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  • Tromperie

    31 juillet 2022 à 20:34 • Telephage-o-thèque •

    La review du jour est une histoire de déception. Pour ma défense, cette déception découle d’une tromperie : la série dont il s’agit ici m’avait été vendue, tour-à-tour, comme un drama, comme une série d’action, comme un thriller, comme un legal drama…
    …Et en fait c’est une série policière.

    Comme vous le savez, j’évite désormais de parler de séries policières dans leur grande majorité, mais je tenais à faire une exception pour celle-ci, car il s’avère aussi que Jibril est une série malaisienne, et que ce n’est pas tous les jours que je tombe sur une série policière malaisienne. Mais le ton est donné.

    La série suit le capitaine Jonathan Tuah Merawi ou juste John, un officier de la Pasukan Khas Teknologi Polis (ou PASTEK…), un service de police nouvellement créé pour enquêter sur les crimes en lien avec les nouvelles technologies. Avec à sa tête l’inspectrice Kim (mais qui se fait appeler « Aunty » par ses subordonnées), ce n’est pas une organisation très large, mais qui s’avère particulièrement importante à deux mois de la MINND (la « Machine Intelligence Neutral Network Design conference« ), un événement de portée internationale qui doit se tenir en Malaisie, donnant devrait donner le signal de l’entrée du pays dans une nouvelle ère technologique. Au début de ce premier épisode, la PASTEK vient par exemple de saisir de nombreux drones illégalement entrés dans le pays. Dans la review qui suit, chaque vous que vous verrez le mot PASTEK, vous pouvez sans vous tromper imaginer que je suis en train de pouffer comme une gamine derrière mon clavier ; apparemment c’est un hasard total, et le mot « pastèque » ne se dit même pas comme ça en malais.
    L’intrigue démarre lorsque le président de LAKUNA, une compagnie spécialisée dans l’intelligence artificielle, l’homme d’affaires Nasir Fattah, est assassiné dans son bureau. Trois balles ont été tirées : deux en guise d’avertissement, à côté de lui, et une troisième en plein front. Sur place, force est de constater pourtant que le bureau n’a pas de vis-à-vis direct, et que le bâtiment le plus proche, est situé à un kilomètre de là, et à un angle rendant le tir impossible. La PASTEK soupçonne immédiatement l’usage d’un drone.
    Mais, l’affaire étant sensible, le capitaine John demande l’autorisation de faire appelle à un consultant, l’avocat Jibril Azym.

    La série nous le présente (et c’est là que c’est traitre) dans un prétoire, où il a été engagé sur une affaire de contrefaçon. Il défend un homme accusé par un fabricant de parfums d’avoir tenté de vendre un produit rigoureusement identique au sien ; Jibril s’apprête à poser des questions à une témoin, la chimiste Mme Yap, ancienne employée du fabricant de parfums. Sauf que les questions sont en fait en train de faire apparaître quelque chose qu’il semble avoir compris il y a un moment, mais qu’il révèle par paliers à la cour : l’accusation et la défense travaillent ensemble à créer un procès bidon qui serve d’excuse à soutirer à Mme Yap un échantillon d’un parfum qu’elle a créé, maintenant qu’elle travaille à son propre compte. L’espionnage industriel n’est pas là où on le croit ! L’affaire semble tirée par les cheveux (un faux procès juste pour voler un récipient ?!), mais le juge ne peut qu’admettre que tout concorde, et va dans le sens de Jibril. J’en conclus qu’en Malaisie, il n’y a pas de problème déontologique à se retourner contre son client.
    Bref, c’est très impressionnant (quand bien même ça sent un peu le deus ex machina, mais pour une scène d’introduction, on pardonnera), et donne le ton : Jibril Azym est un homme observateur, intelligent, et capable de comprendre le pire des coups tordus. Dont acte.

    Sauf que la scène est trompeuse, puisque c’est la première et dernière fois de l’épisode que Jibril va faire le travail d’un avocat. Pendant tout le reste de cet épisode introductif de Jibril, le personnage éponyme va servir de consultant à la PASTEK, comme on a vu des tonnes de consultants avant lui. Avec son air hautain, son assurance méprisante, et sa manie de ne pas expliquer son processus de pensée (on n’en aura un échantillon que dans les toutes dernières minutes de l’épisode), Jibril n’est pas exactement le genre de type qu’on a envie de suivre dans une enquête, et moins encore une enquête feuilletonnante. Car il faut noter que Jibril n’est pas un procedural drama : à la fin de l’épisode, on est loin d’avoir résolu l’affaire. En tout cas, nous on ne l’a pas résolue… mais Jibril a l’air convaincu qu’aucun drone n’a été utilisé ici, sans nous dire pourquoi, ou comment une balle aurait pu exécuter une trajectoire courbe de plus d’un kilomètre. Comme ça se trouve, pour lui, l’enquête est finie, il est juste là pour encaisser sa commission (après tout il a fourni au capitaine John une liste de ses tarifs dés le premier jour).

    Comparée à beaucoup de séries malaisiennes (mais pas toutes, il faut le noter), Jibril a une jolie cinématographie ; un effort a vraisemblablement été fait du côté de la réalisation sur un plan visuel… mais sur d’autres plans, c’est plus inégal. Les dialogues ne sont pas géniaux, et sont qui plus est alourdis par un gros problème de rythme, avec plein de blancs qui ne sont pas des silences dramatiques, mais juste de silences que le montage aurait aisément pu résoudre. La quasi-absence de musique (hors quelques passages-clés) ne fait qu’en renforcer la lourdeur. Le cast est globalement plutôt bon, mais pas toujours bien dirigé, et dans certaines scènes c’est, là encore, un peu gênant.
    Une série comme Jibril est une réponse implicite intéressante à une question qui s’est longtemps posée dans plusieurs pays, notamment d’Asie du Sud-Est, dont l’industrie télévisuelle n’est pas financièrement riche. La qualité de ces séries, pensait-on, serait améliorée d’un coup d’un seul avec de l’argent ! Sauf qu’avec Jibril, on voit bien que c’est plus compliqué. Pour commencer, la qualité, c’est relatif : si on veut appliquer les critères d’une série étasunienne par exemple, oui, effectivement, la comparaison ne sera pas à son avantage. Mais dans le fond, peut-être que les spectatrices malaisiennes, elles aiment ça, les silences, ou qu’à tout le moins, pour elles, ce n’est pas un inconvénient. Plus largement, on ne peut pas simplement investir dans la fiction d’un pays, comme le fait la plateforme Viu ici (Jibril faisait partie, avec The Bridge et Salon, de sa première commande de séries originales malaisiennes), et penser que ça change tout. Il y a le savoir-faire des professionnelles de cette industrie, la culture télévisuelle locale, et toutes sortes de paramètres qui continuent d’entrer en compte.

    Enfin bon, il n’empêche que contrairement à ce qu’on m’aura laissé croire, Jibril n’est ni un drama, ni une série d’action, ni un thriller, ni un legal drama… Et si comme moi, vous êtes déçue, je vous ai glissé trois reviews de véritables legal dramas pour compenser.


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  • Forever young

    30 juillet 2022 à 18:23 • Review vers le futur •

    Ces dernières années, les biopics hispanophones n’ont pas manqué : captivées par le destin de quelques unes des plus grandes célébrités du continent, les spectatrices ont pu voir Luis Miguel, La Guzmán, Selena, El Último Rey… Vous constaterez qu’il s’agit souvent de personnalités musicales très connues, ce qui explique en grande partie le succès de ces séries.
    En tout cas, se pencher sur la vie de personnes célèbres, ce n’est pas rare… en revanche, sur leur mort, c’est beaucoup plus rare. C’est pourtant ce que fait Santa Evita, une biographie argentine récemment lancée par Star+. Ou plutôt devrais-je parler de nécrographie ?

    Car il n’est pas ici question de raconter ce qu’a fait Eva Perón de son vivant (les flashbacks incluant son interprète sont au contraire plutôt rares), mais de raconter ce qui s’est passé après le 26 juillet 1952, date de son décès.

    Sur la décision de son mari, le Président Juan Perón (et contre l’avis de sa famille, notamment sa mère Juana Ibarguren), son corps est immédiatement embaumé par le docteur Pedro Ara, un spécialiste. A l’issue des funérailles nationales, pendant lesquelles elle est exposée devant tout le pays, des préparations sont faites pour l’installer dans un cercueil qui sera, à terme, exposé dans un monument à la gloire des travailleurs, qui n’existe pas encore. Dans l’intervalle, sa dépouille repose donc au siège de la CGT, auprès de laquelle Eva avait été active. Ara continue de s’occuper de son corps, travaillant à améliorer sa préservation au fil des ans.
    Comment on fait une série de 7 longs épisodes sur ce genre de choses ? Eh bien, l’Histoire ne s’arrête pas là. Basée sur un livre éponyme publié en 1995, la série a d’autres événements à relater. Le monument n’est en effet jamais érigé, Juan Perón étant renversé par un coup d’État en 1955. L’ancien Président fuit le pays avec l’aide du Paraguay, puis s’exile en Espagne, sans avoir la possibilité de protéger le cadavre d’Evita, resté à la CGT. Or, craignant l’aspect hautement symbolique de celui-ci, les autorités militaires décident de le faire disparaître. De fait, la série s’intéresse à l’enquête du journaliste Mariano Vázquez, en 1971, qui reçoit une information inédite : on aurait retrouvé la dépouille d’Eva Perón, qui pourraient même être restituée.
    Où s’était donc trouvée Evita pendant ces 16 années, et… s’agit-il réellement d’elle ?

