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  • Les oiseaux se cachent pour tuer

    26 juin 2022 à 23:17 • Review vers le futur •

    L’ambition et la rancœur forment un cocktail explosif. Aslı Tuna croise un jour, dans les couloirs de son université, la célèbre journaliste Lale Kıran qui était venue parler à sa classe de journalisme. C’est un rêve qui se réalise, tant la jeune femme encense l’ex-reporter, aujourd’hui reconvertie dans la présentation d’Öteki Taraf, la quotidienne d’information la plus regardée du pays. Lorsqu’elle tente de l’approcher, cependant, afin de lui témoigner son admiration, Aslı se fait renvoyer gentiment dans les cordes : Lale lui réplique vertement que ses priorités sont faussées, et qu’au lieu de se prendre de passion pour une célébrité du journalisme, Aslı devrait être plus passionnée par le journalisme lui-même. Ce n’est pas nécessairement faux, mais il n’empêche : cette remarque, dispensée entre deux portes sans même y penser, blesse l’étudiante dans son orgueil… une erreur fatale.

    La dernière série turque en date de Netflix, Kuş Uçuşu (ou As the Crow Flies de son titre international), nous invite dans le monde de l’information. Ou plutôt l’emploie pour y installer un thriller reposant sur les cercles du pouvoir et l’ambition dévorante. A raison de seulement huit épisodes d’une quarantaine de minutes (soit un peu plus de 5 heures et demies utiles), la série doit agir vite : dans son pays natal et sur le primetime traditionnel, c’est à peu près la durée de deux à trois épisodes…

    Kuş Uçuşu s’inscrit dans la longue tradition des fictions dans lesquelles la fascination et la jalousie d’une femme se combinent pour la pousser à en évincer une autre. C’est une histoire aussi vieille que Showgirls, et la série emploie des ressorts similaires pour indiquer qu’Aslı veut devenir calife à la place du calife.

    Une grande partie de la saison est dédiée à la suivre elle, à scruter le moindre de ses gestes, étudier le moindre de ses stratagèmes, et adopter son point de vue. Kuş Uçuşu n’arrive pas toujours à se décider quant à la façon de la présenter. Est-elle une anti-héroïne qui va, par son génie (certes machiavélique), se hisser au sommet grâce à ses ruses, alors qu’elle est partie de rien et que l’univers entier est contre elle ? Ou est-elle une antagoniste ? Car malgré la prédominance de sa perspective dans la série, Kuş Uçuşu persiste à aussi nous présenter Lale, cette journaliste reconnue, comme une femme parfaite, une oie blanche qui ne peut rien faire de mal et à laquelle, donc, on ne souhaite aucun mal non plus. Certes elle est toute puissante, mais épisode après épisode, elle prouve qu’elle mérite le respect à la fois de la profession et du public, et qu’elle dispose d’une intelligence fine qui justifie parfaitement la place qu’elle occupe dans le monde de l’information. Normalement, quand une série veut se débarrasser de quelqu’un de puissant, elle en montre au contraire les aspérités, les imperfections, la déchéance, si ce n’est la corruption. Rien de tout ça ici.
    L’effet qui en résulte est qu’on ne sait pas trop sur quel pied danser. Le ton de la série semble ne jamais trouver qui devrait avoir notre attention, et moins encore notre empathie. La voix-off (masculine, donc ne représentant les pensées d’aucune des deux femmes) est quant à elle dédiée à essayer de brouiller encore le message envoyé, en filant une métaphore dans laquelle Aslı est un petit oiseau sous-estimé, et Lale une puissante lionne. Dans cette fable, selon le narrateur, se jouent des forces intemporelles, un jeu entre une proie et sa prédatrice ; mais cette logique se heurte à un autre problème.

    C’est que, dans sa volonté de nous dépeindre Aslı comme une menace tangible pour Lale, Kuş Uçuşu recourt plusieurs fois à des deus ex machina pour s’assurer que ses plans fonctionnent. Et en particulier, par quelque miracle, cette jeune femme qui n’a absolument aucune forme de subtilité n’est absolument jamais soupçonnée de manipuler les gens ou de leur mentir. Pendant les premiers épisodes, elle rejoint Mon5, la chaîne qui diffuse Öteki Taraf, comme l’une des nombreuses stagiaires en lice pour un poste définitif à la rédaction ; elle va ensuite, une par une, évincer les autres stagiaires par diverses manœuvres. La seule fois où elle va être repérée, sa proie du moment elle-même lui promettra de ne rien dire à personne, l’encourageant au contraire à continuer son petit jeu. Pourquoi ? On ne sait pas. A part que, si Aslı était découverte, il n’y aurait plus de série (ou plus pour longtemps).
    Il y aurait pourtant matière à explorer la façon dont la jeune femme est naïve, et convaincue, comme tant d’autres à son âge mais à un degré moins sociopathique, d’avoir les réponses qui échappent à ses aînées. Mais le scénario protège Aslı de l’échec, ce qui ne la force pas à être plus futée d’ailleurs.
    Entre des mains plus subtiles, Kuş Uçuşu aurait pu être un glaçant jeu de pouvoir, l’une de ces séries grisantes dans lesquelles on est ravie de suivre les chemins tortueux de l’esprit de la protagoniste présentée comme « méchante », parce que son intelligence compense l’absence de droiture morale. Ici il est régulièrement évident qu’Aslı ne doit son succès dans ses divers coups bas qu’à la volonté de la créatrice et scénariste Meriç Acemi.

    Là, comme ça, j’ai bien conscience d’avoir l’air très négative. C’est parce que (bêtement) j’attendais un thriller de ce thriller. Ce que j’ai découvert en le regardant, c’est que ce n’était pas la bonne chose à en attendre : Kuş Uçuşu est bien plus confortable, en réalité, avec l’idée d’être un mélodrame. Empruntant volontiers aux codes du primetime soap (visuellement, narrativement, et même en matière de musique), la série a en fait très envie de raconter une toute autre chose : les émois de Lale, qui, lentement, sent un piège se resserrer autour d’elle. Pas forcément celui qu’on pense, cependant ; Aslı n’est pas la pire menace qui la guette…

    Ainsi la série passe-t-elle énormément de temps à nous dire combien Lale souffre. Elle souffre du stress de son quotidien, d’abord et avant tout. Elle est l’épouse d’un homme aimant, Selim, mais avec lequel la distance va croissant. Selim est un restaurateur qui n’hésite pas à sacrifier son propre travail pour passer du temps avec leurs deux filles quand Lale, qui travaille de longues heures, n’est pas disponible ; l’arrangement semblait convenir à tout le monde, mais avec les années il semblerait que cela ne fasse qu’élargir le fossé entre sa vie de couple/famille et le reste de son existence. En outre, à part Selim, absolument tout le monde dans l’entourage de Lale vient du monde de l’information, ce qui ne fait qu’isoler son mari par rapport au reste de sa vie.
    Il y a autre chose : à la rédaction d’Öteki Taraf, Lale est entourée de vieilles connaissances. Sa patronne est Gül, la fille du président de la chaîne, et elles se connaissent depuis des années, quand elle a signé son contrat avec Mon5, la première chance de sa carrière au sortir de l’école de journalisme. A l’époque, Lale faisait partie d’un trio avec sa meilleure amie Müge et son petit-ami Kenan ; elles ont décroché le contrat pour Öteki Taraf ensemble mais… pas sans changements. Lale et Kenan ont rompu, et Müge, qui devait être co-présentatrice, a été jugée par la direction de Mon5 comme inutile à l’écran, et a été rétrogradée à un poste de directrice de la rédaction. Le trio, même éclaté, a continué de faire tourner la boutique, mais les sentiments d’antan n’ont jamais disparu. Quand commence la série, malgré les années, Kenan est toujours épris de Lale ; quant à Müge, elle est en pleine spirale auto-destructrice, jalouse de son amie sans pouvoir jamais le lui dire.
    Dans tout cela, Lale fatigue. Sa vie est de plus en plus source de frustration. Elle est également sous pression, parce que l’heure est venue de renégocier son contrat avec la chaîne, et qu’elle a encore moins de temps et d’énergie disponible pour déterminer ses priorités.
    Kuş Uçuşu adooooore ces tourments. A plusieurs reprises, elle va les intégrer aux plans d’Aslı, mais pour l’essentiel la série préfère les utiliser pour des intrigues dramatiques dans lesquelles le triangle amoureux entre Lale, Selim et Kenan provoque des tiraillements émotionnels. On passe, en définitive, beaucoup plus de temps là-dessus que sur quoi que ce soit d’autre.

    Alors du coup, vous savez où vous vous situez !
    Si vous aimez les primetime soaps mais n’avez pas des dizaines d’heures à consacrer à ce genre d’intrigue, honnêtement je ne peux que recommander Kuş Uçuşu : en matière de mélodrame, on n’a jamais eu à apprendre aux séries turques à faire leur métier ; et effectivement les manipulations d’Aslı sont divertissantes sur le moment.
    En revanche si, comme moi, vous étiez là pour l’arrivisme, les coups bas, et éventuellement une critique du journalisme moderne, bon, là clairement, il vous faudra passer votre chemin. Cela ne signifie pas que Kuş Uçuşu n’aborde aucun de ces thèmes (elle esquisse d’ailleurs une embryon de discussion autour du rôle des réseaux sociaux dans la perception et la diffusion de l’information), mais ce n’est absolument pas sa priorité.


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  • On est bien peu de choses

    26 juin 2022 à 23:16 • Telephage-o-thèque •

    Deux hommes, morts dans un accident de voiture. Deux hommes qui en apparence n’ont rien en commun. Deux hommes dont on ne sait pas comment ils en sont arrivés là.

