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    31 décembre 2022 à 22:12 • Telephage-o-thèque •

    Régulièrement, je me plains qu’il est beaucoup plus facile d’accéder au patrimoine télévisuel étasunien que n’importe quel autre de la planète (les séries françaises et britanniques étant ponctuellement des exceptions). Où sont les séries australiennes ou canadiennes des années 50 ou 70, ou même 90 ? Je ne demande pas un accès miraculeux à des séries sud-africaines ou égyptiennes des décennies passées : c’est déjà pas facile d’accéder à celles qui sortent maintenant, surtout si on commence à vouloir des sous-titres, alors ne demandons pas la lune (…en tout cas pas tout de suite). Mais pour certains pays, ça ne devrait pas être si difficile. Et puis, j’ai souvent l’impression de passer beaucoup de temps à réagir à l’actualité, plutôt que simplement prendre le plaisir de regarder des séries, comme ça, just because.
    Il y a plusieurs mois, je suis tombée sur le premier épisode de Scoop, série québécoise lancée en 1992, et je me suis dit : bingo ! A l’origine j’avais prévu de parler de la série à l’occasion de son anniversaire, en janvier dernier, hélas, ce mois-là, je publiais 7 reviews par semaine, et il a fallu faire des choix dans mon organisation. Ensuite j’ai voulu le faire pendant l’été, mais ma capacité à former des phrases cohérentes était plus que diminuée, et vous n’avez pas eu droit à la review non plus.
    On va donc corriger ça avant que l’année ne finisse, comme ça on dira que c’est toujours son anniversaire.


    Les séries sur le journalisme, c’est comme les séries anciennes : il y en a plein, mais il n’y en a jamais assez.
    La série québécoise Scoop a été créée par Réjean Tremblay (à qui on doit Lance et compte, institution de la télévision canadienne francophone) et Fabienne Larouche (que je vous avais présentée ici), toutes les deux étant journalistes de formation. Cela explique d’ailleurs probablement qu’il existe autant de séries sur le journalisme : les passerelles professionnelles sont plus faciles que, disons, de la boulangerie à l’écriture de séries.
    L’action se déroule au sein de la rédaction de L’Express, qui dans le cas présent est un quotidien. Le journal est détenu par Émile Rousseau, un homme riche à la tête d’un empire dont L’Express n’est que l’un des joyaux. Toutefois il n’assure pas de fonctions au sein de la rédaction, laquelle, d’ailleurs, n’a pas d’éditeur lorsque la série commence. Le personnel de L’Express inclut en revanche Claude Dubé, rédacteur en chef ; Lionel Rivard, secrétaire de rédaction ; Richard Fortin dit « Tintin », un journaliste un peu gauche ; et, quand commence le premier épisode, une nouvelle recrue, Michel Gagné, qui débute pour la rubrique faits divers. Dans ce panorama très masculin, Stéphanie Rousseau est une des rares journalistes féminines de la rédaction ; elle travaille au départ sur un sujet relatif à l’environnement, et a la chance d’être envoyée en reportage auprès du ministre de l’Environnement, auprès duquel elle a réussi à décrocher une interview.
    Vous l’aurez remarqué, Stéphanie partage avec le propriétaire du journal un nom de famille : ce n’est pas un hasard (nepo baby !), et c’est même une source de conflit. Ancienne joueuse de tennis, elle s’est engagée dans le journalisme contre l’avis de son père, et apparemment a démarré au bas de l’échelle comme tout le monde (si l’on en croit une réplique qu’elle lance à Michel sur sa propre expérience aux faits divers). Elle a cependant l’ambition de faire du journalisme coup de poing, et le premier épisode va la mettre dans une situation qui s’y prête.

    C’est que, logée dans le même hôtel que le ministre qu’elle doit interroger le lendemain, Stéphanie fait une rencontre fortuite : celle de « Carla », au bar, qui lui fait part de son admiration depuis qu’elle est une petite fille pour sa carrière sportive et notamment sa prestation à Wimbledon. Sauf qu’un rapide calcul permet à Stéphanie de comprendre que « Carla » a environ 16 ans… et quand elle surprend le ministre dans sa chambre d’hôtel, avec « Carla » (si c’est bien son vrai nom), forcément elle tient un sujet bien plus important que ces histoires d’écologie qui, ah de toute façon quelle importance ça pourrait bien avoir, pas vrai ? Alors qu’un scandale politique sur un ministre (voire même, de l’avis de beaucoup de monde, un futur Premier ministre) qui a recours à une prostituée mineure, ça, c’est du sujet.
    Scoop, toutefois, prend cette situation pour en faire quelque chose de bien plus intéressant qu’il n’y paraît. Car il ne s’agit pas juste de suivre Stéphanie dans son investigation, mais d’établir aussi les enjeux d’un article pareil s’il sortait dans L’Express. Claude, en particulier, se montre réticent à sa publication.

    C’est là que se joue, par exemple, la relation avec son père : Stéphanie et Émile ne sont pas proches, et comme en plus il désapprouve son choix professionnel, on a le sentiment qu’il ne va pas lui faire de faveur. Claude, lui, est irrité : par le fait qu’il n’y ait personne pour être éditeur à la rédaction, et par le fait que le patron du journal non plus, vu qu’il ne lui a pas offert le job d’éditeur. C’est, qui plus est, un frileux, comme le démontrera un échange très tôt dans cet épisode initial, avec Lionel qui lui reproche la ligne éditoriale trop molle de L’Express (et les ventes en berne qui vont avec). Il craint les retombées potentielles pour le journal, en tout cas, et tente de freiner la publication des révélations par Stéphanie de ce qu’il considère être la vie privée du ministre, qui pourrait entacher à la fois sa carrière et sa vie familiale. Et puis dans tout ça, il y a le ministre lui-même, qui finit même par être reçu par Émile, tranquillement, pour parler entre hommes.
    En moins d’une journée, ce qui devait être une véritable bombe à la une de L’Express est finalement passée sous le tapis. Stéphanie est furieuse, mais décide de redoubler d’efforts pour fournir à Claude toutes les garanties permettant la diffusion de l’information qu’elle a dénichée…

    Scoop met en place les contradictions d’un monde où les intérêts se croisent mais aussi s’entrechoquent. Il y a des nuances intéressantes dés ce premier épisode, pourtant également chargé de scènes d’exposition, permettant d’aborder des nuances à la fois morales et juridiques pour L’Express dans cette affaire. Même Stéphanie aurait gros à perdre si ses sources n’étaient pas assez crédibles, ou si l’âge de « Carla » n’était pas formellement confirmé ; mais bon, ça elle s’en fout, elle. Par contre, Claude et Émile font preuve de plus de prudence. Mais eux, ils ne sont pas journalistes.
    Malgré les archétypes mis en place dans ce premier épisode, Scoop se préserve même quelques surprises, par exemple pendant l’échange entre Émile et le ministre, dans lequel celui-ci confesse avoir effectivement couché avec une jeune prostituée (mais qu’il présente avec légèreté comme un « enfantillage« ). Le patron de L’Express aura en retour ces mots qui, en 30 ans, n’ont pas pris une ride :
    « C’est quand ces bêtises-là te passent par la tête qu’il faut que tu penses à ta femme, à ta fille, à ta carrière. Mais pas après ».
    Pour tous ses défauts, Émile n’en est pas au point d’offrir des passe-droits aux copains pédocriminels…

    Alors, l’article sera-t-il publié ? Ce n’est pas encore garanti quand s’achève le premier épisode de Scoop : la série est profondément feuilletonnante…
    On a déjà l’impression d’avoir été submergée dans le grand bain d’une série dense en seulement trois quarts d’heure. Alors qu’elle a tant à mettre en place, la série fait immédiatement le choix de ne pas reculer devant la complexité et la nuance. Elle le fait, en outre, avec une ambiance à la fois électrique (Stéphanie, en particulier, est d’une énergie à vous déboiter la mâchoire, et traverse ses scènes avec fougue et rage), et empruntant au polar des plus noirs. Il y a aussi, dans la réalisation, quelque chose qui m’a évoqué les meilleures séries de Bochco ; c’est sûrement en partie dû aux codes de l’époque, et à la musique, mais l’impression persiste même quand on essaie de la replacer dans son contexte.
    Vous comprenez donc aisément pourquoi ça m’aurait peinée de ne pas dire quelques mots de Scoop en cette année (encore un peu) anniversaire !


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  • Black magick

    30 décembre 2022 à 20:40 • Review vers le futur •

    Il y a les choses dont j’aurais voulu parler plus tôt cette année… et celles dont, même avec toute la bonne volonté du monde, je n’aurais pas pu. Parce qu’elles ne s’étaient pas encore produites !
    Le mois de décembre a en effet marqué une offensive impressionnante de la part de allblk (à prononcer « all black »), une plateforme du groupe AMC qui a décidé de lancer pas moins de 3 nouvelles séries originales ce mois-ci. En quoi c’est surprenant ? Eh bien, c’est que, voyez-vous, allblk n’est pas exactement Netflix : en 2022, la plateforme n’a lancé qu’un total de 5 nouveautés. Alors qu’on en trouve autant ce mois-ci n’est vraiment pas peu dire.

    De ces 3 nouveautés (Hush, Wicked City, et depuis quelques jours, Snap), j’ai décidé de reviewer qu’une d’entre elles. D’abord parce que je suis un peu prise par le temps en cette fin d’année… et surtout parce qu’elle a l’originalité d’être une série fantastique. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de ma review de Superstition, il s’avère que les séries étasuniennes destinées au public noir ont, historiquement, rarement eu la possibilité et/ou l’envie d’aborder ce genre, pourtant plein de potentiel.

    Wicked City a pour héroïne centrale Camille dite « Cammy », une jeune femme qui au tout début du premier épisode, perd sa mère. Celle-ci est assassinée par quelqu’un faisant irruption dans sa propre cuisine… mais il ne s’agit pas d’un acte criminel quelconque. Le court combat qui s’en suit le prouve, alors que la mère de Cammy essaie de se protéger avec une aura magique, et que le meurtre prend des airs quasi-rituels. Wicked City est d’emblée très intentionnelle dans sa façon de montrer que la magie existe, et qu’elle fait partie du quotidien des sorcières ; et ce, même alors que Cammy n’en a pour l’instant pas connaissance. Il semblerait en effet que sa mère lui ait caché l’existence de la magie, ce qui inclut, tout le monde l’aura deviné avant elle, que Cammy elle-même dispose de pouvoirs. La jeune femme a juste le temps de prendre sa mère dans ses bras pour l’entendre prononcer ses dernières paroles, qui l’enjoignent à partir pour Atlanta pour y trouver une personne du nom de Caden. Qui est-ce ? Pourquoi ? Elle n’en saura pas plus si ce n’est que Cammy court un grand danger.
    Après les funérailles et quelques recherches, Cammy débarque à The Mystic Haven, un magasin ésotérique d’Atlanta où elle pense pouvoir trouver Caden. Elle y fait au contraire la rencontre de Jordan, une jeune sorcière qui a le don de détecter la magie, mais voudrait, comme ses trois sœurs de coven ou leur mentor Tabitha, jouir de dons magiques plus concrets.

