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  • En tout cas moi je pourrais pas

    16 juillet 2022 à 21:42 • Telephage-o-thèque •

    HBO Max a, pendant un temps, commandé quelques excellentes séries nordiques, mais tout ça c’est fini. L’annonce un peu plus tôt ce mois-ci que la plateforme allait arrêter de lancer des projets originaux dans plusieurs pays a de quoi en étonner plus d’une. Il faut dire que, historiquement, le groupe HBO a été un investisseur plutôt constant dans la fiction de nombre de ces territoires ! Ses chaînes linéaires, en particulier, avaient installé la marque en Europe Centrale assez rapidement pendant la phase d’expansion internationale du diffuseur étasunien (un modèle que Netflix avait un temps imité), et la plateforme de SVOD offrait encore plus de possibilités à un secteur local qui était, très souvent, limité par les contraintes des diffuseurs historiques. Même si HBO n’arrête pas la production de séries originales pour ses chaînes linéaires à l’heure actuelle, cela signifie quand même que bon nombre de partenaires habituelles ou potentielles se retrouvent donc avec moins d’options auxquelles proposer leur séries.

    Par-dessus le marché, certaines des séries originales de HBO Max déjà mises en ligne ont été retirées du catalogue en ligne, dans le but d’être proposées à d’autres distributeurs. C’est sûrement la partie de cette annonce qui m’agace le plus ! On sait bien que la SVOD n’est pas fiable en matière d’accès à la fiction ; des séries sous licence pendant un mois peuvent ne plus l’être le suivant, ça arrive sans arrêt, ya même des sites pour récapituler ce qui sort du catalogue. C’est nul, mais on est habituées. Par contre, que cela se produise même pour les productions originales de la plateforme, ça me contrarie ; si on ne peut même pas faire confiance aux plateformes pour proposer leurs propres séries… Alors certes, vous allez me dire : il y a toujours des milliers d’autres séries sur votre to watch list, qu’est-ce qu’une ou deux en moins ? Pourtant ce sont des opportunités qui ne se présenteront peut-être plus jamais, et au-delà des pratiques individuelles, c’est tout un patrimoine télévisuel qui disparaît lentement mais sûrement, exactement comme pour les séries que la télévision linéaire enterre faute de réussir à vendre ailleurs. Il y en aura qui s’en tireront bien, seront achetées là où certaines téléphages pourront la voir ; il y en aura qui s’en tireront moins bien, seront achetées dans des recoins de la planète où la majorité des gens n’y auront pas accès ; et puis il y a celles qui, faute de trouver acquéreur, tomberont dans l’oubli. Vous vous souvenez de l’époque pendant laquelle on pensait que la SVOD allait sauver la télévision de l’obsolescence ? On était un peu naïves, quand même, mais c’était le bon temps, le temps de l’innocence.

    Comme de toute façon je n’ai jamais eu accès à HBO Max, dans mon monde les épisodes ne disparaissent pas (sauf panne de disque dur, certes). Du coup, je peux quand même tester Kamikaze, une série danoise qui fait partie des fictions retirées du catalogue de la plateforme pour être monnayée au plus offrant ailleurs. J’en ai entendu pas mal de bien, donc ses chances de trouver un nouveau domicile sont élevées, mais dans l’intervalle voyons donc de quoi il retourne.

    En fait, de Kamikaze, j’avais entendu du bien, mais comme j’évite de lire les reviews de ce que je n’ai pas encore testé, je ne savais pas vraiment de quoi il retournerait. Le matériel promotionnel me faisait penser à une sorte de thriller lorgnant sur l’espionnage et/ou l’action… au vu du premier épisode, j’avais clairement mal jugé la série.

    Kamikaze démarre alors que Julie précipite un petit avion vers le sol avec une énergie rageuse : elle n’essaie pas d’atterrir mais de crasher. L’appareil s’écrase au beau milieu d’un désert, sans la tuer sur le coup, et c’est le moment que la série choisit pour opérer un retour en arrière et nous expliquer « l’avant ». Avant, Julie est une adolescente de 18 ans élevée dans une famille riche, donc elle est influenceuse (quoi ? je mens, peut-être ?!). Elle a grandi dans un manoir magnifique, aimée par sa famille, entourée d’amies. Après, elle essaie de détruire un avion dont (…apparemment) elle est la seule passagère. Vous admettrez que ça pose question.
    Sauf que cette entrée en matière n’est pas exactement un démarrage in media res comme la télévision nous en sert copieusement depuis quelques années. Kamikaze ne veut pas juste nous raconter l’avant avant de nous décrire l’après et faire de cet après son intrigue, mais plutôt mettre en parallèle ces deux existences, vécues par une même personne. Pour le moment, l’épisode introductif n’est même pas encore intéressé par la cause, l’évènement déclencheur qui a fait passer Julie de avant à après ; ce qui compte est plutôt la transformation qu’elle a vécu. Les changements sont évidemment physiques, comme le montre bien le matériel promotionnel, mais ils sont le reflet de quelque chose de plus profond, et j’ai eu le sentiment que c’était de cela que voulait me parler cet épisode inaugural. De la façon dont la vie peut faire de quelqu’un une autre personne. De la façon dont nous contenons quelqu’un d’autre en nous, qui peut se révéler dans certaines conditions. De la façon dont quelque chose peut nous changer à jamais, et des décisions que nous prenons autour de ce changement.

    Ce n’est pas exactement qu’un mystère repose dans la révélation du pourquoi de cette bascule. On aura, avant la fin de ce premier épisode, une explication finalement assez évidente à cette rupture dans la continuité de l’existence de Julie. La tragédie la transforme ; mais cette explication n’en est même pas vraiment une parce que, en mettant en balance l’avant insouciant et l’après auto-destructeur, Kamikaze a établi que ce à quoi nous devons prêter attention, c’est comment, émotionnellement, ce changement s’est produit.

    On entend souvent, lorsqu’on passe par quelque chose de difficile et qu’on y survit, malgré tout, les gens nous dire : « tu as bien du courage ; en tout cas, moi, je pourrais pas ». Ha ! Comme si on avait eu le choix. En réalité, si on est là c’est qu’on n’a pas eu notre mot à dire. Ce n’est pas du courage, c’est juste la façon dont ça s’est passé. Il n’y a pas de secret : c’était vivre ça et y survivre, ou la mort. Il n’y avait pas de troisième solution… et parfois la mort n’arrive pas même quand on vient la chercher ; ce qui n’est pas de la bravoure non plus, juste de la malchance. Si on est encore là, c’est que l’alternative n’existait pas ; aucune force de caractère ne réside dans le fait d’être un increvable cancrelat.
    Le premier épisode de Kamikaze semble être dans la confidence. C’est comme si la série savait que le secret de la résilience, c’est juste d’être impossible à tuer (au moins pour le moment). C’est tout. Ce qui ne l’empêche nullement, bien au contraire, d’interroger les effets de tels mécanismes sur notre psyché, notre façon de voir le monde, notre rapport à la vie et à la mort. J’ai eu le sentiment que c’était ça, dont voulait parler Kamikaze ; des changements que cela induit sur nous que de survivre à ce qui pouvait nous arriver de pire. Comment cela change-t-il notre perception de tout, y compris de nous-même ? Au moins, lorsqu’on est passée de l’autre côté de la tragédie, plus jamais il ne nous vient l’idée saugrenue de dire « tu as bien du courage ; moi, en tout cas, je pourrais pas »…

    Et du coup, si tel est vraiment son propos dans les épisodes suivants, effectivement, la série mérite son excellente réputation. Sinon, au pire, ça veut dire que j’ai fait un transfert… et au final ça répond à la même question.


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  • Bad trip

    15 juillet 2022 à 22:08 • Review vers le futur •

    Est-ce que ça vous est déjà arrivé ? Vous tentez une nouvelle série, et pendant le premier épisode, vous passez un plutôt bon moment. L’atmosphère est bien installée, le personnage central est bien incarné, l’histoire a l’air d’être intéressante ou peut-être même originale. Franchement, il n’y a pas de quoi se plaindre.
    Et puis, l’épisode s’arrête. Les noms ont fini de défiler pendant le générique de fin, et il ne reste qu’un écran sombre sur lequel, en filigrane, s’affiche le reflet de votre visage. Dans ce face à face avec vous-même, vous faites le bilan de ce que vous venez de voir… et vous n’arrivez pas à vous souvenir. Pourquoi étiez-vous de bonne humeur quelques minutes plus tôt ? Qu’est-ce qu’il avait de bien, cet épisode ? En définitive, seriez-vous capable de citer une seule qualité dont la série aurait fait la démonstration pendant cet épisode introductif ?