    Des séries sur la mort, il y en a pas mal ; mais ce sont essentiellement des série sur le deuil que l’on fait d’autrui, voire, à la grande limite, des séries où une à plusieurs protagonistes composent avec leur mortalité plus ou moins imminente. En revanche, des séries s’intéressant à ce qui nous arrive dans les années qui suivent notre mort, c’est tellement rare que là tout de suite, il ne m’en vient aucun exemple précis à l’esprit (mais n’hésitez pas à me contredire si jamais vous arrivez à penser à un contre-exemple). Par conséquent, ça ne me frappe que maintenant : à quel point, de tous les sujets possibles et imaginables (et de tous les traitements possibles), si peu de séries nous invitent à nous interroger sur ce qu’il advient de nous lorsque nous ne sommes plus là. Comme s’il y avait un interdit dans cette question, alors que, pourtant, ce n’est pas anodin : puisque nous allons toutes mourir, il semble naturel de se demander comment nous voulons être traitées. Moralement et émotionnellement, ça soulève plein de choses qui sont, d’un point de vue dramatique, très riches à explorer.

    Il y a pourtant plein de questions qui se posent devant ce premier épisode de Santa Evita. Pour commencer, les volontés d’Eva Perón sont très peu évoquées : voulait-elle être embaumée et exposée de la sorte ? Au moment de l’arrivée du docteur Ara, plusieurs de ses proches dont sa mère Juana disent qu’elle aurait été hostile à l’idée d’être ainsi manipulée, mais ces protestations ne sont pas entendues, Juan Perón ayant le dernier mot sur le sort de la dépouille. Toutefois, s’agit-il là du reflet de sa propre volonté, ou de celle de sa famille ? En fait, chacune des membres de son entourage personnel et/ou politique a une idée arrêtée sur ce qu’il faudrait faire, y compris Ara qu’elle n’a jamais rencontré mais qui devient, plus ou moins organiquement, son gardien, travaillant chaque jour sur son cadavre au siège de la CGT, pendant trois longues années jusqu’au coup d’État. Evita est morte, et ne s’appartient donc plus… du coup elle c’est comme si elle appartenait un peu à tout le monde, au moins sur un plan symbolique. Mais légalement, se posent d’autres questions, bien-sûr, surtout après l’exil de Juan Perón, alors que le corps doit être évacué pour être protégé… Dans le fond, on peut aussi se demander si c’est important, la façon dont ce corps est traité : elle est décédée, ce n’est plus vraiment elle. Alors, chacune peut bien donner à ce cadavre l’importance qu’elle voudra, à condition de ne pas lui manquer de respect. Mais justement, comment on définit ce respect ? Après la mort d’Eva Perón, les passions personnelles et politiques dont elle faisait l’objet se cristallisent autour de sa dépouille, à l’instar de ce militaire, Koenig, qui lui voue secrètement une adoration mêlée de ressentiment. La fin du premier épisode est un peu glaçante à cet égard, reprenant implicitement ce que je lis être un mythe assez répandu (mais pas démontré) à propos du corps préservé d’Evita : il aurait fait l’objet de nécrophilie à plusieurs reprises.
    Alors évidemment, après votre mort, après ma mort, après la mort de la plupart des gens, ces considérations n’ont pas la même portée. Je n’aurai certainement pas de quoi me payer un cercueil, surtout à ma taille, alors un embaumement, n’en parlons pas. Et puis, pour être exposée à qui ? Mais cela ne change pas le fond du problème, qui est que le respect des volontés funéraires des individus, et la dignité de leur dépouille, est une question importante. Et que plus largement, ce qui nous arrive après la mort (sur un plan autre que spirituel) est une réflexion qui mérite d’être considérée. Santa Evita, parce qu’elle s’intéresse à une femme célèbre, aimée, et décédée soudainement à un jeune âge, est un cas particulier, mais pose des questions universelles en matière d’éthique… même si ce n’est pas le cœur de son intrigue.

    Il y a des moments de malaise dans ce premier épisode, et quelques lourdeurs scénaristiques à l’occasion. Toutefois, à travers son mystère (la dépouille d’Evita a-t-elle été retrouvée, est-ce vraiment elle, que lui est-il arrivé pendant tout ce temps ?), la série nous met face à un aspect de notre mortalité que très peu de fictions interrogent… et le quotidien pas beaucoup plus. A ce stade, je n’ai pas encore décidé si j’allais voir la suite, mais si je devais regarder les épisodes suivants, il serait sûrement très enrichissant, et inédit, d’être confrontée à mes pensées sur la question.
    Personnellement, je veux être enterrée avec mes possessions les plus importantes.


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  • Change

    29 juillet 2022 à 21:20 • Review vers le futur •

    Voilà quelques années maintenant que je vous dis combien j’apprécie ce qui se passe en matière de fiction étasunienne pour la jeunesse, en particulier pour le public préado. Aujourd’hui n’est pas une exception.
    Pendant plusieurs décennies, la quasi-hégémonie de Disney et Nickelodeon a conduit à une standardisation des productions (forcément, quand on a un cahier des charges strict… et qu’on fait presque toujours appel aux mêmes producteurs pédophiles). Le désinvestissement progressif des networks généralistes, qui ont progressivement écarté les séries familiales de leur programmation, n’a pas aidé ce fait. Les préados étaient même mises dans une situation compliquée, n’ayant le choix qu’entre des sitcoms tournés au kilomètre et ringardes (pour ne pas dire insultantes), ou à l’inverse des séries pour ados de diffuseurs comme The CW ou Freeform, dont les teen dramas ont tendance à viser également les jeunes adultes (avec ce que cela implique souvent de sexualisation). Avec rien pour combler le gouffre entre les deux, si ce n’est, à l’occasion, un import canadien ou australien (genre Dance Academy, vue sur TeenNick).
    Les choses sont donc en train de changer. Désireuses de viser un public peu choyé, les plateformes de streaming ont massivement investi dans la fiction pour les enfants (à défaut de la promouvoir souvent), et ont ainsi permis à toute une jeune génération de spectatrices de complètement ignorer que la télévision linéaire existe. Cela s’est fait avec des projets privilégiant régulièrement le format single camera, par exemple, mais aussi d’aborder des sujets plus variés, et en osant des tons un peu moins humoristiques. Mentionnons comme d’habitude, parce que je l’aime bien et qu’elle le mérite, l’inventive Gortimer Gibbon’s Life on Normal Street ; mais aussi des séries comme la nouvelle version de The Baby-Sitters Club ou l’absolument adorable Puppy Place. Même Disney, qui pourtant a fait preuve d’une incroyable fénéantise dans le domaine à la télévision traditionnelle, a trouvé le moyen de mettre en ligne sur Disney+ une série comme Doogie Kameāloha, M.D. ! Il faut également mentionner les efforts de productions web indépendantes, présentes sur Youtube, comme Brat (dont on parlait pour le thriller musical Stage Fright ou un drama sur le deuil, Zoe Valentine), ou ce mois-ci LOVE XO (qui vient de lancer la série Class Of 1970).

    Avoir entre 9 et 13 ans, c’est déjà assez compliqué comme ça. Si en plus il faut se coltiner des séries nulles… mais heureusement, les préados américaines, et avec elles un peu tout le monde, n’ont plus à se retrouver dans cette situation. Elles ont accès à un catalogue grandissant de séries variées, qui prennent au sérieux leur public et ses préoccupations.
    Exactement comme le fait Amber Brown, la nouvelle série d’Apple TV+ dont on va parler aujourd’hui !

    « I, Amber Brown, DO NOT like change« . C’est dommage parce que, à la veille de son entrée en 6th grade (l’équivalent de la 6e), Amber n’a que ça à gérer, des changements.
    D’abord, son meilleur ami Justin, qui était également son voisin, déménage en Alabama… La perspective de devoir affronter un nouvel établissement scolaire sans ami à ses côtés est incroyablement effrayante, même si toutes les deux continuent à garder le contact via leur portable. Mais les changements ont vraiment commencé il y a quelques temps maintenant, lorsque ses parents Sarah et Philip ont divorcé : Amber a continué de vivre avec Sarah, et Philip est parti vivre en France à cause de son travail. La petite fille n’a pas vraiment digéré la situation, et espère que le nouveau petit-ami de sa mère, Max, n’est qu’une « phase » ; c’est en tout cas ce que sa tante et confidente, Pam, lui répète.
    Amber voudrait que tout redevienne comme avant, mais évidemment, ce n’est pas d’actualité. Alors elle passe le plus clair de son temps dans son monde à elle. Amber adore dessiner ; elle a aussi décidé, dans ce premier épisode, d’enregistrer des videos qui lui servent de journal intime (elle parle de « vlog » dans les dialogues, mais il n’est pas question ici de mise en ligne). Son entourage s’inquiète un peu, parfois, pour sa vie sociale…
    Les choses changent. Et, ma foi, Amber aussi. Sans s’en rendre compte, vraiment. En fait, elle est aussi frustrée quand les choses ne changent pas (elle n’a pas grandi de tout l’été ! elle n’a toujours pas les oreilles percées ! elle n’a pas de chien !). Elle commence son « vlog », aussi, et l’air de rien c’est un changement. Pendant ce premier épisode, sans même s’en apercevoir, elle va aussi commencer des choses nouvelles… comme avoir un béguin ou se faire une nouvelle amie. Il s’avère qu’en fait, Amber Brown aime le changement, elle ne le sait juste pas encore.