    De cette magie, parlons-en. Wicked City fait de toute évidence référence ici à des arts occultes, mais les résumés de la série ou ses sous-titres parlent expressément de « magick » (là où d’ordinaire le mot employé en anglais serait juste « magic« ), ce qui semble être une référence plus spécifique à des croyances et pratiques nées dans la communauté noire des Etats-Unis. Dans les grandes lignes, qu’on se rassure, les mécanismes magiques de cet univers restent facile à cerner : les sorcières sont dotées d’un don qui leur est unique, elles peuvent également employer des rituels de type sort pour des actions spécifiques, ou s’appuyer sur le pouvoir de certains objets (on apprendra que le pendentif que Cammy porte en est un). L’introduction d’une sorcière hors-coven est aussi l’occasion de nous apprendre que certains items magiques peuvent aussi permettre d’emprunter des pouvoirs lorsqu’on n’en a pas… ou plus.
    Ne manquant pas une occasion de nous montrer combien l’emploi de leurs compétences est normalisé pour ces sorcières, le premier épisode nous présente à plusieurs reprises les dons des sorcières de ce coven : détection de magie pour la petite nerd Jordan, pouvoir de suggestion pour la stripteaseuse Sherise, manipulation des plantes pour Angela (dont je n’ai pas compris si elle vit du traffic d’herbe ou si c’est juste sa marotte), ou encore maîtrise de tout ce qui est électromagnétique pour l’étudiante Mona. Il semblerait également que Tabitha ait un pouvoir réparateur, mais si on la voit l’utiliser très brièvement, on ne n’entre pas autant dans les détails. Dans tout cela, la question se pose donc de savoir quel type de superpouvoir Cammy possède, et là encore, Wicked City décide de nous le dire avant même qu’elle n’en ait pleinement conscience… La scène a quelque chose d’à la fois terriblement beau, tranquille, et choquant, parce que la série normalise quelque chose avant d’en confirmer l’existence explicitement.

    Mais il faut dire que Wicked City, pour autant qu’elle ait bossé sa mythologie (en cela, elle est résolument l’anti-Superstition), a tout de même des travers. Ses dialogues, en particulier, posent problème : l’épisode d’introduction n’est pas mauvais dans son histoire ou, dans une certaine mesure, son déroulé (quoique celui-ci soit très classique), mais les échanges entre les personnages manquent de fluidité. C’est un problème en partie dû aux contraintes de la mission d’exposition d’un premier épisode : il y a un besoin de délivrer des informations compréhensible.
    Le problème c’est que Wicked City ne dispose pas d’autrices (apparemment le scénario de ce premier épisode est le travail des deux créatrices de la série, Kristin Iris Johnson et Serena M. Lee, dont dans les deux cas il s’agit du premier crédit en tant que scénaristes) armées pour le faire avec finesse. Par conséquent, les choses sont généralement explicitées sans subtilité, dans des scènes souvent rapides dont en plus la seule mission est de dire « voilà qui est ce personnage, voilà ce qu’elle sait faire, voilà sa motivation » à des points différents de l’histoire. La réalisation essaie comme elle peut d’améliorer ça, mais d’un âne on ne fera jamais un cheval de course, et hélas Wicked City est aussi très gênée par un budget trop modeste pour ses ambitions (c’est-à-dire qu’on peut avoir des effets spéciaux ou qu’on peut passer du temps pour créer une scène élaborée, mais pas les deux… et Wicked City a des effets spéciaux). Cela a des répercussions assez dramatiques sur la direction d’actrices, par-dessus le marché. L’effet obtenu est, je suis navrée de le dire, un peu cheap, genre Charmed du pauvre alors qu’il y a pourtant de la matière à faire un peu mieux que de la jigglevision. Je fais ici référence à la version de Charmed des années 90, parce que je suis vieille et aussi parce que je n’ai jamais trouvé la motivation de jeter un oeil à la nouvelle version.

    C’est assez tragique quand on espère faire de la fiction d’excellence. Et c’est d’autant plus gênant que, à l’heure actuelle, il manque toujours le financement d’une vraie série fantastique par et pour la communauté noire, et qu’on doit se satisfaire de séries de genre comme celles-là, sur une plateforme moins riche que la moyenne. Je n’ose imaginer ce que ce serait si allblk se piquait de tenter de la science-fiction… et en même temps j’adorerais voir le résultat. Si j’arrive à trouver un peu de temps pour y jeter un oeil, l’anthologie Snap est peut-être d’ailleurs la réponse à mes interrogations.
    Pour autant, Wicked City ne démérite pas avec les outils qu’elle a. Si on arrive à dépasser la question de la forme, elle semble la mieux armée à ce jour pour exaucer des vœux longtemps restés sans réponse. Les jeunes sorcières de Wicked City sont sexy, indépendantes et ambitieuses (intellectuellement, financièrement, etc.). La série présente leur coven comme un lieu de sororité avant tout (la série ne dispose d’ailleurs que d’un seul personnage masculin, très mineur). Il y a une romance lesbienne entre deux d’entre elles. Il y a une sorcière ostensiblement afro-latina (chose hélas encore assez rare dans la fiction dite « black »). Ce que porte la série, c’est une vision de la sorcellerie qui a quelque chose d’aspirationnel (les histoires de mort et de sacrifices mises à part) pour le public qu’elle vise : des femmes noires. La métaphore sur le pouvoir s’écrit toute seule.
    Pour cette raison, je persiste à penser du bien de Wicked City ; elle ne plaira pas forcément aux spectatrices qui attendent du spectaculaire, ou qui sont trop habituées aux fictions plus léchées des autres plateformes (ou diffuseurs). Ce qu’elle n’accomplit pas dans ces registres, toutefois, est amplement compensé, et ce premier épisode pose les bases d’un univers à la fois attachant et foisonnant ; si elle trouve le succès, je ne doute pas que ses affaires financières s’arrangent, qui plus est, et avec elles certains défauts se trouveraient aisément corrigés.
    Et puis quand bien même ce ne serait jamais le cas, il s’agit ici d’un premier épisode, écrit par un tandem encore peu expérimenté dans le domaine de l’écriture, et les possibilités d’amélioration organique ne sont pas négligeables.

    Attendez, j’en ai fini avec Wicked City, mais il m’en reste.

    Quelque chose dont en revanche j’aurais pu parler plus tôt cette année, c’est Send Help, une dramédie lancée sur allblk cet été, avec devant et derrière la caméra des mecs d’Insecure. Alors permettez que j’ouvre une parenthèse pour parler un peu de son premier épisode, parce que je le trouve également très original. Mais pour une toute autre raison.
    Send Help s’intéresse à Fritz, un acteur qui connaît le succès grâce à la première saison d’une série intitulée This can’t be Us (qui évoque un peu This is Us). Sur le papier, Fritz devrait tout avoir pour être heureux ou, au moins, satisfait. Il est en effet capable d’aider sa famille d’origine haïtienne à subvenir à ses besoins, il a une nièce dont il est fier, il vit sa vie de célibataire à Los Angeles où les opportunités pour un mec jeune et beau (et avec de l’argent à dépenser) ne manquent pas, et évidemment sa carrière se porte mieux que jamais.
    Sauf que l’actrice principale blanche de This can’t be Us est prise en flagrant délit de n-word pendant une soirée karaoke, où évidemment quelqu’un la filme. Le network décide qu’il est plus simple de ne pas commander de saison 2 (retardant au possible l’annonce pour attendre la fin de la diffusion de la saison 1), mais évidemment tous les espoirs de Fritz reposaient sur ce renouvellement et le voilà désormais revenu à la case départ. Le jour de la diffusion du season/series finale, tout semble aller mal. Sa nièce Mac est sanctionnée à l’école, pour s’être battue avec une autre élève. Erica, l’influenceuse que Fritz voyait semi-régulièrement, en a enfin assez d’être tenue à distance émotionnellement. Et sa mère prend également une décision radicale…
    Avec l’effet d’accumulation, Fritz perd pied, mais en toute honnêteté, ça ne date pas de ce jour-là. Tout remonte en réalité à la mort de son frère (le père de Mac), dont c’est aussi la date anniversaire.

    Sur la forme, l’épisode initial de Send Help n’est pas extraordinairement original : on commence in media res avec une scène dans laquelle, abattu (même si on ne sait pas encore pourquoi), Fritz rentre chez lui en ignorant les messages qui s’agglutinent sur l’écran de son téléphone, le moral dans les chaussettes. Un homme fait irruption dans sa chambre, mangeant avec désinvolture un sandwich. Cet homme, on le comprend assez rapidement dans les scènes suivantes, n’existe pas ou plutôt plus : c’est le défunt frère de Fritz qui est à la fois son seul confident, la voix de la raison, et un fantôme matérialisant son état psychologique. Send Help tente un exercice d’équilibriste sur la question de la santé mentale. Celle-ci dépend de tout un tas de paramètres assez classiques, d’autres circonstanciels mais compréhensibles, et se mêle aussi à des considérations plus spécifiques à sa situation d’homme noir (comme le poids des responsabilités qui incombe à Fritz en tant que seul fils survivant d’une famille immigrée, par exemple), thématique si rarement exploitée.
    Ce premier épisode arrive à très bien mettre en place tout cela, et nous invite, plus qu’à comprendre la situation dans son ensemble (on ne sait par exemple pas de quoi est mort le frère, ce genre de choses), à partager des fragments de la dépression de Fritz.
    Ce qui est d’autant plus saisissant dans ce premier épisode, c’est que le portrait de cette dépression n’est pas complaisant : Fritz n’en est pas encore conscient, mais la série, elle, a parfaitement saisi que c’est parce qu’il a refusé de travailler sur lui-même que le héros de la série se retrouve ainsi acculé. Professionnellement, il a refusé les auditions, pensant que le succès de This can’t be Us suffirait à le porter pour plusieurs années ; personnellement, il ne s’est pas engagé dans la relation avec Erica, alors qu’il apparaît qu’elle a tenté plusieurs fois de communiquer avec lui… Même sa relation avec sa mère ou Mac, dont il prétend qu’elles sont sa priorité, a clairement été superficielle, au point qu’il ait raté des choses importantes qui auraient pu annoncer ce qui se produit à présent. Send Help démontre combien Fritz a refusé de s’engager dans ce qui lui tient à cœur, et même s’il avait sûrement ses raisons (comme ses difficultés à faire son deuil), il n’empêche qu’il en paie aujourd’hui le prix. Ce n’est pas une façon d’accabler son personnage (et à travers lui, quiconque souffrirait de dépression), mais plutôt d’avoir une discussion franche sur les causes, de façon à pouvoir essayer d’agir sur elles par la suite. En cela, sur le fond, l’introduction de Send Help est saisissante, et j’aurais vraiment voulu avoir le temps de voir les épisodes suivants cette année.

