et surtout, moins douloureuse. Ce qui, vu l’état du monde, n’est pas garanti, mais bon, on verra bien.
    Je suis désolée que vous ayez à me voir passer par toutes ces phases, quand vous venez peut-être entendre parler de séries. Cependant, étant parfois dans l’impression (erronée ?) de n’avoir pas vraiment de lectorat, et d’écrire pour des gens qui m’apprécient mais ne lisent pas forcément ce travail qui, pourtant, est si important pour moi, c’est parfois difficile de ne pas avoir ces considérations en tête dans les choix que je fais ici.

    Pour autant, je regarde des séries et écris sur elle depuis des décennies maintenant. Il n’y a rien de nouveau dans ces crises de foi : les hauts comme les bas font partie de la relation que j’entretiens avec ma passion. Et je reviens toujours à mes premières amours, même après des passages difficiles. C’est rassurant que ce soit le cas, et j’espère que vous avez, dans votre vie, sous quelque forme que ce soit, quelque chose d’aussi durable et résistant au temps (sur le long terme) que ce qui m’anime dans mon rapport aux séries. C’est, bon an mal an, ce qui me permet de tenir dans l’adversité, et je vous souhaite d’avoir un équivalent qui vous porte aussi.
    Chaque année qui passe j’ai l’impression qu’il est de plus en plus difficile de vous souhaiter des bonnes choses. Non pas parce que je ne veux pas le meilleur pour vous ! …Mais parce qu’il devient compliqué de croire que de bonnes choses peuvent se produire.

    Malgré tout, meilleurs vœux, amies téléphages. On aura besoin de toute la chance possible.

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  • Post-mortem

    31 décembre 2022 à 22:18 • Telephage-o-thèque •

    C’est un peu à mon insu que j’ai entamé, cet automne, une intégrale de Game of Thrones. A l’origine, j’avais regardé toute la première saison de la série au moment de sa diffusion initiale (elle ne m’avait d’ailleurs pas déplu !) et deux, peut-être deux épisodes et demi de la deuxième saison. La rapidité à laquelle je m’étais désintéressée de ce qui était pourtant un phénomène était saisissante, et due en grande partie au fait que, bah, moi et le fantastique, bof quoi. Ce seraient des dinosaures, oui ; mais les dragons, pas vraiment. Retenez bien cette phrase pour l’an prochain.
    Alors qu’est-ce qui m’en a convaincue, finalement ? Eh bien, en premier lieu, le dépit d’une période téléphagique assez morne : je n’avais envie de rien, alors pourquoi ne pas regarder un truc que tout le monde a vu ? Takes the pressure off. Mais aussi, le harcèlement incessant des Youtube Shorts, qui à partir du moment où j’ai regardé UNE video de 57 secondes, a décidé de ne me fourguer que ça pendant plusieurs semaines ; parfois nos choix ne sont pas motivés par des instincts nobles, et c’est parfaitement ok.
    Paradoxalement le lancement à peu près au même moment de House of the Dragon ne m’a fait ni chaud, ni froid ; à ce stade c’est même pas garanti que je me mette un jour devant.

    Alors évidemment, tout le monde et sa wyverne a vu Game of Thrones, à ce stade. Cela signifie que l’intérêt d’une review de ma part est assez minimal pour vous, la totalité de la planète s’étant forgé une opinion avant moi sur une grande partie de la série, vous y compris (sauf si vous avez eu la force de caractère que je n’ai pas eue, et avez résisté à la pression, auquel cas cette review ne vous fascinera pas non plus, mais pour d’autres raisons).
    La review globale du jour va donc être divisée en deux parties : d’abord, mes impressions sur les 8 saisons de la série ; et ensuite, surtout, une réflexion plus large sur ce que cela signifie de regarder une série de l’ampleur culturelle de Game of Thrones après tout le monde, et qui touche plus à des notions de téléphagie qu’à la série elle-même. Lisez uniquement ce que vous voulez, je ne m’offusquerai pas. Par contre attendez-vous à des, euh… « spoilers ».

    Quelque chose que j’apprécie dans Game of Thrones depuis le premier jour, c’est qu’elle a parfaitement compris que l’une des forces de son univers… c’était de le présenter. De s’appuyer dessus. D’en extraire le foisonnement historique (et dans une certaine mesure géographique) pour une grande partie du reste. Je ne doute pas un instant que ce soit le world building des romans qui lui donne la matière et l’impulsion pour le faire. Mais étant donné que je ne lirai jamais ses bouquins, à la fois parce que flemme, et à la fois parce que j’aime à penser qu’une série est capable de se suffire à elle-même, je ne peux que lui reconnaître cette qualité : Game of Thrones comprend l’importance de détailler le monde dans lequel elle se déroule. J’aimerais pouvoir en dire autant de toutes les séries en son genre, y compris celles s’engouffrant dans son sillage.