    C’est le point de départ de la série québécoise Fragile, dont je m’apprête à vous parler du premier épisode aujourd’hui. Mise en ligne en 2019 sur la plateforme ICI TOUT.TV, qui dépend de l’audiovisuel public, elle pourrait être une série policière : sur le papier, son sujet colle à l’idée qu’on se fait d’une enquête. Mais, si on y trouve bien une enquête, celle-ci semble complètement secondaire à ce qui fait vraiment l’intérêt de la série, c’est-à-dire sa dimension dramatique.

    Dominic Couture et Félix Bachand n’étaient pas voués à se rencontrer. Ils n’avaient, pour commencer, pas évolué dans les mêmes cercles.
    Félix a grandi dans une riche famille. Lorsque l’intrigue de Fragile démarre (sur un retour en arrière, bien avant l’accident de voiture), sa mère Mireille Pépin-Lanthier s’apprête même à se présenter à des élections, et occuper ainsi un rôle majeur dans la vie politique des environs. En grandissant dans des circonstances privilégiées, Félix aurait dû, comme son demi-frère Emmanuel, tout réussir dans la vie : une carrière solide, une belle maison, une vie de famille enrichissante. Malheureusement Félix n’a réussi qu’à décevoir sa famille, ce qui n’a fait qu’empirer son estime de lui-même. Au contraire il s’est trouvé pris dans une spirale de consommation de drogues, et il y a quelques années, il a même, alors qu’il était sous l’effet de ces substances, tué quelqu’un dans un homicide involontaire, à bord de son véhicule. Depuis, Félix a fait de la prison, puis est sorti ; il vit dans une annexe de la maison de Mireille et son époux Jean-Charles (qui est le beau-père de Félix), il ne travaille pas, et il ne conduit plus, dépendant pour ses trajets de Bazou, l’homme de main de la famille. Sa vie semble en stase, et il est perdu.
    A l’inverse Dominic sait très bien qui il est : il possède un garage auto qu’il fait tourner alors qu’il est parti de rien, et passe la majeure partie de son temps libre avec sa mère Cynthia, son oncle Bazou, sa tante Nancy et son amie d’enfance, Kim. Un cercle multigénérationnel qui semble toujours tout faire ensemble, même aller danser. En particulier, il est très proche de sa mère, en particulier, que dans ce premier épisode il va encourager à reprendre une vie amoureuse après des années de célibat.

    Même si rien n’aurait dû les amener à se rencontrer, vous aurez pourtant remarqué que tous les deux connaissent Bazou, et c’est par son entremise bien involontaire que les deux hommes se croisent un jour, par hasard, dans le garage de Dom. Mais la rencontre est fugace et personne n’y prête attention.
    Puis vient une seconde rencontre, à un moment plus vulnérable cette fois. Puis une troisième…
    Evidemment le premier épisode de Fragile ne veut pas tout de suite nous dire de quoi il retourne. C’est un épisode d’exposition, et puisque la série est plus intéressée par sa dimension émotionnelle que par le mystère de l’accident, il y a donc beaucoup à dire de ses personnages et de leurs parcours individuels. On ne peut pas être partout et il y a des priorités dans la vie. Toutefois, c’est justement ce qui fait que cette introduction est si prenante : en adoptant un discours éloigné du genre policier (les flics n’y apparaissent qu’en tout début et toute fin d’épisode), on ne se pose pas tant la question de « pourquoi » ou de « comment ». C’est le « qui » qui prévaut. C’est parfaitement assumé par Fragile qui n’essaie pas d’entretenir de suspense, et ne traite pas ses enjeux dramatiques comme une façon de gagner du temps. On sent que les portraits et les dynamiques méritent notre attention, au lieu de faire diversion. Les liens qui se tissent lentement entre Félix et Dom sont ténus, mais le témoin d’une relation fragile, et d’existences qui le sont tout autant. On se prend d’affection pour certaines protagonistes, on en regarde d’autres d’un oeil prudent (dans certains cas, on commence à découvrir qu’on a raison), non pour le rôle qu’elles pourraient jouer dans la mort des deux hommes, mais pour le rôle qu’elles jouent dans leurs vies. Croyez-moi, ça fait une énorme différence.

    Résultat je voulais juste jeter un oeil à une série qui dormait dans mes archives depuis des années, et me voilà à me dire qu’il va falloir maintenant regarder toute la saison. Je déteste/j’adore quand ça arrive.


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  • Tout peut s’oublier

    25 juin 2022 à 22:01 • Review vers le futur •

    Sylvestre Bork n’a pas toujours été aussi épanoui qu’aujourd’hui. Sa vie à Paris est à présent remplie de succès, aussi bien pour sa réputation de tailleur élégant que dans le milieu du drag où il incarne Loretta, une personnalité reconnue et aimée de toutes. Cette vie-là n’aurait pas été possible s’il n’avait pas quitté sa Pologne natale pour la France… sauf que pour cela, il a abandonné sa famille, laissant derrière lui une fille. Depuis, les décennies ont passé sans qu’il n’échange aucun mot avec elle, restée dans sa ville natale polonaise.
    Du moins, jusqu’à ce qu’il reçoive à son atelier parisien une lettre de sa petite-fille.

    Królowa est une mini-série polonaise de Netflix dont je ne savais pas trop ce qu’il fallait attendre. Disons pour l’essentiel que c’est une charmante surprise, bien que largement imparfaite.

    Sylvestre Bork (né Borkowski) est un homme gay qui commence à prendre de l’âge. Lorsque la série commence, il se prépare même à partir en retraite, fermant son atelier plutôt que de le céder, et se préparant à un spectacle d’adieu pour Loretta, la star de cabaret qui lui a apporté reconnaissance dans la capitale. Avec son chien Laika, Sylvestre s’apprête à partir pour le Sud de la France, un ultime changement de vie, loin de tout et de toutes. Mais la lettre de sa petite-fille Izabela (ou juste Iza) vient tout bouleverser : la jeune femme lui apprend… eh bien, déjà, son existence, et surtout que sa mère Wioletta (ou Wiola) a besoin d’une greffe de rein. Il est le seul qui puisse lui sauver la vie, et elle l’enjoint à venir en Pologne pour vérifier s’il est compatible. Le premier instinct de Sylvestre, que la nouvelle bouleverse, est de se maintenir à distance ; mais son meilleur ami Corentin lui vole dans les plumes si bien que, très vite, le vieil homme change d’avis et part pour la Pologne malgré ses craintes.

    Il faut dire qu’il n’y a pas mis les pieds depuis des décennies, et n’a eu de contact avec personne depuis. Le voyage ravive des souvenirs, mais surtout lui rappelle combien le fossé s’est creusé au fil des années entre qui il est aujourd’hui et qui il était forcé d’être à l’époque. Dans sa petite ville minière d’origine, Sylvestre était en effet forcé de vivre dans le placard.
    Królowa ne perd pas de temps (elle n’en a pas à perdre, vu qu’elle ne dure que 4 épisodes !) et une grande partie de son efficacité tient dans la bonne humeur radicale d’Iza, qui l’accueille à bras ouvert sans lui reprocher son absence ni son silence. La jeune femme est d’une désarmante jovialité, si bien que très vite, malgré le choc culturel (Sylvestre est habitué à un certain train de vie de la capitale parisienne, et certainement pas au quotidien très modeste de ce petit patelin périclitant), Sylvestre s’installe le temps de vérifier qu’il est bien un donneur pour Wiola. Bon, il y a quand même un tout petit problème : celle-ci ne savait pas qu’il venait pour lui faire don d’un rein, et d’ailleurs, elle n’en veut pas ! Mais ça, on s’en doutait un peu, sinon il n’y aurait pas de série…

    L’intrigue va se dérouler à peu près comme vous l’imaginez, l’hostilité compréhensible de Wiola se poursuivant après la greffe le temps que le père et la fille récupèrent de l’opération ; c’est assez prévisible… pendant un temps. Et puis, Królowa décide que ce n’était pas assez original, et commence à ajouter des intrigues totalement inattendues. Par exemple on découvrira qu’Iza est enceinte, mais que, des deux jeunes hommes qu’elle fréquente, elle ne sait pas qui est le père et ne l’a donc annoncé à personne à part sa meilleure amie. Puis c’est un accident dans la mine qui portera la fin de la mini-série jusqu’à sa conclusion
    Cela ne veut pas dire que la relation entre Sylvestre et Wiola (ou même Sylvestre et Iza) est écartée. C’est juste qu’au lieu de simplement confronter les protagonistes les unes aux autres, Królowa s’est dit qu’il fallait un peu de spectacle grand public. Les émotions deviennent alors moins complexes, et les bons sentiments prédominent.

    C’est un peu dommage mais, heureusement, la prestation solide d’Andrzej Seweryn sert de liant à tout cela. L’acteur incarne ce vieil homme digne mais un peu perdu avec beaucoup de grâce ; c’est juste dommage qu’avec une saison si courte et tant de revirements, la série ne lui permette pas toujours d’explorer les aspérités de son personnage. Par exemple Wiola et même, à un bref moment, même Iza, lui reprocheront d’avoir été égoïste en plaquant tout pour la France, abandonnant sa famille ; et c’est vrai que même des années après, Sylvestre a beaucoup de mal à voir plus loin que le bout de son nez (le soir de l’accident dans la mine, qui emprisonne plusieurs mineurs dans les décombres dont les deux amants d’Iza, Sylvestre veut parler DE LUI), mais la série ne lui donne pas vraiment le temps de se remettre en question à ce sujet. De la même façon, Sylvestre se définit comme un homme gay faisant du drag, mais le fait qu’il ait « emmené » Loretta dans ses valises et se glisse dans sa personnalité quand il a besoin de se remonter le moral semble suggérer que c’est un peu plus qu’une performance artistique pour lui ; vers la fin de la saison, après qu’il lui ait fait son coming out (en Loretta ! pas comme homme gay) Wiola le lui fera même remarquer, et ç’aurait été génial d’interroger cela, mais non. On n’est pas là pour scruter les imperfections du personnage, juste pour les mentionner puis les corriger.
    Au final on ne sait pas trop si c’est juste le manque de temps, ou le manque d’audace, mais toujours est-il que Królowa ne prend pas forcément la peine d’explorer son sujet au-delà de l’aspect feelgood.