    C’est dommage qu’allblk soit pour le moment une plateforme méconnue. Cette offensive de décembre y changera peut-être quelque chose ? D’autant qu’elle s’est aussi accompagnée de la mise en ligne de téléfilms de Noël (puisqu’on peut difficilement compter sur Hallmark et son amour du Noël blanc). C’est tout ce que je lui souhaite. Et, ma foi, au moment où elle s’apprête à proposer la dernière saison de son primetime soap le plus emblématique à ce jour (A House Divided, dont la 5e saison en janvier s’annonce comme « The Last Chapter »), toutes ces nouvelles fictions ainsi que celles qui s’annoncent devraient sans nul doute amorcer un nouveau tournant dans sa programmation. D’autant que leurs genres sont sans cesse plus variés, et leurs sujets toujours plus ambitieux (à commencer par West Philly, Baby, en projet depuis 2021 et qui devrait raconter l’histoire d’une famille pour qui tout bascule lorsque la matriarche commence à développer un Alzheimer).
    Dans un panorama où elles ne manquent pourtant pas, allblk était vraiment la plateforme anglophone à surveiller cette année, et faute de l’avoir fait correctement pour nombre d’entre nous, il faudra résolument garder un oeil sur elle l’an prochain.


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  • The heart wants what it wants

    29 décembre 2022 à 20:35 • Telephage-o-thèque •

    Ce soir, arte propose la première saison d’une série suédoise, Bröllop, begravning & dop sous le titre un peu plus prononçable par nous autres béotiennes françaises d’Une si belle famille. Sûrement parce que Notre belle famille était déjà pris.
    La série commence avec le mariage de Meja et Sunny, mais le sujet de la série n’est pas franchement leur union. Au contraire, la série s’intéresse à la mère de l’une d’entre elles, et à la façon dont les noces vont influencer le cours de sa vie.

    Mais avant toute chose, les présentations. Sunny est la fille d’un pianiste, Samuel, et avec son frère Damien, a été élevée par lui ainsi que sa seconde épouse, Michelle, une guérisseuse New Age (sa mère biologique n’ayant pas été présente après le divorce). De son côté, Meja est la fille unique de Carl-Axel, un entrepreneur psychorigide, et Grace, son épouse parfaite. Celle-ci vit non loin de son frère, Valentin, entré dans les ordres. Rolf, le père veuf de Carl-Axel, est aussi dans les parages, tandis que Louise, la mère détestable de Grace, vit un peu plus loin. Vous suivez ?
    Tout ce petit monde et plus encore est donc rassemblé pour le mariage de Sunny et Meja, officié par Valentin. Après la cérémonie, tout le monde se réunit dans la vieille maison familiale pour le banquet : discours, alcool et danse sont évidemment de la partie. Dans l’euphorie du moment, Grace et Samuel commencent à se faire les yeux doux, et en quelques heures les voilà qui s’isolent dans une salle-de-bains à l’étage pour une partie de jambes en l’air impromptue.
    Plus rien ne sera plus jamais pareil.

    Bröllop, begravning & dop semble parfois hésiter quant au ton qu’elle veut communiquer. La série met en place des choses parfois légèrement absurdes, mais a aussi le don de les tourner perpétuellement au tragique. D’ailleurs du point de vue Grace, que la série ne cesse de nous rappeler avec des séquences talking head (jamais vraiment expliquées, vu qu’à part ça la série n’est pas réellement un mockumentary) dans lesquelles elle est la seule à avoir l’opportunité de détailler ses états d’âme et ses intentions, c’est effectivement une tragédie, ou en tout cas une expérience transformatrice.
    Ce que révèle cette brève infidélité, c’est en particulier que Grace est profondément malheureuse, et que ça ne date pas du mariage. Avec Carl-Axel, elle se sent étouffer dans la vie certes confortable, mais froide, qui est la leur ; pendant des années, à cause de son boulot à lui, elle a déménagé de pays en pays, devant parfois négliger sa propre fille, et toujours ses propres envies, pour la carrière de son époux. En outre, celui-ci est incroyablement peu chaleureux et démonstratif, mais de toute façon maintenant il est trop tard, et lorsque commence la série, le couple n’a plus vraiment de contacts physiques. Alors cette aventure au mariage de sa fille (avec le père de sa bru, du coup), c’est une bouffée d’air mais aussi la goutte qui fait déborder le vase. C’est triste de réaliser que la première fois qu’on peut s’amuser, c’est à cinquante ans, et qu’en plus ce n’est pas voué à durer.
    Toutefois, si Bröllop, begravning & dop veut raconter ce parcours intérieur, elle ne veut pas s’arrêter là dans l’histoire qu’elle raconte, puisqu’à la fin du premier épisode, Grace découvre qu’elle est enceinte. Et comme du coup ça ne peut être que de Samuel…

    Oui, c’est vraiment le bazar dans Bröllop, begravning & dop, et la série se complait dans cet enchaînement d’improbabilités… quoique légèrement prévisibles quand on se contente de euh, oui, connaître la traduction du titre, donc. Spoilez-vous si vous le voulez, vous savez où se trouve Google Translate.
    La série aime vraiment explorer les atermoiements de Grace pour se confronter à cette difficile réalité : elle veut quelque chose, mais elle ne s’autorise pas à l’obtenir. Ce quelque chose n’étant pas, j’espère que vous l’aurez deviné, une aventure avec Samuel, mais quelque chose de plus important : garder ou non le bébé-miracle qui lui arrive à un âge où elle pensait que ce n’était même plus imaginable. Néanmoins, vu la situation maritale de leurs filles, il semble difficile d’éviter le nœud du problème, qui est que ce que veut Grace peut avoir des conséquences sur un très grand nombre de membres de sa famille étendue.

    Malgré son focus insistant sur Grace, Bröllop, begravning & dop fait d’ailleurs du bon boulot pour nous dépeindre ces autres personnages, conférant indirectement du poids aux enjeux des choix de Grace.
    Dés le mariage, on voit notamment la rancœur qu’éprouve Meja vis-à-vis de ses parents, pour toutes les années qu’elle a passée, un peu délaissée par ses parents mais fort heureusement couvée par sa grand’mère (le SEUL trait vaguement rédempteur de Louise, osons le dire, est d’adorer sa petite-fille), quand bien même elle ne les déteste pas et souhaite même du bonheur à sa mère. Elle voit bien que Grace n’est pas heureuse, et ce mariage est l’occasion pour elle à la fois de trouver avec Sunny une affection qu’elle n’a pas connue enfant, et en même temps de mettre derrière elle une partie de ses difficultés passées, et de souhaiter à sa mère d’en faire autant.
    L’autre grand personnage de la série, évidemment impacté par les décisions de Grace, c’est naturellement Michelle, qui aime Samuel d’un amour fou, peut-être un peu fusionnel ; elle n’est « que » la belle-mère de Sunny et Damien, et ça reste une blessure pour elle : n’avoir jamais eu d’enfant. Elle n’a jamais réussi à en avoir avec Samuel, et maintenant qu’elle est ménopausée évidemment il est trop tard. Quand au fil de la saison, Meja et Sunny annoncent qu’elles veulent fonder une famille, la réaction de Michelle est difficile à regarder tant on la voit en lutte avec elle-même : elle voudrait être cette mère cool et cette épouse capable de tout encaisser, mais n’ayant jamais fait la paix avec le désir d’enfant qu’elle n’a jamais pu réaliser, elle prend très mal la nouvelle. Plus tard, avec Samuel, elle aura ces terrible mots : « Pourquoi elles pourraient quand moi je n’ai pas pu ? ». Et elle est consciente que ce qu’elle dit est monstrueux, ce qui ne fait qu’ajouter à la douleur. En tout cas on imagine sans peine ce que cela pourrait signifier par rapport à la grossesse de Grace.

    Et effectivement, Bröllop, begravning & dop est fascinée par le concept de conséquences. A plusieurs reprises, Grace nous répètera qu’elle ne peut pas garder le bébé : pensez aux conséquences ! Que dira Carl-Ducon, que dira Michelle, que dira Meja ?
    C’est aussi ce qui fait la douceur de cette petite parenthèse (seulement 4 épisodes pour la première saison, apparemment diffusée d’une traite par arte ce soir) : la prise de conscience que, quelles que soient les conséquences, le cœur a ses raisons que la raison ignore. Le dilemme est pénible, mais enfin… parfois, il faut faire des choix en fonction de notre propre bonheur. Et qui sait comment les choses s’alignent ensuite ? Je vous parie que vous ne devinerez pas comment finit cette première saison (à part pour, oui, bon, le titre quoi), et j’avoue que vu l’étrangeté des twists que Bröllop, begravning & dop s’invente pour réussir à raconter son cheminement intérieur, je n’ai aucune idée de ce que la seconde saison (ou le film, apparemment ?) peut bien raconter au-delà. Enfin, voyez déjà si la première saison vous plaît ce soir sur arte, et vous aviserez pour la suite, quoi.


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  • The problem with the sySTEM

    28 décembre 2022 à 23:29 • Review vers le futur •

    L’un de mes plus grands regrets de 2022 aura été de ne pas réussir à parler d’autant de séries indiennes que je l’aurais voulu. Des tonnes de bonnes séries ont émergé du sous-continent indien tout au long de l’année (et ce n’est pas la première année que c’est le cas), et il aurait fallu leur rendre justice. Malgré toute ma bonne volonté, y compris sur la dernière ligne de décembre, cela n’aura pas lieu, mais donnons-nous rendez-vous en 2023 pour arranger un peu cela.

    En attendant, pour vous faire patienter, laissez-moi quand même caser quelques mots sur le premier épisode de Physics Wallah, une série inspirée de faits réels proposée depuis le début du mois par Amazon miniTV, une app pour l’instant exclusive à l’Inde qui constitue l’offre gratuite (soutenue par la publicité) d’Amazon dans le pays depuis peu.

    Vous ne connaissez pas Physics Wallah, et pourtant ce nom est très familier de millions de jeunes indiennes : il s’agit d’une chaîne Youtube éducative dotée de plus de 9 millions de followers à l’heure où j’écris ces lignes, dédiée à l’enseignement de sciences en particulier dans le cadre des examens d’entrée dans plusieurs facultés. Lesdits examens étant très sélectifs, il n’est pas rare pour les étudiantes de recourir à des cours dans des instituts de formation privés, mais Physics Wallah s’est démarquée au fil des années comme une alternative à ces programmes onéreux. Elle a aussi, avec le temps, élargi ses programmes à tous les niveaux scolaires.
    La série s’attache donc à décrire l’avènement de cette chaîne Youtube… et c’est probablement la seule situation possible dans laquelle je pouvais trouver que raconter la fondation d’une chaîne Youtube est digne d’une série toute entière !