    Tel est mon dilemme aujourd’hui quant au premier épisode de la série de HBO Max Cómo mandarlo todo a la mierda (ou How to screw it all up de son titre international), une production espagnole lancée il y a quelques jours. Sur le moment, je n’ai pas détesté ce que je regardais…

    A la réflexion, je ne suis même pas sûre de savoir comment l’héroïne de la série s’appelle (pas sans consulter notre ami Google, en tout cas). Je crois que son nom n’a été prononcé qu’une seule fois de tout l’épisode, et comme il se passait quelque chose d’autrement plus important à ce moment-là, l’information m’a échappé. Ce qu’on sait d’elle en revanche est assez clair : adolescente élevée par son grand-frère, Alba va au lycée mais est régulièrement forcée de l’aider à faire des petits jobs illégaux pour l’aider, car il est en délicatesse avec un malfrat local auquel il doit beaucoup d’argent. Je suppose qu’il est question ici de trafic de drogues, mais la série (décidément plus intéressée par l’allusion que l’explication) n’entre pas dans le détail. En tout cas c’est une enfance pourrie, et Alba n’a aucune confiance en son frère ; son seul espoir repose sur un voyage de classe en Italie, qui devrait lui donner une occasion de partir loin de ses ennuis. Manque de chance, dans ce premier épisode de Cómo mandarlo todo a la mierda, le voyage scolaire est annulé, et Alba est désemparée. D’autant que son frère s’est encore mis dans le pétrin, et qu’elle en a marre de ses conneries.
    Fort heureusement elle découvre par hasard que plusieurs de ses camarades de classe ont décidé de partir dans un road trip improvisé, profitant du fait que leurs parents les pensent en voyage scolaire pendant quelques jours. Alba décide de s’incruster dans ce voyage, quand bien même elle n’est pas du tout proche de cette bande de potes. Mais il n’est pas seulement question pour elle de voir du pays…

    …Pourquoi j’ai bien aimé ce premier épisode, du coup ?!
    Parce que ce n’est pas une intrigue foudroyante, en soi. Certes, le ton de la série m’a bien plu, l’héroïne parle peu et se montre très fine observatrice (les scènes où elle analyse les faits et gestes de ses camarades de classe le montrent plutôt bien), et du coup c’est un peu un rôle idéal dans lequel se glisser en tant que spectatrice : on observe en même temps qu’elle.
    Cependant, ce rôle est assez peu idéal d’un point de vue narratif : le quasi-mutisme de la protagoniste a pour effet secondaire de ne pas vraiment lui donner de personnalité. Elle est une situation au lieu d’être une personne. Et même la situation fait des contorsions de l’impossible ! Car pour permettre à Alba de s’incruster dans ce voyage, la série lui donne toutes sortes d’excuses un peu tirées d’un chapeau pour se glisser parmi le groupe qu’elle a choisi de rejoindre. La fin de l’épisode est une succession de coïncidences qui ressemblent de façon suspecte à un deus ex machina pour réussir à mettre en place un road trip qui puisse inclure l’héroïne, alors qu’en toute logique elle n’a aucune raison d’être invitée par ces potes qui ne font pas partie de son cercle, et qui, honnêtement, la méprisent. Avec le recul, cela n’a de sens que parce que les scénaristes ont besoin que cela ait du sens.

    Une review, c’est souvent le moment où vous me voyez discuter d’une série ; peut-être que vous en avez entendu parler avant, peut-être pas, mais dans ce cas je vous offre à la fois une présentation et un avis sur ce que j’ai vu, et ça vous sert si vous le voulez. Ce dont je ne parle pas assez, c’est aussi de combien les reviews m’aident, moi. Il y a une différence entre, d’une part, regarder quelque chose et en ressortir avec une impression diffuse, comme cela a pu être le cas pendant le générique de fin de ce premier épisode de Cómo mandarlo todo a la mierda… et d’autre part, former un avis (plus ou moins !) argumenté, et le présenter à autrui ce qui demande une certaine organisation de la pensée. Dans cette seconde configuration, on réalise parfois que ce qu’on avait ressenti n’est pas ce que l’on pense !
    Alors, certes, les épisodes de Cómo mandarlo todo a la mierda ne durent qu’une petite demi-heure (chose assez rare pour un drama européen, d’ailleurs), donc même si je n’avais pas réalisé qu’en fait je n’avais rien de très positif à dire de la série, je n’aurais pas perdu trop, trop de temps à continuer la série. Mais ça me fait quand même gagner du temps que de le prendre pour synthétiser mes impressions.
    Du coup, si vous êtes en train de lire ces lignes, merci pour le service que vous m’avez implicitement rendu ! Il y a suffisamment de séries dans le monde pour ne pas passer son temps devant une série qui a pour qualité essentielle que d’être capable de faire illusion.


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  • Who’s the evil twin ?

    10 juillet 2022 à 21:52 • Review vers le futur •

    Généralement quand je veux situer une série, j’en cite d’autres présentant des similitudes ; mais dans le cas de la série kenyane Igiza, ça pourrait être très long. Il faut dire que son intrigue est à cheval sur la série carcérale et le thriller ; deux angles qui reflètent les trajectoires des deux héroïnes, les sœurs jumelles Nicole et Linda.

    Trigger warning : tentative de viol.

    Et, si jamais vous vous posez la question : oui, le fait qu’elles soient jumelles revêt une importance capitale dés ce premier épisode.

    Mais d’abord, présentons la situation de départ, car même si (comme toute situation de départ) elle n’est pas amenée à durer, elle contient cependant les enjeux à venir.
    Linda est la sœur à laquelle tout a réussi. Avec son mari, elle mène une vie luxueuse dans une magnifique villa tenue par des domestiques ; elle a un jeune fils, Ian, qui est adorable ; elle est à la tête d’un empire de la haute couture… bref, tout est parfait dans son existence. Lorsque commence Igiza, elle est sur le point de vivre une journée d’une importance capitale, à l’occasion de l’ouverture d’une nouvelle boutique. Sans trop vouloir nous dire pourquoi, la série établit que cette inauguration n’est pas anodine : le couple passe beaucoup de temps, dans plusieurs scènes, à insister sur le fait que beaucoup de choses dépendent de ce lancement. Et effectivement la journée de Linda est stressante, d’autant que rien ne se passe comme elle le voudrait. Pour quelqu’un d’extrêmement exigeant, c’est d’autant plus rageant.
    Nicole aimerait avoir ce genre de problèmes. Elle est en prison (…le premier épisode d’Igiza ne nous dira pas tout de suite pourquoi), et ce même jour, elle a décidé que cette fois, elle se faisait la malle. Sauf qu’il ne s’agit pas d’un coup de tête : avec d’autres prisonnières, elle a tout préparé. Son plan d’évasion repose en particulier sur un moment précis de la journée, lorsque, après le déjeuner, elle est appelée dans le bureau du directeur de la prison… On comprend alors qu’il a l’habitude de la violer régulièrement, sauf que cette fois, elle l’assome avec un presse-papier, et, grâce à son organisation avec plusieurs autres prisonnières, elle en profite pour se faire la malle discrètement. Le plan se déroule sans accroc, et bientôt la voilà à l’arrière du camion du maraîcher qui vient d’approvisionner la prison, sur la route de la liberté.

