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  • L’institution du divorce

    22 août 2021 à 22:05 • Review vers le futur •

    Elle est mignonne, la nouvelle dramédie mexicaine de Netflix ! Todo va a estar bien (soit Everything will be fine de son titre international) n’est pas exactement révolutionnaire, mais elle adopte une approche intéressante et un ton bien sympathique pour nous parler de ce qui, à nous grandes romantiques, envoie toujours du rêve !
    J’ai nommé, bien-sûr, le divorce.

    Le premier épisode commence les hostilités sur une scène assez glaçante, cependant : Ruy et Julia sont interrogées, séparément, par des assistantes sociales chargées de déterminer qui serait à même d’avoir la garde de leur fille Andrea après le divorce. Ambiance. D’autant que les questions sont très intrusives (apparemment au Mexique on n’a pas de problème avec l’idée que le nombre de partenaires sexuelles est en corrélation avec l’aptitude parentale), et que le procédé vient naturellement s’ajouter à une situation difficile.
    D’ailleurs, cette difficulté ne vient pas simplement du divorce lui-même : Todo va a estar bien démarre alors que le couple a décidé depuis un moment déjà de se séparer, mais ne veut pas alerter leur fille. Pour préserver les apparences auprès d’Andrea, Ruy et Julia dorment donc toujours dans la même chambre (Ruy doit planquer son matelas pneumatique), et continuent leur vie familiale « comme avant ».

    Sauf que bien entendu, rien n’est comme avant. Dans cette maison, on ne se parle plus, parce qu’on ne se supporte plus, quand bien même on a décidé de faire des efforts pour maintenir un semblant de normalité dans la vie de la petite. Andrea ne semble pas percevoir ce qui se trame : elle a quelque chose comme 6 ans, et le but est précisément qu’elle ne se rende compte de rien pour le moment… mais de toute évidence cela ne peut pas durer.
    Todo va a estar bien est, évidemment, un titre de série qui ment : les choses ne vont pas bien se passer parce que c’est un divorce, et qu’un divorce, c’est forcément douloureux et compliqué, même avec les meilleures des intentions.

    Todo va a estar bien se donne beaucoup de mal pour être une série s’adressant aux Millennials. Parce que son couple d’héroïnes a la trentaine, bien-sûr. Mais aussi en cultivant un côté un peu artsy, légèrement rebelle mais défraîchi. Ruy est un spécialiste de rock alternatif, qui n’a pas l’air d’avoir une vie professionnelle palpitante ni lucrative ; Julia est une dessinatrice dont le style ainsi que les convictions la portent généralement vers des projets peu rémunérateurs (même si, avec son collègue, elle est pour une fois en train d’essayer de décrocher un contrat un peu plus mainstream… mais qu’elle a quand même essayé de placer un clitoris et un penis dans son design !). Leur attitude légèrement anti-conventions a perdu en panache depuis leur mariage, que le générique détricote ; devenues des adultes, au quotidien comme dans leur vie professionnelle, il a fallu apprendre à faire des compromis. Et on sent, même si Todo va a estar bien n’explique pas (encore ?) les raisons du divorce dans ce premier épisode, que ça en dit long sur les dynamiques de ce couple. La désillusion va au-delà du seul mariage.

    Avant de vous quitter, permettez que je fasse un petit aparté sur un passage un peu étonnant vers la fin de ce premier épisode, dont je me dois de parler. Julia se fait la réflexion (et nous la fait par la même occasion) qu’historiquement, le mariage, c’est de la merde. Qu’à l’origine il s’agissait d’une pratique permettant de vérifier la paternité des enfants, et donc de s’arroger la propriété des femmes, qu’ensuite l’institution a changé pour apporter des pressions supplémentaires aux femmes, et qu’au final, le mariage, on n’a toujours pas trouvé la bonne combinaison. Ce qui est un discours qui se comprend dans sa position. Mais c’est fait de façon bien particulière : là où le reste de l’épisode est dénué de voix-off, cette séquence est entièrement consacrée à écouter Julia s’adresser directement à nous. Qui plus est, ce bref historique de la question matrimoniale est entièrement animé !
    Cette étrange parenthèse donne un peu l’impression qu’au départ, la série était supposée commencer par cette scène… Avant que finalement il ne soit décidé, au montage par exemple, que ce seraient les entretiens avec les assistantes sociales qui servirait d’exposition. Peut-être que je me trompe, que le but a toujours été de balancer cette scène peu avant la fin de l’épisode, mais elle sonne vraiment comme une introduction. Du coup, ça paraît un peu maladroit, ou en tout cas comme une cassure du rythme et du style de l’épisode, et je me demande ce qu’il en restera dans les épisodes suivants. Si Todo va a estar bien se ménage une scène de ce genre à chaque épisode, c’est un choix… sinon, c’est que c’était une maladresse.