    Naturellement, quand démarre Physics Wallah (la série), le succès n’est pas encore là. Il n’y a qu’un étudiant ingénieur du nom d’Alakh Pandey, qui ne sait pas trop quelle direction faire prendre à sa vie.
    Dans la toute première scène, il établit même, à travers ses doutes personnels, une critique assez sévère de l’écosystème indien lorsqu’il s’agit des STEM : peu importe d’apprendre les sciences à l’école ou même à l’université, de toute façon, le seul secteur qui recrute, ce sont les métiers de l’informatique. Les entreprises viennent recruter des personnes fraîchement diplômées, peu importe leur spécialité du moment qu’elles aient un socle scientifique, puis les forment pendant quelques mois et les mettent à un poste IT jusqu’à la fin de leurs jours. Et ça, Alakh, il n’en veut pas. Il ne veut pas passer les examens, non plus, qui à son sens n’ont pas de réel intérêt.
    C’est justement ça qui le trouble : la perte de sens. Et devant sa grande sœur qui essaie désespérément de lui faire comprendre qu’à un moment, il va falloir qu’il devienne sérieux et qu’il entre dans la vie active (ne serait-ce que parce qu’elle est la seule à subvenir aux besoins de leurs parents, et accessoirement à ceux d’Alakh, pour le moment), il a du mal à expliquer sa recherche de sens. Mais il se souvient ce que c’est que d’être passionné par les sciences, et il voudrait éprouver ça, plutôt que de se lancer dans la course à l’emploi.

    Le hasard faisant bien les choses, après s’être disputé avec sa sœur, il se retrouve par hasard devant l’un de ces instituts qui préparent aux examens d’entrée à la faculté de médecine. Figurez-vous que, super coup de bol : on y recrute des enseignants ! Alakh a une épiphanie, et réalise que c’est peut-être ça, la solution au problème qui le tenaille, et se présente les mains dans les poches à un entretien avec le patron de l’institut. Et ça tourne un peu au job dating de l’Education nationale…
    Physics Wallah s’attache à nous raconter cette origin story comme si elle était grandiose (musique à l’avenant, considérez-vous prévenue), et ce n’est pas toujours bienvenu. Lorsqu’Alakh répond à un examen de physique improvisé devant l’intégralité des étudiantes de l’institut, on a l’impression qu’à la fin tout le monde va applaudir alors que… mais mec, si tu veux être prof encore heureux que tu connais la réponse à dix malheureuses questions ! Tu veux une médaille ?! On ne comprend pas toujours pourquoi certains aspects de la trajectoire d’Alakh devraient être considérés comme exceptionnels. Par nous, en tout cas ; pour lui il est certain qu’il y a une progression, une révélation même, dans ces passages… cependant la série insiste vraiment beaucoup sur l’aspect héroïque de ce qui est, somme toute, pour le moment très banal.

    Et c’est très dommage parce que, si Physics Wallah se l’autorisait, elle pourrait au contraire être très touchante. C’est clairement le registre dans lequel donne l’acteur Shreedhar Dubey dans son portrait d’Alakh, en plus, essayant de capturer, presque malgré tout, une vulnérabilité attachante.
    La réalisation s’arrête juste assez sur ses expressions pour ne pas trop en perdre, mais le scénario semble s’obstiner à ignorer la progression intérieure du personnage, alors qu’elle semble pourtant capitale tant Alakh Pandey est indissociable de Physics Wallah (d’ailleurs la chaîne porte aussi son nom…). Quand il réalise qu’être calé en physique n’implique pas d’être un bon enseignant, on effleure à peine ses doutes avant d’avoir droit à un montage musical pour nous montrer à quel point, en quelques jours, il progresse à ce sujet au point de devenir meilleur que le prof le plus respecté de l’institut. On voudrait ressentir à ses côtés la joie d’enseigner, ou la peine d’être viré de l’institut (oui, dés le premier épisode), mais rien à faire, c’est à la fois le sujet et pas du tout le centre d’intérêt de la série, qui préfère plutôt insister sur combien Alakh, avant même d’être populaire, est aimé.
    Elle est vraiment là, la thèse de la série : dans la façon dont le monde entier ne peut qu’être absorbé par la passion d’Alakh Pandey pour la science, et l’enseignement de la science. Mais pas pour nous la faire ressentir à notre tour, non ! Juste dans l’espoir que ça soit contagieux.

    Ce qui aurait pu donner un formidable conte moderne sur l’enseignement, ses difficultés, ses limites (d’où la création de la chaîne, et plus tard de l’app), devient finalement… une version enseignante de la pas du tout regrettée hagiographie Girlboss (cette dernière avait au moins l’excuse d’être co-produite par la personne sur laquelle la série portait). Avec moins de fringues et plus de bons sentiments.
    Alors, vous me direz, c’est la période des fêtes, les bons sentiments, c’est de saison. Et puis, si on ne voulait pas entendre parler de l’enseignement du point de vue de celles qui le produisent, on ne serait pas toutes en train de porter Abbott Elementary aux nues comme en ce moment. Est-ce que Physics Wallah pourrait faire mieux ? Oui. Est-ce que pour autant elle est dénuée d’intérêt ? Non. Elle se regarde agréablement, et offre, qui plus est, l’opportunité de se glisser dans un système scolaire que nous connaissons mal, ce qui est… une bonne opportunité d’apprendre.

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  • Same but different

    26 décembre 2022 à 23:54 • Review vers le futur •

    Il y a des traditions télévisuelles qui datent, et il y a celles qui se créent. Pour la troisième année consécutive, Netflix propose une saison de How to Ruin Christmas pour Noël, et…
    …Et, ma foi, la joie est en demi-teinte.

    C’est que, l’été dernier, on apprenait que l’actrice Busisiwe Lurayi, qui incarnait Tumi dans les deux premières saisons, avait trouvé la mort à l’âge de seulement 36 ans. Si vous avez vu les deux saisons précédentes, ou simplement lu leurs reviews (la première saison ici, puis la deuxième ici), vous savez l’importance à la fois du personnage de Tumi, et de l’interprétation lumineuse de Lurayi.
    De la même façon que je me sentais privilégiée de pouvoir regarder How to Ruin Christmas, je me sens privilégiée d’avoir pu découvrir Busi Lurayi à l’écran. Même si c’était pour m’effondrer en larmes en apprenant la nouvelle (avec un peu de retard, en plus, parce que c’est tombé pendant que je faisais une pause d’internet en juillet dernier), je suis contente d’avoir eu un aperçu de son travail, son aura, et sa beauté ; il y a encore quelques années il m’aurait été impossible de m’émerveiller devant cette actrice, et aujourd’hui elle me brise le cœur. J’aurais pu ne pas savoir qu’elle existe avant qu’elle parte ; alors que je considère que c’est une chance.

    Parlons donc de cette troisième saison de How to Ruin Christmas, puisqu’elle est là. Mais pas sans un pincement de cœur.

    Cela étant, mes prédictions étaient justes : cette année, pour Noël, les Sello et les Twala célèbrent effectivement l’arrivée d’un nouveau membre, le bébé tant espéré par Beauty et Sbu. Après la fausse-couche de la saison précédente, ça met du baume au cœur.
    Comme pour les années précédentes, How to Ruin Christmas combine des intrigues feuilletonnantes à une formule semi-anthologique, qui force les deux belles-familles à ne se retrouver que, contraintes et forcées, à l’occasion combinée de Noël et d’une fête plus spécifique, unique à la famille. La formule a fait ses preuves, et permet aux membres de la famille étendue de se confronter les unes aux autres, sans les empêcher d’évoluer chacune de leur côté entre deux saisons. Après un mariage et un enterrement, un événement en lien avec un bébé faisait sens. Si, comme je l’espère (et le pressens : la série s’est placée dans le Top10 de Netflix de plusieurs pays africains, ce mois-ci), elle revient pour une quatrième saison, les jalons sont d’ailleurs posés pour le prochain événement à célébrer ensemble.

    Depuis l’an passé, chaque unité de la famille a fait du chemin.
    Chez les Twala, pour commencer, on a trouvé la rédemption… financière. Grâce à l’aide de Sbu, les affaires de Vusi et Valencia se portent à nouveau au beau fixe ; quand la saison commence, Vusi ne parvient pas à s’empêcher, comme à son habitude, de se faire mousser dans les médias, cette fois à l’occasion de l’achat d’une loge de luxe en plein cœur de la nature. Apparemment Vusi s’est convaincu qu’étaler sa richesse de la sorte allait lui permettre de redevenir un membre influent du gouvernement, puisque par miracle il a conservé son poste de ministre ; mais dans cette nouvelle saison il s’avère tellement touchant que je promets qu’au moment du Grand Soir, on le mangera en dernier. En tout cas son succès, obtenu presque totalement grâce à Sbu, conduit Themba à se sentir inférieur. Il voudrait proposer des idées à son père mais n’est jamais entendu ; c’est d’autant difficile pour lui que, avec Lydia, il doit aussi souffrir la croissance extrêmement difficile du petit démon qui est né l’an dernier, Shaka. Ce gosse est, et j’exagère à peine, une fontaine à merde, et les parents sont épuisées, ce qui n’aide pas à s’affirmer devant Vusi.
    Chez les Sello, voilà maintenant que Dineo est à la retraite comme promis. Mais par un retournement assez habile des dynamiques, celle-ci, à force de fréquenter les Twala, commence à taper sur le système de son entourage à force de se prendre pour une grande dame (…ou, si on en croit ses proches, une Real Housewife). Pourtant Dineo, elle, est convaincue de n’avoir pas changé, d’être toujours le yin du yang des Twala, pieuse et honnête contrairement à ces riches escrocs. Grace, de son côté, commence à s’impatienter de vivre à travers les aventures des autres membres de sa famille, et s’de n’avoir pas eu de vie amoureuse depuis des lustres. Quant à Shadrack, comme d’habitude il joue toujours le comic relief, accompagné de son fidèle mouton Succulent.
    Au milieu de tout ça, Sbu et Beauty attendent donc, ENFIN, leur premier enfant. Le couple est sur-préparé à l’arrivée du bébé (dont elles ont convenu de garder la surprise du sexe biologique pour le moment de la naissance), ce qui sans aucun doute est une séquelle de la terrible fausse-couche affrontée l’an dernier ; mais en-dehors de ça, leur amour est au beau fixe.
    Quant à l’éléphant dans la pièce, c’est-à-dire le sort de Tumi, il est expliqué comme une simple absence : pour Noël, cette année, elle est partie en vacances en solo. Dans How to Ruin Christmas, c’est canon pour le moment : Tumi est résolument en vie. On assistera même brièvement à une conversation téléphonique « avec » elle. D’après ce que je comprends, la production de la saison était entamée quand Busi Lurayi est décédée, donc peut-être n’y a-t-il pas encore eu de réflexion sur la façon d’amener la disparition du personnage de Tumi, je ne sais pas. Elle ne peut certainement pas être absente indéfiniment, c’est déjà assez étonnant qu’elle ait zappé la naissance du premier enfant de sa sœur. Il ne faudra pas s’attendre à en savoir plus sur elle, si ce n’est qu’à son habitude, elle a décidé de n’en faire qu’à sa tête cette année.