    Et cet aspect feelgood n’est pas mauvais en soi, d’ailleurs, la série évitant quelques clichés. Le coming out de Sylvestre se passe en définitive plutôt bien, Wiola étant définitivement en colère contre lui mais pas homophobe par exemple. A part quelques hésitations parmi certains mineurs, il est bien reçu en ville y compris lorsqu’il se présente sous l’identité de Loretta. Il y a aussi, tout simplement, quelque chose d’incroyablement soyeux dans le fait que, pour une fois, une série sur un personnage LGBT s’intéresse à un homme âgé (et fasse également apparaître deux autres hommes LGBT en arrière-plan de l’intrigue) plutôt qu’encore et toujours à des protagonistes jeunes. Cela soulève des choses différentes, aussi bien sur un plan thématique qu’émotionnel.
    A plusieurs reprises on se prend d’affection pour ces personnages (c’est impossible de résister à Iza), ou on se surprend à sourire devant les développements convenus mais chaleureux de l’intrigue. Si on accepte que c’est tout ce que l’on aura, alors il y a pire moment à passer. Clairement inspirée en partie par The Adventures of Priscilla, Queen of the Desert et/ou The Full Monty, Królowa n’est pas là pour révolutionner le genre, et même pas vraiment pour bouleverser qui que ce soit.

    Peut-être que pour un public polonais conservateur, l’effet est différent. Mais pour les abonnées internationales de Netflix (celles qui auraient regardé la série parce que Antoni Porowski de Queer Eye figure sur l’un des posters promotionnels… alors qu’il a 3 répliques et demies), habituées à bien d’autres choses y compris sur la plateforme elle-même, Królowa semblera manquer parfois d’audace, voire d’intérêt. Je peux en revanche vous garantir qu’elle ne manque pas de cœur et, ma foi, c’est déjà pas si mal.

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  • Inherit your haunted house

    24 juin 2022 à 23:05 • Review vers le futur •

    Par cette chaleur, quelques frissons ne seraient pas de refus (et si pour une fois on pouvait ne pas les obtenir en lisant les actualités…). Aussi ce soir je vous parle d’une comédie d’épouvante, la série égyptienne El Beit Beity, lancée par la plateforme Shahid le mois dernier.
    Il y est question d’une magnifique demeure ancienne, qui, hélas, s’avère hantée. Cependant, même si le premier épisode de la série est assez peu détaillé sur ce point, on a quand même le sentiment qu’on ne se trouve pas, ici, avec des fantômes très sympathiques, genre Ghosts. La série s’ouvre même sur une scène assez terrifiante…

    Au beau milieu de la nuit, un homme arrive au pied d’un manoir lugubre. Au téléphone, il explique à quelqu’un qu’il faut à tout prix détruire l’endroit… et entreprend d’y vider de larges bidons d’essence. Après s’être assuré de n’avoir épargné aucune pièce, il se retrouve dans l’immense entrée de la demeure, au pied de son large escalier, et met le feu. Avant de sortir, il s’assure que les flammes se sont bien étendues aussi loin que possible dans les entrailles du bâtiment. Et au début, cela semble être le cas ! Au bout de quelques minutes, toutefois, le feu semble au contraire se résorber de lui-même… pire, il s’allume autour de l’homme, et finit par le brûler vif, tandis que le reste de la maison reprend son apparence normale. Comme si rien ne s’était jamais produit.

    El Beit Beity (« la maison est ma maison », si j’ai bien compris ; mais je ne parle pas l’arabe) a donné le ton, semble-t-il : on n’est pas là pour plaisanter. Pourtant, le reste de l’épisode introductif de la série occupe un registre bien différent, à ma grande surprise, beaucoup plus proche de la comédie que cette scène d’ouverture. C’est le moment pour nous d’apprendre à connaître plusieurs protagonistes.
    Il y a d’abord Karakery et son épouse Ahlam. Le couple vit dans un appartement où il éduque son jeune fils ; les relations, hélas, n’y sont pas au beau fixe. Karakery et Ahlam vont passé le plus gros de l’épisode à se disputer. Comme beaucoup des couples télévisuels en son genre, on ne sait en définitive pas trop ce que ce tandem fait ensemble : elles n’ont rien en commun. Ahlam est forte en gueule, et elle ne supporte pas la façon dont Karakery a tendance à éviter les conflits, surtout s’ils peuvent dégénérer sur de la baston, comme c’est le cas en début d’épisode quand elle promet que son mari va casser la gueule à un marchand bruyant dans la rue, et que l’époux en question se débine). Karakery a de son côté une tendance à mentir pour éviter les problèmes (quitte à enjoindre leur fils à faire de même pour le couvrir), mais il est également très intéressé par une voisine, Daso, qu’il drague à la moindre occasion.
    Beno est de son côté le fils d’un homme très riche. Il vit dans l’hôtel que possède son père, et passe ses journées à se ridiculiser en passant toutes sortes de paris avec ses « amis », qui inévitablement lui apportent des humiliations répétées… et probablement des pertes d’argent substantielles. Dans ce premier épisode, il va toutefois apprendre que son père est décédé (on ne nous confirmera pas s’il s’agit de l’homme que nous avons vu dans la scène inaugurale). Son frère et sa sœur aînées sont au courant depuis une semaine ! Beno se rend donc dans la magnifique maison de feu son père pour assister à la lecture du testament, et il découvre que leur père ne lui a pas laissé un centime de sa fortune, ni aucune de ses belles propriétés. Par contre, dans un petit testament à part, comme un addendum, il apprend qu’il a hérité d’un immense manoir dont tout le monde ignorait l’existence… je vous laisse deviner de quel endroit il s’agit. Mis sans ménagement à la porte par ses adelphes, Beno décide donc de se rendre dans le manoir (sans comprendre les avertissements que semble lui donner le majordome de la famille).

    Alors bon, c’est sûr, l’endroit est cossu. Bien entretenu, même, ce qui devrait être suspect. Et c’est immense ! Mais nous savons très bien que le manoir est un peu plus que cela.
    Pour l’instant, El Beit Beity ne nous en dira pas plus. La série est bien plus intéressée par la présentation de ses personnages et de leurs relations, que par ses enjeux. Par exemple à ce stade j’ignore totalement ce qui lie Karakery et/ou Alham au manoir, qui n’a pas de rapport apparent avec leur existence ou même leurs conflits ; si encore l’épisode les faisait s’écharper autour de leur appartement ou plus largement leurs conditions de vie, peut-être, mais là… Pour comprendre comment tout ces ingrédients s’imbriquent, il faudra donc regarder la suite. Pour les frissons aussi : on pressent qu’ils seront là (ne serait-ce que vu l’ambiance du générique, très réussi !), mais pour le moment ce n’est pas trop le cas.
    Cela dit, à un épisode d’une demi-heure on ne peut pas demander de miracles. Au moins la première scène est-elle suffisamment sérieuse pour qu’on puisse espérer d’El Beit Beity un peu plus que de la farce…


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  • Running from death

    22 juin 2022 à 21:17 • Review vers le futur •

    L’été dernier, la télévision étasunienne se réveillait enfin avec Reservation Dogs, une dramédie se déroulant comme son nom le suggère dans une réserve, et dont la deuxième saison n’arrivera jamais assez vite. A l’époque de ma review, j’ai eu l’occasion de vous dire à quel point les chaînes US étaient en retard sur la question de la représentation de ses populations autochtones. Les efforts si souvent vantés pour la « diversité » à la télévision n’ont encore que très, très peu bénéficié à des créatrices et/ou à actrices de séries d’origine indigène.
    Dark Winds, lancée en ce mois de juin par AMC, participe à l’effort naissant pour changer cela. A noter qu’Elva Guerra est au générique de ces deux séries, quoique dans des rôles d’importance différente.

    Alors, certes, il s’agit principalement d’une série policière, et en règle générale j’ai arrêté de consommer comme de parler de séries policières… Dark Winds sera l’une des rares exceptions à cette règle cette année, car il ne s’agit pas exactement de transposer les intrigues d’une série policière classique dans un contexte différent, mais bien d’utiliser les codes du genres policier pour soulever des questions plus complexes.
    Et avant d’aller plus loin, il faut aussi que je vous dise : Dark Winds est également une série HISTORIQUE ! Je suis à peu près sûre que c’est la première série historique avec des personnages First Nations à ne pas se dérouler pendant la conquête de l’Ouest ; mais je ne demande qu’à être détrompée (et à recevoir des recommandations). Vous le voyez, cette série se refuse à être banale.

    Par une journée ensoleillée de 1971 (mais beaucoup de journées sont ensoleillées dans l’Etat de New Mexico), un fourgon blindé convoyant les fonds d’une banque est attaqué par des braqueurs débarquant… en hélicoptère ! En quelques minutes d’une efficacité redoutable, démontrant si besoin était que tout a été savamment planifié dans ce vol, le fourgon est vidé de sa précieuse cargaison, et l’hélicoptère s’envole au loin.
    Sauf que la camera le suit, en particulier alors qu’il survole une réserve Navajo… avant de finalement perdre sa trace.