    Où pensez-vous que Nicole se dirige en premier ? Auprès de sa sœur, bien-sûr. Sauf que les retrouvailles sont tout sauf chaleureuses, et l’animosité entre les deux femmes est lourde de sens. Sans trop en dire pour le moment (on est dans un thriller après tout, pas franchement un genre qui aime répondre à toutes les questions tout de suite), Igiza nous laisse entendre que les conditions de l’incarcération de Nicole sont, au moins de son point de vue, causées par Linda.
    C’est alors que la gémellité des deux sœurs prend tout son sens…

    Cet épisode inaugural a un bon rythme, mais il ne se précipite pas. On prend le temps d’apprendre à connaître les deux sœurs, et il s’avère que même si elles ont chacune leurs problèmes, leur attitude est très différente. Linda a tout dans la vie, mais elle se révèle exécrable ; d’accord, c’est une journée importante pour elle, mais la façon qu’elle a de traiter son personnel (ou toute personne qu’elle considère inférieure, en fait) la rend immédiatement antipathique. Aussi, assister à la façon dont le plan (finement élaboré, il faut le dire) de Nicole se met en place procure une certaine satisfaction : on ne sait pas encore si Nicole mérite sa liberté volée (est-elle une criminelle en fuite, ou une victime des circonstances ?), mais en tout cas il apparaît clairement que Linda fait un déplorable usage de la sienne. A la fin de l’épisode, bien-sûr, les cartes sont rebattues… et cela signifie que le rapport de force a changé. Prendrons-nous une sœur différente en pitié, à mesure que nous en apprendrons plus sur ce qui a pu se passer et/ou que nous assisterons à de nouveaux tourments ?
    Igiza marie donc à son intrigue carcérale et à son thriller une bonne dose de tragédie, et je dois dire que c’est une bonne surprise. Pour un épisode de trois quart d’heures, la série arrive à trouver le temps d’apporter des nuances, ou simplement d’exprimer des choses émouvantes (la réaction de Nicole lorsqu’elle se sait libre à nouveau est magnifique). La versatilité de l’actrice principale Serah Ndanu est en outre saisissante. Et elle est belle comme une poupée, ce qui ne gâche rien.
    Ne pouvoir suivre les épisodes suivants d’Igiza (une série originale de Showmax) restera sûrement l’un de mes plus grands regrets de 2022.


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  • Survol

    10 juillet 2022 à 21:48 • Review vers le futur •

    Avant, lancer une série l’été, c’était la lancer en période creuse ; aujourd’hui ça veut juste dire la lancer. Parce que, de toute façon, des séries, il en démarre toutes les semaines ! Il n’y a plus vraiment de série de l’été, il n’y a que des séries qui se trouvent être lancées en été ; il n’y a plus de saison, comme on dit.
    Malgré tout, courageusement, CBC lance en ce mois de juillet une vraie série de l’été avec SkyMed, une fiction d’intervention médicale qui se veut rythmée… et pas trop compliquée. De la vraie proposition estivale comme on n’en fait presque plus ! Et bien-sûr, je dis « presque » parce que devinez ce qu’on a reviewé le mois dernier, sur le même thème, et également lancée en été ? Exactement : sa cousine suédoise, Åreakuten.
    Du coup, pour éviter la redite dans cette review, je vais me focaliser sur ce qui est unique chez SkyMed… ça devrait aller assez vite.

    Même sur un plan visuel, SkyMed rappelle Åreakuten, de par ses grands espaces boisés. La série canadienne se déroule en effet dans la province du Manitoba ; ce n’est pas exactement la pointe nord du pays, mais les hivers n’en sont pas moins rudes. Fort heureusement, même si la série nous avertit que la saison froide n’est pas une partie de rigolade, au moins pour le moment l’intrigue se déroule en été, lorsque les choses sont encore à peu près fonctionnelles. A peu près, parce que même l’hôpital le plus proche est loin, et que tout n’est accessible qu’en avion, y compris le ravitaillement… Une grande partie des habitantes de la région sont des First Nations (Cree, si j’ai bien compris), et leur accès au confort moderne est donc largement dépendant des services de SkyMed, basés à l’aéroport de Thompson.
    C’est dans cet univers que débarque Hayley Roberts, une infirmière qui vient d’être embauchée ; lors des interventions médicales d’urgence, ce sont en effet des infirmières qui administrent les premiers soins plutôt que des ambulancières ; la conduite de l’avion médical étant en effet la mission des pilotes de SkyMed. Hayley arrive de la grande ville, et on apprendra au cours du premier épisode qu’elle a jusque là été une infirmière en gynécologie obstétrique. Inutile de dire qu’elle ne semble pas avoir tout-à-fait sa place à Thompson, au moins sur le papier, mais évidemment le défi du premier épisode est à la fois de nous prouver qu’elle est capable, et nous faire comprendre que si elle est là, c’est qu’elle a une bonne raison. Sur ce second point, la série se contentera cependant d’allusions à un deuil encore frais, sans rentrer dans les détails. Mais sur le premier, cela devient d’autant plus un enjeu dans cet épisode introductif que sa partenaire, l’infirmière Crystal Highway, est native de la région. Elle se montre un peu hostile à Hayley, surtout après avoir assisté à défilé de recrues mal préparées aux réalités du terrain. Elle est, en outre, particulièrement protective de sa communauté, bien qu’étant tiraillée par des désirs de progression professionnelle qui pourraient l’en éloigner.

    A un moment, le parcours de Crys m’a vaguement rappelé une intrigue de Hard Rock Medical, mais non. Car même si SkyMed voudrait nous intéresser à ces personnages et quelques autres, en leur donnant des intrigues tout au long de cet épisode d’introduction (Bodie, le pilote qui essaie de réussir les tests pour se faire embaucher à Air Canada ; Wheezer, le doyen de SkyMed qui va avoir un accident pendant ce premier épisode ; Lexi, qui voudrait faire autre chose que du transport de marchandises ; ou encore Chopper, un infirmier avec un énorme complexe d’infériorité qui va tomber sous le charme de Hayley), on n’est pas vraiment là pour les histoires personnelles. Ou disons qu’on n’a pas le temps d’être là, parce que les scènes sont très rapides, et que des urgences médicales se produisent, c’était à prévoir, à intervalles réguliers. Sauf qu’étrangement, SkyMed ne prend pas non plus beaucoup de temps pour ces cas médicaux : on arrive, on jauge la situation, on procède à des gestes médicaux qui sont à peine montrés, on évacue, on confie à l’hôpital de Thompson et on repart. J’ai été surprise de voir que, pour une série qui devrait a priori être médicale (…c’est dans son nom ?!), SkyMed est en réalité très peu intéressée par le détail de la médecine ainsi pratiquée. On nous répète qu’il faut faire avec les moyens du bord, mais hormis un bout de duct tape, personne ne va vraiment macgyveriser dans l’urgence. La série insiste verbalement sur des choses qu’elle ne montre pas vraiment, et je trouve ça déroutant. Et vu que même l’aspect humain est rarement développé (une seule des patientes de cet épisode aura vraiment l’occasion de parler de sa situation au-delà de l’urgence médicale traitée), on se demande un peu ce que, en définitive, SkyMed veut bien proposer.

    Sauf qu’évidemment, c’est précisément ça, qu’elle veut proposer : un survol de plein de choses. Les intrigues personnelles sont survolées, les intrigues médicales sont survolées, le Manitoba est survolé ; vous voyez, c’est assorti. C’est en cela que SkyMed assume d’être une série estivale, avec des jolis décors, et des jolies actrices dans les jolis décors. Ce sont des images qui bougent, c’est un peu dépaysant tout en offrant une légère dose d’adrénaline, rien de dérangeant surtout. En plus, comme ça, c’est facilement exportable, et devinez quoi ? La série également démarré en ce même mois de juillet sur Paramount+ ! Là encore, une belle tradition estivale pour la fiction canadienne anglophone…
    Entre parenthèses, à cause de la présence de la franchise Yellowstone sur la plateforme et maintenant l’arrivée de SkyMed, P+ vient de devenir l’air de rien le diffuseur étasunien avec le plus grand nombre de séries incluant des personnages First Nations. Je sais, je sais, et j’aurais jamais parié mon argent dessus non plus, mais on en est là.

    Est-ce que SkyMed est indispensable ? Non, évidemment que non. Mais l’été, veut-on vraiment des séries indispensables ? Tout le monde ne peut en tout cas pas être Mad Men. Parfois, surtout s’il fait 40°C à l’ombre et qu’on n’a pas l’énergie de réfléchir, SkyMed est exactement la série qu’on cherche.


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  • Miss Su’s Murder Mysteries

    9 juillet 2022 à 21:59 • Dorama Chick •

    Peu de choses me mettent autant en joie que de parler d’adaptations. Je sais qu’il est de bon ton de se plaindre des remakes (quoique les remakes d’un pays à l’autre soient, généralement, un peu moins décriés que deux versions produites dans le même pays à quelques années ou décennies d’écart), parce qu’on aime bien prétendre qu’une adaptation ne peut pas être une oeuvre originale, ou tout simplement parce qu’on répète à l’envi que l’originalité est une preuve de qualité. Rien à faire : moi, ça m’éclate.
    La comparaison entre une série originale et une ou plusieurs de ses adaptations est, à mon sens, un exercice fascinant. J’ai pu par exemple vous parler des richesses insoupçonnées logées dans différentes adaptations de la série espagnole Gran Hotel, ou bien m’arrêter sur les nuances dévoilées par quelques unes des versions internationales du thriller israélien Kvodo (ces deux séries ont depuis eu d’autres versions encore, d’ailleurs). Il se niche toutes sortes d’informations formidables dans ces comparaisons, tout simplement parce qu’une adaptation, c’est une somme de choix. Or, ces choix sont infiniment parlants : ce qui est absent d’une adaptation, ou au contraire ce qui a été ajouté, en dit autant que ce qui nous est déjà familier.