    Pour cette troisième saison, How to Ruin Christmas ne bénéficie que de trois épisodes (c’est-à-dire un de moins qu’en saison deux, mais le même nombre que pendant sa saison inaugurale). C’est un peu bref pour qui, comme moi, serait prête à regarder la série pendant des dizaines d’heures si c’était possible, mais ça permet à la série, en tout cas, de ne pas s’embourber dans les péripéties. Et elles seront déjà pas mal nombreuses, croyez-moi, en particulier pendant le premier épisode qui sert autant de mise en place que de mise en jambes.
    C’est que, cette année, les festivités ont été planifiées pour éviter au maximum que les Sello et les Twala n’aient à passer trop de temps ensemble. Quelques jours avant Noël, Beauty (forcée par sa mère et sa belle-mère, bien que séparément) tiendra donc sa baby shower, avant que les deux familles ne se séparent et passent les jours suivants chacune de leur côté. Les Sello retournent dans leur maison, et les Twala partent pour la loge nouvellement acquise en plein milieu de la nature sauvage pour quelques jours d’oisiveté totale.
    Alors, comprenons-nous bien : quand je parle de loge, il s’agit plutôt d’un immense domaine dans la savane, avec un large ensemble de plusieurs pavillons de luxe, plus un spa privé et évidemment une piscine. Mais il y a aussi, pour qui voudrait vivre une grande aventure, des jeeps, de l’équipement de chasse, et un ranger à disposition. A ce stade c’est quasiment une micro-nation !
    Naturellement rien ne se passe comme prévu, et malgré une énorme dispute pendant la baby shower (qui, une fois de plus, pousse Beauty à s’enfuir de la fête… j’aime que How to Ruin Christmas reconnaisse que c’est devenu une habitude à ce stade), tout ce petit monde finit par se diriger vers la loge au lieu de passer les fêtes séparément. Il faut dire que la maison de Dineo est littéralement partie en fumée dans le premier épisode de la saison…

    Comme toujours, How to Ruin Christmas commence donc par nous faire crouler sous les informations, les bêtises, les cris et les problèmes. Et comme toujours, c’est dans sa résolution de tous ces conflits qu’elle brille.
    Personne ne sort grandi du premier épisode de cette nouvelle saison. Les deux mères, Dineo et Valencia, sont aussi insupportables l’une que l’autre (Dineo a un très intéressant complexe de supériorité que je trouve très rafraîchissant dans cette saison), ignorant les souhaits de Beauty et prenant souvent Sbu en sandwich dans leur altercations ou leurs plans. Themba lutte pour un peu de reconnaissance, impossible à obtenir et qui le fait apparaître plus piteux que jamais ; heureusement Lydia, même épuisée par leur fils (qu’elle va passer le plus clair de la saison à essayer de refiler à d’autres pour ne pas avoir à affronter sa légendaire production fécale), l’encourage comme elle peut, mais ça ne résout pas les problèmes d’estime. Grace est en chaleur, et n’arrive pas à conclure avec le ranger. Et surtout, surtout, il y a cette jeune femme, Zama, une influenceuse débarquée de nulle part qui embarrasse tout le monde à chaque événement familial où elle débarque…
    …Mais lentement, alors que les secrets se dévoilent, que les personnages s’affrontent, et que les émotions émergent, on se rassure : How to Ruin Christmas a conservé sa magie. Vulnérables, les protagonistes n’ont d’autre choix que d’apprendre l’humilité (un parcours nécessaire pour Dineo, mais aussi attendu de longue date pour Valencia ; l’actrice Charmaine Mtinta est d’ailleurs la MVP de la série cette saison). L’une après l’autre, les protagonistes de la série vont devoir dévoiler ce qu’elles ont fait de pire avant de trouver l’acceptation par les autres membres.

    Si bien qu’après trois épisodes menés tambour battant, How to Ruin Christmas continue d’être ce conte bouillonnant d’énergie sur ce que cela signifie que de faire famille, pas vraiment parce qu’on s’aime mais plutôt parce qu’on fait l’effort de s’aimer. C’est ce qui, chaque année, fait de cette série une réussite, cette capacité à parler du vivre ensemble (d’ailleurs, cette année, on peut ajouter un peu d’afrikaans à l’éventail déjà large de langues parlées dans la série) non pas parce qu’il va de soi, mais parce qu’il demande du travail, de l’écoute, de l’ouverture d’esprit… et d’ouvrir son cœur, aussi. Combien de bons moments cette famille ignorerait-elle si elle se montrait incapable d’affronter tous les mauvais ? Beaucoup, c’est sûr ! Et pour cause, on en arrive désormais au stade où les bons moments des saisons précédentes deviennent des anniversaires (celui du mariage de Sbu et Beauty ; celui, plus triste mais également évoqué notamment par le frère de Vusi, de la mort de Gogo Twala), donnant toujours plus de signification aux instants partagés.
    Dans How to Ruin Christmas, le happy ending (…temporaire), il n’est pas un dû : c’est une récompense pour avoir fait de la place pour toutes les membres de la famille, quels que soient leurs défauts, quelles que soient leurs souffrances.

    Même avec le vide laissé par Busi Lurayi (qui implique probablement que Tumi ne trouvera jamais vraiment sa rédemption, hélas), cette nouvelle saison de How to Ruin Christmas continue de me remplir de joie (sauf peut-être pour Succulent). Peu de choses sont aussi touchantes, par les temps qui courent, que cette étrange famille qui cherche à tout prix à s’entendre alors qu’elle a tant de mal à le faire. Mais qui, Noël après Noël, trouve quand même un moyen de faire un peu plus la paix avec qui ses membres sont.
    On devrait toutes ruiner nos Noëls de cette façon.


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  • Le long du grand Pacifique

    25 décembre 2022 à 23:58 • Telephage-o-thèque •

    Plus tôt cette année, j’ai flirté avec l’idée de peut-être regarder une saison (et plus si affinités ?) d’un primetime soap américain des années 70 ou 80. Il faut dire que j’ai dans ma timeline, sur Twitter, quelques ambassadeurs de cette cause très dédiés, qui parlent encore, dés lors que l’opportunité s’en présente, de ces séries qui pourtant ne font plus les gros titres (et à l’encontre de toute idée reçue, le masculin est ici nécessaire). Du coup, leur influence et une longue conversation nocturne en particulier, m’en avait donné l’idée, qui s’appuyait en outre sur une méconnaissance assez large de ces séries ; sur le papier, oui, en pratique, je n’en ai pas vu grand’chose. Cela me semblait être une lacune importante à combler.

    Résultat, avec mon hiatus de cette année, je n’ai eu le temps que de regarder des pilotes, hélas. Parlons donc de l’un d’entre eux, Knots Landing (diffusé en France sous le titre de Côte Ouest), spin-off de Dallas lancé en 1979 soit près d’un an et demi après la série-mère.

    Les chances que je regarde ce pilote étaient pourtant très peu élevées. Je n’ai pas pour habitude de regarder le spin-off d’une série sans être à jour sur celle qui lui a donné naissance, et je n’ai jamais vu la totalité de la première saison de Dallas… Un peu de lecture s’imposait donc, mais à ma grande surprise, le premier épisode de Knots Landing n’hésite pas à procéder à un rappel.
    Gary et Valene forment un couple marié heureux… mais ça n’a pas toujours été le cas. Elles n’étaient que des adolescentes lorsqu’elles se sont rencontrées, se sont mariées, ont eu une petite fille (Lucy Ewing), et ont été séparées, en grande partie à cause des Ewing. Tout cela appartient au passé, toutefois : Gary et Val ont pu se retrouver, se marier, et rêver à une vie ensemble à nouveau. Pour cela, le couple prend un nouveau départ, quittant le Texas pour la Californie ; dans ce premier épisode, les voilà à emménager dans une maison qui a été achetée (et meublée) par Ellie Ewing, logée dans un cul-de-sac d’une banlieue cossue. L’opportunité pour la série de s’intéresser aussi aux maisons du voisinage, Knots Landing étant un ensemble drama assez large.

    En fait, ce premier épisode va assez peu montrer les Ewing, au final. C’est dans la maison voisine, celle des Fairgate, que se déroule l’essentiel de l’intrigue. Annie, la fille de 18 ans de Sid (issue d’un premier mariage), est venue passer quinze jours en Californie, mais elle ne s’entend pas avec sa belle-mère Karen, qui il faut le dire est la seule à tenter de lui poser des limites. Annie est en effet incontrôlable, sexuellement active (…y compris dans le lit de Sid et Karen), et aggressive à la moindre occasion ; le premier épisode de Knots Landing tourne un peu à l’afterschool special, nous donnant l’occasion de comprendre que ce comportement est en fait la manifestation d’une crise intérieure, et incitant Annie à rester à Knots Landing pour la résoudre. De façon plus secondaire, deux autres foyers nous sont également présentés : les Avery et les Ward. Leur apparition est pour le moment totalement secondaire dans le cas des Avery (Richard Avery agissant comme une sorte de comic relief) ou accessoire à l’intrigue d’Annie dans le cas des Ward (la jeune fille a apparemment couché avec Kenny quelques jours plus tôt et Ginger n’en a aucune idée… pour le moment ?).
    Dans tout cela, l’attitude de Gary et Val vis-à-vis de leur arrivée en Californie est assez peu examinée. Pas absente, mais clairement ces deux personnages ne sont pas le focus de cet épisode. Gary, qui cherche un boulot (…personne ne présume un instant que ce sera le cas de Valene dans cette banlieue friquée des années 70), et qui veut absolument utiliser ce changement de décor pour un nouveau départ, manifeste un peu d’optimisme. Val, en revanche, s’avère craintive ; le chaos de la maison des Fairgate lui donne un « mauvais sentiment » quant à la totalité du quartier, et elle hésite même à rester dans le cul-de-sac (il lui en faut peu). Cela ne l’empêchera cependant pas, parce qu’elle a bon cœur, de se préoccuper du sort d’Annie et même de lui donner un coup de main vers la fin de l’épisode.