    Cela conduit à ce qui est probablement sa plus belle qualité à mes yeux : son sens de l’Histoire. Une Histoire fictive, mais une Histoire majuscule quand même. Et Game of Thrones ne recule jamais devant la perspective de nous donner un aperçu (certes avec les contraintes, notamment de temps, qui sont les siennes) pour nous expliquer l’ancrage des décisions de ses protagonistes. En fait, quasiment tout ce que font ses personnages est motivé historiquement, généralement par des faits remontant à des décennies ou siècles, mais occasionnellement, aussi, à cause de l’Histoire qui vient de s’écrire sous leurs yeux. La série retranscrit bien cela, évidemment en partie parce qu’elle se déroule quasi-exclusivement parmi les figures importantes de son époque, mais aussi parce que ces personnes, comme c’est si souvent le cas pour des membres de la royauté ou de la noblesse, ont été élevées avec pour priorité de connaître leur Histoire. Ainsi, il est extrêmement rare que les motivations soient totalement personnelles. Game of Thrones affectionne avant toute autre chose the big picture : la façon dont la vie de chacune est affectée, et affecte, le cours de l’Histoire.
    Le problème de l’Histoire, c’est que c’est le domaine des morts… et les vivantes de Westeros sont obsédées par les morts. La mort d’autrui est tour-à-tour un déclencheur, une motivation, une responsabilité. Pas étonnant que les zombies de la série soient l’armée des morts (« Army of the Dead » dans la version originale ; je vous préviens, je n’ai pas regardé une seule scène de la série en français, je vais sûrement employer encore plus d’anglicismes que d’habitude dans cette review), qui matérialisent parfaitement les enjeux philosophiques de la série : la mort poursuit, métaphoriquement aussi bien que littéralement, quiconque vit aujourd’hui à Westeros. Il y a quelque chose de macabre dans Game of Thrones, qui dépasse largement les soldats squelettiques de la série : une fascination à prêter plus attention aux morts qu’aux personnes qui, ici et maintenant, sont en vie. C’est ce qui permet à pas mal de monde d’être disposable… les vies comptent moins que les morts qu’il faut venger, combattre, ou essayer d’oublier. Les vies comptent moins que l’ordre du monde. Dans le fameux jeu des trônes, on gagne ou on rejoint les rangs de ceux qui ne comptent pas aujourd’hui mais qui, par leur absence, n’auront que plus d’importance demain ; c’est palpable dés la première saison et la mort de Ned Stark, dont la mort a plus de signification historique que ses actions de son vivant.

    Après, c’est peut-être aussi la dépression qui parle : je n’ai pas regardé Game of Thrones dans une période gaie de mon existence, si tant est qu’il s’en trouve. Mais l’omniprésence du thème de la mort, non pas physiquement, mais fantomatiquement plutôt, m’a vraiment interloquée.
    Ce visionnage a été plus éprouvant que prévu, d’ailleurs. N’ayant vu qu’une saison et quelques, et il y a longtemps, j’avais aussi sous-estimé (ou peut-être oublié) son degré de violence graphique, et à certains moments ça faisait beaucoup.

    Il y a deux direwolves en Game of Thrones, qui ne cessent de se déchirer autour de la question de la violence. Non pas pour décider s’il faut la montrer (à cette question-là, la réponse est toujours oui !), mais concernant le sens à lui donner. Par moments, on dirait que dans le monde simili-médiéval de la série regrette que cette violence soit omniprésente ; il est des épisodes qui nous donnent à aspirer à autre chose, et parfois même à l’espérer possible brièvement (comme pour Ray le bâtisseur d’églises en saison 6), mais seulement pour nous en démontrer l’impossibilité. Au fil des combats, des tortures et des exécutions, Game of Thrones raconte l’inévitabilité d’une violence qui n’épargne personne ; en témoigne le nombre de têtes couronnées ou nobles qui forment l’essentiel des personnages nommés de la série, et qui connaissent dans leur immense majorité un sort peu enviable. En même temps, on nous avait prévenues : « you win or you die » ! Or, une seule personne peut gagner. Il est aussi des passages plus secondaires, parfois de simples plans pendant une scène épique, qui rappellent que beaucoup de monde (parmi les soldats ou les civiles) trouve souvent la mort, juste parce que c’est comme ça, et que c’est un peu la faute à pas de chance. Fallait pas vivre dans une société médiévale, voilà, c’est tant pis. Ce sont les dents qui claquent d’un soldat Lannister en voyant débarquer les Dothraki, ou un père et sa fille vouées à périr dans leur petite ferme isolée de tout sauf de la mort.
    Game of Thrones prend temporairement acte de la cruauté de ce monde… mais a toujours un peu de temps pour montrer un acte violent dans sa totalité, peu importe à quel point il peut être horrible. Parade de têtes coupées, de corps transpercés ou amputés, de gorges qui sourient et de cadavres se balançant au bout de cordes quand ce n’est pas qu’ils ont été dépecés… Game of Thrones sait bien que c’est l’un des ses produits d’appel, cette capacité à montrer le gore et le présenter (sans paraître saisir l’ironie) comme le produit d’une société lointaine de la nôtre.
    Et puis il y a la violence sexuelle. Là aussi, l’idée motrice est régulièrement que ces actes appartiennent à « un autre temps » : les femmes sont possession des hommes, qui ont toujours tout pouvoir de leur faire ce qu’ils veulent, dénuées de tout libre-arbitre quant à leur propre sécurité, ne parlons pas du reste. Même les femmes qui pourraient potentiellement être protégées par leur statut ne le sont pas (Danaerys vendue à Drogo, Cersei mariée de force à Robert puis fiancée à Loras, etc.). Il va donc sans dire que les femmes les plus modestes de l’univers de la série en prennent également plein la tronche (et quand ces femmes ont un nom, elles sont, en grande majorité, des travailleuses du sexe et/ou des esclaves, comme si quelque part, bon, c’était encore plus dans l’ordre des choses pour elles). Game of Thrones pourrait faire des choix différents dans sa façon de présenter les personnages féminins, ou son époque, parce que, vous allez rire, mais on raconte les histoires qu’on veut ! Toutefois elle s’est auto-convaincue que son univers « médiéval fantastique » était plus médiéval que fantastique, et colle donc à une certaine vision de ce qu’est la réalité historique pour la condition féminine. On peut certes voir les choses légèrement évoluer au fil des saisons (sans nul doute parce que la série s’est pris plusieurs fois une volée de bois vert), mais seulement dans la fréquence et la façon dont c’est dépeint, et encore ; en tout cas pas dans ce qui est infligé aux femmes, comme Sansa peut en témoigner. A Westeros, une femme se doit de connaître la violence sexuelle, c’est dans l’ordre des choses. Et contrairement à la violence non-sexuelle de la série, il n’y a jamais vraiment de justification (la survie d’aucun homme ne dépend de la violence qu’il infligera à une femme !), ni de prise de conscience de l’ampleur de cette brutalité par ceux qui l’infligent (masculin volontaire, évidemment). La seule exception à cette règle étant la confrontation phénoménale entre Sansa et Littlefinger, dans laquelle la jeune fille lui force la main pour nommer ce qu’elle a subi par sa faute aux mains de Ramsay, plutôt que de le laisser se réfugier derrière des platitudes ou des euphémismes. Aucune autre homme n’aura vraiment à affronter les conséquences d’actes similaires, toutefois, ni directement ni même symboliquement.
    Tout ça rendait la série souvent indigeste. Je ne sais pas ce que ça dit de moi que j’aie quand même continué à la regarder, mais plus les années passent, et plus ses ambivalences en la matière apparaissent pour ce qu’elles sont : de l’hypocrisie. Quand bien même Game of Thrones prétendrait décrire un monde arriéré, il faut sûrement rappeler que critiquer la violence de genre est profondément incompatible avec la volonté de l’infliger. A plusieurs reprises. Encore et encore.