    Il y a pas mal d’éléments dans cet épisode de démarrage qui font appel à des tropes assez communs de la littérature enfantine et préado, ici, et sur le papier Amber Brown n’est pas d’une fulgurante originalité. Il ne faut pas s’y fier : la série a trouvé une façon de traiter son sujet avec beaucoup de tact, et un sens élégant de l’équilibre.
    On trouve au fil de l’épisode, certes, des moments un peu plus humoristiques (il faut le noter, l’humour de la série est très efficace et pas du tout lourdingue ; j’ai sincèrement ri à voix haute pendant la scène du petit-déjeuner dans la cuisine), mais pour l’essentiel, Amber Brown ambitionne d’entretenir un ton réaliste qui permette à ses spectatrices une identification, si ce n’est à l’intrigue elle-même, au moins à l’héroïne, qui évite merveilleusement bien d’être simpliste ou caricaturale. Amber nous parle de sa vie intérieure en permanence, la série jouant sur pas moins de 3 procédés pour ouvrir les passerelles avec son public : le « vlog », d’abord, mais aussi quelques ruptures du quatrième mur, de temps à autres… et même les dessins que l’héroïne griffonne à longueur d’épisode (une version modernisée et moins comique de ce que faisait Lizzie McGuire, d’une certaine façon). Des scènes souvent douces-amères, des souvenirs… mais aussi l’expression de sentiments enfouis. Jamais la communication avec les jeunes spectatrices n’est rompue, en somme.

    Je trouve ces petites séquences animées vraiment réussies. Elles sont jolies, pour commencer ; et c’est un hommage parfait aux origines de la série, qui a commencé comme un livre pour enfants, tout en actualisant l’apparence de la protagoniste (l’actrice choisie pour le rôle étant biraciale).

    Mais elles représentent aussi ce que la série réussit de plus surprenant, et à mon sens, d’excitant dans cette série.
    Comme très rarement dans des fictions destinées à ce public, Amber Brown utilise et respecte LES SILENCES. Il y a des pauses. Dans les pastilles animées, presque totalement dénuées de paroles, donc. Mais aussi dans les dialogues. Dans les interactions. Dans la narration. Ce n’est même pas une pause « de sitcom » pour laisser le temps aux spectatrices de rire, non. C’est juste le temps d’observer un petit geste, ou une réaction de l’héroïne. Juste le temps de laisser respirer ses protagonistes. Amber Brown accomplit un petit miracle en laissant parfois une scène retomber, reflétant ainsi sans la montrer la vie intérieure d’Amber, pour laisser imaginer ce qu’elle pense.
    SANS LA MONTRER ! Dans une série qui a trouvé trois moyens différents de la faire communiquer avec nous ! Est-ce que vous vous rendez compte du changement de paradigme que ça représente pour une série étasunienne pour la jeunesse, que d’accepter que son public ne soit pas distrait en permanence, que son attention ne soit pas perpétuellement captée, que des choses lui soient laissées libres d’interprétation ?
    Ah, ça c’est sûr, les choses changent… and I, lady, DO like change.


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  • Dans ma rue

    28 juillet 2022 à 17:21 • Telephage-o-thèque •

    Un de plus tombé au combat : aujourd’hui, pour la toute dernière fois, le soap opera Neighbours était diffusé en Australie . Cette fin n’est pas exactement une surprise : elle avait été annoncée en mars dernier, c’est-à-dire au moment où la série quotidienne célébrait ses 37 ans de diffusion. Presque quatre décennies, soit 8903 épisodes ! Une longévité pareille est en voie d’extinction.

    A qui la faute, cette fois ? Eh bien, curieusement, pas exactement au public australien. Au Royaume-Uni, c’est en effet Channel5 qui diffusait la série depuis 2008 ; cette année-là, la jeune chaîne avait repris le contrat de la série après que BBC ait considéré que Neighbours était devenue trop chère pour son antenne. Les droits de diffusion britanniques étaient si élevés qu’ils participaient directement à une part conséquente du budget de production de la série… Sauf que Channel5 a décidé en février dernier de ne plus diffuser la série en Grande-Bretagne, et d’investir à la place dans des fictions originales britanniques. Sans cet apport financier (et en l’absence d’un repreneur), la série australienne était donc incapable de continuer de produire des épisodes, et la décision de fermer Ramsay Street a donc été prise par 10Peach, la chaîne australienne qui proposait Neighbours depuis 2011, où elle avait été déplacée après de longues années sur le network Ten.
    Ce n’est donc pas exactement faute d’audiences si la série s’éteint, comme cela a pu être le cas pour beaucoup de soap operas qui se sont éteints ces dernières années ; même si évidemment, le fait que la série ait vécu sa dernière décennie sur de plus petites chaînes qu’auparavant n’était pas vraiment un signe de grande santé. Mais l’événement n’en est pas moins remarqué, et Neighbours se voit offrir des funérailles de première classe, avec un épisode de conclusion de 90 minutes, des émissions spéciales en Australie (y compris sur la chaîne publique ABC !) et une soirée spéciale à attendre demain sur Channel5 au Royaume-Uni.

    Pour marquer le coup à mon tour, je vous propose quelque chose d’un peu différent, mais typiquement dans mes cordes : vous emmener en 1985, pour parler du tout premier épisode de la série australienne qui détient, et détiendra pour longtemps encore, un record de longévité.
    Ce premier épisode commence de façon surprenante : dans le cauchemar d’un adolescent, Danny Ramsay. Ce n’est apparemment pas la première fois (ni la dernière de l’épisode) que Danny voit en rêve tout le quartier se moquer de lui, juste avant que son frère aîné Shane n’ait un accident. Se souvient-il de ces cauchemars qui le font se réveiller en hurlant ? A sa famille qui l’interroge aussi bien qu’au médecin que ses parents l’ont poussé à consulter pour un check-up, il maintient que non, mais…

    C’est une étonnante mise en situation pour n’importe quelle série : voir les visages déformés et terrifiants des personnages (que par définition nous ne connaissons pas encore) dans ce cauchemar pour lequel on n’a aucun contexte, n’est pas exactement la meilleure façon de nous les présenter. Et moins encore de nous les faire apprécier ! Pour un soap opera, c’est un choix encore plus curieux : comme beaucoup de séries quotidiennes (notamment anglophones), il s’agit là d’une série chorale : Neighbours se déroule dans une impasse où coexistent trois maisons, occupées par trois familles différentes qui sont plutôt proches, au moins lorsque commence la série. Pourtant, Neighbours commence en privilégiant une perspective en particulier, on ne sait pas trop pourquoi.
    Plus déroutant encore : après cela, l’épisode avance et nous allons progressivement nous désintéresser de Danny, dont l’intrigue passe au second plan, bien que sans disparaître tout-à-fait. La récurrence de ces cauchemars, comme souvent dans la fiction, semble indiquer qu’ils ont quelque chose de prémonitoire…

    Il y a donc trois foyers dans ce cul-de-sac de Ramsay Street. Les Ramsay, d’abord (l’épisode ne le dit pas, mais oui, la rue porte le nom d’un aïeul) : Max et Maria, ainsi que leurs fils Shane et Danny. Les Robinson, ensuite : Jim, un veuf, ainsi que sa belle-mère Helen, qui l’aide à élever ses enfants Paul, Julie, Scott et Lucy. Les Clarke, enfin : Des, un jeune homme qui vit avec sa fiancée Lorraine Kingham.
    La série commence à la veille du mariage entre Des et Lorraine, et évidemment le pâté de maison tout entier est impliqué. Paul organise pour Des un enterrement de vie de garçon, qui tient éveillé le quartier jusqu’à des heures indues ; une stripteaseuse, Daphne, est même engagée pour l’occasion. Quant à Julie, elle est la meilleure amie de Lorraine, et va passer la nuit chez elle afin de la soutenir dans les heures précédant le grand jour. Comme pour ce genre de séries, et plus encore pour un épisode introductif, les conflits sont simples. Par exemple, le raffut de la soirée irrite Max, qui après avoir essayé de convaincre Jim d’intervenir, finit par aller furieusement interrompre la fête. Ce genre de choses.
    Les enjeux sont, à première vue, minimes dans ce genre de situation, mais Neighbours est, ma foi, une série sur des familles voisines, après tout. C’est un genre de conflit normal entre deux maisons voisines ! Neighbours s’inscrit ici dans une tradition du soap opera qui n’est pas tant héritée de ses homologues américaines, que de soaps operas européens, lesquels privilégient une ambiance de proximité se voulant réaliste. Toutefois, la banalité des événements masque au moins une tempête à venir : Julie, qui semble ne pas en être à son coup d’essai, ne peut pas s’empêcher d’insister sur les doutes de Lorraine à la veille du mariage pendant sa soirée pyjama avec son amie. Or, la jeune femme n’a pas simplement le trac à la veille de ce grand événement, mais, comme le révèlera la fin de l’épisode, est vraiment en train de changer d’avis sur le mariage. Nul doute que c’est l’intrigue la plus importante pour les épisodes à venir.

    Pour un épisode de moins d’une demi-heure, les choses sont rondement menées. Sans avoir droit à une explication précise de qui est qui, Neighbours donne le ton en montrant surtout les interactions entre les différents foyers. Max et Jim s’appellent dans la nuit pour décider comment réagir au tapage nocturne ; Paul et Des sont amis et font la fête ensemble ; Julie et Lorraine sont meilleures amies et ont organisé une soirée pyjama ; Danny et Scott sont copains aussi… Il y a un naturel assez bien mis en place dans la façon dont ces trois maisons partagent plus qu’un bout de rue : un quotidien.
    En fait, c’est l’impression qui ressort de cette entrée en matière : il s’agit moins de décrire des gens, que de décrire des relations. C’est plutôt futé pour une série qui ambitionne de s’installer dans le quotidien des spectatrices pour le long terme ! Les protagonistes d’un soap, pour la plupart, ne resteront pas pendant toute la durée de la série ; les dynamiques de leur microcosme, en revanche, sont la série. Et, même si évidemment avec le recul c’est plus facile à dire, la preuve est que cette approche a fonctionné pendant 37 ans. Sans brader l’individualité de ses personnages (comme en traitant les cauchemars de Danny, ou les antécédents de Julie lorsqu’il s’agit de se mêler des affaires des autres !), Neighbours propose un premier épisode qui invite à avoir une vue d’ensemble de sa petite rue. Le reste se construit sur la longueur… jusqu’à aujourd’hui, en tout cas.