    Je ne sais pas pourquoi je m’attendais à ce que cet épisode introductif s’intéresse de façon un peu plus égale à toutes les maisons du quartier. Honnêtement je blâme mon visionnage du premier épisode de Neighbours, il y a quelques mois, qui avec une situation similaire offrait un traitement plus équilibré (petit aparté : saviez-vous que Neighbours a été sauvée de l’annulation ?). Si j’avais regardé le premier épisode de Knots Landing dés que j’en ai évoqué l’idée, au printemps, ma réaction aurait sûrement été différente, par exemple j’aurais imaginé que l’épisode se concentre uniquement sur Gary et Val… ce qui aurait également été erroné.
    Toutefois ce n’est pas une mauvaise idée, ce que fait Knots Landing ici : plutôt que de nous laisser nous accrocher aux Ewing comme une moule à son rocher, cette mise en place du spin-off nous invite à nous intéresser à une famille voisine, et immédiatement entre dans des choses assez denses plutôt que de rester en surface, ce qu’un épisode dédié à donner de la place à un peu tout le monde aurait sûrement risqué. Dans l’ensemble ça fonctionne, d’autant qu’encore une fois, Knots Landing ne délaisse pas son couple central ici (utilisant l’intrigue d’Annie pour habilement glisser des rappels à la backstory de Gary, avec son alcoolisme notamment, et Val, à travers son affection pour sa fille Lucy à peine plus âgée qu’Annie).
    Et de toute façon, les règles d’un premier épisode sont toujours un peu différentes pour un primetime soap qu’une série dramatique plus classique.


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  • LOVE again

    24 décembre 2022 à 23:43 • Review vers le futur •

    Le soir du 1er décembre, alors qu’elle est installée en bout de table avec ses neveux à peine capables de tenir une cuiller à soupe, et moins encore une conversation, Gianna réalise qu’elle va passer Noël en étant célibataire. Ce qui à la limite serait encore tolérable… si sa famille, et en particulier sa mère, n’insistait pas tant pour la voir en couple. Avec la pression (et l’impression de ne pas pouvoir exister autrement au sein de sa famille), le craquage est total, et en plein milieu du dîner familial, Gianna annonce qu’elle viendra au réveillon de Noël avec son petit ami.
    Bon, c’est juste qu’elle n’en a pas, de petit ami. Détail.
    A partir de là notre héroïne de romcom transalpine décide de tout faire pour sauver son réveillon du naufrage. Elle qui n’a pas eu de vie amoureuse depuis la fin de son histoire avec Francesco… il y a 3 ans. Dire qu’elle est un peu rouillée est en-dessous de la vérité, et il lui faudra pas mal de suggestions et de soutiens de ses amies pour se rem-…

    Attendez voir ? Oui, c’est bien ça : Netflix a trouvé le moyen de nous refiler la même camelote deux fois, puisque la série Odio Il Natale (ou I Hate Christmas de son titre international, une traduction littérale) est en fait une adaptation italienne de la dramédie norvégienne Hjem til Jul. J’ai regardé le premier épisode en espérant m’être trompée, en grande partie parce que j’ai encore des sueurs froides, la nuit, en faisant des cauchemars basés sur cette série (plus spécifiquement, dans ces cauchemars je regarde la saison 2 de Hjem til Jul… brrr, n’en parlons plus, ça me met déjà mal à l’aise rien que d’y penser). Et en partie parce que, quand même, Netflix, est-ce bien raisonnable ?

    Pour les besoins de ma vérification, et donc de cette review, je n’ai regardé que le premier épisode d’Odio Il Natale : la vie est suffisamment difficile sans s’infliger une série qu’on a détestée pour la SECONDE fois, juste pour le plaisir d’y assister dans une langue différente. Même mon masochisme a ses limites.
    C’est largement suffisant, vu ce que j’y ai découvert : Odio Il Natale, qui est une production de nos potes de chez Lux Vide, est un copier-coller assez simpliste. Il ne semble pas y avoir eu de réflexion sur le fond de notre affaire, par exemple : Gianna passe en un clin d’oeil de « je veux que ma famille me traite comme une adulte donc je vais ramener quelqu’un pour Noël » à « il me faut trouver l’amour avant Noël », sans l’ombre d’une explication même à elle-même. Moi, si je devais réécrire une série (ce qui évidemment n’est pas mon job donc interprétez-le comme vous le voulez) avec un plot hole de cette taille, je m’arrangerais pour au moins expliquer comment Gianna passe d’une notion à l’autre, ou bien plus prosaïquement j’arrêterais de lui faire dire qu’elle est parfaitement satisfaite de sa vie amoureuse. Ce sont des motivations largement différentes, et la motivation d’une protagoniste principale n’est quand même pas accessoire. Et puis cette nuance logée dans le « je me suis adulte mais je ne suis pas vue comme adulte », que la série met pourtant sur le tapis, n’est pas dénuée d’intérêt dramatique ! Mais non, dans Odio Il Natale, le travail n’a pas été fourni là-dessus, alors qu’il n’empiètrerait même pas vraiment sur le sujet de la série, seulement sur son intérêt envers la vie intérieure de sa protagoniste. C’était strictement le même problème que j’avais avec la mise en place de Hjem til Jul, mais apparemment on n’arrête pas une équipe qui perd.

    Il y a, cependant, quelques nuances entre les deux séries, et la preuve d’une réflexion d’adaptation qui a bel et bien eu lieu (plutôt qu’une bête traduction des scripts). Cela se limite exclusivement à incorporer des traditions de Noël italiennes plutôt que scandinaves, mais c’est mieux que rien, me direz-vous. C’est d’ailleurs ce qui, au début de l’épisode inaugural, alors que je cherchais encore à déceler des différences entre les deux séries, m’a induite en erreur : il ne s’agit, évidemment, pas d’un duplicata exact. Il est question d’aller chercher du houx dans la forêt, d’aller à l’église pour assister à une messe/chorale, d’installer la crèche avec le petit Jésus, ce genre de choses qui, si je me souviens bien (mais j’admets volontiers avoir eu recours à des pratiques d’hypnothérapie pour oublier un maximum de mon expérience devant Hjem til Jul ; on est bien d’accord que je suis assez endommagée comme ça sans avoir en plus à revivre ce traumatisme-là aussi), n’étaient pas présentes dans la série originale. Au plus, je me souviens d’un sapin de Noël, ce qui est autrement moins marqué en termes de traditions. C’est une mission tout-à-fait normale pour un remake international, naturellement, que d’adapter à la culture locale ; mais effectivement cela limite l’effet de redite… au moins en apparence.
    En outre, Odio Il Natale a décidé de flanquer Gianna de toute une bande de copines genre Sex & the City (enfin, tellement fades que ce serait plutôt Cashmere Mafia…), qui remplacent donc la colocataire de Johanne dans la série d’origine. C’est un choix qui pourrait être intéressant si ces personnages avaient la moindre épaisseur, mais comme les archétypes sont strictement les mêmes (il y a une amie qui annonce dés sa première apparition qu’elle est vierge à 30 ans, une autre qui fait sa Samantha en parlant cul, etc.), cette « innovation » s’avère rapidement n’avoir aucune sorte d’impact. Au final, Odio Il Natale ne sort pas grandie de ce changement, qui délivre quelques uns des pires clichés sur les femmes sans que cela n’ajoute quoi que ce soit à la série.

    D’une façon générale, Odio Il Natale a l’air d’adorer se vautrer dans l’expression du sexisme le plus primaire. Il y a même une scène ahurissante, dont je suis à 712% sûre qu’elle n’existait pas dans la version norvégienne parce que je pense que ça m’aurait marquée, pendant laquelle Gianna décide de rejoindre des cours de cuisine et s’entend dire par l’instructeur, dans une classe uniquement masculine, que seuls les hommes font de l’art culinaire. Pardon : fond de la CREATION (oui c’est vrai que les femmes ne créent rien, même pas la vie, punaise c’est Noël en plus, il est sorti d’un homme le petit Jésus ? faites un effort quand même). Alors bien-sûr, c’est une série de 2022, et une série de Netflix de 2022 qui plus est, alors à un moment Gianna a quand même un mouvement de recul devant le sexisme extrême de ces personnages. QUAND MÊME. Mais le reste du temps, personne dans la série ne semble tilter : ni elle, ni aucun autre personnage. La famille de Gianna, en particulier, parle de sa fertilité d’une façon débectante, et je ne me souvenais pas d’autant de violence dans la série d’origine. Est-ce qu’une série norvégienne oserait faire ça à son propre public ? J’ose en douter, j’ai peut-être tort. Mais mon professionnalisme s’arrête là où commence la nécessité de revoir Hjem til Jul pour vérifier.
    En même temps, je vais être honnête avec vous : je ne suis pas surprise. Et en particulier, je ne suis pas surprise que ce soit dans une série de Lux Vide qu’on trouve ces ingrédients, la société de production étant plus qu’habituée à une ligne éditoriale très conservatrice (…si vous n’avez pas cliqué sur le lien la première fois, voici une seconde chance de comprendre cette référence). Qui veut se dévouer pour vérifier que dans la version italienne, Gianna n’a pas d’expérience avec une femme, cette fois ? Je suis à peu près sûre que, vu la teneur d’Odio Il Natale, cet aspect a été écarté ou au moins gommé.
    En somme, il n’y a pas de hasard : une série qui au départ était très insuffisante a capté l’attention des personnes les moins bien intentionnées pour fourguer de la romcom plus sexiste que la moyenne (à un public largement présumé féminin).

    Ce serait oublier un peu vite la responsabilité de Netflix dans notre affaire. C’est la deuxième fois (au moins ?) que la plateforme décide de fourguer un remake d’une de ses propres séries à son public. Et la deuxième fois pour une série dont la thématique est Noël, d’ailleurs, je me demande si ça a un rapport ? Pour sa défense, au moins cette fois-ci elle a diffusé le remake après la série originale, au moins !
    C’est ça, le business model de Netflix maintenant ? Proposer des remakes de ses propres séries moins de deux ans après leur arrêt ? C’est une pratique de monétisation qui vaut le coup, d’ailleurs ? Je veux des chiffres, qu’on m’explique la logique. D’autant que Hjem til Jul avait plutôt bien marché (suffisamment pour obtenir une seconde saison, en tout cas), donc l’intérêt de commander un remake plutôt que poursuivre la série d’origine me questionne légèrement, même si je sais aussi que Netflix a développé une allergie considérable aux séries de plusieurs saisons. Peut-être que c’est rentable de produire deux séries à partir de la même propriété intellectuelle ; bon, même si de toute évidence il faut quand même procéder à un travail d’adaptation. Alors du coup, pourquoi l’Italie, d’ailleurs ? Est-ce que Netflix a découvert que c’était un marché qui pouvait apprécier l’histoire de la série norvégienne, mais pas les spécificités de son contenu ? Est-ce que les aides à la création font que c’est un bon endroit pour produire une série à peu de frais ? Je n’ose croire que l’idée vienne de Lux Vide, je vois encore moins de raisons pour une société de production (plus encore de cette envergure) de pitcher un remake à Netflix d’une de ses propres séries… Honnêtement je ne sais pas ce qui peut motiver pareille décision. C’est forcément, au moins en partie, financier ; mais de quelle façon ?
    Autant de réponses que je n’aurais probablement jamais. La plupart des articles que je trouve prenant la peine de mentionner qu’il s’agit d’un remake ne dépassent pas l’amusement léger (« et devinez quoi, c’est un remake de cette série qu’on avait aimée ya deux ou trois ans ! sympa pour les fêtes ! »). Peut-être que j’ai mal cherché. Peut-être que ça n’existe vraiment pas. Peut-être que je suis de mauvaise humeur. Vous ne pouvez rien prouver.