    Enfin bon, ce cas particulier mis à part, Todo va a estar bien produit quand même un effort honorable pour essayer de parler de divorce avec doigté, dosant son humour avec intelligence. Et du coup, c’est quand même un bon plan. Plus que certaines autres séries sur le divorce qu’on ne nommera pas ici, en tout cas.


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  • Feels right

    21 août 2021 à 20:23 • Telephage-o-thèque •

    Il y a quelques jours, la plateforme australienne Binge annonçait la mise en chantier d’une adaptation locale de la série suédoise Älska Mig, dont la première saison remonte à 2019 sur la plateforme nordique Viaplay. « Quelle coïncidence, j’ai regardé le premier épisode il y a quelques mois à peine ! », me suis-je dit.
    Du coup l’occasion était parfaite de trouver quelques heures pour finir la saison, et c’est donc de ça dont on cause, aujourd’hui : d’Älska Mig, en attendant Love Me.

    Si au départ je m’étais imaginé qu’Älska Mig allait être une série s’intéressant à une trentenaire célibataire (après tout, ce personnage est incarné par la créatrice, réalisatrice et productrice de la série, l’actrice Josephine Bornebusch, vue précédemment dans Solsidan puis Welcome to Sweden), j’ai rapidement été détrompée : il s’agit plutôt d’une série chorale. On y suit plusieurs personnes d’une même famille alors qu’elles se confrontent aux aléas de la vie et de l’amour.
    Celle qui semblait être l’héroïne, Clara, est l’aînée ; lorsque démarre la série, elle a 37 ans, c’est une belle femme à la vie bien installée, avec une carrière de chirurgienne obstétrique, et l’appartement qui va avec. Le problème c’est qu’elle s’inquiète amplement de n’avoir pas d’enfants (ce qui forcément est amplifié par le fait qu’elle croise des bébés toute la journée au boulot), et l’heure tourne. Derrière son apparent cynisme, elle cache à grand’peine un désespoir qui ne fait qu’empirer alors que les rendez-vous sur Tinder et consorts tournent systématiquement à la catastrophe. Sa meilleure amie Sasha, qui est mariée depuis une décennie et des poussières, et a des jumeaux à la maison, est à la fois sa collègue et confidente, et elle est un peu alarmée de l’attitude de Clara. Celle-ci semble perpétuellement insatisfaite, et cette attitude ressemble par moments à de l’auto-sabotage.
    Le jeune frère de Clara, Aron, a encore la vingtaine. Il se destine à une carrière d’avocat (comme son père) et essaie de se montrer raisonnable, de bûcher pour ses examens ainsi que de trouver un premier job, en dépit du fait qu’il ait plutôt l’âge de faire la fête. Ce qui n’aide pas, c’est que sa petite amie, Elsa, soit une DJ délurée dont l’essentiel de la vie personnelle comme professionnelle consiste à ne pas se prendre la tête. En plus, Aron est de plus en plus possessif, ce qui a pour effet mécanique à la fois de le rendre plus frustré et malheureux, et de tendre les relations avec Elsa. Heureusement, sa meilleure pote, Jenny, un beau brin de fille extrêmement cultivée et intelligente sur tous les plans, le soutien et lui apporte, quand il est prêt à les entendre, des conseils pour naviguer au travers de cette période charnière.
    Et puis il y a Sten et Kersti, qui sont les parents, et sont mariés depuis 40 ans. En fait, dans le premier épisode, ils célèbrent leur anniversaire de mariage, même si… bon, la célébration est en demi-teinte. Voilà deux ans, Kersti a en effet eu un accident de voiture qui lui a coûté une jambe, ainsi qu’une ribambelle d’autres problèmes de santé dont le diabète. Mais surtout, elle ne s’est jamais relevée du traumatisme de voir sa vie changée à jamais par l’accident, et elle supporte en plus très mal l’idée d’être à la charge exclusive de Sten. Celui-ci ne se plaint pas, pourtant. C’en est presque ulcérant. Sten n’est pas juste patient : il a décidé de tout laisser passer, de tout céder à Kersti, parce qu’il l’aime de tout son cœur, et aussi, un peu, parce qu’il la prend en pitié.