    Le monde médiéval fantastique de Game of Thrones est construit sur d’étranges fondements : d’une part, il y est question de renverser les tropes du genre, et d’autre part, la série donne dans un certain nombre d’entre eux au point d’atteindre parfois le cliché. C’est comme si la réflexion (qui apparemment est plus saillante dans les bouquins ?) n’avait jamais été poussée très loin au-delà de « cette protagoniste a les attributs de ci, mais en réalité elle est cela ». Il y a également une fascination pour les parallèles (Daenerys et Cersei, ou Daenerys et Jon, étant les plus évidents), consistant à opposer deux personnages sans les faire interagir ou très peu ; l’idée étant que des origines diamétralement opposées mènent des protagonistes à… faire des choix diamétralement différents ? Révolutionnaire. L’illusion s’estompe toutefois lorsque, vers la fin de la série, ces protagonistes se retrouvent à interagir, ce qui est particulièrement visible pour Daenerys et Cersei qui deviennent peu ou prou la même personne une fois que l’une a posé le pied sur les terres de l’autre. Du coup, on ne sait pas trop quel est le sens de tout cela. Y en a-t-il un, vraiment ? Ces tours de passe-passe ne trompent personne durablement, parce que les dynamiques font apparaître le subterfuge. La série peine à utiliser cette supposée subversion pour autre chose que des twists superficiels, qu’elle affectionne bien plus. Rien ne passionne autant Game of Thrones que de tuer quelqu’un d’important (ou au moins de faire basculer son destin brutalement). Peu lui chaut si cette importance repose sur rien, ou si peu.
    Car à cela s’ajoute un problème qui, à mesure que les saisons passent, devient de plus en plus évident : Game of Thrones n’a pas le nombre d’épisodes par saison qui colle à ses ambitions. Je ne doute pas que d’un point de vue budgétaire, ces saisons courtes peuvent avoir du sens ; et très franchement, l’aspect grand spectacle de la série demeure l’un de ses points forts (c’est d’autant plus important dans un genre qui peut vite paraître bas de gamme). Mais la série n’a en revanche pas le temps d’étoffer la plupart de ses personnages, ou même simplement de les doter d’une intériorité. La distribution de Game of Thrones est pléthorique, ce qui excuse une partie de ce problème ; mais même les protagonistes les plus importantes finissent par devenir assez hermétique à toute exploration. Pire, elles deviennent régulièrement des stéréotypes, sans plus révéler aucune nuance une fois qu’on les a cernées. Dans le même ordre d’idée, certaines intrigues sont balayées en un à deux épisodes. Pire, plusieurs conclusions ne sont même délivrées que du bout de lèvres, sans intérêt aucun pour les ramifications profondes de certains éléments qu’on n’avait pourtant forcé personne à inclure dans la série (je dédie cette phrase aux Children of the Forest).
    Dramatiquement, Game of Thrones pense qu’un retournement de situation justifie tout. Que cela représente, même, l’alpha et l’omega d’une protagoniste, et que c’est ça, subvertir les attentes du public : lui faire croire qu’on va dans une direction, parfois pendant plusieurs saisons, et puis non ! Qu’un personnage a ses chances au jeu des trônes, et en fait nenni ! Que s’attacher à des gens, cela signifie juste passer du temps avec eux alors qu’ils font, encore et encore, les mêmes choses (comme le démontre de façon lancinante la longue présence d’Arya parmi les Faceless Men). La série ne sait pas comment étudier les troubles internes de ses personnages, et rarement s’intéresse-t-elle à leurs nuances ; ne pas avoir le temps de le faire n’est que l’un de ses problèmes, pas la totalité.

    Et pourtant, oui, j’ai regardé Game of Thrones, comme tout le monde.
    En grande partie parce que, encore une fois, elle peut être spectaculaire. Ses scènes de combat à grande échelle sont, il faut l’admettre, assez impressionnantes, quand bien même elles ont la fichue manie de presque toujours se dérouler de nuit (et déjà que de jour, Game of Thrones est sombre…), ou de la nuit au jour, ou, quand on a de la chance, de jour mais avec une sensation de ténèbres (par exemple quand un personnage se retrouve enfoui sous les cadavres). Bref on a de l’argent pour tout sauf les éclairages, mais cet inconvénient n’empêche pas de forcément savourer ces passages épiques, chorégraphiés avec style. Game of Thrones est un blockbuster de fantasy, et les moments où ça se voit… ma foi, ça ne se voit pas à moitié. Au moins, la série a les qualités de ses défauts !
    En gros, Game of Thrones, on n’y vient pas pour la profondeur dramatique. Dans l’état où j’étais, ça me convenait très bien.


    A quoi ressemble un visionnage de Game of Thrones en 2022 ?