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  • Ce qui se passe à l’abri des regards

    24 juillet 2022 à 21:42 • Telephage-o-thèque •

    Lors de ma review exutoire de Years and Years, je vous expliquais que je ne me sens pas toujours capable de regarder un certain nombre de séries au sujet très lourd. C’est paradoxal parce que j’arrive à en regarder d’autres autant (et potentiellement plus) douloureuses dans l’intervalle. Toujours est-il qu’aux alentours de 2019 en particulier (mais aussi par intermittence depuis), il y a eu toute une liste de séries dont j’ai refusé de m’approcher ; je les remettais aux calendes grecques, le moment ne venant souvent jamais d’être prête à regarder le pire.
    Aujourd’hui est l’une des rares exceptions à cette règle. Dignity / Dignidad est une co-production allemande (pour la plateforme Joyn) et chilienne (pour la chaîne Mega) qui se penche sur l’enquête menée par les autorités chiliennes sur Paul Schäfer. Ce nom ne vous dit probablement rien, mais un coup d’oeil aux premières lignes de sa biographie sur Wikipedia vous donne une bonne idée de ce à quoi il faut vous attendre.
    Et dans le doute :

    Trigger warning : viols et violences dont sexuelles sur mineures, torture, PTSD.

    Dignity est le titre utilisé en Allemagne et à l’international, tandis que Dignidad était titre employé lors de la diffusion chilienne, ainsi qu’une référence directe à Colonia Dignidad, l’endroit où ont été commises les exactions. C’est apparemment la deuxième série à avoir évoqué cette affaire ; mais n’ayant pas vu la saison 2 de The Tunnel, il s’agissait pour moi d’une découverte. Je n’ai eu l’estomac que de regarder le premier épisode, dont on va donc parler aujourd’hui.

    Cet épisode inaugural n’est pas très loquace en matière de timeline ; il est même légèrement difficile d’identifier exactement quand l’intrigue de la série se déroule, les personnes habitant et fréquentant la Colonia Dignidad n’étant en outre pas très intéressées par la modernité. Cependant, selon toute vraisemblance, la série se déroule pendant l’enquête qui a eu lieu dans les années 90, avec des flashbacks remontant jusque dans les années 70.
    La Colonia Dignidad est une enclave germanophone non loin de la ville de Parral, à laquelle elle fournit toutes sortes de services, dont un hôpital qui s’avère être le seul de la région. De l’extérieur, il s’agit simplement d’une communauté immigrée très religieuse, mais de l’extérieur tous les signes indiquent qu’il s’agit d’une secte dont il est impossible de se sortir. Ses membres travaillent dans les champs, l’orphelinat, ou les couloirs de l’hôpital, s’expriment exclusivement en allemand, et se conforment à toutes sortes d’interdictions rigoureuses qui sont punies avec violence. Les interdits mis en évidence dans cet épisode d’introduction portent plus particulièrement sur l’absence totale de mixité, et le contrôle rigoureux des jeunes filles spécifiquement.

    Le premier épisode ne fait aucun mystère, dés la première scène, du genre d’endroit que Schäfer supervise, puisqu’on nous montre immédiatement deux garçons regarder des filles par la fenêtre, et l’un d’entre eux, une fois amené à Schäfer, être puni par une douche. Dignity / Dignidad ne nous montre pas les détails, heureusement ; mais la scène est lourde de sens et ne laisse aucune place à des interprétations autres qu’un viol punitif du garçon, Pedro.
    Des années plus tard, le procureur Leo Ramírez est approché pour se voir confier la supervision de l’enquête. Leo a un avantage immense dans cette situation : il a grandi à Perral, et parle l’allemand (il est marié à une Allemande, d’ailleurs), ce qui lui donne un avantage indéniable dans la situation. Qui plus est, le dossier est sensible : au fil des décennies, Schäfer s’est constitué un réseau de personnes influentes qui sont prêtes à le protéger. L’affaire ne peut être confiée à n’importe qui, et Leo, malgré ses protestations, se voit donc chargé de l’enquête. Cela se comprend : voudriez-vous retourner dans ce genre d’endroit, vous ?
    Leo prend cependant sa mission très à cœur ; il coordonne avec Pamela Rodríguez, une enquêtrice travaillant spécifiquement sur des crimes de nature sexuelle, l’arrestation de Schäfer, que personne n’a vu depuis un moment. On dit qu’il a quitté le pays, mais Leo n’en croit rien et, armé d’un mandat d’arrêt, décide donc d’entrer dans la Colonia Dignidad. Hélas, Schäfer y est très protégé, y compris par la communauté de Parral qui évidemment a hautement bénéficié de la présence des colons de Dignidad dans la région, et l’arrestation n’a pas lieu. Mais l’épisode est aussi l’occasion d’aborder l’aspect plus politique de l’affaire (avec un sénateur de l’opposition qui monte au créneau pour défendre Schäfer dans les medias), ainsi que le moment pour la série d’établir que Leo commence rapidement à recevoir des menaces. De son côté, son épouse Caro, qui bosse à l’ambassade d’Allemagne, fait également l’objet d’intimidations.

    Ce n’est pas vraiment l’enquête qui intéresse la série. Dignity / Dignidad est clairement plus intéressée par le fonctionnement de la colonie, montrant notamment sa vie quotidienne à travers la perspective de plusieurs personnages y résidant, notamment une jeune femme appelée Anke. Celle-ci est particulièrement surveillée par les autorités du campement, notamment Ava, bras droit de Schäfer qui la soupçonne de cacher un secret. C’est évidemment inadmissible dans le fonctionnement d’une secte. Or ce n’est pas par curiosité morbide que la série s’intéresse au fonctionnement de Colonia Dignidad, mais bien l’occasion pour l’épisode de nous prouver que les crimes violents commis derrière les murs de ne se sont pas arrêtés magiquement dans les années 70 : ils sont encore bien réels.
    Il y a quelqu’un d’autre pour qui ces crimes sont réels : Leo. La série révèle qu’il n’a pas grandi qu’à Perral, mais qu’il a bel et bien fréquenté Colonia Dignidad dans son enfance, avec son frère… Pedro. L’épisode a dépeint les horreurs vécues par Pedro, mais clairement Leo aussi souffre d’un grave traumatisme, même si nous n’avons pas les détails de sa propre expérience. Il n’y en a pas besoin : le voir blêmir lors de la fouille du campement suffit amplement à nous dire tout ce nous avons besoin de savoir. Il essaie tant bien que mal de cacher son trouble et même ses origines, mais Rodríguez comprend très vite qu’il y a un loup ; je me demande dans quelle mesure la série va explorer le conflit d’intérêt évident qui existe ici.

    …Mais je n’irai pas le vérifier. L’ambiance de Dignity / Dignidad est, de toute évidence, lourde. Elle peut aussi remuer des choses sordides. Même si je m’étais préparée, après une lecture sommaire de quelques pages Wikipedia d’usage, à ce dont la série allait traiter, d’une façon générale j’étais quand même mal à l’aise avec la violence qui se dégage de l’intrigue, notamment pour les nombreuses scènes se déroulant entre les murs de la colonie.
    A une époque, j’avais une forme d’appétit pour les séries (et la non-fiction) parlant de sectes. J’y ai souvent trouvé une catharsis autrement compliquée : l’un dans l’autre, il a longtemps été plus facile de trouver des séries parlant de sectes que des séries parlant de violences sur des mineures commises au sein de la population générale (de la même façon qu’on trouve plus facilement une série sur la secte de Schäfer que des séries sur les abus commis par l’Eglise catholique dans divers pays du monde… même si heureusement il y a des exceptions, comme Devil’s Playground par exemple). Par plusieurs aspects, je retrouvais ma propre expérience dans le fonctionnement de ces sectes : les interdits stricts, la coupure d’avec l’extérieur, la soumission totale. La violence physique, mais aussi psychologique. La peur, dans chaque action. L’impression permanente d’être observée en attendant la prochaine faute pour laquelle être punie. Le contexte était, évidemment, différent, parce que les abus dont j’étais victime ne s’appuyaient pas sur une quelconque forme de religion, mais les autres facteurs étaient très similaires. Je n’étais pas la seule à faire le lien : on m’a souvent demandé, en m’entendant parler de mon expérience de la maltraitance, si mes parents étaient des fondamentalistes d’une quelconque religion. Ce n’était pas du tout le cas, mais à bien des égards, la proximité de nombreuses pratiques rendait la comparaison recevable. Aujourd’hui, toutefois, c’est différent. L’appétit pour ces séries (et la non-fiction) s’est résorbé ; je n’ai plus autant besoin de catharsis. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai guéri, loin de là. Je fais encore trop de cauchemars pour prétendre une chose pareille. Mais le besoin n’est plus le même, peut-être parce que je n’ai plus besoin d’identifier les comportements comme c’était le cas à un moment. Alors, ce que Dignity / Dignidad remue, je m’en passerais bien.
    Cependant je trouvais important de quand même essayer de jeter un oeil à la série, et maintenant que c’est chose faite, de vous en toucher deux mots. Regardez, ne regardez pas… faites ce qui est le mieux pour vous. La curiosité c’est bien, mais jamais au mépris de votre santé mentale.