    C’est donc par le ciel que nous entrons dans la nation Navajo (bien que ce peuple se nomme lui-même Diné), un espace qui a ses propres forces de l’ordre, la Tribal Police, mais qui est également contrainte de coopérer avec les autorités fédérales, dont le FBI, lorsque c’est requis. A la tête du commissariat se trouve le lieutenant Joe Leaphorn, un homme de peu de mots mais qui connaît le territoire dont il est supposé assurer la sécurité sur le bout des doigts. Son bras droit est la sergente Bernadette Manuelito (incarnée par l’actrice Jessica Matten, vue dans de nombreuses productions canadiennes comme Blackstone et plus récemment Tribal), et dans ce premier épisode lui est également attribué un nouvel agent, l’adjoint Jim Chee. Ce n’est pas beaucoup de personnel pour un territoire à couvrir aussi immense (la série semble suggérer qu’il y a d’autres officiers, je vous rassure, c’est juste qu’on ne les verra pas).
    Jim Chee commence son premier jour sous de bien terribles auspices : quelques heures plus tôt, deux personnes ont été trouvées mortes dans une chambre de motel. L’une des victimes est un vieil homme, Hosteen Tso, et l’autre est une adolescente, Anna Attcity ; il n’y a qu’une personne qui pourrait dire ce qui s’est passé cette nuit-là : la grand’mère d’Anna, une medicine woman qu’Anna accompagnait ce soir-là, alors que la vieille dame s’apprêtait à pratiquer un rituel sur Tso. Hélas depuis les faits, sous le choc, la grand’mère est mutique, et le fait qu’elle soit une personne aveugle n’est pas très encourageant quant à sa capacité à identifier le coupable même si elle venait à parler.
    Une enquête difficile, mais aussi douloureuse : Anna n’est pas n’importe qui, comme Dark Winds commence lentement à le dévoiler lorsque Leaphorn doit raccompagner la vieille femme dans sa famille et annoncer la triste nouvelle aux parents de l’adolescente. On commence lentement à comprendre pourquoi cette enquête n’est vraiment pas une enquête comme les autres, avant même de parler des circonstances de ces décès.

    Pour le FBI, en revanche, c’est une opération de routine. Sans grand intérêt. Menée du bout des lèvres. L’agent Whitover, chargé de l’affaire et coutumier des interactions avec Leaphorn, n’est clairement pas intéressé par ces deux décès. Il a autre chose en tête… notamment le fameux hélicoptère qui a braqué le fourgon blindé en début d’épisode. Dark Winds explique lentement, à des spectatrices étasuniennes qui ne l’ont pas encore souvent entendu, ce que signifie cette présence fédérale dans la réserve.
    Leaphorn coopère avec Whitover, par obligation légale, mais il ne nourrit aucune illusion quant aux priorités de son collègue. D’une façon générale, la communauté toute entière est parfaitement consciente que cette intrusion en territoire Diné n’est absolument pas pour son propre bénéfice. La première réaction de la mère d’Anna sera de souligner combien la mort d’une adolescente indigène indiffère totalement les autorités, qui ne vont certainement pas se donner de peine pour cette enquête. Plus tard, dans l’épisode, une infirmière (dont on apprendra qu’elle est Emma, la femme de Joe Leaphorn) assiste un gynécologue blanc lors d’une consultation de routine d’une jeune femme enceinte, et traduit pour lui les échanges avec la patiente ; on comprend toutefois que le docteur procède de façon routinière à des stérilisations forcées, en mentant à ses patientes. Tout le monde est sur ses gardes lorsqu’il s’agit d’influences extérieures. Et, de toute évidence, pour une bonne raison.
    Aussi l’arrivée de Jim Chee, qui n’a pas mis les pieds à la réserve depuis des années après être parti pour une université hors des terres Diné (une opportunité rare !), est-elle présentée avec une certaine distance méfiante.

    Dark Winds emboîte tous ces ingrédients avec brio, utilisant l’enquête pour raconter ces vérités si souvent tues sur les écrans étasuniens. L’enquête ne passe pas exactement au second plan : l’investissement émotionnel de Longhorn dans sa conduite est trop grand. Toutefois, le point focal de la série est avant tout l’impact de cette enquête sur diverses membres de la communauté vivant dans cette réserve. A ce titre, Dark Winds relève beaucoup plus du drama que du thriller à proprement parler, et c’est le genre de série policière qui parle mon langage. La série parle en outre pas mal du deuil (un thème absent de tant de séries policières que c’en devient salvateur de le voir apparaitre en filigrane de tant de choses ici), un aspect qui se marie bien avec un thème secondaire qui se profile, le ton réaliste cédant une place non-négligeable à la spiritualité (Diné mais pas seulement, l’un des protagonistes secondaires étant un prêtre). En outre, l’interprétation de Zahn McClarnon est absolument magnétique, et la réalisation se montre absolument fascinante dans sa capacité à saisir aussi bien l’intime que les impressionnants décors arides de la série. Il est impossible de ne pas se laisser happer.
    Ce premier épisode ne laisse aucun doute quant à la qualité des suivants, et je n’ai pas peur, avant même de lancer le deuxième épisode, d’affirmer que Dark Winds promet d’être une grande série.


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  • Si tout était à refaire…

    19 juin 2022 à 23:05 • Review vers le futur •

    Quand le monde va mal, on voudrait pouvoir tout recommencer. Changer le futur, qui n’aurait pas envie d’essayer ? Par les temps qui courent, c’est pas comme si l’idée étaient saugrenue. Et je ne dis pas ça que parce que je publie cette review un soir d’élection…
    The Lazarus Project arrive donc à point nommé. La série britannique reprend, certes, des tropes classique sur le retour dans le temps, mais les utilise avec une certaine finesse et en capturant parfaitement les angoisses du monde qu’elle essaie de changer. Un retour dans le passé à la fois.

    George est un type à la vie parfaitement banale, qui développe une application capable de traiter des données pour relever des tendances et, dans une certaine mesure, procéder à des prédictions du monde financier afin de faciliter les investissements. Il croit beaucoup en son projet, soutenu par sa compagne Sarah.
    Le matin du 1er juillet, il se réveille à ses côtés et se prépare à un rendez-vous dans une banque, qui devrait financer sa start-up, lui permettant ainsi de commercialiser l’app. Il obtient son prêt, et tout semble parfait. Dans les semaines qui suivent, Sarah lui apprend qu’elle est enceinte, et le couple se marie. Ce bonheur exponentiel évolue, cependant, en parallèle d’une autre progression : celle du virus MERS-22, une nouvelle pandémie qui commence à faire des ravages. En l’espace de 6 mois, George puis Sarah tombent malades, et l’avenir semble incertain… Jusqu’à ce que George se réveille le matin du 1er juillet, aux côtés de Sarah, un rendez-vous à la banque prévu quelques heures plus tard. Il lui apparaît assez vite qu’il a opéré un retour dans le passé, et il tente d’en avertir sa compagne, mais les jours s’égrènent et celle-ci est au contraire terrifiée par la paranoia que George semble avoir développée. Finalement, encouragée par son ami Karl, elle finit par le quitter.
    C’est à ce moment-là qu’une femme du nom d’Archie apparaît dans la vie de George pour lui indiquer que ce qu’il vit est normal. En tout cas normal pour lui. Et que si jamais il retourne à nouveau dans le passé, il faut qu’il vienne la trouver. George se réveille ensuite le 1er juillet, aux côtés de Sarah ; au lieu de se rendre à la banque, il se rend à l’adresse que lui a donné Archie.

    C’est là qu’il apprend ce qu’est le Lazarus Project, une organisation internationale qui tente d’éviter une extinction massive. En dernier recours, elle utilise le retour dans le temps : elle a la possibilité de « restaurer la sauvegarde » du monde à chaque 1er juillet. Les agentes du Lazarus Project sont capables de se rappeler de ce qui s’est déroulé avant le retour dans le passé, mais… normalement, c’est une capacité qui leur est donné. Pour George, elle est naturelle. Archie lui propose donc de rejoindre l’équipe, et qui refuserait de sauver le monde ? En outre, il peut mettre ses talents d’analyste à leur service.
    The Lazarus Project existe donc dans une famille téléphagique bien familière, en bonne compagnie au milieu de séries comme El Ministerio del Tiempo et Timeless, pour ne citer qu’elles. Moins qu’à la science-fiction, la série emprunte à l’espionnage, ce qui permet de jouer avec des peurs spécifiques : même si la pandémie de MERS-22 est résolue dans ce premier épisode, on imagine sans peine la résonance de cette intrigue, surtout que COVID-19 a aussi existé dans la timeline de The Lazarus Project.

    Mais justement, c’est aussi assez cynique. On ne sauve pas exactement le monde de chaque danger : juste des dangers qui menacent trop de vies à la fois. Ce premier épisode fait grand cas de ces explications assez terribles, et unanimement acceptées par toutes les employées du projet : il y a des gens qu’on laisse mourir et des catastrophes qu’on laisse arriver. Il ne s’agit pas de créer un monde parfait, juste de s’assurer d’une destruction minimale. C’est supposé être acceptable.
    Evidemment, ça ne l’est pas. George en est conscient… et la série en est consciente. Son intrigue de time loop va bientôt créer un dilemme pour son protagoniste, qui, étant encore nouveau, n’a pas encore bien accepté que certaines personnes ne pouvaient pas être sauvées par un simple retour en arrière. Ce que ce premier épisode met en place n’est peut-être pas super original, mais il répond à des angoisses qui sont bien réelles, et des questions qu’on se pose, collectivement, de plus en plus. Qui choisit quand les pertes sont trop importantes ? Pour quoi comptent nos existences dans ce monde-là ? Peut-on sauver tout le monde ou, au moins, les personnes qui comptent pour nous ? Et dans ce cas… n’est-ce pas tout aussi cynique ? The Lazarus Project est une variation futée sur ces thèmes, un exercice de pensée ponctué de nombreuses scènes d’action et de revirements. Ca n’en fait pas nécessairement la série de l’année, mais ça en fait quand même une série qui n’est pas dénuée d’intérêt.


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  • It’s for your own good

    19 juin 2022 à 23:04 • Review vers le futur •

    On va parler de choses joyeuses aujourd’hui !

    Trigger warning : violence intrafamiliale (psychologique, physique, négligence).

    …Ah, non, pardon. Il faut m’excuser, j’ai confondu avec un autre site.