    Il y a deux ans, une série pour laquelle j’ai de l’affection a eu droit à une adaptation ; à l’époque, je n’avais pas trouvé de sous-titres, mais voilà que cette semaine, un miracle s’est produit. C’est donc l’occasion pour moi de vous proposer une review de Qi Pao Mei Tan (ou Miss S de son titre anglophone), une version chinoise de la série australienne Miss Fisher’s Murder Mysteries.

    A priori, vous connaissez l’histoire (d’autant que Miss Fisher’s Murder Mysteries a été diffusée sous nos latitudes), mais dans le doute : dans les années 30, Su Wen Li revient à Shanghai après avoir vécu en France. Elle y retrouve une amie de longue date, la docteure Liu Ru Qing, qui l’accueille à son arrivée au port. D’emblée il semble clair que Wen Li n’est pas revenue au pays simplement pour ces retrouvailles, mais qu’elle a un but bien précis, en lien avec la disparition de sa sœur il y a de nombreuses années, avant que sa famille ne parte pour l’Europe. Toutefois, cet objectif très sérieux et cher à son cœur n’empêche nullement la jeune femme de mener une vie sociale décente, et la voilà qui renoue, le jour-même de son arrivée, avec une autre amie, Ma Min Lan. Celle-ci est une personne influente dans la haute société shanghaienne, mais voilà : ce matin-là, son époux l’homme d’affaires Hu Yun Liang a été retrouvé mort dans sa salle de bains. C’est triste et également incommode, vu que Min Lan est l’organisatrice d’un gala de charité qui doit se dérouler dans quelques heures. Wen Li fait son possible pour lui apporter son soutien…
    …Sauf que Wen Li n’est pas une femme de la haute société comme les autres. Pour elle, apporter son soutien, cela signifie mener l’enquête, quand bien même la police est également sur l’affaire. Et quand bien même l’inspecteur Luo Qiu Heng tente de l’empêcher de mettre son nez dans l’enquête, Wen Li va lentement démêler le mystère qui entoure ce décès.

    Les plus fidèles à Miss Fisher’s Murder Mysteries auront remarqué que l’intrigue de ce premier épisode de Qi Pao Mei Tan est exactement la même. En fait, une chose apparaît comme évidente en regardant ce premier épisode : on est là devant une adaptation assez rigoureuse. Certains dialogues se retrouvent quasiment à l’identique, par exemple ; c’est vrai même pour des phrases anodines et des répliques humoristiques, n’ayant aucune incidence directe sur l’intrigue plus policière ou même les relations entre les personnages. Plusieurs scènes se répètent ici avec pour seule différence les actrices, les décors et, dans une certaine mesure, les costumes.
    …Du coup, ça donne envie de prêter encore plus attention à ce qui diffère de la série originale australienne. Alors évidemment, il y a les différences culturelles (par exemple l’avortement n’est apparemment pas illégal dans la Chine des années 30, or l’intrigue d’origine parle à un moment d’avortement clandestin ; donc il a fallu faire un petit tour de passe-passe narratif), sur lesquelles je ne vais pas m’apesantir. Une petite chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’est que Qi Pao Mei Tan serait plus légère que Miss Fisher’s Murder Mysteries ! Cela se sent principalement dans la réalisation : l’image est plus lumineuse, et les plans un peu moins étouffants même pendant les passages les plus graves. Ce n’est pas plus drôle à proprement parler, mais c’est un cran au-dessus dans la décontraction. Mais cela reste assez mineur, surtout qu’on ne peut pas dire que ça trahisse l’esprit de la série originale.

    L’une des différences majeures, qui a un impact sur beaucoup des autres nuances introduites par la série chinoise, est que Qi Pao Mei Tan a fait le choix délibéré d’opter pour un format différent. Là où les épisodes de Miss Fisher’s Murder Mysteries duraient environ une heure, et conduisaient à une enquête bouclée, ici le premier épisode dure environ trois quarts d’heure… et l’intrigue policière est étalée sur deux épisodes. Cette décision a une conséquence évidente : regarder le premier épisode, comme je l’ai fait, ne permet pas de connaître la conclusion de l’enquête (et d’ailleurs le rôle de l’employée de maison Tao Zi est encore assez anecdotique). Elle en a du coup une autre qui devrait également sembler logique : pour raconter en une heure trente ce qui précédemment prenait un peu moins d’une heure, il faut utiliser son temps autrement. Cela se traduit par des scènes généralement plus longues, donnant aux protagonistes plus d’occasions de se parler pour autre chose qu’échanger le strict minimum nécessaire pour faire avancer l’intrigue.
    Le premier épisode de Qi Pao Mei Tan inclut en outre, vers le début, une longue scène complètement neuve servant d’introduction à plusieurs personnages. Ainsi, au lieu de juste débarquer du bateau et passer à la suite de l’intrigue, Wen Li va faire la démonstration de ses talents de déduction, mais aussi de sa culture générale et de sa personnalité malicieuse, en s’introduisant sur le lieu d’une autre enquête (relativement déconnectée de l’enquête principale… pour le moment) pour faire la leçon à la police, dont la plupart des membres manquent de finesse d’esprit pour comprendre une énigme. Cela permet en outre à l’héroïne de faire la rencontre de l’inspecteur Luo Qiu Heng (seul membre compétent de la police de Shanghai, et que la série traite comme un égal quand bien même lui a un petit complexe de supériorité), et de poser les bases de leur relation avant même que l’enquête pour meurtre ne commence et ne les pousse à se côtoyer. C’est un choix plutôt plaisant de la part de la série chinoise, qui s’en sert ainsi non seulement pour meubler, mais aussi pour approfondir le travail d’exposition. Cette scène en apparence sans importance dans l’intrigue principale nous démontre en fait, indirectement et préventivement, que Wen Li s’intéresse sincèrement à démêler des mystères même quand ils ne la touchent pas personnellement. De fait, cette addition s’avère plutôt futée ; il faudra voir comment elle se traduit dans les épisodes suivants, maintenant que les présentations ont été faites.

    A l’époque de sa diffusion, Qi Pao Mei Tan n’avait pas vraiment fait de bruit hors de l’Asie. Initialement produite pour Tencent et Beijing TV, où elle est apparue en août 2020, la branche HBO Asia avait cependant mis quelques billes dans l’affaire aussi, lui permettant de montrer la série dans plusieurs pays asiatiques hors-Chine. On pensait que ça s’arrêterait là, mais cet été, HBO Max a décidé de l’ajouter à son catalogue (la qualifiant d’original), simplifiant son accès notamment auprès du public anglophone. D’où, enfin, l’existence de sous-titres anglais.
    Il s’agit d’un sort pour le moment assez marginal, mais il faut noter que ce n’est pas la première fois qu’une série asiatique connaît ce genre de destinée : la série japonaise Miss Sherlock (cette fois co-produite avec Hulu au lieu de Tencent) était arrivée sur les écrans de HBO aux Etats-Unis quelques mois après sa diffusion originale. On notera qu’il y a une proximité thématique entre les deux productions, d’ailleurs, qui sont toutes deux des séries policières avec un lead féminin.
    C’est assez intéressant parce que, traditionnellement, on n’attend pas franchement de HBO en Amérique du Nord qu’elle s’intéresse aux séries asiatiques même produites par sa propre filiale ; il faut croire que, lentement mais sûrement, elle s’y met à son tour quand même. Et franchement, si Qi Pao Mei Tan ne colle pas forcément à l’idée un peu élitiste qu’en Occident on se fait d’une série HBO, elle mérite amplement sa place sur la plateforme. Hâte de voir quelle autre production de HBO Asia lui emboitera le pas à l’avenir…


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  • Line goes down

    8 juillet 2022 à 20:32 • Review vers le futur •

    Pour être tout-à-fait honnête, je n’arrive pas vraiment à déterminer pour qui King of Stonks existe. Cette dramédie allemande, qui vient d’être lancée par Netflix cette semaine, se déroule dans le milieu de la « fintech« , et fourmille de références plus ou moins directes à un vocabulaire populaire dans le milieu.
    Son titre-même se réfère au meme « stonks« , et la série fait à plusieurs reprises des appels du pied à un public familier des usages du monde de la cryptomonnaie (quand bien même, au moins au stade de ce premier épisode, il n’est pas question de bitconneries ici). Il est très clair que King of Stonks est plus accessible pour des gens qui emploient couramment l’expression « to the moon » et/ou encensent Elon Musk. Le protagoniste central de la série est l’un d’entre eux, sans conteste.