    Je m’attendais vraiment à un visionnage « léger », dans lequel je n’aurais pas à m’investir parce que, pardon, mais entre les extraits fourgués par camions pleins sur Youtube (et l’algorithme adooore charger la mule une fois qu’on a fait l’erreur de regarder une video UNE fois), et les spoilers que j’ai consommé sur Twitter (et plus largement internet) pendant des années, je ne m’attendais pas à grand’chose.
    En fait à mes yeux, Game of Thrones était probablement l’une des séries les plus chiantes sur cet aspect. Généralement je ne crains pas le spoiler autant que d’autres, mais j’estime aussi avoir, dans l’ensemble, créé un environnement où les spoilers pénètrent peu ; Game of Thrones est (avec notamment Doctor Who) l’une des communautés qu’il était le plus difficile de tenir à distance. J’avais entendu plein de choses, au fil des années, vu des captures d’écran de scènes encore inconnues, retenu des noms de personnages que je n’avais pas encore vus, appris des histoires ou même des lignes de dialogue à mon insu. Je m’attendais en tout état de cause à ce que cette intégrale en grande partie inédite me donne, régulièrement, une impression de déjà vu.

    Figurez-vous qu’étrangement, malgré tous les spoilers auxquels j’ai eu droit au fil des années, rien ne m’a réellement été divulgâché.
    Un exemple particulièrement saisissant a été mon expérience avec le Red Wedding. J’avais entendu ce nom, je savais que ça avait ému et/ou choqué pas mal de monde, et je savais que des protagonistes importantes y avaient trouvé la mort. Avec ces informations, je pensais que ce serait sûrement l’un des moments les moins surprenants de mon visionnage. J’AVAIS TORT ! Le détail qui me manquait, c’est que cet épisode ne se déroulait pas, comme je l’avais cru, pendant le mariage de Joffrey (dont je savais également qu’il était mort pendant ses noces, et avais vu des images)… et ça a tout changé ! Tout d’un coup me voilà à froncer les sourcils parce qu’un plan a attiré mon attention sur une côte de maille, et je réalise que ce qui m’attend n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais. D’ailleurs, du coup, double surprise de découvrir dans quelles circonstances Joffrey décède réellement, plus tard dans la série… Pour ma défense son mariage était dans les tons rouges !!!
    En tant que personne qui trouve que, souvent, la communauté téléphagique fait souvent des histoires pour pas grand’chose sur les spoilers, ça a été à la fois une révélation, et quelque chose de très affirmateur !
    Je crois aussi que j’avais choisi un bon moment, inconsciemment, pour que les effets des spoilers jadis entendus aient moins d’effet : mon intégrale de Game of Thrones arrivait des années après la bataille, après l’arrêt de la série, même. Mes souvenirs étaient diffus, mélangés. Certaines informations que j’avais étaient, contrairement au Red Wedding, précises, mais en revanche leur timeline dans l’intrigue de la série m’avait échappé, ce qui soudain me faisait m’écrier : « oh, est-ce que c’est maintenant que…? », au lieu d’une réaction plus négative.
    Contrairement à certaines personnes, je ne cherche pas non plus les spoilers activement, mais ça m’a permis de découvrir un charme de cette pratique : parfois, cela attise la curiosité. En particulier quand le spoiler que l’on a délivre la conclusion d’une intrigue (la mort d’une protagoniste, par exemple), mais pas son développement dramatique ; alors certes, avec une série comme Game of Thrones, ce développement dramatique est souvent limité, comme je l’ai dit. Pour autant, c’est assez stimulant de se demander comment on passe du point A au point B d’une intrigue. Peut-être que je devrais faire ce genre d’expériences plus souvent.
    J’en retiens que le spoiler n’est pas aussi dangereux qu’on le dit. Sauf à vouloir à tout crin consommer une série pile quand elle sort (ce qui, paradoxalement, augmente les chances de se la faire gâcher en l’espace de quelques heures), finalement il est assez difficile de voir un visionnage amputé par ce que l’on sait, ou croit savoir, au sujet de la série. Plus le temps passe, plus ça peut même être un atout. Ce qui ne signifie pas que je pense que tout le monde devrait lâcher des spoilers sans se soucier des conséquences (la prudence reste de mise), mais je pense que la paranoia collective à ce sujet est vraiment exagérée, parce qu’il y a toujours moyen d’apprécier une série même quand la surprise n’est pas totale.

    Autre aspect de mon visionnage assez inédit pour moi : après chaque épisode, j’allais lire les reviews par épisode sur The AV Club (newbie edition), chose que je n’ai jamais vraiment faite, et encore moins ces dernières années. Généralement je lis les reviews que pour un premier épisode, ou une saison/série complète. Pas vraiment par épisode, ce qui est, d’ailleurs, aussi ma façon d’écrire (à quelques exceptions près).
    Dans le cas de Game of Thrones, pourtant, j’ai trouvé ça amusant. Souvent, ces recaps avaient une perspective très différente de la mienne ; les détails relevés en fin d’article (probablement ma partie préférée) étaient à la fois amusants, et révélateurs d’une attention pour des choses parfois très lointaines de mes propres priorités devant la série. Parfois c’était juste marrant de comparer mes propres impressions, mais à quelques reprises, ça m’a aussi permis de recadrer mes propres attentes.
    J’ai aussi eu l’opportunité, parce que ces reviews étaient écrites par diverses autrices du AV Club, de définir, avec le temps, quelles personnes avaient des goûts plus proches des miens. « Ah, Brandon a écrit le résumé de la semaine, je sens qu’on va être d’accord sur plein de trucs » est une réaction qui ne m’est pas vraiment familière ; beaucoup des gens dont je consomme les contenus (écrits, filmés, etc.) sont généralement des personnes qui bossent seules, comme je le fais. Et généralement ce sont des gens qui écrivent sur des séries de niche (asiatiques, par exemple), si bien qu’il est devenu très rare pour moi d’avoir le choix entre différentes perspectives sur une même oeuvre ; chose que permet la popularité de Game of Thrones. Malgré des surprises à plusieurs moments (généralement positives, sauf pour le reviewer dont je tairai le nom mais qui à chaque fois que c’était son tour, a écrit des reviews très moyennes), cette expérience a été très positive.