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  • L’emoji qui tue

    22 décembre 2022 à 22:59 • Review vers le futur •

    Tout est allé très vite. Il était juste en retard de quelques minutes. Elle est sortie de ses cours de piano juste un peu plus tôt que d’habitude. Il aurait suffit de trois fois rien pour qu’elle monte dans sa voiture et rentre à la maison avec lui, saine et sauve.
    Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.

    Trigger warning : viol d’une mineure.

    Le thriller turc Ben Gri fait partie de ce nombre grandissant de séries turques avec une durée très courte (courte pour la Turquie, en tout cas), qui émergent grâce ou à cause des plateformes de streaming internationales. Mais que voulez-vous, il y a des priorités dans la vie, et elles sont plus soucieuses de leurs standards américanisants que de l’industrie de la télévision des marchés où elles essaient de s’implanter. Ben Gri a tout, sur le papier, d’un thriller un peu banal… alors c’est une bonne surprise quand la série s’avère posséder un twist high concept.

    Fuat Akıncı est un brillant avocat qui jouit, outre d’une bonne réputation professionnelle, d’une petite célébrité. Dans la première scène de la série, il est en effet invité d’une émission de débats, et le sujet du jour tourne autour d’un projet de réforme qui conduirait à alourdir les peines pour les criminels. Fuat, si vous vous posez la question, n’est pas pour : il pense que ce n’est pas aux victimes ou familles de victimes de décider de la lourdeur d’une peine. C’est un système visant à établir la Justice, pas à être un simple outil de vengeance.
    Naturellement cette position va durer ce que durent les roses, vu la tournure des événements dans le reste du premier épisode.

    Selin, la fille unique de Fuat, disparait donc le lendemain de son anniversaire, et s’en suivent quelques heures de panique pendant lesquelles c’est l’homme et non l’avocat qui traverse la ville à sa recherche. Avant d’être joint sur son téléphone par la police : Selin est à l’hôpital.
    Je passe sur ce qui constitue environ 90% de l’épisode, parce qu’on a vu ces scènes, à quelques nuances près, 712 fois déjà. Ben Gri essaye bien de nous donner deux autres intrigues, très secondaires (l’une sur le partenaire de Fuat au cabinet, qui a l’air d’avoir un secret mystérieux ; l’autre sur une cliente qui se présente pour une affaire de garde avec un ex violent), mais on sait très bien que ce n’est pas ce pour quoi on est là. Ou au moins pas tout de suite : la suspicion, ce sera pour plus tard. Non, Ben Gri veut établir la normalité de cet homme, sa gentillesse, son humour, sa justesse, son sens de la famille.

    Ce n’est qu’après être sorti des couloirs de l’hôpital, pensant qu’aller sur les lieux où Selin a été retrouvée pourrait l’aider, sinon à comprendre ce qui s’est passé, au moins à lui passer les nerfs sur le moment, que se produit le véritable hook de Ben Gri.
    Le téléphone de notre homme semble piraté, et de mystérieux messages envahissent son écran. Quelqu’un prétend avoir kidnappé le coupable du viol. Les preuves qu’il s’agit bien du coupable. Et les moyens d’en faire ce qu’on veut… Alors, précisément : que veut Fuat ? La question de la moralité se pose rapidement, d’autant plus rapidement que Fuat n’a que 45 secondes pour prendre sa décision.

    Cet exercice de pensée (« tout le monde veut être juste, et puis un jour ça vous touche personnellement ») n’est, sur le fond, pas follement original (surtout qu’une ado a une fois de plus été placée dans un frigo), et idéologiquement très teinté. Mais ce twist fonctionne malgré tout.
    Parce qu’il y a tout un esthétisme autour, une espèce de mise en scène par la personne derrière le fameux smiley (je ne pense pas que ce soit Red John, enfin, jaune pour le coup) allant au-delà de la mise en scène de la série, un sorte de transposition dans un univers différent qui fait qu’on accroche : subitement, on est dans le monde de Yellow John, et non l’inverse. On a perdu le contrôle, exactement comme Fuat. Et c’est formidablement envoûtant (d’autant que Timuçin Esen est épatant, en plus). Résultat, une série de plus sur ma liste de fin d’année. Mais au moins, elle courte.
    Merde.


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  • Compromis

    18 décembre 2022 à 21:54 • Telephage-o-thèque •

    C’est en bossant sur ma review de Brokat (publiée hier) que j’ai réalisé que je n’avais pas encore vu Minx, une série américaine se déroulant également pendant les années 70 et ayant un sujet qui, sur le papier, pouvait sembler similaire. Lancée au printemps par HBO Max, la série promettait en effet de parler d’émancipation féminine par le prisme du rapport à la sexualité (et, ici, de la nudité en particulier, puisque la série se déroule au sein de la rédaction d’un magazine proposant une page centrale érotique).
    Voilà bien quelque chose qui m’ennuie quand j’écris une review : m’apercevoir que je n’ai pas tous les éléments de comparaison nécessaires pour en parler. Alors même si la review de Brokat était déjà publiée, j’ai regardé le premier épisode de Minx… essentiellement pour vérifier que mon absence de visionnage de la série n’avait pas causé trop de dommages.

    Sans vouloir vous spoiler, je me suis surtout et avant toute chose aperçue que j’étais passée à côté d’une série bien sympa.

    Joyce Prigger est une militante de la Deuxième Vague qui n’en peut plus de peaufiner ce qu’elle considère être le projet de toute une vie : mettre sur pied The Matriarchy Awakens, un magazine féministe rempli d’articles sur le patriarcat, la lutte pour l’égalité des genres, et l’oppression des femmes y compris sexuelle. Oui j’ai peu ou prou dit trois fois la même chose, mais Joyce est tellement focalisée sur son idée, élaborée avec assiduité au fil des années, que rien d’autre n’existe pour elle. Au point, dans le premier épisode, que lorsque son fiancé lui donne un ultimatum entre son projet de magazine ou leur relation, elle choisit The Matriarchy Awakens, sans même sourciller. Le problème c’est que ce n’est pas un projet extrêmement vendeur.
    Dans les années 70, l’industrie du magazine se porte à la fois bien et mal : la perte d’une partie des revenus générés par les annonceurs (ceux-ci se tournant vers la télévision) pousse les maisons d’édition à chercher non plus à publier de titres largement rassembleurs, mais plutôt à s’adresser à une foule de petites niches d’audience. Moins de tirages, mais un public plus ciblé. Dans cette ruée vers l’or, les choses devraient se prêter à un avènement, enfin, de The Matriarchy Awakens, mais manque de chance il faut aussi prendre en compte le fait que les maisons d’éditions sont dirigées par des hommes pas du tout féministes, et que leur idée d’un magazine pour femmes reste majoritairement de proposer des conseils beauté et des idées pour trouver et faire durer l’amour. Les revendications politiques donc Joyce veut que son magazine soit le porte-parole n’intéressent pas ces hommes, quasiment par définition ; The Matriarchy Awakens ne parvient pas à profiter du boom de l’industrie.

    Et pourtant, elle trouve quelqu’un qui lui propose, de lui-même, de financer quelques numéros à titre de banc d’essai. Doug Renetti n’attend pas qu’elle lui pitche son idée, il montre de l’intérêt de lui-même, et ce alors qu’elle ne le prend pas au sérieux d’emblée. Il faut dire qu’outre son allure plus que décontractée et son franc-parler déroutant, Doug est surtout l’éditeur de plusieurs magazines érotiques (avec un goût prononcé pour l’allitération : Naughty Knockers, Secretary Secrets, Chesty Chicanas, Ladies of Leather, ou encore Milky Moms…). Cela n’impressionne pas notre féministe, naturellement. Mais plus l’épisode passe, plus il faut bien se rendre à l’évidence : il est le seul à manifester de l’enthousiasme. Même si, bon, il pense qu’on peut encore affiner le projet. Joyce finit donc par accepter sa proposition et rejoint Bottom Dollar Publications, où Doug lui constitue immédiatement une petite équipe. Il y a d’abord et avant tout Tina, son assistante de longue date, et la seule femme noire de l’équipe ; Richie, le styliste gay qui pourtant officiera comme photographe ; et Bambi, ancienne mannequin du magazine qui est en charge de la ligne éditoriale sur un plan visuel.
    Pourquoi visuel ? Parce que l’idée de Doug, c’est d’inclure une page centrale avec un homme à poil dans chaque numéro ! Naturellement Joyce s’oppose à l’idée (elle trouve que ça diminue l’impact de son discours dans les autres pages du magazine), mais elle n’a pas vraiment d’autre option, d’autant que Doug est, derrière son attitude débonnaire, quelqu’un qui sait se montrer convaincant quitte à pousser. D’ailleurs c’est ce qui explique que Richie travaille comme photographe (il est gay et le seul photographe employé par Bottom Dollar Publications à accepter de prendre des bites en photo), ou que Bambi soit qualifiée pour choisir les photos.

    Le premier épisode de Minx est d’une efficacité redoutable dans son déroulé. La série parvient à exécuter son exposition sans un seul temps mort, à introduire des nouveaux personnages fréquemment (la sœur de Joyce, par exemple, une mère au foyer plus traditionnelle mais à l’écoute) sans perdre le fil, à poser des personnages relativement nuancés… Bon, ironiquement, Joyce est l’héroïne principale mais sûrement la moins complexe de toute la distribution. Minx nous présente une féministe un peu psycho-rigide comme la télévision nous en a fourni pas mal au fil des décennies, mais elle le fait avec la promesse de ne pas en faire un éternel éteignoir, en tout cas.
    Car oui, dés cette première demi-heure de la série, on va déjà voir se réaliser (en partie) la promesse d’un peu de character development : Joyce s’ouvre à la possibilité de la nudité masculine comme outil de libération féminine (et se décoince légèrement au passage). J’ai également été très impressionnée par le personnage de Bambi, qui, initialement présentée comme une bimbo blonde, s’avère être une éponge à savoir, et même à théories féministes, qu’elle fait immédiatement sienne. Quant à la relation entre Joyce et Doug, déjà, elle donne les signes d’un échange culturel entre deux mondes parfaitement prometteur, même si je suspecte aussi un enjeu amoureux de se tramer quelque part dans leurs nombreuses prises de bec (…et ça m’agace un peu que Doug soit toujours présenté comme celui qui a raison pour le moment).
    Rien qu’au vu de ce premier épisode, je ne suis pas surprise que Minx ait rapidement obtenu une deuxième saison… mais d’ores et déjà ulcérée que cette saison ait déjà été annulée. Rapport au fait que chez HBO Max c’est la ligne éditoriale, maintenant, d’annuler des séries même quand elles marchent bien.