    Je commence, lentement, à explorer le catalogue de Shahid ; qu’il est bon d’avoir le temps plutôt que de se précipiter pour « rentabiliser » une période d’essai gratuit ! Si j’ai bien l’intention de regarder certaines séries en entier, je confesse être encore dans la phase de lune de miel qui consiste à trouver une série dont j’ignore tout et à en lancer le premier épisode, juste là, juste comme ça, parce que je peux.
    C’est le cas par exemple avec Eyal Nouf (« les enfants de Nouf »), une série saoudienne que la plateforme lançait cette semaine et qui, on ne va pas le nier, n’a pas un synopsis des plus réjouissants… mais, vous savez quoi, c’est précisément ce qui m’a attirée.

    Nouf est une mère de famille qui dirige, seule, la vie de sa maisonnée. Elle vit en effet avec ses quatre enfants, aujourd’hui jeunes adultes : Majed, l’aîné qui a un peu plus de responsabilités que les autres ; Fahed, qui se passionne pour le cinéma ; Samar, la coquette, qui aime à se maquiller ; et enfin une autre fille, l’artiste et la plus docile du lot… mais dont je ne pense pas que le nom ait été prononcé (j’ai pourtant vérifié toutes les scènes se rapportant à elle !). Cette cellule familiale pourrait vous sembler normale, mais ce que je ne vous ai pas encore dit, c’est que Nouf a enfermé ses enfants dans leur maison, et que personne n’a le droit de sortir, jamais, pour aucune raison que ce soit. La seule exception est Majed, qui la conduit à ses rendez-vous, Nouf étant une sorte de guérisseuse dont la clientèle est dispersée dans toute la ville ; en ces rares occasions, il est alors chargé de faire des emplettes pour ses frère et sœurs, mais dés le retour à la maison il est logé strictement à la même enseigne.

    Le premier épisode d’Eyal Nouf a la bonté d’introduire pas mal d’éléments très vite, et j’avoue que j’ai été un peu surprise par sa clarté. Beaucoup de séries arabophones que j’ai pu voir jusqu’à présent (et, je l’avoue bien volontiers, il y en a beaucoup moins que pour d’autres groupe linguistiques ou culturels du monde) prenaient au contraire leur temps, préférant présenter les personnages plutôt que l’intrigue. Il est possible que ce soit une question de format : jusque là, l’essentiel de ces fictions étaient des séries du Ramadan, donc diffusées quotidiennement pendant un mois ; ça influe nécessairement sur la façon dont on livre l’information que de savoir que, dés le lendemain, alors que les spectatrices auront encore les idées fraîches, on pourra en dire plus (c’est également la raison pour laquelle les séries sud-coréennes, par exemple, procède à leur exposition à un rythme plus lent). Eyal Nouf a, certes, été lancée à raison de 2 épisodes pour frapper un grand coup, mais ce n’est pas une série quotidienne et ses impératifs sont différents ; ça a sûrement joué, quand bien même ça ne fait pas tout.
    Peut-être aussi tout simplement que, dans le cadre d’une série sur l’enfermement, on ne peut pas parler des personnages sans parler de l’intrigue.

    En même temps que le premier épisode décrit la sévérité extrême de Nouf, nous apprenons donc à découvrir comment chaque enfant réagit à son enfermement. Majed a droit à quelques bouffées, brèves et contrôlées, de liberté ; il utilise ses quelques trajets en voiture pour acheter des choses pour ses adelphes, parfois en cachette… et on découvrira que Nour le sait parfaitement. Son contrôle sur les activités de chacune est totale, et rien ne semble lui échapper, ce qui ne fait que renforcer la terreur. Fahed est quant à lui dépeint comme neuroatypique et/ou complètement traumatisé ; il panique facilement, et est certainement celui qui craint le plus Nouf. Son intérêt pour le cinéma s’exprime sur un stream qu’il diffuse en cachette, certes sans montrer son visage, depuis sa chambre où il parle de films (et pas n’importe quels films : il recommande au cours de cet épisode Buried puis Cast Away…). Samar ne rêve que d’indépendance ; elle guette à plusieurs reprises les allées et venues de sa mère pour profiter de la moindre liberté qu’elle peut grapiller : se maquiller pendant quelques heures ici, essayer de sortir là… Enfin, la plus jeune, je l’ai dit, est extrêmement docile (et elle est certainement encouragée dans ce sens par sa mère, qui lui donne l’impression qu’elle est « la bonne fille », celle qui n’oserait pas transgresser les règles). A un moment de l’épisode, Samar subtilise les clés de la maison et décide de profiter de l’absence de Nouf pour aller faire un rapide tour dehors ; mais sa sœur préfère rester à l’intérieur. Ce n’est pas que de la peur, ou disons que la peur s’est transformé en un confort ; de toutes les adelphes de la famille, elle est celle qui s’est le mieux accommodée d’une vie à l’intérieur, passant ses journées à peindre sans rien demander.
    C’est le moment où je confesse que je me suis identifiée tour-à-tour à absolument chaque adelphe de la famille. J’ai grandi moi-même dans une maison dont je n’avais le droit de sortir que pour deux motifs : aller à l’école (d’ailleurs il est intéressant que la série démarre lorsque les enfants de Nour ne sont plus en âge d’y aller…) ou rendre visite à ma grand’mère. C’était tout. Tout le reste s’obtenait en cachette… ou ne s’obtenait même plus. Quand on passe des années dans cette situation, l’envie d’essayer nous abandonne. C’est tant d’efforts d’essayer de se sortir de la prison domestique, alors autant trouver quelque chose de positif à l’intérieur ; pour moi, enfant, ça voulait dire lire, écrire et dessiner, puis à l’adolescence c’était la télévision (ambiance Profit). A un moment, quand le dehors est inaccessible, pourquoi lutter pour y aller, quand on peut le découvrir par des moyens détournés. Chaque membre de cette famille représentait donc différentes phases de mon propre enfermement. Un enfermement dont j’ai pu sortir finalement mais euh… je suis agoraphobe alors, dans quelle mesure suis-je réellement sortie ? C’est l’une des questions qui m’empêche de dormir la nuit.

    Bref Eyal Nouf était une série taillée pour moi. Heureusement elle semble aussi, dés son premier épisode, ouvrir quelques portes, au figuré comme au propre, vers autre chose.
    C’est que, dans la maison en face de celle de la famille de Nouf, vit Somoud, fille d’un docteur et étudiante à l’université, qui est fasciné par ses voisines. Elle est tombée sur le stream cinéphile de Fahed (quoique sous un autre nom ; je crois que « Fares » est son identité sur internet, si j’ai bien compris) et à partir de là, a identifié qu’il y avait quelque chose qui cloche dans la maison d’en face, dont elle surveille les allées et venues depuis sa chambre. Or, un soir, Majed fait une overdose : il a pris l’habitude de se droguer dans sa chambre, sans que personne ne semble savoir ce qu’il fait, mais ce soir-là, il fait un malaise. Dans la panique il appelle donc Fahed, qui ne pense pas à interrompre son stream, et donne indirectement à Somoud l’opportunité d’embarquer son père de l’autre côté de la rue, pour se porter au secours de la famille.
    Nouf, bien-sûr, prend peur lorsque le père et la fille toquent à leur porte. En fait on comprend dans le reste de l’épisode qu’elle a déjà peur : elle parle de menaces venues de l’extérieur, d’un danger dont elle essaie de protéger ses enfants, du fait qu’on ne peut faire confiance à personne ; il n’est pas encore très clair si ses craintes sont fondées (il est vaguement question de la famille de son époux ; ou de deux autres frères qui seraient morts), ou si elle est purement paranoïaque. Ce n’est pas réellement important, au moins pour le moment : ça ne change rien au mal qui est fait. Mais évidemment l’intervention de Somoud la panique d’autant plus, et dans la nuit, Nouf décide de déménager toute la famille… sauf Majed, pour lequel elle n’a pas eu d’autre choix que de le laisser être envoyé à l’hôpital, mais qu’elle n’hésite pas à laisser derrière elle pour sauver les autres.
    Dans la nouvelle maison où elle installe sa famille, grâce à l’aide d’un proche qu’elle paie pour cela, Nouf s’apprête à répliquer ses méthodes à l’identique, maltraitant ses enfants en prétextant les protéger… mais il est trop tard, elles ont goûté au dehors. D’ailleurs, Eyal Nouf continue d’introduire des personnages qui s’inquiètent et/ou leur donnent une raison de sortir. On ne peut pas, ou en tout cas pas éternellement, garder la porte fermée.

    Non, évidemment, cette première demi-heure d’Eyal Nouf n’est pas facile à regarder. Nouf y frappe les 4 adelphes, les diminue, refuse de leur porter secours. La terreur d’enfants se lit dans leurs yeux de jeunes adultes.
    Mais pour moi, pour les personnes qui ont plus ou moins grandi comme moi et qui sont plus nombreuses qu’il n’y paraît, Eyal Nouf promet une sacrée catharsis.
    Et bonne fête des pères, bien-sûr.


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  • I believe Gen Z are the future

    18 juin 2022 à 22:36 • Dorama Chick •

    Ce mois-ci j’ai déjà parlé de plusieurs séries japonaises, mais que voulez-vous, je suis dans une phase. Cependant, celle dont je m’apprête à parler aujourd’hui est très différente : il s’agit d’une des rares séries d’anticipation produites sur l’Archipel. Si les séries high concept ont été nombreuses, depuis environ quinze ans, à apporter de la science-fiction sur les écrans nippons (je vous en avais présenté un bref historique ici), en revanche de vraies séries d’anticipation ont rarement vu le jour. 17 Sai no Teikoku a qui plus est l’originalité supplémentaire d’être une série politique… un genre qui, lui non plus, n’est pas courant sur les écrans de ce pays.