    On pourrait aussi dire que ses détails distillés à la vitesse du son, son montage effréné, et son goût pour l’excès, s’inscrivent dans cette volonté de parler à des personnes se reconnaissant dans le profil des tech bros. C’est-à-dire des gens qui se considèrent comme intelligents, qui aiment que les choses aillent vite quitte à rester superficielles, et qui aiment se taper sur les cuisses en riant grassement. C’est, évidemment, un stéréotype, mais c’est aussi clairement à ce public que la série fait des appels du pied dans sa façon de construire son exposition, de mettre en place son personnage central, ou encore dans la façon dont plusieurs événements se produisent au cours de cet épisode, jusqu’à sa conclusion. Les choix opérés par le premier épisode de King of Stonks ne sont pas de prendre le temps d’expliquer ses mécanismes, ou la psyché de ses protagonistes, et encore moins de tenter une intrigue pouvant prétendre au réalisme. Et, combiné au sujet lui-même, c’est un indice quant au genre de personne à qui la série s’adresse.

    Pourtant, King of Stonks est aussi éminemment critique vis-à-vis de tout cela. Son mépris face à l’ambition forcenée et la cupidité de l’ensemble des personnages est visible. Son propos, dés l’introduction d’ailleurs, est clairement de s’en prendre à ce que le capitalisme suscite de pire. Ce qui signifie que, bien qu’adoptant son langage, elle ne brosse absolument pas son public-cible dans le sens du poil.

    En-dehors de ce point, qui vraiment n’a cessé de me perturber pendant tout l’épisode, je dois dire que King of Stonks n’a pas inventé grand’chose. L’intrigue tourne autour de Felix Armand, un type compétent mais pas assez fin pour éviter de se faire manipuler par son patron, le riche Dr. Magnus Cramer, CEO de la compagnie CableCash. Celui-ci utilise les compétences de Felix à son avantage, ce qui lui a permis de faire entrer CableCash à la Bourse, en faisant miroiter à Felix un poste de co-CEO ; le jeune homme est le seul à ne pas avoir remarqué que ce poste est une illusion. En attendant il va passer tout ce premier épisode à courir dans tous les sens pour que tout se passe bien pour CableCash, et donc pour Magnus, s’épuisant à jongler avec les responsabilités tandis que son boss récolte les lauriers de la gloire.
    King of Stonks n’est donc pas vraiment l’histoire d’un roi. D’autant que Felix apparaît comme bien trop naïf pour tirer avantage de la situation ou essayer de renverser son supérieur (et vu la façon dont se finit ce premier épisode, je ne sais pas s’il est près d’essayer, ne parlons même pas de réussir). Il y a une dimension gênante, pour ne pas dire humiliante, à cette dynamique ; mais le fait que Felix soit à son tour infect avec ses subordonnées n’aide pas à prendre pitié du personnage.

    Si King of Stonks trouve, dans les épisodes suivants, le moyen de se calmer un peu, peut-être qu’elle a une chance de raconter quelque chose d’un peu consistant. Pour le moment, la forme empiète sur le fond, et on ne sait pas trop à qui le fond s’adresse de toute façon. Il faudrait aussi poser la question de savoir s’il est vraiment possible, par les temps qui courent, de s’inquiéter pour un exécutif d’une start-up de fintech qui n’arrive pas à prendre du galon. Moi, personnellement, j’ai mon idée.


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  • Feu sacré

    3 juillet 2022 à 20:36 • Review vers le futur •

    Il existe une règle universelle : quel que soit l’endroit de la planète où elle est produite, toute série sur un restaurant doit se dérouler dans un restaurant risquant la fermeture. Une série dans un restaurant qui n’est pas au bord du précipice, ça n’existe pas. Généralement, ce sont les finances, le problème ; après tout, plus de la moitié des restaurants ferment leur porte dans l’année qui suit leur ouverture. The Bear ne fait pas exception.

    Trigger warning : suicide, dépression/burnout.

    Vous et moi, on se pratique depuis un bout de temps déjà (et, sinon, bonjour aux nouvelles lectrices), aussi vous n’allez pas vraiment être surprise d’apprendre que j’ai une affection particulière pour les séries se déroulant dans le milieu gastronomique, rapport au fait qu’une série parlant de bouffe est supérieure par nature à toute autre. Il était donc évident que j’allais regarder The Bear à un moment ou à un autre. Et ce moment, c’était il y a quelques jours, après avoir été très intriguée par le buzz extrêmement positif autour de cette série et notamment son 7e épisode. Maintenant que je l’ai vu, je comprends pourquoi il est spécial ; toutefois, pour être honnête, c’est cette première saison toute entière qui l’est à mes yeux. En tout cas, la série mérite la réputation qui lui est faite.

    Alors reprenons : The Bear, c’est l’histoire de Carmen Berzatto (surnommé « Carmy » par la plupart des personnes qui le connaissent), un chef talentueux qui a travaillé dans quelques unes des meilleures cuisines au monde et a remporté de prestigieuses récompenses… mais qui a récemment pris la tête du Beef, un deli de quelques tables seulement dans un quartier pourri de Chicago. La spécialité, au menu du Beef, ce sont des sandwiches italiens au bœuf, pas vraiment de la haute gastronomie ; et la clientèle est à l’avenant. Comment en est-il arrivé là ?
    En réalité, The Beef est une affaire familiale : ouvert par son père, repris ensuite par son frère Michael (ou « Mikey »), le petit resto miteux lui revient désormais. Carmy en a hérité après le suicide, voilà quelques mois à peine, de son frère aîné. Leur sœur Natalie (dite « Sugar ») est également co-propriétaire, bien que n’ayant aucun lien avec le monde culinaire ; elle assume donc uniquement un rôle financier dans les affaires de l’établissement. Or, celles-ci sont au plus mal : The Beef est au bord de la faillite chaque jour ou presque. Il semblerait que Mikey ne gérait pas très bien les comptes du restaurant, voire pas du tout. Il avait en outre contracté une dette de plusieurs centaines de milliers de dollars auprès de leur oncle Cicero, qu’il faut maintenant rembourser. Etant donné qu’il était un addict, ce n’est pas entièrement étonnant, mais ça ne fait qu’ajouter à la pression pesant sur les épaules de Carmy.

    Celui-ci a repris le restaurant tel quel ; c’est-à-dire qu’il a conservé l’équipe qui travaillait là depuis des années, parfois des décennies : Tina, une femme d’âge mûr entêtée et râleuse ; Ebra, un vieux cuistot qui a l’oeil sur tout ; Marcus, le jeune préposé au pain. Il faut aussi compter sur la présence du « cousin » Richie, l’ami d’enfance de Mikey qui travaille en caisse, et qui est hostile depuis le départ à la présence de Carmy à la tête de l’entreprise. Dans le premier épisode, ce dernier embauche également une nouvelle recrue, Sydney, pour lui servir de stage (une sorte de commis) puis de sous-cheffe.
    C’est le premier d’une série de changements que Carmy tente d’implémenter au Beef. « Tente » est ici le maître-mot, car malheureusement pour lui, les employées sont extrêmement réfractaires au changement (toutes se réfèrent au « système » implémenté par Mikey, qui en réalité est un joyeux chaos). C’est en particulier vrai de Richie, qui n’a que du mépris pour le parcours de Carmy, qu’il voit comme snob et peu adapté aux réalités du Beef. Les deux hommes s’opposeront à plusieurs reprises autour de l’orientation à donner au commerce : honorer les traditions du Beef et compter sur sa longue histoire pour durer, ou le moderniser pour le faire entrer dans une période de stabilité ?