    Ce soir-là, à l’occasion du dîner d’anniversaire (auquel Clara et Aron participent), Sten a décidé d’offrir à Kersti un incroyable voyage romantique vers une destination chaleureuse et luxueuse. Sauf que Kersti est de méchante humeur, que Clara répond sur le même ton, qu’Aron s’interpose, et qu’au final, le dîner tourne court.
    Quelques minutes plus tard, Kersti s’éteint, sans prévenir, sur son lit aménagé. Laissant tant de choses irrésolues…

    Dans le genre chialance, ce premier épisode d’Älska Mig fait fort. Mais il a aussi le mérite de poser très intelligemment les jalons des intrigues à venir, et surtout, de nous offrir déjà une description très complète de ses personnages. Les trois membres restantes de cette famille sont complexes, pleines de contradictions, tiraillées entre ce qu’elles veulent, ce dont elles ont peur, et ce qui les bouscule.

    Et il va y avoir un paquet de choses pour les bousculer, en particulier parce que la timeline de cette première saison (qui dure à peine 6 épisodes) est extrêmement brève : entre le premier et le dernier épisode, il s’est déroulé quelques semaines à peine, éventuellement deux ou trois mois maximum. Les choses vont très vite, et… les gens vont très vite, aussi. C’est même l’une des rares choses que Clara, Aron et Sten ont en commun : une faculté incroyable à foncer tête baissée après une décision impulsive. Qui du coup, n’a pas toujours l’air d’être une décision. Au cours de cette première saison (la série en compte deux, mais je n’ai pas les épisodes de la suivante), Älska Mig semble même parfois sous-entendre que l’idéal, en amour et plus largement dans la vie, c’est de se lancer d’abord, et de se poser les questions après, quand en fait tout est déjà une évidence.
    D’amour, comme l’indique le titre, il va en effet être question au fil des épisodes, avec parfois des revirements qui semblent un peu brusques, et… un entourage qui est plus prompt à remarquer que les décisions des autres sont brusques, mais pas les siennes. Cela conduit, évidemment, à pas mal de conflits, surtout qu’à ces histoires de cœur viennent s’ajouter les émotions turbulentes associées au deuil.

    Malgré le chaos ambiant, Älska Mig, tient bon, et essaie de nous insuffler quelque chose qui semble parfois manquer, à mon sens, aux séries traitant de la romance : l’essentiel n’est pas vraiment de prendre LA bonne décision pour orienter sa vie dans LA bonne direction. Et donc, pas vraiment de trouver LA bonne personne, même si évidemment ça ne peut pas faire de mal.
    Ce qui importe, c’est plutôt de faire ce qui, sur le moment, est agréable. Il y a tout un leitmotiv au fil des intrigues (parfois compactes !), dont il n’est même pas certain que les protagonistes aient pleinement conscience, qui souligne ce fait : ce qui compte, c’est que là, maintenant, on se sente bien. Qu’on se sente à la fois soi-même et autre, et que ce soit aussi formidable qu’effrayant. Qu’on se sente vivant.