    Son postulat ? Dans un futur proche (officiellement, la série se déroule en 202X), le Japon connaît de graves crises : PIB au plus bas depuis l’après-Guerre, chômage au-dessus des 10%, population vieillissante (40% des Japonaises ont plus de 65 ans), et même exclusion du G7… et les choses continuent d’empirer. C’est évidemment sans même mentionner des problèmes plus globaux, qui ne touchent pas que le Japon mais viennent empirer sa situation difficile, comme évidemment le changement climatique.
    Cette période sombre de l’Histoire du pays est surnommée « Sunset Japan » (en anglais dans le texte), une référence évidemment au soleil levant qui a longtemps été le symbole de la nation, mais ici clairement décrit comme en plein déclin. De nouveaux problèmes nécessitant de nouvelles solutions, le gouvernement japonais, dirigé par le Premier ministre Washida, décide de mettre en place le projet « Utopi-AI » (abrégée « UA ») : l’installation d’une intelligence artificielle, Solon, à vocation de planification politique, suivie par l’application de ses décisions par un gouvernement humain. Quand la série commence, le projet UA va travailler sur une ville-test de 100 000 habitantes, Aonami.

    Sauf que ce n’est pas exactement de Solon que dépend Aonami, mais de la personne sélectionnée par Solon pour diriger la ville pendant les 3 prochaines années… un adolescent de 17 ans. Si tout se passe bien, le programme sera ensuite étendu à la politique de tout le pays.

    Pour être précise, Solon est composée de trois super ordinateurs (chacun installé dans une tour surplombant Aonami) travaillant de concert, mais sur des sujets distincts, pour créer des simulations de politiques. Tri (le triangle rose) est chargé de la croissance économique ; Hexa (l’hexagone vert) est responsable de la culture et la vie quotidienne ; Nona (le nonagone bleu) supervise l’écologie et la durabilité au sens large. Ces ordinateurs communiquent entre eux, mais s’expriment par une voix commune, celle de Solon (que 17 Sai no Teikoku a voulue relativement androgyne), et qui synthétise les informations ; cependant selon les situations, Solon peut proposer trois projections différentes, chacune étant basée sur les priorités d’un ordinateur différent.
    A charge ensuite pour le gouvernement local de décider, ou non, des choix découlant des simulations proposées par les trois piliers de l’intelligence artificielle. Aonami est, à ce titre, transformée en une administration indépendante, remplaçant son conseil municipal le temps des 3 années que doit durer l’expérimentation par un gouvernement resserré constitué uniquement de personnes jeunes.

    Dans 17 Sai no Teikoku, la « jeunesse », c’est relatif : les personnes postulant au projet UA avaient entre 15 et 35 ans. Toujours est-il que parmi les 10 000 candidates à la gouvernance d’Aonami, 4 profils ont été retenus pour en former le gouvernement expérimental : Kan Hayashi, ministre de la Santé, des Affaires sociales et de la Culture, âgé de 22 ans ; Suguri Saiga, ministre des Finances et de l’Economie, âgée de 22 ans ; Teru Washida, ministre de l’Environnement et des Ressources, et natif d’Aonami (…et, oui, vous aurez remarqué son nom de famille), âgé de 25 ans… et enfin, comme je le disais, le Premier ministre de ce gouvernement, Maki Aran, âgé de 17 ans, donc.
    L’âge de ce gouvernement, aussi local et expérimental soit-il, choque naturellement les esprits, à plus forte raison dans un pays où l’ancienneté est une valeur fondatrice de beaucoup de relations sociales. La première réaction de la presse est de se demander si les personnes placées à la tête d’Aonami ont l’expérience nécessaire pour de telles responsabilités. Mais c’est là que se joue la présence de l’intelligence artificielle dans notre dynamique : l’expérience, ce sont les données que traite Solon. Cela représente bien plus que l’expérience d’une personne humaine, ou même quatre ; il est donc possible d’en faire abstraction lors de la sélection des candidats.
    Et de toute façon, il ne s’agit que d’un projet temporaire et local, le Premier ministre Washida rappelant qu’il est encore à la tête du pays. C’est bien son gouvernement qui endossera la responsabilité des résultats, positifs ou négatifs, obtenus à Aonami… et, parce que 17 Sai no Teikoku est optimiste mais pas naïve, ce point s’apprête à revêtir une importance non-négligeable. En tout cas, pendant ce temps, Maki Aran constitue son cabinet, et demande à Sachi Sagawa, une adolescente de 17 ans également qu’il avait rencontrée sur un forum de discussion politique pour ados, de devenir sa conseillère spéciale. Elle se voit ainsi offrir l’opportunité de déménager, avec toute sa famille et tous frais payés, à Aonami pour les 3 prochaines années.
    La série est essentiellement écrite de son point de vue (bien que conseillère, la série l’utilise principalement comme témoin), mais sans s’interdire une certaine omniscience à l’occasion

    Je passe un peu de temps sur ce qui représente, à peu près, le premier quart d’heure de la mini-série, mais vous comprenez évidemment que dans 17 Sai no Teikoku, tout est à inventer.

    Quand bien même la série se passe dans quelques années, ou juste quelques mois peut-être (202X, ça se trouve, c’est la semaine prochaine…), elle introduit de nombreuses différences avec notre expérience du monde, et notamment le fonctionnement de celui-ci. Ou plutôt, propose une rupture. Le propos de la série est précisément que cette rupture est nécessaire, ne cessant de répéter combien les « adultes » (là encore, c’est relatif) ont failli à leur tâche de veiller au bien-être et au développement du pays, et combien cette révolution est souhaitée par la jeune génération. 17 Sai no Teikoku ne recule pas devant l’expression de la frustration de toute une classe d’âge (enfin, une partie de celle-ci ; la série mentionne aussi l’apathie ou les préoccupations plus superficielle de quelques adolescentes à travers des personnages d’importance réduite, comme le frère de Sachi), désemparée devant le refus par ses aînées de prendre à bras-le-corps les problèmes du pays. Il y a urgence à faire quelque chose pour toutes les Japonaises, et pas juste à s’occuper de ses propres intérêts ou même sa propre survie. Il est temps de changer les choses.
    Sauf qu’évidemment, entre vouloir du changement et être capable de l’insuffler, il y a une différence.

    Le problème d’une série comme 17 Sai no Teikoku, c’est qu’elle est bien obligée de faire des propositions, certes par l’entremise de ses jeunes personnages. Elle ne peut pas laisser les choses ouvertes, mais du coup, ça veut dire qu’elle influence aussi ce que ses spectatrices vont considérer comme de l’innovation (et la créatrice de la série, Reiko Yoshida, a… 54 ans). Une bonne partie des solutions trouvées pour Aonami semblent cependant reposer sur les compétences que l’on peut tirer de Solon.
    Sachi est aux premières loges pour assister aux premières d’entre elles, prises par Maki avant même son arrivée au sein de son cabinet. Cela inclut par exemple de diffuser en direct, sur internet, les réunions du gouvernement d’Aonami, mais aussi de rendre publique, de façon quotidienne, la performance de chaque membre de ce gouvernement. Ensuite, il se débarrasse du conseil municipal : une instance de politique politicienne héritée du temps où Aonami n’avait pas encore son propre gouvernement, et capable de mettre des bâtons dans les roues du projet UA (sans parler des économies considérables ainsi opérées, qui peuvent être réinjectées dans d’autres projets bénéficiant plus directement à la population). Finalement, les habitantes d’Aonami étant désormais toutes équipées de divers objets connectés en temps réel à Solon, l’IA peut proposer un vote et intégrer leur avis directement dans son jeu de données, au lieu de se reposer sur des politiciens supposément représentatifs.
    Au pire, Maki approve une nouvelle directive permettant au Premier ministre (lui-même, donc) d’être destitué si son taux d’approbation tombe sous les 30% (ce qui est déjà généreux). Je crois bien que c’est la première fois que j’entends une série japonaise évoquer la démocratie participative !

    Ce n’est que la première des expériences de pensée que propose la mini-série à ses spectatrices, sur des mesures spécifiques. Alors certes, comme d’habitude à la télévision japonaise, il ne s’agit pas d’employer de termes techniques et encore moins politiques : népotisme, démocratie participative, gentrification, crédit social, coupes budgétaires, réforme de la fonction publique, etc. Cela n’empêche pas de mettre en scène et d’interroger les concepts en question. Peut-être bien que c’est une meilleure méthode, dans le fond…? Je vous laisse juges.
    17 Sai no Teikoku ne recule pas devant la tâche : même si nous n’avons pas accès à ses pensées, nous assistons bel et bien aux décisions prises par Maki, qui s’appuie sur les données factuelles fournies par Solon… mais aussi sur son désir ardent d’écouter la population, un peu à la surprise générale. Cela apaise certaines craintes (il n’est pas un despote à la merci d’un ordinateur lui dictant quoi faire), mais cela en avive d’autres (la mesure de popularité a ses défauts, en matière de gouvernement). Devrait-il être plus objectif ? Moins ? Quel est le juste milieu ? Quelle est la juste politique ?
    Dans tout ça, la série prête aussi l’oreille aux glapissements d’agonie de la classe politique « à l’ancienne », celle qui voulait utiliser le projet UA pour se faire mousser, celle qui pensait que le projet UA ne serait qu’un exercice de relations publiques, et celle qui… ma foi, est en train de prendre conscience que le changement est peut-être moins hors de portée qu’il n’y paraissait. 17 Sai no Teikoku, au cours de ses seulement 5 épisodes, ne manque pas une occasion d’écorcher ce milieu, avec tous ces hommes âgés qui s’entendent si bien et ont des accords entre eux… que Maki vient bouleverser. Voire renverser. La colère de la série se fait écho à la jeune génération que 17 Sai no Teikoku représente : les méthodes d’avant ne marchent pas. Plus important encore : on n’en veut plus. On refuse ce système. Qu’est-ce qu’il a fait pour le pays, ce système ? Il n’a bénéficié qu’à ceux qui en faisaient partie et en suivaient les codes. Mon Dieu, non, 17 Sai no Teikoku ne manque pas de venin pour parler de la politique politicienne de papa… mais, attention, pas sans une motivation scénaristique derrière. Ne comptez pas sur moi pour vous la dévoiler, cependant.