    Résultat ? Même si Game of Thrones ne comptera jamais parmi mes séries préférées, j’ai passé un bon moment. J’ai boulotté les épisodes avec appétit pendant cette intégrale, les facteurs externes me permettant parfois d’y trouver du plaisir même lorsque certains épisodes ne m’intéressaient pas, ou même me déplaisaient. Et plus largement ça m’a aussi permis de me créer, pendant quelques semaines, un rendez-vous rien qu’à moi, partagé entre visionnages et lectures téléphagiques, dont j’avais grandement besoin.
    En somme, parfois ce n’est pas tant la série qui compte, que la façon dont on la regarde, ce que l’on met autour, le sens que l’on donne au visionnage…


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  • I (almost) kissed a girl

    31 décembre 2022 à 22:17 • Dorama Chick •

    En Asie, 2022 aura été l’année de la romance, et notamment de la romance LGBT. La croissance des séries dites BL (« boys love« ) en Thaïlande, mais aussi dans une moindre mesure en Corée du Sud et au Japon, qui s’accélérait depuis quelques années, a semble-t-il atteint son point d’orgue avec la popularité phénoménale, et surtout mondiale, de KinnPorsche. Des plateformes comme GagaOOLala ont grandement profité et contribué à cet élan, d’ailleurs. Je ne suis pas la meilleure placée pour vous en parler avec passion, eût égard à mon absence totale d’intérêt pour les séries reposant en grande partie sur la romance, sans parler du fait que je ne suis pas le public-cible des BL ; aussi je ne peux que vous encourager à aller suivre, écouter, et discuter avec Gab, l’un des mecs les plus calés et investis que je connaisse en la matière, et qui a justement établi un top de ses BL préférés de l’année, ce qui peut vous mettre le pied à l’étrier.

    Les GL (« girls love« , du coup) sont en revanche moins prolifiques, mais pas totalement absents. Et je m’étais promis de vous toucher deux mots de GAP, une romance thaïlandaise lancée en fin d’année. On est le 31 décembre, il est encore temps, alors allons-y.

    Voilà 12 ans que Mon a un béguin pour Sam, une jeune femme de sang royal qu’elle a rencontrée alors qu’elle n’était qu’une toute petite fille. Leur rencontre a été brève : l’adolescente a sauvé Mon d’une voiture qui risquait de la renverser, et Mon a, en quelque sorte en échange, proposé d’héberger Sua, son chien, que Sam ne pouvait pas garder. Mon a été touchée par la gentillesse et la douceur de Sam, et n’a pas réussi à l’oublier. Depuis ce jour, Mon suit toutes les apparitions publiques de Sam, collectionne ses photos, lit les articles qui lui sont dédiés. Et elle ne rêve que d’une chose : pouvoir la rencontrer, un jour… et plus si affinités.
    Mon n’est cependant pas une rêveuse passive : pour faire de ce rêve une réalité, elle a suivi la même voie que Sam, pris les mêmes cours, intégré la même université. Et lorsque GAP commence, elle s’apprête à aller passer son premier jour à Diversity, la compagnie que dirige Sam depuis 4 années. L’excitation est à son comble !

    …Et elle va vite déchanter. Certes, son cadre de travail à Diversity est fantastique, et ses collègues adorables et drôles. Tout le monde lui fait un excellent accueil et chaque personne qu’elle rencontre pour la première fois ce jour (…même la chargée des RH ? elles passent pas d’entretien d’embauche les Thaïlandaises ?!) est absolument charmante. Mais c’est aussi ce qui lui permet d’être mise dans la confidence rapidement : Sam est une boss sévère. D’ailleurs si jamais Mon avait le moindre doute à ce sujet, elle va être témoin d’une réunion de staff qui conduit deux employées à être virées sèchement par Sam, faute d’avoir respecté une des règles élémentaires imposées par la dirigeante : PAS DE RELATIONS AMOUREUSES AU TRAVAIL.
    Ce premier épisode de GAP aborde de façon intéressante non seulement la mise en place de l’intrigue et des personnages, mais aussi les clichés auxquelles la protagoniste un peu trop romantique croyait si facilement. Mon s’était convaincue que rencontrer Sam à nouveau, après toutes ces années, allait se passer comme dans ses rêves les plus fous, quand elle s’imagine dans ses bras, en train de l’embrasser. Elle s’était aussi convaincue qu’une brève interaction plus d’une décennie plus tôt lui avait permis de comprendre en profondeur l’essence de la personnalité de Sam. GAP ne recule pas devant le défi d’explorer cette déconvenue, d’autant mieux explorée que Mon s’en ouvre (en partie) à ses parents, et essaie de rationnaliser ses choix jusque là. Parce que, ce qu’elle a fait pour son crush a quand même déterminé la majeure partie de son existence depuis 12 ans, quoi… D’entrée de jeu, cet épisode d’exposition ménage donc un aspect moins superficiel qu’il n’y paraît.
    En outre les fantasmes romanesques de Mon servent un deuxième objectif : give the people what it wants. Chaque fois que, des étoiles dans les yeux, Mon s’imagine s’approcher des lèvres de Sam, eh bien c’est ça de scènes romantiques que GAP peut fournir à ses spectatrices, quand bien même les deux protagonistes ne sont techniquement pas en couple dans l’histoire. C’est bien joué aussi !