    Dans Älska Mig, rien ne dure, même quand il semble que l’amour pourrait durer toujours (et rien n’est moins sûr). Alors seul compte le temps présent, avec qui on passe cet instant, et ce que ces moments flottant de magie éveillent en nous. Le reste ? Il sera bien temps plus tard de s’inquiéter du reste. Ou pas du tout.
    C’est bien aussi, pas du tout.


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  • No place like home

    20 août 2021 à 23:37 • Review vers le futur •

    Depuis quelques années, on entend beaucoup la télévision étasunienne se targuer de s’intéresser à la « diversité », en particulier lorsqu’il s’agit de se faire mousser pour avoir la bonté d’âme de proposer une série où la majorité des personnages sont noirs, hispaniques ou asiatiques. Des créatrices de séries ont émergé dans ce contexte, qui ont réussi à faire aboutir des projets qui, il y a une décennie plus tôt (une décennie et demie peut-être), n’auraient jamais été commandés pour des networks mainstream. On a commencé à parler de diversification des représentations ; on a eu droit à tout un discours sur le fait que de nombreux groupes on pu parler de leurs propres expériences au lieu, comme ça avait souvent été le cas jusque là, de voir leurs réalités racontées uniquement à travers le prisme de personnages blancs.
    Sauf que ce qui commençait à être valable pour des histoires portant sur des personnages noirs, hispaniques ou asiatiques ne semblait jamais vraiment s’appliquer aux communautés autochtones.

    En tout cas pas aux USA : la télévision canadienne (parce qu’on y trouve des chaînes spécialement destinées à ce public) a consenti un effort notable. Des séries canadiennes comme le drama Blackstone, la série médicale Hard Rock Medical, la série fantastique Rabbit Fall, la dramédie Moccasin Flats, le teen drama Mohawk Girls, le cop show procédural Tribal, ou récemment la romance Querencia, ont commencé à apparaître. Ces efforts ont longtemps été cantonné à des chaînes spécialisées à petit budget, comme APTN, TVO ou OMNI, même si on a pu voir la télévision publique s’y essayer aussi avec Trickster (mais on avait dit qu’on ne parlait plus de Trickster). Mais c’était toujours mieux que chez les voisins, puisque les USA n’ont même pas eu cette chance. Il a fallu attendre que, d’eux-mêmes, les networks étasuniens se penchent sur la question.
    Or, la « diversité » des networks US ne semblait pas vraiment concerner les Native Americans. Hors The Red Road, c’était pas vraiment la bousculade.

    Et puis, cette année, enfin, les choses se sont débouchées, et on a vu démarrer deux séries mettant en scène des personnages indigènes : Rutherford Falls, et mon dernier coup de cœur en date, Reservation Dogs. C’était pas trop tôt, mais heureusement, il y a encore d’autres projets qui devraient arriver derrière, comme Sovereign. Pas trop tôt.

    Reservation Dogs est une série adolescente qui reprend un thème bien connu des séries pour adolescentes en général, comme l’ont montré encore récemment Dare Me ou Panic : le besoin de se sortir urgemment de la petite ville où l’on a grandi. Rien de plus naturel que de vouloir son indépendance, d’espérer découvrir le monde, et de se rebeller contre ce qui est bien trop familier. Un besoin d’autant plus comprehensible pour Bear, Elora Danan, Cheese et Willie Jack, que grandir dans une réserve où l’avenir semble souvent bouché est à vous dégoûter de votre communauté.
    Pas question d’attendre que ça se passe : nos quatre amies d’enfance ont mis les bouchées doubles pour pouvoir décamper au plus vite. Alors certes, ça signifie commettre toutes sortes d’infractions, parce qu’il y a peu de moyens de gagner sa vie légalement quand on est un ado d’une petite réserve de l’Oklahoma, mais en tout cas, on ne peut pas les accuser de ne pas être proactives. Après tout, quand on n’a rien d’autre, on ne peut compter que sur la, euh… débrouillardise. Voilà, disons ça.
    Ainsi les héroïnes de Reservation Dogs font les quatre cent coups, mais pas de façon gratuite : derrière la succession de larcins, il y a une explication rationnelle à la vie criminelle de ces adolescentes. En fait, il y a même une explication tragique : un an avant le début de la série, la petite bande a perdu un cinquième membre, Daniel. Perdre leur pote leur a donné l’impulsion de se bouger, et ne pas finir comme… ma foi, comme tous les adultes qui les entourent.