    Les lectrices les plus fidèles de ces colonnes se souviendront peut-être que, fin 2019, la télévision publique japonaise NHK avait diffusé une autre mini-série d’anticipation, ressemblant plutôt à une série catastrophe celle-là : Parallel Tokyo.
    Celle-ci essayait d’insuffler à ses spectatrices de tous âges le sentiment d’urgence à se préparer à « The Big One », le séisme qui devrait, un jour ou l’autre, toucher la capitale nippone et y causer d’immenses dommages. La mini-série était diffusée dans le cadre d’une semaine spéciale, remplie de reportages, émissions d’information, et débats, consacrée à avertir la population sur les risques, sur les gestes de survies, mais aussi quant au traitement de l’information dans l’urgence. Bref, NHK remplissait sa mission de service public, et
    Parallel Tokyo, loin de n’être qu’une série de divertissement, en était l’un de ses outils de prévention.

    Eh bien c’est un peu la même chose qui s’est déroulée ici avec 17 Sai no Teikoku : la série a été diffusée dans le cadre de l’initiative Kimi no Koe ga Kikitai (« je veux entendre ta voix »), une campagne encourageant les jeunes Japonaises à s’investir dans la politique de leur pays. Plus largement, Kimi no Koe ga Kikitai a pour but d’améliorer le sort de la part la plus jeune de la population nippone. C’est que, voyez-vous, en 2020, l’UNICEF a mis le Japon à la 37e place sur 38 dans son classement sur le bonheur des enfants ; la télévision publique a donc essayé, par divers programmes, d’interroger les raisons de cet état de fait, et d’envisager des solutions. La dimension politique n’en est qu’une parmi d’autres abordées dans ces programmes lancés courant mai. 17 Sai no Teikoku est donc plus qu’une série de science-fiction : c’est une série qui veut envisager un avenir qui, certes, n’est pas exactement possible à l’heure actuelle, mais enfin, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas y croire.
    Cela en fait l’une des rares utopies de fiction à la télévision ; et en plus, elle a été écrite en espérant être une prophétie auto-réalisatrice. Pas nécessairement pour le volet intelligence artificielle, mais pour le volet intelligence de la jeunesse, en tout cas.

    Depuis quelques heures tourne la video d’une interview d’une militante appelée Sasha, interviewée sur RMC d’un ton accusateur qu’Apolline de Malherbe n’emploierait jamais avec des politiciennes au pouvoir. Le mépris de la femme embauchée comme journaliste face à celle, plus jeune, qui essaie d’expliquer sa position alors qu’elle fait face à des réactions condescendantes et des raccourcis orientés, agace pas mal de monde. Sasha essaie d’en appeler à l’empathie de son intervieweuse en lui demandant comment elle regardera ses enfants en face dans quelques années, ce qui a pour résultat de voir Apolline de Malherbe essayer de la « pousser à la faute », rapprochant l’absence d’enfant et/ou de désir d’enfant à un acte militant (dont il est sous-entendu que Sasha le préconiserait pour tout le monde, ce qui ne sont pas ses propos), puis finalement à un déni d’humanité. Pendant ce temps, le chyron pose une question à peine moins biaisée : « Faut-il plus de radicalité pour une vraie prise de conscience ? ». Parce qu’on en est encore à parler de prise de conscience alors que la maison est déjà en feu.
    Ce que cet échange traduit, c’est une incompréhension fondamentale entre deux générations, séparées non seulement en âge (lequel semble autoriser la journaliste à réprimander son invitée lorsqu’elle ne lui donne pas les réponses qu’elle veut), mais aussi et surtout par le contexte. Ces différences semblent inconciliables, non pas à cause des années qui séparent les deux femmes, mais parce que l’une n’a pas à vivre les circonstances de l’autre. Il est question de climat et ça dévie sur la démographie ; mais il pourrait être question de n’importe quoi d’autre. Dans le fond, ce que cet entretien montre, c’est que rien ne peut réellement fait ressentir aux générations précédentes les raisons du rejet de certaines normes. Ce n’est pas que Sasha ne veut pas d’enfant parce que personne ne devrait en avoir ; il n’y a pas de jugement de valeur, il y a juste un cri : « Est-ce que vous pensez que j’ai envie d’avoir un enfant dans ce monde-là ? ». Sans même parler d’être une personnalité affichant ses positions politiques de droite ouvertement, quelqu’un qui a eu 4 enfants dans le confort ne peut pas entendre ça. Encore moins le comprendre. Et encore moins l’accepter.
    Mais on ne lui demande pas d’accepter. Le choix n’est pas le sien. Elle a déjà fait ses choix. Ma génération a déjà fait ses choix, et les conséquences se ressentent sur la génération de Sasha. 17 Sai no Teikoku explore cela. Cette façon dont les choix de Maki et son gouvernement sont incompréhensibles pour la classe politique et pour la presse. Et, parfois, impopulaires auprès des citoyennes, aussi, en particulier les citoyennes âgées qui forment, population vieillissante oblige, une énorme proportion des votes.
    Et pourtant, il ne s’agit pas d’une position radicale pour le régime de la génération Z ; il s’agit de la seule position possible. Quand on subit les décisions d’autrui, on n’est pas radicale : on est acculée.

    17 Sai no Teikoku, bien-sûr, parce que c’est une série japonaise d’anticipation politique (…et tous les termes de cette proposition pèsent de tout leur poids ici) ne parle pas explicitement de radicalité, mais elle la décrit comme une impérieuse nécessité, la colère et la révolte qui l’anime… et, aussi, ses limites. Car cela ne garantit pas qu’aucune erreur ne sera faite ; mais l’ancien régime a fait les siennes déjà, et les conséquences se paient déjà. L’ancien empire est à bout de souffle, et ce n’est pas qu’à cause de la température en cette canicule de juin.
    Il est temps de passer le relai. Il est temps de faire place à la prochaine génération. Il est temps d’écouter leur voix. Kimi no Koe ga Kikitai.

    Encore faut-il que cette voix se fassent entendre.


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  • Ça ne s’oublie pas quand c’est la première fois

    17 juin 2022 à 23:06 • Review vers le futur •

    C’est vraiment parce que je vous aime bien que je fais l’effort de regarder, et reviewer, une série avec des vampires. Ce n’est, certes, pas la première fois que je fais des tentatives (en témoigne la petite thématique Suckers en fin d’année dernière, avec des séries venant de Russie (Vampiry Sredney Polosy), du Japon (Aoki Vampire no Nayami) ou des USA (What We Do in the Shadows)… cela dit, pour l’essentiel, je garde mes distances avec les canines pointues. J’ai mes raisons. C’est idiot, hein, mais j’aime ne pas avoir de cauchemars la nuit ! Or, il s’avère que je suis une froussarde…

    Toutefois, First Kill commençait à pas mal faire parler d’elle ; son lancement pendant le mois de juin n’y étaint pas étranger. Sur le papier, il s’agit d’un teen drama fantastique racontant la romance entre deux ados, l’une d’entre elles étant un vampire. Bon. Mais il s’avère que derrière ce sujet pas franchement inédit, une mini-controverse est née, entre d’un côté plusieurs critiques estimant qu’il s’agissait d’une resucée (pardon) de thèmes cent fois déjà explorés, et de l’autre des spectatrices défendant l’existence de cette série apportant du sang frais (désolée) dans le panorama télévisuel. Où se trouve la vérité ?
    N’aimant particulièrement ni les vampires, ni les séries adolescentes, ni les romances, je pense avoir l’expertise parfaite pour trancher objectivement !

    Pas de suspense, mon verdict est simple à la vue du premier épisode de First Kill : je ne m’attendais à rien et je suis quand même agréablement surprise. Comme quoi tout arrive.

    Ce premier épisode est, certes, plombé par deux obstacles majeurs : d’une part, on y accumule les clichés de séries adolescentes, et d’autre part, c’est un premier épisode qui n’a pas toujours trouvé le moyen de porter son exposition (quoique, et j’y reviens dans un instant, il y ait quand même de bonnes idées).
    First Kill est une série de Netflix, et elle emprunte les mêmes chemins que beaucoup de ses séries ou même films destinées à un public adolescent : voix-off omniprésente, une chanson différente toutes les 3 minutes, et une collection de stéréotypes sur la vie lycéenne étasunienne. La série est tellement conventionnelles qu’on est presque surprise d’apprendre que la ville de déroule à Savannah, tant tout ressemble à n’importe quelle autre série californienne du même acabit. En outre, Juliette, la protagoniste avec laquelle nous passons les premières minutes de la série, guidées par le ton de sa voix dans son quotidien, répond parfaitement au cahier des charges de toutes les autres fictions du genre : comme absolument toutes les autres adolescentes au cœur de ce genre de fiction, Juliette n’est « pas comme les autres ».
    Bref je comprends qu’on pique un peu du nez devant cet enfilage de perles : les premières minutes de cet épisode introductif se déroulent exactement comme si on ne savait pas qu’on a affaire à une série fantastique (on vient pourtant de voir le très sympathique générique qui n’en fait aucun mystère), faisant d’autant plus de place à tous les lieux communs du teen drama possibles et imaginables.