    Fort heureusement, l’introduction de GAP ne s’arrête pas à la perspective de Mon. Dans la deuxième moitié de l’épisode, la série nous invite à suivre, cette fois, la perspective Sam. Et comme le supposait avec beaucoup d’acuité la mère de Mon (un personnage que j’ai aimé d’emblée, me faut-il préciser), le tempérament froid et sévère de Sam vient en fait d’une vie compliquée. D’abord parce que sa compagnie n’obtient pas les résultats financiers espérés ; et plus que la faillite, c’est l’échec d’un projet qu’elle espérait pouvoir porter avec fierté qui lui fait peur, car l’alternative, c’est… ma foi, le mariage. Avec un homme (Kirk). Choisi par sa grand’mère, une femme autoritaire qui pense que cette histoire de travailler, ça commence à bien faire, il faut faire des bébés maintenant. Il y a donc beaucoup en jeu derrière le succès de Diversity. Bon, ça n’excuse pas le fait de terrifier ses employées, mais disons que ça l’explique.
    Il faut noter que GAP se déroule dans un univers extrêmement hétéronormé ; même si le béguin de Mon semble accepté par sa meilleure amie, toutes les autres interactions des personnages présupposent l’hétérosexualité : les fiançailles avec Kirk (qui a l’air compréhensif mais je ne suis pas certaine d’à quel point), l’ami de Mon qui aimerait clairement être son petit-ami, même le couple qui se fait virer de Diversity… Et donc l’un des enjeux, et il est de taille, semble être que non seulement les circonstances individuelles s’opposent à l’union de Mon et Sam (…pour le moment), mais aussi, plus généralement, le monde où elles vivent. Ce n’est pas rien de le rappeler, parce que l’univers un peu rose bonbon de la série, où tout le monde (sauf la grand’mère, certes) est gentil, pourrait le faire oublier. Mais si GAP n’en discute pas encore franchement, en tout cas dans ce premier épisode, elle prépare le terrain.

    GAP démontre donc avec cette entrée en matière un don pour à la fois promettre des choses douces, développer des axes plus complexes, et déjà délivrer, quoique de façon détourner, ce pour quoi ses spectatrices sont venues. L’épisode se regarde avec légèreté : c’est une romcom assumée. Mais pas au point d’être totalement irréaliste, comme certaines romances ; d’ailleurs j’ai trouvé que dans plein de petits détails, cette introduction de GAP s’arrangeait pour ne pas sortir des prétextes pour tout et n’importe quoi, motivant pas mal de petites décisions ou d’interactions (l’équipe de Diversity est a-do-ra-bleuh) pour éviter que tout n’ait l’air trop sorti d’un conte de fées. Cela correspond bien à l’équilibre que tente de trouver la série entre son sujet romantique et son désir de l’ancrer dans une réalité où la romance ne va pas de soi, les choses étant moins heureuses qu’espéré.
    On est d’accord que ça n’est pas exactement le genre de série que j’ai envie de suivre, mais en tout cas, tester cet épisode ne m’a causé aucun déplaisir, et c’est vraiment pas quelque chose que je peux dire de toutes les romcoms. Vous en êtes souvent témoins !


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  • Comme une reine

    31 décembre 2022 à 22:15 • Review vers le futur •

    Imaginez avoir 14 ans, et être vendue (pardon, « mariée par intérêt politique ») à un inconnu d’un pays étranger. Vous ne connaissez rien de lui, ou de son monde, sinon ce que quelques cours abstraits vous en ont dit. Et en plus, là où vous allez, vous ne connaissez rien ni personne : tout ce que vous avez aimé est resté derrière vous… sans espoir de retour, jamais.

    Ce doit être traumatisant. Et c’est précisément ce qu’essaie de dépeindre le premier épisode de la série franco-britannique Marie-Antoinette, lancée il y a quelques semaines sur Canal+ en co-production avec notre amie la BBC.

    Marie-Antoinette a fait l’objet d’un sacré nombre de représentations, au fil des années, et le rôle a été incarné de cent façons par au moins autant d’actrices. Mais Marie-Antoinette essaie, et, au vu du premier épisode, je pense qu’elle est en bonne voie d’y parvenir, de raconter quelque chose d’unique. La série se charge de la dépeindre d’une façon qui appelle, chose rare vu la portée historique et symbolique du personnage, à de l’empathie. Ce n’est pas la reconstitution historique qui l’intéresse, mais principalement la reconstitution d’une expérience : celle d’une gamine soudainement chargée d’une responsabilité diplomatique immense qui se caractérise par quelque chose d’intime, mais surtout perturbant.
    Faisant appel à une palette de couleurs juste un peu malaisante, des visages juste un peu trop grotesques, des mouvements de camera juste un peu trop brusques, la série nous montre un univers terrifiant, empruntant quasiment aux codes de l’horreur. A travers les yeux de Marie-Antoinette, tout est effrayant, et comment ne le serait-il pas ? Plus l’épisode avance et plus les petites terreurs se succèdent, en particulier quand la jeune fille réalise qu’elle ne peut pas accorder sa confiance trop rapidement (une leçon dont je ne doute pas qu’elle l’apprenne par la pratique dans un épisode ultérieur), et qu’elle est, constamment, épiée par un palais rempli de Françaises qui lui sont fondamentalement hostiles. Après tout le reste, c’est la goutte qui fait déborder le vase, et la petite autrichienne semble au bord de la crise de nerfs lorsque s’achève cet épisode inaugural.

    Et s’il n’y avait que ça. Mais il y a Louis, aussi. Son mari (les noces ont lieu le lendemain de leur rencontre…) apparaît comme un étrange personnage, de prime abord. Au début, Marie-Antoinette n’est pas très claire sur sa démarche : le jeune homme a-t-il un comportement particulier, ou est-ce l’héroïne qui le perçoit ainsi ? Toutefois plus l’épisode avance, plus le doute est dissipé : le futur roi est effectivement très différent de ce à quoi elle s’attendait, et même, ce à quoi son propre entourage s’attendait. Louis est, lui aussi, un adolescent gauche ; il est, quelque part, une victime quasiment autant que son épouse des circonstances, il a juste la chance de ne pas avoir eu à quitter son pays, mais vu qu’il n’a pas l’air de se sentir très à l’aise à Versailles, il est possible que ce ne soit qu’une différence superficielle. Difficile de ne pas avoir le cœur qui se serre pendant leur première nuit ensemble…
    Malgré l’omniprésence de la perspective de l’héroïne qui porte son nom, Marie-Antoinette se permet donc de nous présenter quelques autres personnages, adoptant un regard omniscient. Quelques autres personnages de la cour se distinguent : l’odieux Provence, l’hypocrite roi Louis XV, la peste Madame du Barry… Personne ou presque (…espérons que Madame de Lamballe soit vraiment ce qu’elle paraît) ne trouve grâce aux yeux de la série. Ce qui donne du baume à mon petit cœur antimonarchiste, mis à mal par toute cette peine ressentie pour Marie-Antoinette.