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  • New me

    24 juillet 2022 à 21:39 • Review vers le futur •

    Imaginons… et c’est, bien-sûr, purement hypothétique… que vous n’aimiez pas votre vie. Pas juste votre vie maintenant, mais votre existence toute entière. Absolument tout ce qui vous a conduite à mener votre vie actuelle. Rien n’y a jamais eu de sens, rien n’y a jamais été bon pour vous.
    Et maintenant, imaginez que vous ayez l’opportunité de tout changer, et de vous construire un avenir différent, libre de toute contrainte héritée des années passées. Serait-ce vraiment une question ?

    C’est, en substance, ce dont parle le premier épisode de la série Wish Wa Dahr, une curieuse série égyptienne qui semble osciller entre plusieurs tons pour raconter cette double histoire de deux personnes qui changent de vie.

    Il y a des moments plutôt légers dans ce premier épisode, et une partie de l’intrigue semble aussi lorgner vers la série sur le monde criminel, et peut-être même des intrigues médicales à prévoir. Mais l’essence de Wish Wa Dahr, c’est d’être un drame qui s’intéresse sincèrement à ses deux personnages, Jamal/Jalal et Doha.
    Doha a cumulé les petits jobs, et alors qu’elle travaille dans une usine de bonbons, une collègue pour laquelle elle s’est pris d’une affection maternelle lui apprend qu’elle a rencontré quelqu’un, et qu’elle veut aller travailler avec lui. Or, notre homme (qui se surnomme Warda) est organisateur de mariages, et ce travail, ce serait danser sur scène pendant des mariages… Doha commence à imaginer toutes les façons dont ce job, en apparence plus sympathique et bien plus rémunérateur que l’usine, pourrait mal tourner, et menacer la vertu ou la sécurité de la jeune femme. Pour continuer de protéger son amie, elle se fait embaucher également dans le monde de la nuit… mais, quand le voisinage commence à les soupçonner de se prostituer, Doha ment et affirme travailler de nuit à l’hôpital du coin.
    De son côté, Jamal est un type parti de rien, et arrivé à peine plus loin. Il a épousé Mayla, une femme qui le méprise de tout son être. Il n’a pas vraiment fait d’études non plus, et s’est donc retrouvé à faire de la manutention dans une entreprise pharmaceutique ; à force de travail il a vaguement gravi les échelons, mais toujours à des postes manuels. Cependant, il a pris l’habitude, pour rompre l’ennui intellectuel de son boulot, d’apprendre par cœur les notices de médicaments, leurs interactions, et leur substitution. Il a aussi repéré le petit manège de certains de ses collègues qui volent des médicaments pour les revendre ensuite sur le marché noir. Un jour, à cause d’un bête quiproquos, il est pris pour l’un d’entre eux… et se voit remettre une énorme somme d’argent. C’est l’occasion inespérée d’avoir, pour la première fois de sa vie, un choix : rendre l’argent à son entreprise, et se fait bien voir ; ramener l’argent à Mayla, et enfin trouver grâce à ses yeux ; ou bien… Jamal décide de choisir la troisième solution, et s’enfuit à Tanta avec l’argent, mettant à exécution un plan auquel il rêvait sans trop y croire depuis des années. Désormais il s’apprête à vivre sous l’identité du Docteur Jalal…

    Le premier épisode de Wish Wa Dahr n’a pas encore fini de nous raconter le périple de Jamal et Doha. Pour commencer, elles ne se sont pas encore rencontrées quand s’achève cet épisode inaugural ! Le résumé officiel fourni par Shahid, en revanche, dévoile que Jamal s’apprête à ouvrir un cabinet médical, et que Doha va y officier comme infirmière. De toutes les professions possibles, ce ne sont pas les plus surprenantes vu leur tempérament et leurs aptitudes, mais c’est intéressant, d’un point de vue scénaristique d’avoir choisi ces activités extrêmement respectables, rarement prisées par les gens qui cherchent à changer de vie dans la fiction. Je me demande pourquoi l’angle médical, et quelles sortes d’intrigues cela donnera dans les épisodes suivants, d’autant que la série fait pour le moment son possible pour légitimer les connaissances médicales que Jamal a apprises en autodidacte.

    Pour le moment, l’idée m’enchante. Et son traitement aussi. Si Wish Wa Dahr avait été produite dans une autre culture télévisuelle, je suis à peu près convaincue que ce premier épisode aurait été très différent ; on aurait sûrement démarré in media res alors que le bon Docteur Jalal et son infirmière dévouée travaillent déjà auprès de patientes dans leur clinique, avant d’apprendre, ô scandale, qu’en réalité chacune cache un mystérieux secret. Mais pas de ça ici : le choix est d’accompagner les protagonistes dans leur transformation, leur changement de vie, leurs doutes et leurs résolutions. C’est un human drama (ce n’est pas sale) intéressé par cette idée de tout plaquer, pour le meilleur comme pour le pire, et se réinventer ailleurs. Ce qui, évidemment, ne peut pas être aussi facile qu’il semblerait ; en particulier je doute que personne ne retrouve, tôt ou tard, la piste de Jamal, mettant potentiellement sa nouvelle vie en danger… et donc celle de Doha ?

    Le propos tenu par la série (par l’entremise de ses deux personnages, qui s’expriment tour-à-tour en voix off) n’est pourtant pas celui-là. C’est vraiment celui de la vie qu’on mène, d’abord parce qu’on la subit, ensuite parce qu’on a l’opportunité de la choisir. Cependant, même à l’intérieur de leurs anciennes vies pleines de contraintes, Jamal comme Doha ont fait des choix : celles d’apprendre des choses nouvelles, par exemple, ou de protéger plus fragile que soi.
    D’une certaine façon, Wish Wa Dahr semble avec cet épisode d’introduction nous préparer à l’idée que les deux protagonistes ont mérité, par leur personnalité plutôt que par leur CV, la vie qu’elles usurpent par la suite. C’est leur force de caractère qui, potentiellement, pourrait faire d’elles de bonnes soignantes, quand bien même elles n’ont pas les qualifications officielles. Si c’est vraiment l’angle choisi par Wish Wa Dahr (et pour être honnête, il est un peu tôt pour le dire ; c’est juste un sentiment que j’ai eu pour le moment), alors vraiment, quelle série originale dans son propos !
    Même si ce n’était pas le cas, j’avoue que les oscillations de ton et les choix narratifs, pour le moment, n’en sont pas moins intéressantes, et j’ai hâte de voir les épisodes suivants.


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  • Same new

    23 juillet 2022 à 18:08 • Review vers le futur •

    « Mon frère, il y a des personnes qui aiment l’endroit auquel elles appartiennent« .

    Voilà plusieurs mois que je veux vous parler de plusieurs séries indiennes extrêmement recommandables ; j’avais prévu de vous faire une petite semaine spéciale bien sympa, mais entre le volume de publications et la quantité de recherche nécessaire à bien faire le truc, pour le moment, ça n’est pas prêt. Dans l’intervalle, des séries continuent bien-sûr de sortir, et hier c’était le tour de Ghar Waapsi, une série de Disney+ Hotstar (qui, d’après mon expérience, a vraiment d’excellentes séries dont je ne suis pas certaine qu’elles apparaissent sur le catalogue non-indien, et c’est un drame en soi). Or, il était hors de question d’attendre pour vous en parler, vu le coup de cœur que je viens de me prendre.

    Couleurs vives, distribution souriante… Son matériel promotionnel ressemblait à celui de nombreuses comédies indiennes, et je n’étais pas sûre de ce dans quoi je mettais les pieds, mais il s’avère que Ghar Waapsi est une chronique désarmante d’un désenchantement qui nous touchera toutes.
    Et puisqu’on parle de matériel promotionnel, il faudra un jour qu’on parle de ces pays où la culture télévisuelle autour des posters est telle qu’il est quasiment impossible de trouver des images de grande taille en bonne qualité ET avec un ratio correct. Punaise, les mots me manquent parfois. Ya pas que l’Inde, j’ai remarqué un problème dans plusieurs pays arabophones aussi, mais Hotstar est une succursale de Disney, ya aucune excuse.

    Pourtant, au départ, Shekhar Dwivedi semble avoir réussi sa vie : il n’a même pas encore 30 ans qu’il a déjà réussi de brillantes études en management ; est parti « pour la ville », comme on dit, en l’occurence Bangalore ; a intégré une start-up à un poste important ; et jongle entre les responsabilités, qu’il partage en partie avec son collègue et ami Anuj. Il envoie régulièrement de l’argent à sa famille qui vit à Indore, à défaut de revenir les voir régulièrement. Pourtant, dés les premières minutes de cet épisode introductif, le vernis se craquèle : Shekhar est stressé, notamment par les questions d’argent (il a des prêts en plus de son prêt étudiant), et il commence à étouffer. Le problème se résout de lui-même, si l’on peut dire, lorsque Shekhar et Anuj sont licenciés, l’entreprise décidant de liquider tout son service. Il a la ferme intention de trouver un bon boulot, dans une entreprise en pleine croissance, qui recrute, et avec une culture d’entreprise décente. Sauf qu’une compagnie comme ça, ça n’existe pas… et après 3 mois infructueux, ses ressources épuisées, Shekhar décide de rentrer dans sa famille, à Indore, et chercher un travail depuis le domicile familial. Il va rebondir, c’est sûr.
    Sauf qu’il ne rebondit pas.