    Dans les grandes lignes, c’est ça, l’histoire de The Bear. Sur le papier ça paraît simple, et en un sens, de façon assez déconcertante, ça l’est : The Bear n’a pas vraiment envie de se lancer dans des intrigues parallèles, ne pose pas franchement de questions énigmatiques, et ne s’intéresse que très modérément au monde hors des murs du restaurant. Les scènes de cuisine y sont nombreuses, détaillant le quotidien des fourneaux avec minutie, passant de longues minutes à regarder les gestes de chacune des employées pendant les longues heures de préparation avant l’ouverture de la caisse (le fameux épisode 7 s’inscrit dans ce choix).
    Pourtant The Bear est fascinante. Non pas parce qu’elle montre des professionnelles qui cuisinent (et qui s’entredéchirent sur ce qu’elles cuisinent, et comment il faut le cuisiner) pendant des heures et que c’est mon telephagic kink, mais parce qu’elle a décidé d’utiliser cet angle, avec beaucoup d’insistance, pour étudier la vie intérieure de ses personnages. Cela dit, c’est aussi mon telephagic kink.

    C’est à un point tel, que j’ai du mal avec les classifications de la plupart des sites de référence. Reprenant potentiellement la classification de Hulu, IMDb prétend que c’est une comédie, ce qui m’est absolument impensable. Même chose pour Deadline qui utilise ce terme dans ses news depuis la commande de la série, donc probablement en se basant sur les communiqués de FX. Wikipedia consent à un « comedy-drama« , terme qui en général est employé par le site plutôt que « dramedy« , mais pointant vers la même chose.
    Pour moi ça n’a absolument aucun sens. Oui, les épisodes de The Bear durent environ une demi-heure, mais une durée n’est pas un genre. The Bear est si intime, si dramatique, si tragique même, qu’il est impossible pour moi d’en parler autrement que comme d’un drama. Un beau human drama, où ce sont les émotions qui priment, et non les rebondissements ou les intrigues soapesques.
    Sur la base de ces descriptions, tout me portait en effet à croire que The Bear serait une sorte de version un peu pouilleuse de Kitchen Confidential, dans laquelle un chef torturé essayait de maintenir à flot son prestigieux restaurant, se livrant régulièrement à toutes sortes d’excès. Il y a, certes, des choses un peu extrêmes dans The Bear ; on y crie beaucoup, on en vient aux poings, parfois on donne des somnifères à des enfants par accident, bon. Mais ce n’est pas l’excès qui mène les épisodes de The Bear ; au contraire, la série fait preuve d’une retenue délicate dans ses portraits, explorant la souffrance sincère de Carmy, et surtout, dépeignant la vie d’une cuisine qui vibre de passion, même si celle-ci n’est pas toujours canalisée dans le bon sens.

    Derrière les fourneaux du Beef, on trouve des hommes et des femmes qui, en essayant de survivre, en ont oublié d’avoir des exigences. C’est difficile de se pousser à l’amélioration quand on est constamment au bord de l’épuisement, aussi bien physique qu’émotionnel. The Bear s’arrête sur la façon dont chacune a un peu occulté qu’il ne s’agissait pas juste de faire tourner la boutique et vivre jusqu’au prochain service, mais d’essayer de bien faire le boulot, l’arrivée de Carmy venant indirectement mettre ses employées face à leur complaisance vis-à-vis d’elles-mêmes. Carmy a travaillé dans les meilleurs restaurants de la planète, et si c’est l’objet de moqueries de la part de certains comme Richie, cela reste impressionnant quand même, au fond. L’organisation, la propreté, et surtout le degré d’exigence, de ces endroits, lui manque ; c’est une structure réconfortante, malgré tous les abus qu’elle peut aussi engendrer, et implémenter ces changements a quelque chose de rassurant, paradoxalement. Mais pour ses employées, c’est un bouleversement.
    Si tout cela semble tellement important, les positions de chacune leur tenant à cœur au point de conduire à des affrontements réguliers en cuisine, ce n’est toutefois pas juste par passion culinaire. C’est plutôt que celle-ci est une forme d’expression, et tout le monde, dans la cuisine du Beef, a des choses à exprimer. Carmy, par exemple, est encore en train d’essayer de composer avec le deuil sourd et incompréhensible qui fait suite au suicide de Mikey ; on comprend également qu’avant de revenir à Chicago, son expérience dans ces fameuses meilleures cuisines du monde, il a fait un sévère burnout, dont il ne s’est pas encore relevé (on peut probablement parler de PTSD dans une certaine mesure ; d’une façon générale The Bear est l’une des rares séries sur le monde de la restauration à critiquer les abus qui sont considérés courants dans la profession). Prendre le contrôle au sein de The Beef, c’est essayer d’adresser le chaos intérieur en même temps qu’honorer la mémoire de son frère, tout en ayant un exutoire, quelque chose dans quoi s’absorber pour oublier la peine. C’est également vrai pour d’autres protagonistes, qui une à une se révèlent passionnées par ce qu’elles font ; elles avaient simplement oublié. Sydney est peu expérimentée, mais elle a travaillé dans des cuisines un peu meilleures que celle-ci ; elle est pleine d’idées pour essayer de transformer The Beef en un établissement à succès, à la fois pour l’endroit et pour elle-même. Son manque de maturité, et dans une certaine mesure, son incapacité à se faire entendre et respecter, sont la cause de frustrations récurrentes, car elle est aussi très consciente de sa valeur. Initialement limité à la préparation du pain des sandwiches, Marcus se découvre une passion pour la pâtisserie ; il passera une bonne partie de la saison à se lancer dans des expérimentations et ainsi améliorer ses capacités, se révélant être un autodidacte talentueux. Même Tina, pourtant convaincue de tout savoir et de tout bien faire, devra concéder qu’elle a des choses à apprendre de collègues plus jeunes… et ainsi ouvrir la porte à des relations plus apaisées, jusque là impensables. The Bear explore leur relation à la cuisine comme une expression de leur relation à tout le reste ; les employées de The Beef sont des artistes avant tout. Des artistes passionnées, du genre de passion qui évince tout le reste. The Bear a même la particularité de refuser à ses personnages des intrigues secondaires qui leur permettraient d’exprimer leurs sentiments hors de la cuisine. Il n’y a par exemple, dans cette première saison, absolument aucune coucherie. Entre aucun personnage. Personne, absolument personne n’est là pour ça ; ça ne semble même effleurer l’esprit de quiconque. Toute émotion passe par les fourneaux, et s’obtient par les fourneaux. Je sais pas si vous vous rendez compte.

    Dans cette série, il y a une urgence à ne pas succomber ; ni aux difficultés du quotidien (et elles ne manquent pas), ni aux démons intérieurs. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y est question que de survie ; parce qu’elles ont foi dans ce qu’elles font (ou qu’en tout cas, elles peuvent essayer de la retrouver), les protagonistes de The Bear peuvent aller vers le mieux. S’améliorer soi pour améliorer son sort, malgré tout ce qui nous en empêche. Le feu sacré des fourneaux pour ne pas laisser s’éteindre la flamme, en soi, qui donne faim de plus.
    The Bear, c’est l’épuisement, le deuil, la passion, et tout ce qui nous consume. Pour le meilleur.


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  • À l’Eternel appartient le règne

    3 juillet 2022 à 20:34 • Telephage-o-thèque •

    La politique et la religion ne font pas bon ménage, mais ça ne les empêche pas d’essayer.

    L’an dernier, Netflix a lancé la série argentine El Reino (The Kingdom de son titre international, ce qui évidemment ne peut absolument pas prêter confusion avec Kingdom, la série sud-coréenne de cette même plateforme), et c’est enfin à son tour d’arriver en haut de ma très fournie to-watch list. Je la découvre probablement après vous, mais le moment m’a semblé idéal : je suis encore énervée par les élections, mais l’anxiété de l’inconnu est retombée. Dieu merci.
    Cela ne rend pas le climat ambiant plus respirable, mais ça permet d’aborder une série politique avec un peu plus de calme qu’il y a quelques semaines encore ; le détachement entre la réalité et la fiction est, en somme, un peu plus facile.