    A la base je n’étais pas sûre de vouloir regarder Marie-Antoinette. J’étais tombée éperdument amoureuse de The Great quelques mois plus tôt ! Avais-je vraiment besoin d’une nouvelle série historique se proposant de renverser les idées reçues sur une des têtes couronnées les plus célèbres ? Fort heureusement, il n’y a ici aucun effet de redite, les deux séries jouant dans un registre très différent.
    Toujours aussi lumineuse que dans ses oeuvres précédentes, Emilia Schüle incarne dans ce premier épisode (en dépit de son âge) une adolescente qui n’est pas prête, qui n’aurait pas pu être prête, que rien n’aurait jamais pu préparer, à quelque chose d’immensément terrifiant. On espère sans trop y croire (et sans trop penser aux autres portraits qu’on aurait pu voir précédemment) qu’elle va pouvoir s’approprier le rôle dans lequel on l’a forcée, malgré tout. Il ne fait aucun doute que même si c’est le cas, le chemin sera long et tortueux.
    Et glauque. Très glauque.


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  • Everyone’s a superheroine

    31 décembre 2022 à 22:14 • Review vers le futur •

    L’histoire des comic books philippins (soit les komiks) est longue et fourmille de ramifications passionnantes avec la culture traditionnelle et l’Histoire du pays. Je vous rassure, on ne va pas se lancer dans un article abstrait en cette fin d’année… pour la bonne raison que ça a déjà été fait. Toutefois, ce rappel est important pour replacer dans le contexte l’incroyable popularité de la superhéroïne philippine qui surplombe toutes les autres superhéroïnes philippines : Darna.
    Née dans les komiks de Mars Ravelo en 1947, elle a connu tellement d’adaptations que les mathématiques n’ont pas encore inventé de nombre assez grand pour les chiffrer. Rien qu’à la télévision, il y a déjà eu pas moins de 3 adaptations : l’une en 1977, et les suivantes en 2005 puis 2009 (et si vous vous demandez pourquoi il y a eu deux versions à seulement quatre années d’écart, c’est que vous auriez dû cliquer sur le lien de mon premier paragraphe). A ce stade une armée d’actrices philippines a incarné l’héroïne…

    L’événement télévisuel de 2022, sur les écrans philippins, était précisément l’arrivée d’une nouvelle adaptation, toujours sobrement nommée Darna (ou parfois Mars Ravelo’s Darna). Voilà qui m’offre la première opportunité dans l’histoire de ces colonnes de pouvoir comparer deux adaptations philippines d’une même histoire, puisque voilà quelques années j’avais déjà reviewé pour vous le premier épisode de la Darna de 2009.
    Cette nouvelle mouture de Darna se veut ambitieuse dans sa forme (à plus forte raison parce qu’à l’origine, il devait s’agir d’un film… avant que COVID passe par là), mais aussi dans son fond (l’intention affichée étant d’être un peu plus sombre que les adaptations précédentes). Ce n’est pas tellement étonnant vu que c’est la première fois que le network ABS-CBN a les droits de la franchise, qui ont pendant longtemps appartenu à son concurrent principal, GMA : il s’agit donc de frapper un grand coup pour montrer qu’ABS-CBN est capable de faire autre chose que de la simple redite. La production de la série a même affirmé vouloir délaisser certains aspects soapesques souvent développés par les séries précédentes… ce qui est à la fois louable et étrange de la part d’une série de plusieurs dizaines d’épisodes, surtout si elle est produite dans un pays de tradition telenovelesque. Draw me intrigued.

    Dans la version 2022 de Darna, l’héroïne principale est Narda, une adolescente qui vit avec sa mère Leonor, et son jeune frère Ding, ainsi que proche de sa grand’mère paternelle, Roberta. Depuis toujours, Leonor pousse Narda à s’entraîner au combat (alors que son frère, pas du tout), et lui apprend elle-même à se battre pendant de longues sessions. Ding, quant à lui, est passionné par les komiks que dessinait leur père, aujourd’hui disparu, et qui racontent des histoires à dormir debout de superhéroïne venue de l’espace, réfugiée sur Terre en attendant soit de pouvoir repartir, soit de défaire le méchant général Borgo venu d’une planète lointaine. Qu’est-ce qu’on n’inventerait pas, quand même ! Narda est encore jeune, et inexpérimentée ; malgré la formation acharnée que lui donne sa mère, elle se sent encore très souvent inapte, bien qu’ayant parfaitement intégré, en revanche, le sens moral que Leonor a voulu lui inculquer. Notamment : « il n’est de plus grand péché que de ne pas aider quand on le pourrait ». Leonor elle-même est secouriste, en tout cas c’est son histoire et elle s’y tient.
    …Car si l’adolescente est dupe, les spectatrices, qui connaissent la légende de Darna (et qui ont bien compris quelle histoire racontait le père de Narda et Ding), ont largement compris que Leonor est la Darna originale. C’est une femme venue de la planète Marte avec pour seule aide une pierre magique, qui lui confère des pouvoirs lorsqu’elle l’avale. Elle vit une vie normale avec ses deux enfants et sa belle-mère la plupart du temps, mais lorsqu’une situation urgente se présente, elle avale sa pierre magique et vole au secours des gens. Et surtout, elle tente de préparer Narda au fait que, plus tard, ce sera à elle d’avaler la pierre et prendre le relai. Vous remarquerez que je fais la démonstration d’un self-control à toute épreuve, et n’ai inséré aucune blague à partir de cette histoire de pierre qu’on avale. Growth.