    Progressivement, en tendant l’oreille et en prenant garde aux détails, on peut toutefois sentir que First Kill veut mettre en place quelque chose de légèrement plus raffiné. Les indices se succèdent, qui tendent à prouver que Juliette n’est, effectivement, « pas comme les autres », ce qui apparaît quasiment comme un twist (c’en serait vraiment un sans le générique, mais j’avoue trop aimer le générique pour vouloir sa disparition). Peut-être pas au sens où la série le laissait entendre initialement, avec sa litanie d’idées arrêtées sur ce qu’une adolescente normale devrait être, mais « pas comme les autres » quand même. Et « pas comme les autres » malgré ses parents, qui semblent l’encourager à sa différence, ce qui la contrarie tant elle voudrait se conformer. Se pose alors la question de déterminer dans quelle mesure elle est consciente de la nature de cette différence… ce à quoi, là encore, la série répond après un mini-revirement d’angle.
    C’est là que ça commence à être intéressant : la banalité des premières minutes cède du terrain au propos de la série, mais cette même banalité lui donne une lecture complémentaire. Pendant que Juliette coule des yeux de merlan frit à son béguin du moment, on comprend à quel point First Kill a fait sien cet héritage de Buffy consistant à utiliser le fantastique comme métaphore de l’adolescence. Ce n’est, par définition, pas inédit ; par contre c’est plus subtil que ça n’en a l’air, et ça fait formidablement bien le genre.

    Mieux encore, First Kill introduit un nouvel ingrédient vers la moitié de cet épisode inaugural, en basculant son point de vue. La deuxième partie reprend la même journée que nous avons vu s’écouler pour Juliette, mais cette fois… du point de vue de son crush, Calliope. Et cette fois, la série peut prendre des raccourcis : il lui sont autorisés par l’effet de miroir.
    Calliope aussi est « pas comme les autres », mais au lieu d’en souffrir, elle en est fière. Sa différence, elle la cultive, même si elle n’en ignore pas le prix. Elle est dans les starting blocks et n’attend que d’être encore plus différente, si seulement sa famille la laissait ; sauf que sa famille insiste pour que sa vie ait une dose minimum de normalité. Le parallèle avec l’introduction de Juliette permet aussi, rapidement, de poser la question des sentiments de Calliope. Là encore, First Kill y répond par paliers, d’abord en s’assurant que la jeune fille a détecté les signes de l’attraction de Juliette, puis en poussant Calliope et Juliette à interagir, puis…

    Avec tous ses mini-twists, First Kill pourrait signer ici un épisode d’exposition fatigant, à la limite du gimmick. Mais c’est tout le contraire. Chaque réajustement de la perspective de la narratrice (Juliette ou Calliope) permet d’obtenir non seulement une nouvelle compréhension de la protagoniste dont il est question, mais aussi une idée différente des enjeux de la série… Et, à travers eux, de son symbolisme.
    La « différence » des deux jeunes filles les renvoie l’une à l’autre, mais est aussi le témoignage de deux passages très différents à l’âge adulte. La métaphore vampirique, si souvent sexuelle, qui se met en place au fil de l’épisode souligne bien cela, en filigrane du discours sur la normalité : Juliette est terrifiée par les changements de son corps, la sexualité qu’elle n’ignore pas mais n’a jamais laissée s’exprimer par crainte d’elle-même ; Calliope embrasse pleinement ce qu’elle est et ce qu’elle veut, se heurtant au contraire à la contrariété quand le mode de vie de sa famille l’empêche de se lancer aussi vite qu’elle le voudrait, peu importe les risques.
    Juliette comme Calliope, toutefois, s’apprêtent à la fois à se confronter l’une à l’autre, et à un rite majeur de leur passage à l’âge adulte. First Kill laisse pressentir qu’un choix devra se faire… mais lequel, et pourquoi, et avec quelles conséquences ?

    Alors, est-ce que c’est révolutionnaire, non, bien-sûr. First Kill bâtit sur de l’existant. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne fait que répéter bêtement ce qui a été fait avant elle. First Kill joue de ses registres avec pas mal d’intelligence, à défaut d’une folle originalité. Plus encore, son intention de confronter ses deux héroïnes témoigne d’un désir d’utiliser les tropes pour raconter une histoire coming-of-age forte de plusieurs lectures, à la fois sur le passage à l’âge adulte et la sexualité queer. Le cocktail de genres de First Kill n’est pas accidentel, ni purement racoleur.
    …Et au final, preuve est faite de sa nécessité si tant de spectatrices s’insurgent dents et ongles contre l’inutilité que certaines critiques lui assignent. La réalité c’est que beaucoup de ces jeunes spectatrices n’ont connu Buffy que par ricochets (si elles l’ont connue), tout comme une grande partie de la fiction vampirique saphique. Pour elles aussi, c’est la première fois.
    Laissons aussi aux jeunes générations leurs propres séries à partir desquelles se forger.


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  • You can’t go home again

    16 juin 2022 à 22:45 • Review vers le futur •

    Dans les années 90, Fabián Delmar était l’acteur le plus célèbre de la télévision mexicaine. Au générique des telenovelas les plus populaires du moment, présent sur les écrans de toute la planète, en couverture de tous les magazines, apparaissant dans les rêves romantiques de toutes les jeunes femmes… Delmar était une immense star. Avec un ego proportionnel à sa célébrité !
    …Mais ça, c’était les années 90. Depuis, les années ont passé. Après avoir disparu de la scène médiatique quasiment du jour au lendemain, Delmar tente pourtant de faire son comeback. Or, comme le souligne si bien la tagline de la dramédie El Galán : la télévision a changé, lui non.

    Les séries mettant en scène des protagonistes ayant jadis connu la gloire ne sont pas rares (je vous en ai d’ailleurs mis quelques unes en référence, au bas de la review ici présente). Elles ont quasiment toutes comme point commun de présenter une notoriété effacée, et qui ne reviendra jamais, quoique l’on fasse. On ne peut être et avoir été… Toutefois, El Galán semble vouloir mettre une insistance particulière sur la façon dont ce n’est pas simplement la célébrité qui a échappé à son héros, mais le temps tout entier : il vit résolument dans le passé, mais pas simplement parce qu’il s’aggripe à une renommée écaillée. En fait, il est incapable de percevoir que le monde ne vit plus dans les années 90 tout court. Le premier épisode de la série veut vraiment en rajouter sur ce point.

    Les dernières décennies, après avoir subitement disparu des radars dans son Mexique natal, Delmar les a passées à chanter sur des bateaux de croisière en Russie. Là, il joue le vieux beau tous les soirs, à chanter la sérénade à un public vieillissant qui l’a autrefois vu à la télévision, quand la telenovela qui l’a rendu célèbre, Serás Mía, nuit après nuit. Bizarrement les fans russes qui viennent s’émerveiller devant ses apparitions chantées semblent savoir très bien où le trouver, alors qu’El Galán prétend que personne au Mexique ne sait ce qu’il lui est arrivé… bon, admettons. Toujours est-il que c’est un boulot un peu miteux, mais qui lui a permis de vivre sur le peu de notoriété qu’il a encore… jusqu’à ce que la compagnie de croisière envisage de changer complètement son business model (en transformant le bateau en un gigantesque escape game à base de zombies ; en passant, je veux une série là-dessus). Refusant de se grimer en monstre alors qu’il est convaincu d’avoir entretenu l’image d’un sex symbol, Delmar claque la porte, et contacte son vieil ami (et apparemment ancien manager ?), Charly. L’occasion est parfaite pour revenir au pays.
    A son arrivée, non seulement Fabián Delmar n’a pas l’air de se douter qu’il n’est pas attendu comme le Messie, mais en plus il a l’air de tout ignorer de 2022. Bon, la pandémie, il est au courant, quand même. Mais les smartphones, connaît pas. Instagram (ou n’importe quel réseau social), connaît pas. Il ne sait même pas ce que veut dire « viral », quand Charly lui annonce qu’il va falloir qu’il le soit s’il veut se faire remarquer sur internet. J’ai même cru qu’il allait demander ce qu’est internet, à un moment. Delmar utilise toujours un énorme téléphone portable des années 90 ; il a même réussi à passer un appel à partir d’une cabine téléphonique (?!) quand celui-ci ne fonctionne plus. C’est assez incroyable qu’El Galán accumule ces détails, parce que dans le fond, on n’en a pas besoin tant la description de la célébrité fanée de Delmar se suffit à elle-même. En outre, la reconstitution de scènes entières de la telenovela (imaginaire) Serás Mía fait déjà un très bon travail en matière de reconstitution d’une ère lointaine (si vous avez aimé Pôr do Sol pendant SeriesMania, vous aimerez sûrement ces passages d’El Galán).
    Mais non. La série veut vraiment nous dire que ce n’est pas juste la perception de lui-même, mais la perception du temps qui n’est pas au point chez Fabián Delmar. Un choix intéressant…

    …Même si, au départ, il ne semble pas si fascinant que ça. Le premier épisode continue de prouver à Delmar (qui n’est clairement pas prêt à entendre cette vérité) qu’il est désormais fini au Mexique. Surtout qu’il ne veut surtout rien changer ! El Galán accumule les démonstrations du ridicule de ce type qui a une image faussée de l’impact qu’il a sur autrui ; la seule fois où il trouve un public ravi, c’est dans une maison de retraite… mais même là, ça ne semble toujours pas lui arriver au cerveau. El Galán est-elle le genre de farce dans laquelle une célébrité vieillissante sur le retour va constamment s’humilier devant nous ? Delmar va-t-il, épisode après épisode, se ridiculiser en vivant hors des codes de notre époque ? Est-ce que je vais avoir besoin de retourner faire de l’hypnothérapie pour oublier ce que j’ai vu comme après mon visionnage de The Comeback ?!
    Il faudra attendre les toutes dernières minutes de cet épisode inaugural pour qu’enfin, on nous donne une dimension plus dramatique à se mettre sous la dent. Qui, certes, n’explique pas tout du décalage de Delmar avec le monde, mais promet, au moins, d’en explorer les ressorts, les conséquences, et potentiellement l’évolution.

    Et ça, c’est une promesse intéressante, même si dans l’intervalle je ne doute pas que le pathétique Fabián Delmar continue de se rabaisser encore un peu. C’est, hélas, souvent une obligation dans ce genre de séries, qui ne connaissent pas d’autre moyen d’apprendre l’humilité à leur protagoniste…


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