    En temps normal, les séries se basant sur le trope du « retour à la maison » (qui est généralement une petite ville comparée à celle où le héros a « échoué » à se faire une vie) m’agacent au plus haut point. Dans une majorité de ces fictions, ces mécanismes sont paresseux : le protagoniste revient au bercail, réalise qu’il a besoin de ce qu’il a toujours eu sous les yeux (ou que ce qu’il a toujours eu sous les yeux est ce dont il a besoin, au choix), ce qui souvent s’accompagne d’une romance renouée avec une vieille connaissance COMME PAR HASARD. On en tire généralement la conclusion qu’il vaut mieux un petit chez soi, tout ça tout ça.
    Pour être tout-à-fait honnête, Ghar Waapsi ne déroge pas complètement à cette règle (quoique, je demande à voir le tour que prend cette romance), mais y apporte des nuances bienvenues qui font une sacrée différence. D’abord, le stress de Shekhar ne disparaît pas comme par magie : la vie à Indore n’est pas idyllique ni même calme ; ses parents sont fières de lui, bien-sûr (ou en tout cas fières de la réussite qu’il avait jusqu’à trois mois en arrière, vu qu’il ne leur a pas dit qu’il avait perdu son travail…), mais ce sont des parents. Les relations avec elles sont frustrantes, et vers la fin de cet épisode d’exposition elles deviennent même carrément hostiles lorsque Shekhar refuse que ses parents lui arrangent un mariage, ou parlent de mariage tout court. L’incident qui déclenche une grosse engueulade n’est pourtant qu’un détonateur agissant sur une poudrière qui ne demandait qu’à imploser : Shekhar et ses parents n’ont pas grand’chose en commun, ne se parlent pas, et se considèrent, dans une certaine mesure, avec une sorte de mépris mutuel. Ses parents pensent savoir mieux que lui ce dont il a besoin (ce sont des parents, quoi !), et lui, qui a tout fait pour se sortir d’Indore, voit d’un oeil très négatif leur provincialisme. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’amour dans cette famille, mais l’amour dans une famille, ça n’en est pas moins compliqué, et Ghar Waapsi ne gomme pas ces aspérités, les utilisant au contraire.
    Plus important encore, tout cet épisode, qui suit Shekhar à son retour à Indore, insiste de façon répétée sur un point qui est absolument absent de la plupart des séries sur le retour au bercail : Shekhar n’est pas le seul à avoir évolué avec le temps, Indore aussi a énormément changé. La dernière fois qu’il y avait posé les pieds, c’était à l’occasion de quinze jours à peine pour Diwali, deux ans plus tôt. Il n’avait pas eu le temps de faire ni de voir grand’chose, et le voilà qui débarque un peu, maintenant, en découvrant que sa ville natale n’a rien à voir avec ses souvenirs. C’est vrai pour des détails comme par exemple les marchands du temple où prie sa famille, ou l’ouverture d’un nouveau salon de thé ; mais c’est aussi vrai pour des choses plus importantes, comme le fait que sa mère fait de la tension artérielle, ou que son frère comme sa sœur ont désormais une vie amoureuse dont il ignorait tout. C’est-à-dire que non seulement c’est déroutant pour le héros de passer à nouveau du temps à la maison, mais surtout, ce qui me parle, c’est que Ghar Waapsi n’est pas en train de nous dire que Shekhar a toujours eu sous les yeux quelque chose de valeur. Le temps passe à Indore aussi, ce n’est pas une bulle loin du monde ; la valeur de la ville a changé, si tant est qu’elle en ait une. Or, si Shekhar doit faire sa vie à Indore (au moins temporairement ?), c’est forcément très déroutant pour lui, parce qu’il a passé la majeure partie de sa vie à fuir cette ville. Tout ça pour réaliser qu’il ne la connaît plus ! Cela ne fait qu’ajouter à sa sensation d’être perdu dans la vie, et cela rend ce retour inconfortable à de nombreux égards.
    C’est cette variation du trope, plutôt rare dans ce genre d’histoires (qui au contraire ont tendance à dépeindre ces villes natales comme immuables, et même parfaites parce que conservatrices), qui me plaît le plus ici.

    Le ton du premier épisode de Ghar Waapsi oscille entre un joli human drama (ce n’est pas sale) et, l’air de rien, une critique assez acerbe du monde dans lequel la génération de Shekhar est en train de vivre. Les temps sont durs et rien ne va, ce qui ne fait qu’augmenter l’angoisse du héros ; il a d’ailleurs une véritable crise d’anxiété vers la fin de l’épisode qui prend aux tripes. Comment n’en ferait-il pas ? Même en faisant tout « comme il faut », il n’arrive pas à se créer une vie agréable ou même confortable ; en témoignent les appels répétés d’un organisme de recouvrement. Le désenchantement de Shekhar est compréhensible, d’autant qu’il était supposé avoir « réussi » et qu’il y a maintenant une dimension humiliante à avoir perdu son emploi, et donc son statut (sans parler de l’argent qu’il ne peut plus donner à ses parents, et toute la symbolique derrière). Quand il avait un travail, il avait du mal financièrement… et maintenant il n’a même plus de travail. Au-delà de ça, pendant l’une de ses conversations téléphoniques avec Anuj (qui semble avoir retrouvé un travail), les deux jeunes hommes parlent du poste idéal : Shekhar voudrait une entreprise dont les finances vont bien, qui ne serait pas éclaboussée par un scandale Me Too, où il y aurait une politique équilibrée et respectueuse sur le temps de travail et le temps personnel… mais comme lui fait remarquer Anuj, une entreprise comme ça, ça n’existe juste pas. Même la start-up où ils travaillaient ensemble jusque récemment était finalement toxique, vu qu’ils ont été virés du jour au lendemain.
    Ce n’est pas comme ça que le monde était supposé fonctionner ; mais Shekhar réalise qu’en fait, le monde ne fonctionne pas selon les règles qu’il pensait exister. Ni le monde adulte, ni même le monde de son enfance. C’est particulièrement palpable pendant la scène au salon du thé, au cours de laquelle il tombe des nues en apprenant qu’un type qui a eu une carrière encore plus florissante que lui (aux USA !) est revenu à Indore pour ouvrir l’établissement, plutôt que mener la grande vie à laquelle il semblait destiné. Shekhar n’arrive pas à comprendre ce choix, qui ne coïncide pas avec la façon dont il a toujours pensé que les choses devaient se dérouler. Cela augure d’une intéressante remise en question.

    Ghar Waapsi n’est donc pas l’histoire d’un retour aux sources, mais d’une nécessité de s’adapter à une réalité brutale. Même si cela semble injuste que de devoir se confronter à autant de déceptions… Je dois dire que cette approche me parle beaucoup, et je vais donc séance tenante surveiller les épisodes suivants. Loin de moi l’idée de vous dicter votre comportement, mais ce ne serait pas la pire idée au monde d’en faire autant.


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  • Promis

    23 juillet 2022 à 18:03 • Review vers le futur •

    Si vous me connaissez un peu, vous savez que les thrillers, je les préfères avec de gros morceaux d’intrigues dramatiques dedans : l’adrénaline pour l’adrénaline, très peu pour moi. Il y a régulièrement des thrillers britanniques qui apparaissent et qui, au moins sur le papier, répondent à ce critère… hélas je prends assez rarement (trop peu, à vrai dire) le temps d’y jeter un oeil, tant leur diffusion extrêmement éphémère les emporte loin des yeux, et donc loin du cœur.
    Le turnover constant de séries a cet inconvenient : ce n’est pas qu’il y a trop de séries à voir (je persiste à affirmer que c’est une erreur de le penser, pour de multiples raisons), c’est qu’il y a trop de séries à se rappeler. Mon plus gros problème est d’en oublier que je voulais tenter (je vous avoue n’avoir pas de solution parfaite à vous proposer pour contrer ce phénomène). Je pourrais et serais partante pour revenir à plein de séries des mois après leur diffusion, mais voilà, j’oublie qu’elles existent. L’afflux constant de nouveauté, couplé à l’incapacité totale des medias spécialisés à parler de quoi que ce soit datant d’il y a plus de 3 mois à moins que ce ne soit un énorme succès auquel s’accrocher comme une moule à son rocher à clics, sont un terrible cercle vicieux. Nous ne sommes pas encouragées à avoir de la mémoire ; ce qui, pour une forme artistique comme la fiction sérielle, s’inscrivant en théorie sur le long terme, est un peu un comble.

    Pour aujourd’hui, le problème aura été évité : je voulais tester The Control Room, et c’est chose faite. Parlons donc de son premier épisode.

    Gabriel, dit « Gabe », est un jeune ambulancier travaillant dans un centre de régulation des appels d’urgence à Glasgow. Il semble avoir commencé ce job assez récemment, puisqu’au début de l’épisode, pour la première fois, il accompagne la naissance d’un bébé au téléphone. Les heureux parents, reconnaissantes, donnent son nom au nouveau-né, et Gabe est ultimement touché par ce geste que ses collègues trouvent un peu plus habituel que lui.
    Toutefois, il va vite déchanter : l’appel suivant est celui d’une femme qui a contacté le numéro d’urgence parce qu’un homme est en train de mourir dans ses bras… et alors que celui-ci décède, elle confesse dans un souffle l’avoir tué. C’est évidemment très choquant, même dans ce genre de job, et Gabe alerte immédiatement son supérieur Anthony pour qu’il supervise l’appel… juste à temps pour que celui-ci entende la jeune femme reconnaître la voix de Gabriel au téléphone. Sous le choc, Gabe ne comprend pas de qui il peut s’agir. Mais évidemment si c’était aussi simple, il n’y aurait pas de série.