    Armando Badajoz est un politicien qui se présente aux élections présidentielles et, ma foi, il semble bien parti pour gagner. Sa popularité n’est pas étrangère à l’identité de son colistier : il a invité un pasteur évangélique très populaire, Emilio Vázquez Pena, à ses côtés. Un homme d’Église à la tête de la puissante Iglesia de la Luz comme potentiel Vice-Président, ça aide largement son image dans un pays très croyant comme l’Argentine ! La campagne touche à sa fin, et les deux hommes se préparent à faire leur dernier meeting politique avant le vote ; cette grand’messe se déroule dans un auditorium bondé, où les fidèles, nombreuses, se pressent aux côtés des militantes politiques. L’omniprésence de symboles et banderoles chrétiennes ne laisse toutefois aucun doute : la popularité de Pena est capitale pendant cette campagne… au grand dam de Badajoz, qui craint que la campagne ne lui échappe. Et il n’a pas tort : non seulement les convictions de Pena en font aussi un personnage controversé (des émeutes apparaissent aux abords de l’auditorium, les manifestantes distribuant des flyers accusant le pasteur de corruption), mais en plus Pena n’en fait qu’à sa tête, et s’apprête pendant le meeting à prononcer un discours très engagé sur… la supériorité des lois divines par rapport aux lois de la République. Bon.
    Dans le stress de la dernière ligne droite, alors que les conseillers s’écharpent sur les discours et les épouses apportent leur soutien aux deux hommes, ce que personne n’avait prévu, c’est que le meeting serait le théâtre d’un acte d’une violence inouïe : un homme se glisse sur la scène et plante un poignard dans le dos d’un des candidats… Armando Badajoz s’effondre et quelques minutes plus tard, sa mort est prononcée alors que l’auditorium peine à contenir un mouvement de foule paniquée. Tout semble perdu.
    Enfin, évidemment, pas pour tout le monde.

    C’est très intéressant, la façon dont ce premier épisode d’El Reino procède. Parce que, ce que je viens de vous raconter, c’est en fait l’apogée de l’épisode introductif de la série, pas son commencement. La série prend le temps de composer une série de tableaux nous présentant les protagonistes séparément, sans comprendre tout de suite comment elles sont connectées ni à l’élection ni même aux autres. Qui plus est, le ton lent et froid, à la limite du cryptique même, de ces scènes d’exposition, a quelque chose de glaçant : El Reino ménage une ambiance qui emprunte moins au thriller qu’à un drama étouffant. On est clairement devant une série qui aurait toute sa place sur une chaîne du câble choyée par un public se voulant raffiné (un public que Netflix ne courtise plus aussi souvent qu’avant), mais El Reino n’est pas non plus dans la masturbation intellectuelle, je vous rassure.
    De toute évidence, avec l’assassinat que la série se prépare à dépeindre, l’exposition prend un peu plus de temps avec l’entourage de Pena. Il y a par exemple Elena, son épouse, une femme qui a parfaitement endossé le rôle de l’épouse en retrait (que l’élection comme l’entourage politique de son mari lui imposent), mais qui, dans l’intimité, s’avère être la personnalité dominante du couple ; Julio, son jeune conseiller, fils du candidat de l’opposition et hébergé au sein du temple ; Ana, sa fille, qui entretient une liaison secrète avec Julio… parmi les personnages secondaires d’importance, il faut aussi compter sur Tadeo, un jeune homme extrêmement pieux, employé par le temple, et qui au terme de ce premier épisode sait quelque chose que le reste des personnages ignorent.

    Lentement, les pièces du puzzle s’imbriquent. La volonté d’El Reino n’est pas de choquer, et pas vraiment non plus de susciter des frissons ou des questions ; il s’agit de dépeindre les nuances morales d’un univers où tout le monde fait des compromis. Ces négociations avec soi-même, l’entourage, la morale, la loi, ou Dieu, sont le véritable point focal de la série, seulement révélées par cet assassinat. Est-il politique ? Est-il religieux ? Se peut-il qu’il ne soit ni l’un ni l’autre ? Seuls les épisodes suivants sauront le dire, encore que, vu qu’une seconde saison est commandée, je ne sais pas encore dans quelle mesure ma question obtiendra réponse facilement.
    Mais au pire, ça tombe bien, en politique comme en matière de foi, il est de toute façon rare d’obtenir des réponses claires…


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  • Ça reste en famille

    2 juillet 2022 à 18:55 • Review vers le futur •

    Il y a quelques mois, à l’occasion de mon panorama des séries de la télévision publique belge, je me faisais la réflexion que la RTBF démontrait une faculté étonnante à parler de groupes socio-économiques très modestes. Plusieurs de ses séries s’intéressent ainsi à des personnages non pas de la classe moyenne, mais carrément pauvres, n’hésitant pas à démontrer par l’exemple qu’on n’a pas besoin d’envier la condition des protagonistes pour s’intéresser à leurs émotions et aventures ! Baraki, Jacky & Lindsay et FRANGINE$ en sont de beaux exemples. Pourquoi cela me fait forte impression ? Eh bien, résonne encore dans mes oreilles une phrase que j’ai entendue de la bouche d’une scénariste française il y a bien des années : la classe moyenne supérieure est une norme sociale, parler des couches populaires c’est un truc dépassé (pour rappel, je paraphrase). Je ne m’avance pas beaucoup en prédisant que je l’aurai encore en travers de la gorge sur mon lit de mort, celle-là. Voilà, rien que d’en parler je sens ma tension monter, tiens, zut.

    Il y a quelques mois, toujours à l’occasion de mon panorama des séries de la télévision publique belge, je vous faisais la promesse qu’on parlerait un jour de Fils de, une production belge lancée au printemps se déroulant à la fois dans une banlieue et dans le monde criminel. Ce jour est arrivé, et voici la review de son premier épisode.

    Camille Pistone est un homme torturé qui tente désespérément de mettre sa vie en ordre, mais s’en montre incapable. Après son divorce, son ex-femme a gagné les droits de garde exclusifs de leur fils, Hippolyte ; rien de très étonnant dans cette décision de Justice, puisque Camille n’a pas d’argent, pas de boulot, et qu’il vit dans l’appartement de son pote Selim, un éducateur de rue, au milieu d’une barre HLM. Ce ne sont pas des conditions pour avoir la garde partagée, et Camille en est bien conscient. Dans ce premier épisode, il tente de se faire de l’argent facile en accompagnant l’une de ses connaissances dans une affaire louche en relation avec les trafiquants de drogues locaux. Sauf que pendant la manœuvre, un sac contenant plusieurs kilos de drogue est volé par un motard qui menace Camille et son complice, et les voilà maintenant responsables des pertes engendrées par cette bourde monumentale.
    Fils de établit avec intérêt la façon dont Camille se débat dans sa situation, qu’il essaie de corriger mais en faisant de mauvais choix. Toutefois, il n’est pas certain que pour lui, ce soient réellement des choix : Camille Pistone n’est autre que le fils de Franck Pistone, un célèbre braqueur que tout le monde connaît après son célèbre casse qui, il y a plusieurs années, l’a conduit à prendre la fuite. Camille a donc toujours grandi dans un certain milieu, comme le prouvent ses liens avec Wafah, la patronne d’un club de strip tease (évidemment) qui lui sert un peu de marraine la fée quand il a fait une connerie. Et là, pour le coup, Wafah n’est pas convaincue d’avoir une baguette magique à la hauteur de la boulette (sans jeu de mots…).

    Bon. On commence par quoi ? Les mauvaises nouvelles d’abord ?
    En tant qu’épisode introductif, ce début de Fils de m’a un peu laissée circonspecte par moments. Quand la série commence, on a justement l’impression que c’est Camille le héros de la série. La série adopte sa perspective (même si elle ne s’interdit pas des scènes omniscientes et/ou avec d’autres personnages), s’intéresse à ses tiraillements profonds, explore ses relations souvent fragiles. C’est un homme qui voudrait se construire une vie dont il n’a pas la première idée de comment bâtir les fondations ; il lui manque, certainement, les références adéquates, vu que son père a disparu de sa vie lorsqu’il était encore enfant. Pourtant il est prisonnier de son nom et de sa réputation, et parce qu’il n’a pas vraiment d’appuis hors du monde de la nuit et du crime, il n’a pas de meilleure idée que de se lancer dans un peu de trafic. Pour lui, la situation semble bouchée. En quoi c’est dommage ? Eh bien, le problème c’est surtout que le premier épisode de Fils de ne maintient pas ce cap. Plus l’épisode introductif avance, présentant des enjeux venant s’empiler à ceux que je viens de citer, plus la série semble s’intéresser à la vie intérieure d’autres personnages. En soi, décider d’être une série chorale n’est pas un tort ; c’est la transition d’un angle à l’autre qui ne fonctionne pas. Peut-être qu’un équilibre est trouvé au fil de la saison, mais pour le moment on a l’impression d’une perte de repères, et surtout que le personnage de Camille se retrouve finalement évincé de sa propre histoire.