    Au moins, j’ai le reste de la première saison à découvrir. Ce qui me laisse la possibilité de profiter du fait qu’en-dehors de quelques éléments (l’époque, la libération sexuelle…), Minx n’a, fort heureusement, pas grand’chose en commun avec Brokat. Sur la forme, sa réalisation est moins poussée, mais aussi moins alambiquée ; en outre elle embrasse pleinement son côté dramédique (là où Paper Giants se prenait très au sérieux).
    Et si vous m’avez lue hier, vous savez que c’est, finalement, une bonne nouvelle pour Minx… et pour ma review.


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  • Tout ce qui brille

    17 décembre 2022 à 22:58 • Review vers le futur •

    C’est peut-être juste moi, mais j’ai l’impression de ne pas avoir accès à beaucoup de séries historiques polonaises (et de l’ancien bloc de l’Est, d’ailleurs), en particulier si l’on sort de la Seconde Guerre mondiale au, au mieux, l’après-Guerre. Ces séries existent mais elle voyagent peu, et c’est donc non sans curiosité que j’ai attaqué Brokat, la nouvelle production polonaise de Netflix.

    Trigger warning : tentative de viol.

    Il s’agit d’une fiction assez courte (10 épisodes, certes, mais de seulement une demi-heure environ) qui se déroule à Sopot, une ville balnéaire de la côte baltique, dans les années 70. On y suit trois femmes qui y exercent, dans des configurations variables, le travail du sexe ; théoriquement on est en pleine libération féminine, mais Brokat n’est pas tout-à-fait convaincue par cette liberté.

    C’est le premier jour d’un été qui s’annonce moite, et lucratif, alors que la riche clientèle des lieux touristiques de la ville n’attend que de claquer son pognon dans tous les plaisirs possibles. Comme se plaît à l’établir le premier épisode, Brokat se déroule à une période pendant laquelle le salaire moyen en Pologne est de 4000 złoty (soit 30 dollars américains, nous assure-t-on avec la parfaite conscience que Brokat sera consommée internationalement)… ce qui est le prix d’une seule passe dans un hôtel de luxe de la côte, avec une escort girl. L’implication semble être que les travailleuses du sexe gagnent formidablement bien leur vie pour l’époque, sauf que cette manne financière a un prix.
    Trois femmes vivent à Sopot et constituent le trio principal de la série : Helena, une femme qui approche vraisemblablement de la quarantaine ; Pola, une jeune mère célibataire ; et Marysia, tout juste sortie de l’adolescence. Toutes les trois ont des trajectoires très différentes, et négocient leur indépendance selon différents facteurs. Car c’est surtout d’indépendance et de choix que Brokat veut nous parler, et de la façon dont la prostitution à la fois ouvre des possibilités, et ne résout pas tout.

    Pour Helena par exemple, la prostitution ce n’est pas simplement trouver des clients au bar de l’hôtel où elle a ses habitudes, mais plutôt travailler avec des agents du Renseignement qui lui confient des cibles à amener dans une chambre d’hôtel placée sous surveillance, pour pouvoir prendre des photos compromettantes. Le partenariat de longue date entre Helena et Adam, le responsable de cette opération, ne date pas d’hier ; au fil des années Helena a réussi à la fois à améliorer considérablement son train de vie, à s’épanouir sexuellement, et à établir une relation professionnelle qui lui permette de refuser n’importe quel client si elle le souhaite, un privilège dans sa profession. Arrivée à ce stade de sa vie, Helena est donc parvenue à obtenir une certaine indépendance… mais celle-ci est un peu relative, car elle dépend aussi de la relation qu’elle entretien à Adam, dont tout le monde (sauf elle ?) semble avoir remarqué qu’il se consume pour elle. S’il lui arrive de recevoir Adam dans son large appartement avec vue, elle n’a pas encore tout-à-fait pris la mesure de ce qui se passerait si elle le refusait, lui. Or, Adam est sur le point de lui confier une cible qui va tout changer : un journaliste franco-algérien pour Libération, Thomas/Tomas, en séjour à Sopot et qu’il a pour instruction de placer sous surveillance. Problème : Helena tombe rapidement sous son charme. Elle a beau essayer d’éviter le pire (le pire étant catching feelings), notamment en couchant avec un étudiant naïf du nom de Staszek, rien n’y fait.

    De son côté, Pola ne choisit pas ses clients ; on comprend assez progressivement (mais pas tout de suite à quel point) qu’elle n’a pas non plus choisi la prostitution dans son ensemble. Elle est une amie de Helena, mais elle ne travaille pas avec les Renseignements, et à ce titre, elle se sent régulièrement plus contrainte de choisir les clients selon ce qu’ils payeront. D’autant que Pola, qui vit avec sa mère (une femme qui la juge très sévèrement), a aussi un petit garçon à charge, et qu’elle ne peut pas faire absolument tout ce qu’elle veut. Mais lorsque commence Brokat, on découvre que c’est une femme très proactive : elle a décidé de lancer sa propre marque de shampooings, qu’elle vend elle-même (notamment dans les salons de coiffure), et espère faire prospérer son business jusqu’à pouvoir arrêter de coucher avec des hommes. Pas juste coucher avec eux pour l’argent, mais coucher tout court, d’ailleurs. Malheureusement ce joli plan de bataille vole en éclats lorsqu’un fonctionnaire commence à lui faire du chantage, lui retirant sa licence commerciale… et demande des faveurs sexuelles en échange. Pola est la plus furieuse des protagonistes, écœurée par les hommes et la façon dont ils ont tant de pouvoir sur sa vie, presque toujours employé pour lui causer du tort. Mais elle est aussi la plus entreprenante, et elle va découvrir l’existence de Karmen, une riche veuve qui passe l’été à l’hôtel, et qui pourrait devenir une partenaire en affaires.

    Et puis, il y a Marysia, une femme-enfant effrontée que Brokat nous présente essentiellement pour le plaisir des yeux. Son intrigue est très légère : la jeune femme, qui n’a commencé que récemment à se prostituer, fait la rencontre de Jurek, un beau jeune homme qui a de l’argent à dépenser. Elle commence à entretenir une aventure avec lui, qui lui permet à la fois de vivre le style de vie qui la fait rêver, et de gagner de l’argent tout en ayant un complice avec lequel faire les 400 coups. C’est, toutefois, sans se rendre compte que Jurek a des intentions bien particulières.

    Brokat entremêle ces destins avec pour soucis principale une érotisations permanente de tout ce qu’il s’y déroule. Tout est prétexte à des ralentis, des gros plans, des soupirs. Il y a une constante : toutes les femmes veulent être libres (certaines, comme Karmen, le sont déjà, mais d’elle on saura finalement très peu), tous les hommes veulent baiser (sauf Bogdan, mais il est gay alors il n’y a rien d’autre à faire que lui donner une intrigue secondaire différente). Ils sont absolument incapables d’avoir une autre motivation, même quand sur le papier ils devraient. La simple vue de l’une ou l’autre de ces femmes les met en transe et éclipse tout le reste… et, ma foi, Brokat regarde ces femmes comme les hommes de la série regardent ces femmes. Apparemment une grande partie de l’équipe de la série est féminine, y compris du côté des réalisatrices, mais le male gaze n’en est pas moins omniprésent. Helena, Pola et Marysia sont des objets de désir avant toute autre chose ; et la camera ne se lasse jamais d’arpenter leur moindre centimètre carré de peau.
    C’est l’une des raisons pour lesquelles la série n’arrive jamais à totalement faire mouche, l’autre étant que Brokat est tellement convaincue de se dérouler dans les années 70… qu’elle en adopté la consommation de stupéfiants pour s’égarer régulièrement dans des plans abstraits, régulièrement incompréhensibles, et parfois carrément contreproductifs. Tout d’un coup un personnage se perd dans la kaleidoscope, ou des méduses luminescentes entourent quelqu’un qui se noie, et c’est supposé être très profond mais bonne chance pour en comprendre le sens. Et du sens, ça ne ferait pas de mal à Brokat d’en avoir, étant donné que souvent les décisions de ses personnages paraissent, non pas impulsives, mais juste sorties de nulle part. C’est comme si la série voulait à la fois rester à la surface des choses et donner dans le symbolique, et il s’avère qu’on ne peut pas servir deux maîtresses.

    Et pourtant, c’est infiniment regrettable parce que Brokat a aussi énormément de potentiel pour avoir des choses à dire sur le fond. La période qu’elle s’est choisie est passionnante, et les épisodes ont parfois de soudaines prises de conscience de la richesse thématique des années 70.
    La Pologne teste les limites du communisme ; cet été à Sodot ne trompe personne : hors quelques semaines de l’année baignées de soleil, de champagne et de vices, la vie est dure. Le système bat de l’aile, entre crise économique (les prix augmentent, on fait la queue pour acheter du sucre, etc.) et corruption galopante. Au sommet, on est conscient de cette lente descente du système ; de fait, le contrôle est renforcé et rend le système encore plus étouffant. Plusieurs protagonistes se surprendront à mentionner le fait qu’une ère approche de la fin, et pour beaucoup, ça ne peut pas arriver trop vite. Et puis, la vie balnéaire de Sodot, avec les devises étrangères des riches touristes (les affaires se font en dollar sur la côte, pendant l’été), a pu goûter un peu de capitalisme, et comme à Pola, cet autre système semble promettre la liberté. Ce n’est, naturellement, pas aussi simple, mais Brokat a tout à la fois envie de le dire, et pas envie de l’explorer.
    D’une façon générale son discours sur l’indépendance et la liberté de choix reste limité. La série est trop absorbée par sa quête d’une sensualité omniprésente, et son inventaire de tétons (certes gracieusement filmés) pour vraiment s’attarder sur les sujets qu’elle-même soulève. C’est extrêmement dommage et, si par quelque miracle, la série devait obtenir une deuxième saison, je ne suis même pas certaine qu’elle corrigerait ce travers : l’un est beaucoup plus amusant que l’autre.

    Mais peut-être que c’est injuste de la condamner pour ça. Pour autant que je puisse voir, il n’y en a pas tant que ça, des séries polonaises ayant la capacité à parler de frémissements de peau. Sans aller jusqu’à dire que Netflix est ce qu’il y a de plus libéré sur les écrans polonais, il faut bien admettre qu’entre Sexify, Brokat, et dans un registre différent, Królowa… ma foi, les équivalents à la télévision traditionnelle ne se bousculent pas. Lorsqu’on replace les choses dans le contexte d’une télévision plutôt conservatrice, encore une fois (c’était le même problème dans ma review de Królowa), ça n’est pas rien que de pouvoir raconter cette histoire de cette façon précise. Mais, de la même façon que l’introduction de Brokat savait pertinemment qu’elle devrait pouvoir faire sens à un public international, le reste de l’intrigue a aussi ce devoir. Et à la lumière des dizaines ou plutôt centaines de séries montrant des femmes s’envoyer en l’air de façon (plus ou moins) libre, Brokat n’a vraiment rien inventé, faute d’accepter d’aller au fond de son sujet.


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