    Comment l’inconnue peut-elle l’identifier, et pas l’inverse ? Eh bien au fil de ce premier épisode, nous aurons la réponse à cette question : il s’agit de quelqu’un que Gabe n’a plus vu depuis des années, mais qu’il connaissait très bien dans son enfance. C’est une expression qu’il emploie régulièrement qui l’a démasqué à la jeune femme, mais tant de temps a passé qu’il n’est pas étonnant qu’il n’ait pas reconnu sa voix.
    Toutefois, l’identité de la jeune femme est directement liée non seulement à cette amitié enfantine, mais à toutes sortes d’événements qui se sont déroulés à l’époque, et que Gabe autant qu’elle portent comme une cicatrice. The Control Room est étonnamment muette, ou au moins sibylline, quant à la véritable portée des événements d’alors. Les flashbacks sont multiples, mais ils sont confus, à la fois à cause du temps et de la charge émotionnelle. Cela rend, évidemment, l’affaire d’autant plus complexe, et vient au moins en partie expliquer pourquoi Gabe n’arrive pas à s’empêcher de s’impliquer dans l’affaire, quand bien même il n’était au départ qu’un témoin présent au mauvais endroit et au mauvais moment (et par téléphone !). Le premier épisode place une importance capitale dans la reconstitution du lien indestructible qui fait que Gabe s’investit, en dépit du bon sens, en dépit de la police même, dans cette histoire qui sent pourtant si mauvais.
    Mais que peut-on contre une promesse d’enfant ?

    A ce stade de ma review, je me dois de vous confier que je résume très mal ce premier épisode. Mais il y a bonne raison à cela : il ne durait qu’un heure, mais il contenait l’intrigue de 3 à 4 épisodes au moins ! Ce n’est pas qu’il s’agisse d’un thriller à cent à l’heure, puisqu’on a au contraire le temps d’explorer des souvenirs (aussi diffus soient-ils) et des blessures passées, mais The Control Room a casé plein de retournements de situation dans cet épisode introductif. Gabe va en effet découvrir l’identité de la jeune femme, puis l’approcher, puis lui venir en aide, puis… il y a encore un twist sur la fin de l’épisode. Tout porte donc à croire que cet épisode, bien que très dense, ne soit vraiment qu’un préambule, les choses pouvant se compliquer encore passablement dans les deux épisodes suivants.
    Ce genre de durée n’est pas rare pour une série de ce type produite au Royaume-Uni (je devrais probablement parler de mini-série ici, puisque, hors une poignée d’exceptions, la plupart de ces thrillers trouvent une conclusion définitive pendant leur première et unique saison), et pose régulièrement la question du format. Ne bénéficieraient-elles pas d’un ou deux épisodes de plus ? Ou au contraire ont-elles trouvé une durée qui fonctionne, qui permet de n’avoir aucun temps mort mais pas de remplissage non plus ? Sur le moment, en toute honnêteté, j’ai trouvé cet épisode trop long ; pas parce qu’il faisait une heure, mais parce qu’au bout d’une moitié je commençais un peu à caler, comme quand on mange un dessert délicieux mais dont la portion est trop généreuse. Il s’était déjà passé trop de choses.

    Pour être totalement honnête avec vous, je crois qu’une partie de cette perception vient du fait que dans beaucoup d’autres pays de la planète, il y aurait effectivement eu moins de choses en un seul épisode. Du coup, mon cerveau est formaté pour accepter une certaine quantité d’informations et événements par épisode. Cela rend toute déviation de la structure un peu difficile à digérer, quand bien même la série articule très bien son récit et l’épisode est, dans l’absolu, solide. C’est un danger invisible qui devient d’autant plus courant que, avec les plateformes de streaming, beaucoup des séries de la planète auxquelles nous avons accès ont été articulées autour d’une structure lissée (merci aux flyings producers de s’en assurer…). Nous avons donc l’impression erronée qu’une série devrait être comme ci ou comme ça ; et quand elle sort du carcan habituel, ça exige de s’adapter.
    Force est pourtant de constater que pour le premier épisode de The Control Room, ce format condensé, un peu atypique, fonctionne. L’écriture est solide, l’interprétation aussi, la dimension émotionnelle n’est pas bradée et les enjeux sont captivants. Toutefois, ça n’en parfois est pas moins déstabilisant.


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  • J’écris pour vous

    17 juillet 2022 à 20:51 • Telephage-o-thèque •

    Au risque de passer pour encore plus chiante que je ne le suis déjà, je trouve qu’il n’y a pas assez de séries sur le travail social. C’est une conviction qui me tenaille depuis un bout de temps, mais qui ne cesse d’être confirmée par mes quelques visionnages de séries qui, elles, s’intéressent à ce sujet de près ou de loin. J’ai pu par exemple vous chanter les louanges de Sex & Violence par le passé. Je pourrais aussi rappeler à vos bons souvenirs ce que des séries comme Pause-Café, The Guardian, Kiri, ou plus récemment Sunshine Eyes (les reviews sont accessibles via les tags ci-dessous) tentent ou ont tenté des intrigues touchant à ce registre.

    Idéalement, en 2020, lorsqu’il y avait un bref mais véritable intérêt collectif pour la question du définancement de la police afin de réinvestir dans les services sociaux, suite aux manifestations mondiales contre la violence policière, la télévision aurait dû s’interroger sur ses choix de toujours mettre en scène les flics (dont le métier, dans le meilleur des cas, consiste à intervenir en bout de chaîne d’un certain nombre de mécanismes socio-économiques) plutôt que les assistantes sociales, les médiatrices, les conseillères en réinsertion, les éducatrices spécialisées, les auxiliaires de vie… Un choix qui en induit un autre sur la façon dont on perçoit le crime, et dont on perçoit la victime. Un choix qui consiste à placer les flics comme intervenants dans toutes les intrigues, même celles supposées êtres des drames sociaux où pourtant d’autres professionnelles seraient plus à leur place. Un choix qui souvent consiste à perpétuer des idées erronées sur ce qu’est le travail policier, et participer à ce que beaucoup surnomment copaganda (propagande policière). Un choix qui méritait d’être remis à plat, pour consciemment mettre en route de nouveaux projets avec des orientations différentes ; au moins quelques uns. Or, deux ans après, on n’aura pas trop vu les effets de cette remise en question chez la plupart des diffuseurs de la planète ; et à un moment l’excuse de la pandémie n’est plus tenable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai arrêté de parler de quasiment toutes les séries policières, à de très très rares exceptions : faut tout faire soi-même.
    Le déclic n’a pas eu lieu. Il n’y a toujours quasiment aucune représentation à la télévision des alternatives à la police. Pendant que continuent de pulluler les séries policières (beaucoup issues du le même moule), les fictions sur le travail social restent un sous-genre dramatique (ou peut-être humoristique, pourquoi pas, si c’est bien fait ?) qui reste largement inexploité. Il y aurait pourtant beaucoup de choses à dire, faire, ou simplement tenter. Des angles inédits à aborder. Des formules à imaginer. Des genres à croiser. Une anthologie ou une fiction feuilletonnante ? Une série avec un point de vue unique, ou bien une série chorale ? Quelle profession ? Quels usagères ? Quasiment tout est possible, parce que quasiment rien n’a été fait.

    Quasiment rien, mais pas rien. Et aujourd’hui, je vais vous parler d’un exemple dont j’ai réalisé que j’avais un épisode dans mes archives fournies : la série Écrivain public. Elle n’est pas toute récente : produite pour TV5 unis (la branche québécoise de la chaîne francophone), elle a été proposée en 2016, et semble avoir depuis trouvé sa place, sporadiquement, dans la programmation de TV5 Monde. Je suppose que c’est comme ça qu’initialement je lui avais mis le grappin dessus, quoique, hélas, je n’ai que le premier épisode en ma possession.

    Écrivain public commence alors que Mathieu Martineau, sans emploi, passe un entretien pour rejoindre un centre communautaire de Montréal ; il s’agit d’une création de poste d’écrivain public, donc. Au moment où il arrive à son rendez-vous, nous en savons déjà un petit peu sur lui : nous l’avons vu râcler les fonds de tiroir pour trouver quelques pièces lui permettant d’acheter un ticket de bus pour se rendre au centre… mais, n’ayant même pas le compte à quelques centimes près, il a fini par devoir marcher. Pourtant, lors de son interview avec le directeur Hautcoeur, la coordinatrice Sophie, et Conrad, un usager régulier du centre, lorsqu’on lui demande ce qu’il connaît de la pauvreté, il répond laconiquement : « pas grand’chose ». Pas si sûr, mais admettons.

    Malgré un démarrage un peu maladroit (il faut dire que Hautcoeur n’est pas facile), Mathieu est engagé tout de même, et reçoit un briefing très simple : il doit aider les personnes illettrées en rédigeant gratuitement pour elles leur courriers, emails, formulaires et autres démarches écrites.
    Sauf qu’évidemment, il ne s’agit pas que d’écrire, il s’agit là d’un vrai travail social qui va obliger Mathieu à s’intéresser aux histoires personnelles de ces interlocutrices, à écouter leurs difficultés qui ne tiennent pas sur une feuille A4, et à leur apporter du soutien. Ce sont des personnes, pas des lettres, qui sont au centre de ce métier un peu particulier. Mais ça tombe bien, Mathieu est le genre de personne qui sait écouter. Il est le genre de personne qui aime les gens, et vient à eux avec l’esprit ouvert.
    Le premier épisode d’Écrivain public est une histoire de tâtonnements. Mathieu n’a jamais tenu cet emploi et il apprend au cours de cet épisode inaugural qu’il ne peut, par exemple, pas rédiger le CV de quelqu’un : c’est le travail du centre d’emploi, pas du centre communautaire ! Le financement chétif du centre communautaire pourrait être menacé avec des plaisanteries pareilles ! Pas facile de s’adapter au travail social quand on n’en a jamais fait, il y a tout un bagage financier et donc politique derrière. D’autant que Hautcoeur ne mâche pas ses mots ; heureusement, Sophie est un peu plus coopérative. Charge revient également à Mathieu de promouvoir ses services dans le quartier (celui de Hochelaga-Maisonneuve, dont on parlait l’an dernier à l’occasion de Je voudrais qu’on m’efface), où il ne connaît personne. La silhouette dégingandée de Mathieu va donc à la rencontre de toutes ces inconnues qui pourraient avoir besoin de lui. Il y a une maladresse tendre dans sa façon de les aborder, d’essayer d’estimer leur besoin, de tenter d’y répondre quand c’est possible. Il y a une tendresse franche lorsqu’il les écoute, à l’instar de cet ouvrier immigré qui essaie d’obtenir le paiement de deux mois de travail par un patron pas réglo.