    Hélas, j’ai une nouvelle encore plus désolante. Car il s’avère que Fils de est une série belge avec des dialogues de série française.
    Ne faites pas l’innocente. Vous savez très bien ce que je veux dire par là. Ces dialogues raides, pas souvent naturels, trop écrits, gérant mal les silences parce que sans compréhension du non-dit, et délivrés à mi-chemin entre la fadeur et l’hystérie collective… Soit on dirait que la distribution n’y croit pas, soit on dirait que tout le monde est trop investi émotionnellement, et même parfois, par quelque tragique miracle, les deux en même temps. Ce mal si français qui, heureusement, ne touche pas nécessairement d’autres séries francophones (et encore plus heureusement, ne touche pas toujours les séries françaises, même si on rame encore trop souvent), porte vraiment préjudice à cet épisode d’exposition. Là, malheureusement, on est en plein dedans, et ça n’aide pas à avoir foi dans l’intelligence de l’écriture, qui pourtant n’est pas absente quand on en cherche d’autres manifestations. C’est rassurant de constater que ce n’est pas comme ça à longueur d’épisode ; pour autant cela donne à plusieurs reprises des scènes qui manquent d’authenticité à en faire frémir les plus permissives parmi nous, et brise l’immersion.
    Or je dirais que s’il y a bien un milieu dans lequel l’authenticité est nécessaire… c’est précisément celui des classes populaires. Des gens riches et super éduqués qui parlent comme un dictionnaire et qui articulent chaque syllabe, quelque part, ça fait sens ; des gens pauvres qui en font autant, plus du tout. Non pas qu’un type comme Camille soit forcément inculte, mais ça n’est pas le reflet du monde dans lequel il a grandi, et dans lequel il évolue à l’âge adulte. Et hélas ça s’étend à de nombreuses personnes de son entourage (et vraiment, je veux pas tirer sur l’ambulance, mais Béatrice Dalle met à côté dans au moins la moitié de ses répliques).
    Pourtant Fils de ne renâcle pas, sur d’autres plans comme la réalisation notamment, à essayer d’adopter une approche fluide du monde que la série veut dépeindre. Le melting pot de la série, par exemple, est intéressant, entre le HLM, le salon de coiffure afro, le bar… Je trouve formidable la façon dont Fils de trouve naturel d’intégrer des échanges partiellement en arabe, plutôt que d’en rajouter dans les clichés du vocabulaire « de cité » comme d’autres séries le font. Il y a des petites scènes qui rendent ce monde vivant, comme lorsqu’on voit des jeunes en bas d’un immeuble saluer un petit vieux du quartier ; certains détails fonctionnent bien, et la série capture ces instants avec intérêt parce qu’elle vise justement cette forme d’authenticité, loin de la caricature. Son intention d’humaniser ses personnages et le milieu dans lequel elles évoluent est palpable. Mais rien à faire, les dialogues, c’est pas ça.

    Au fil de ces mauvaises nouvelles, je vous en ai donc cité plusieurs autres qui sont foncièrement bonnes. Tout n’est pas à jeter, loin de là, dans l’épisode inaugural de Fils de, et il est même très possible que les évolutions de l’intrigue donnent l’impulsion nécessaire à la série de se dépasser. Car, pendant cet épisode, qui revient en Belgique ? Nul autre que Franck Pistone, qui sort de sa cachette au Maroc pour venir raccrocher les wagons (pardon : les vagons) avec son fils. La dynamique induite par ce retour peut potentiellement raccommoder l’impression de perspective décousue dont je parlais plus tôt ; mais même si ce n’était pas le cas, elle semble en tout cas attirée par la dimension dramatique de son intrigue, et pas juste par les histoire de crime. On ne lui ôtera pas non plus le mérite de s’intéresser sincèrement à ses protagonistes très modestes ; en outre, ce n’est pas mon domaine d’expertise, mais apparemment il y a un vrai savoir-faire en matière de rap dans cette série.
    Cependant, et de toute évidence, ce n’est pas le sans faute que j’espérais trouver.


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  • Retour aux Gourdiflots

    2 juillet 2022 à 18:52 • Review vers le futur •

    Parfois ma timeline sur Twitter s’enflamme pour une série et, lorsque je finis par m’y mettre (un jour ou l’autre), je comprends tout-à-fait pourquoi. On aura l’occasion de discuter de ce genre d’exemple dés que j’aurai fini ma review sur The Bear…! Mais à l’inverse, il y a des séries que j’ai l’impression d’avoir loupées comme on rate une marche dans l’escalier, juste avant de se cogner le menton en maugréant contre sa maladresse.
    Lorsqu’il s’agit d’une comédie lorgnant vers la parodie, je soupçonne l’une ou l’autre de deux possibilités : soit la série n’est pas drôle… soit je ne le suis pas. Bienvenue dans la review du premier épisode de Visitors.

    Soyons claires : les influences de Visitors ne sont pas subtiles, pourvu d’avoir une connaissance basique de la science-fiction américaine (son matériel promotionnel n’en est que l’une des nombreuses expressions). D’ailleurs Visitors ne se cache même pas d’américaniser son univers, alors comme ça c’est réglé !
    Le premier épisode de la série installe le personnage de Richard, un type qui a tout raté dans la vie. Il était auparavant un simple patron de Good Games Shop, un magasin de jeux video miteux, avec ses amis d’enfance Bob et Mitch, mais il a tout plaqué pour s’enfoncer encore plus dans la médiocrité et rejoindre la police de Pointe Claire, la petite bourgade où il a toujours vécu. Richard a de qui tenir : il est le petit-fils d’un flic plutôt célèbre dans les environs, Robert. Et comme le tableau n’est pas encore assez pathétique, Richard est aussi marié à Nancy, une agente immobilière qui le méprise et, de façon assez évidente, le trompe aussi.

    La série démarre le jour de sa prise de poste, dans son tout nouvel uniforme de poulet, et évidemment il cumule les déconvenues. A titre d’exemple, son bureau est dans les toilettes. On découvrira en cours d’épisode que ce n’est pas exactement un hasard s’il se fait bizuter de la sorte ; si tant est qu’on puisse parler de bizutage lorsqu’on essaie de vous pousser à la démission.
    Seulement voilà, la série démarre aussi dans les heures qui suivent un phénomène étrange : quelque chose s’est écrasé dans l’un des prés du coin. Richard est immédiatement intrigué, et malgré les tâches dévalorisantes qui lui sont confiées, il se met en tête de mener l’enquête, semble-t-il un peu en dépit du reste du commissariat. Il découvre notamment un étrange objet gluant qu’il décide de faire analyser…

    Dans les grandes lignes, il n’y a pas des masses d’autres choses à raconter, à moins de se lancer dans une énumération de tous les gags.
    Ceux-ci ne sont, en soi, pas mauvais. Il faut d’abord noter que, Visitors étant une série de Simon Astier, on y retrouve le rythme typique des dialogues de ce scénariste (auquel vient s’ajouter sa propre diction). C’est toujours un plus pour une comédie, quel que soit le contexte : le ton singulièrement pince-sans-rire des frères Astier a fait ses preuves, et améliore toute blague même un peu dégonflée. Il y a aussi pas mal d’humour visuel, plus les références popculturelles, qui ajoutent des touches d’humour variées. Et puis la beaufitude ultime de Pointe Claire (qui est évidemment soulignée par l’américanisation du lieu, des noms, des codes…) termine de rendre le tout absurde.
    Seulement voilà, je sais que c’est fait pour être drôle mais… ça ne l’est pas pour autant, à mes yeux. Nombre de ces ingrédients ont déjà été abondamment utilisés, parfois même trop, et à l’occasion ensemble, aussi. Et puis, même si je suis consciente que c’est rarement le rôle d’un premier épisode, je ne vois pas non plus en quoi ces éléments servent l’intrigue. Peut-être qu’ils n’ont pas besoin de la servir du moment que c’est drôle, vous me direz ! Mais j’ai eu beaucoup de mal à m’intéresser à une histoire qui ne fait que ressasser plein de clichés… pardon, je veux dire : références.

    Il est très possible que je manque d’humour, et que j’attende les mauvaises choses d’une série. Il n’est pas rare qu’il existe un fossé entre nos attentes et ce qu’une série ambitionne de délivrer, après tout ; ce ne serait pas la première fois que ça m’arrive. Même pas la première fois cette semaine ! Mais enfin, force est de constater que la prochaine fois que je vais voir un tweet enthousiaste me passer sous la souris, je vais pousser un soupir frustré pour n’avoir pas compris la blague…


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