    La première chose qui frappe dans cette configuration c’est son ancrage dans l’histoire de la franchise au sens large. Bien-sûr, il y a la mythologie inhérente à l’histoire de Darna : la planète Marte, la pierre magique, toute cette sorte de choses. Darna 2022 y apporte son propre twist, introduit grâce à la lecture des pages laissées par le défunt père de l’héroïne ; le procédé, déjà utilisé dans la version précédente mais cette fois entièrement avec du matériel inédit (et partiellement animé), permet de donner une backstory à la fois familière, et légèrement différente, qui plus est sans avoir à inclure des flashbacks sur Marte. On ne peut pas suspecter Darna de le faire par pure économie budgétaire, tant ses effets spéciaux sont meilleurs que la moyenne dans d’autres scènes, notamment vers la fin quand un robot débarque en ville et commence à tout dézinguer. En tout cas, pour une série philippines, c’est plus que correct. Non, la volonté est réellement de s’inscrire dans l’héritage des komiks, tout en y apportant une touche inédite et moderne ; cela caractérise assez bien cette nouvelle version de Darna.
    Et puis, il se trame quelque chose d’encore plus touchant dans cette nouvelle version, et elle est à aller chercher du côté du casting : Roberta est en effet interprétée par l’actrice Rio Locsin. Ce nom ne vous dit probablement rien, mais c’est bien pour ça que vous me lisez : pour que je puisse vous dire que Locsin a incarné Darna dans le long métrage de 1979 ! Ce recrutement envoie un signal clair : « nous faisons une nouvelle version, mais nous n’avons pas oublié les précédentes ». Darna vient de loin ; et je ne parle pas de la planète Marte.

    Dans ce premier épisode, ce n’est d’ailleurs pas Narda qui endosse le costume de Darna (ce sera pour plus tard, n’en doutez pas), mais sa mère, Leonor, qui au moment de la quarantaine est toujours une superhéroïne. La série joue beaucoup sur son double héroïsme, qui la montre à la fois sauver des gens dans la rue ou des accidents (généralement sous les yeux admiratifs de sa fille aînée, qui veut suivre son exemple), et même, vers la fin de l’épisode, s’engager dans une bataille impressionnante face à un robot faisant au bas mot 5 fois sa taille. En fait, sur les posters promotionnels de cette nouvelle adaptation de Darna, c’est précisément dans son costume que Leonor apparaît (voir ci-contre). La série se refuse à minimiser son rôle à celui d’une héroïne âgée, prête à être remplacée, et sur le point de céder ses responsabilités à la véritable jeune protagoniste de la série. A la place, ce premier épisode fait d’elle une superhéroïne à part entière, quand bien même la série ne porte pas sur elle. C’est un départ assez radical de la mythologie habituelle de Darna, telle que représentée dans la plupart des versions antérieures où il n’y a, en principe, qu’une seule Darna ; mais il y a deux Darna dans ce premier épisode. Celle que nous voyons à l’oeuvre, qui se bat fièrement parce que c’est ce qu’elle a toujours fait peu importe la planète où elle se trouvait, et celle qui se prépare (quoiqu’à son insu) à devenir à son tour une combattante.

    Tout, dans ces éléments mis en place par la série de 2022, montre que celle-ci est passionnée par le concept de passage de relai au moins autant que par l’héroïsme.
    La transmission littérale et symbolique du pouvoir qui se prépare ainsi (dans la première scène, on peut constater par un flash forward que Narda, une fois dans la vie active, va bien devenir secouriste) est d’autant plus positive que ce premier épisode n’insiste pas sur l’aspect tragique des choses. L’absence d’un flashback pour nous parler de l’arrivée de Leonor, par exemple, permet d’éviter de se demander comment elle a vécu son arrivée sur Terre ; le seul flashback de l’épisode, au contraire, sera dédié à la naissance de Narda, lorsque Leonor et son mari réalisent que la pierre magique a choisi le bébé pour un jour devenir Darna à son tour ; la réaction immédiate de la mère est dépeinte comme une démonstration de fierté et de responsabilité, pas de peur ou d’accablement.
    Il y a quelques chose de fier dans cette origin story. Ce qui est assez différent de l’origin story de nombreuses autres protagonistes de comics et komiks, dont les pouvoirs ont tendance à émerger dans la souffrance. Cela ne signifie pas que la vie de Narda sera toute rose, naturellement (le flash forward est parlant à cet égard), mais il y a une volonté dans cette adaptation d’éviter le tragique.
    Reste à savoir si ce sera le cas d’une victime que nous avons brièvement vue être touchée par un shrapnel maléfique lors de la défaite du robot…

    On se demande souvent, lorsqu’arrive une adaptation (plus encore d’une franchise aussi populaire que Darna, qui a déjà été incarnée tant de fois), si cela vaut vraiment la peine. A-t-on vraiment besoin d’une nouvelle version ?
    Je crois que Darna 2022 y répond, avec ce premier épisode, plutôt bien. De ce que j’ai vu de plusieurs adaptations précédentes (hélas de façon souvent parcellaire, certes), cette nouvelle version a pris la mesure du défi et refusé la facilité, ainsi que fourni le travail nécessaire à apporter de la valeur à la mythologie de la série.

    En outre, il est difficile de ne pas se sentir émue quand ABS-CBN la promeut avec des peintures murales telle que celle ci-dessus, rendant hommage aux héroïnes du quotidien… miroirs y compris, car « nous sommes toutes des Darna ». En 2022, Darna a du sens. C’est une sacrée bonne nouvelle.


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