    Le jeune homme va se confronter à des problèmes à tiroir : ce n’est pas juste le paiement de ces heures, c’est les conditions de travail, c’est le conditions de vie, c’est la misère tout entière. Sans misérabilisme, mais avec l’intention de ne pas détourner le regard, Écrivain public accompagne Mathieu pendant qu’il accompagne ces personnes qui ont si peu souvent des séries écrites autour de leurs problèmes.
    Comme ça, c’est assorti.


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  • Ne capitule pas devant le Capital

    17 juillet 2022 à 20:47 • Dorama Chick •

    Les revenge dramas ne sont pas ce qui manque à la télévision ; ce sous-genre est plutôt populaire dans de nombreux pays de la planète, et s’avère suffisamment flexible pour autoriser plein de traitements différents. A une époque, je trouvais ces séries un peu trop convenues et prévisibles, mais avec le temps j’ai réalisé qu’on pouvait en fait y trouver une multitude de choses très différentes, pourvu de sortir un peu des sentiers battus plutôt que de se tourner inlassablement vers les séries les plus évidentes. Fukushuu no Miboujin, qui a démarré il y a une dizaine de jours à la télévision japonaise, fait partie de ces séries qui tentent des choses intéressantes à partir de cette soif de vengeance. Intéressantes, mais aussi glaçantes.

    Trigger warning : suicide, harcèlement au travail.

    Dans ce thriller dramatique, une femme décide de se venger après que son mari se soit suicidé. Sur le papier, ça semblait extrêmement douteux (jurisprudence 13 Reasons Why, qui comme je l’expliquais au moment de la première saison avait une attitude terrible vis-à-vis du suicide). Heureusement, il se trouve au vu du premier épisode que la série a su trouver un bon équilibre, et même un angle d’approche assez inédit.

    L’héroïne de Fukushuu no Miboujin (« la vengeance d’une veuve ») est Mizuki Suzuki, une jeune femme qui il y a encore quelques mois menait une vie tout-à-fait quelconque. Femme au foyer, elle semblait avoir tout pour être heureuse, son mari Yuugo la couvrant d’amour. Et puis, un jour, elle a reçu un appel pour l’informer que Yuugo s’était jeté du haut de l’immeuble de sa compagnie. Rien n’a plus jamais été pareil ensuite.
    Ces ingrédients, Fukushuu no Miboujin les dissémine avec parcimonie pendant son premier épisode ; il n’y a pas vraiment de surprise, cependant, parce que même avant que ces détails nous soient révélés, la série fait des allusions appuyées à la tragédie à plusieurs reprises. On n’est pas dans une situation où la série essayerait de ménager le suspense, donc. En outre, l’épisode inaugural a commencé par une scène dans laquelle Mizuki se venge de quelqu’un, comme ça le ton est donné d’emblée sur les enjeux principaux de la série : le suicide, donc la vengeance.
    C’est que, ce n’est pas un hasard si Yuugo s’est suicidé au travail. Sa souffrance y était grande, simplement il l’avait gardée pour lui pendant des mois avant de finalement se donner la mort, épuisé par son environnement de travail et incapable d’en parler à qui que ce soit. En cela, Fukushuu no Miboujin réussit à éviter l’écueil auquel je parlais en faisant référence à 13 Reasons Why : ce n’est pas que le suicide est, par nature, dans l’absolu, la faute d’autrui. C’est qu’ici le suicide est effectivement la conséquence directe des actions d’autrui. Il y a un blâme à administrer parce que le mal-être n’aurait pas existé sans l’intervention (directe ou indirecte) de tout l’entourage professionnel de Yuugo, participant à un système injuste et brutal. Ainsi il s’agit moins ici de se venger d’un suicide isolé, que de prendre sa revanche sur les ravages du capitalisme et du rôle que chaque employée y joue. Cette nuance parvient à changer entièrement la perception que l’on a de cette histoire de « responsabilité », qui dans d’autres circonstances narratives relèverait de l’irresponsabilité scénaristique face à la gravité du sujet.

    D’ailleurs, que Fukushuu no Miboujin se choisisse un tel sujet devrait attirer notre attention à un autre égard…
    Historiquement, la télévision japonaise s’est presque toujours faite l’écho de la « valeur travail » longtemps entretenue dans la société nippone. On ne compte plus (il n’y a pas assez de nombres dans l’univers !) les séries sur un personnage qui tente de faire de son mieux dans le milieu professionnel de son choix. Des séries entières ont pu être au fil des décennies déclinées sur ce thème, les protagonistes réitérant leur volonté d’être de bonne employées quasiment à longueur d’épisode. A l’occasion ces dorama font, je dois le dire, du bien ; comme j’ai eu l’occasion encore assez récemment de le souligner dans ma review de Gohoubi Gohan. Quitte à exister dans une société où tout passe par le travail, autant ne pas en haïr chaque minute, non ? Quand on vit dans un monde où le travail est au cœur de tout (et je ne parle pas que du Japon ici…), trouver même artificiellement l’énergie de retourner au bureau lundi matin plutôt que d’encastrer sa voiture dans un platane, c’est salvateur. Le problème c’est que peu de séries nippones s’intéressaient à déconstruire ce besoin au lieu de juste le nourrir. A la place, on se racontait, inlassablement, le roman d’une nation de personnes bosseuses et volontaires.
    Fukushuu no Miboujin fait partie des séries (heureusement elle n’est quand même pas la seule) à interroger ce mythe, et remettre en question le monde du travail. Elle ne décrit pas grand’chose de différent sur l’entreprise par rapport aux autres séries, en définitive. Il y a la même organisation très hiérarchique, la même pression à faire des heures à n’en plus finir, il y a même des engueulades au bureau du manager devant tout le monde. Sauf qu’au lieu de faire contre mauvaise fortune bon cœur, et trouver ailleurs la force de requinquer pour nous aider à retourner bosser le lendemain, Fukushuu no Miboujin pose la question à ses spectatrices : est-ce que ça en vaut la peine ? Est-ce vraiment une vie ? Et que se passe-t-il quand il s’agit de mort ? En japonais, il y a un mot spécialement pour les morts dues au travail (le terme « karoshi« , qui n’est pas limité aux cas de suicide), est-ce que ça ne devrait pas nous alerter ?
    Il n’y a pas que le cas de Yuugo, d’ailleurs. Au fil de ce premier épisode, la série va révéler que d’autres employées ont remarqué (et comment ne le pourraient-elles pas ? comment si peu d’autres employées de séries ont-elles pu ne pas le remarquer) que non seulement ces conditions de travail considérées comme banales sont insupportables, mais elles sont aussi profondément injustes.

    Toutefois, Fukushuu no Miboujin ne veut pas juste mettre cette brutalité sur le compte de la société. Elle veut rappeler que la société, c’est votre patron, c’est vos collègues, c’est vous, c’est moi (enfin, un peu moins moi, je suis à la retraite). Que le système est système parce qu’on ne le remet pas en question ; on courbe l’échine en attendant que l’orage passe, comme si cela allait aider. Chacune a un rôle à jouer dans le drame qui se déroule dans les bureaux de tout le pays, et dans ce bureau-là en particulier. De ce côté-là, Fukushuu no Miboujin s’inscrit aussi dans une variation intéressante des tropes courants à la télévision nippone, donnant aux différentes protagonistes la responsabilité individuelle de corriger leurs erreurs (la télévision japonaise étant souvent inconfortable à l’idée de parler directement de problèmes systémiques), mais sans perdre de vue la vue d’ensemble.
    Le rôle de Mizuki apparaît comme un révélateur de l’imputabilité de chacune. La jeune femme a en effet tout changé : son nom, son look, et même son activité, apprenant à coder pour pouvoir intégrer l’entreprise où travaillait son mari incognito. Episode après épisode, sous le nom de Mitsuki/Mitsu, elle va vraisemblablement se rapprocher de chaque personne ayant laissé se perpétuer l’ambiance délétère au travail, qui a détruit Yuugo. Il ne s’agit pas de les tuer, mais de quand même ruiner leur vie. Comme elles ont ruiné celle de Yuugo. Comme elles ont ruiné la sienne. Comme elles ruinent la vie de tout le monde.

    Il y a plein de détails intéressants dans la façon dont Fukushuu no Miboujin s’empare de son sujet, donc. Le revenge drama est ici, en grande partie, un drame social ; le fait que l’épisode emploie le seul personnage de flic comme un témoin relativement approbateur des actions de Mizuki est d’ailleurs saisissant. La série semble, au moins pour le moment, n’avoir vraiment prévu aucune forme de rétribution pour les exactions que Mizuki est décidée à commettre ; ce n’est pas elle qui est jugée ici. Les propos tenus dans les couloirs de cette entreprise, blâmant l’organisation du travail mais aussi les travailleuses elles-mêmes (il y a à mon avis des nuances intéressantes qui se préparent à être dites quant aux deux employées les plus jeunes du service), ne laissent jamais oublier que la condamnation de la série est sans appel.
    Le capitalisme tue.


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