    Le premier épisode de Reservation Dogs établit tout cela avec un sens du rythme impeccable, des répliques pleines de vie et d’humour pince-sans-rire, et en insistant sur les dynamiques du petit groupe. On y introduit aussi, avec brio, une menace : un gang nouvellement arrivé, NDN Mafia, qui semble bien décidé à en découdre, et éclipser nos amies (surtout depuis que les deux pipelettes du quartier, les rappeurs Mose et Mekko, ont été leur raconter que Bear et ses potes formaient un gang dangereux).

    Où est le problème ? De toute façon elles n’ont pas l’intention de rester. Eh bien justement, Reservation Dogs introduit un twist savoureux dans cet épisode : Bear, qui est officieusement en charge des décisions pour la petite bande, commence à avoir des doutes sur leurs activités illégales… et aussi un peu sur ce projet de partir. Il ressent un attachement à sa ville, malgré tout (et à sa mère, dont on n’a pas le sentiment qu’il est prêt à la laisser derrière lui), surtout après avoir eu une vision pendant laquelle un guerrier ancien a essayé de lui rappeler le sens des priorités. Bear est divisé : d’un côté, la vie à la réserve, c’est la merde… et de l’autre eh bien, c’est sa vie, et aussi sa communauté, son histoire. Quelque chose au fond de lui fait qu’il n’a pas tout-à-fait envie de partir, il veut juste une meilleure vie. Alors il propose à ses amies d’envisager de devenir des justicières, et pas juste des criminelles.

    Ce ne sont pas vraiment des choses qui retiennent, en temps normal, les personnages des séries similaires, où les adolescentes ont tendance à être plus individualistes, et peu intéressées par la question de l’héritage culturel. La question dans ces séries est alors comment réussir à se barrer de là… pas nécessairement se demander longuement pourquoi. Reservation Dogs ne met pas en doute les motivations de ses protagonistes, mais rappelle que les mécanismes qui poussent à partir d’une petite ville sont plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord, en particulier lorsque c’est tout ce que l’on a toujours connu. Et en particulier quand il n’existe pas de grande ville, dehors, qui partage un socle culturel avec une réserve.
    Dans le fond, ce que Bear et ses potes veulent, ce n’est pas nécessairement partir, c’est avoir une vie meilleure. La réalité de la réserve, bien-sûr, fait qu’il y a peu de chances que la vie sur place s’améliore. C’est cette ambivalence que le premier épisode de Reservation Dogs semble vouloir explorer, cette idée que le poids de l’histoire, de tous ces visages que l’on connaît, de toutes ces habitudes que l’on a prises, de tout ce qui n’existe nulle part ailleurs, qui retient Bear, Elora Danan, Cheese et Willie Jack. Et que peut-être, juste peut-être, rester avec les siens n’est pas la pire chose qui pourrait se produire.


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  • Le lycée est un champ de bataille

    15 août 2021 à 23:14 • Review vers le futur •

    Il s’est passé l’air de rien une petite révolution cette semaine dans le monde téléphagique, et la majorité des spectatrices ne l’ont même pas remarqué ! Pour la première fois dans l’histoire mondiale, une série jordanienne a été proposée au monde entier. Je veux bien-sûr parler de la série Madrasat al-Rawabi lil-Banat, mieux connue internationalement comme AlRawabi School for Girls, et qui a démarré il y a quelques jours sur Netflix.

    En un sens, il n’est pas trop tôt : comme on a eu l’occasion de le dire précédemment, la plateforme s’est mise à investir assez tardivement dans la fiction originale de cette région, le coup d’envoi n’ayant été donné qu’en 2019 avec la série pan-arabique Jinn (certes produite par une compagnie jordanienne). Lui ont succédé quelques séries venues du Liban (Dollar) ou d’Egypte (Abla Fahita : Drama Queen, plus tôt cette année), ainsi que des productions établies, acquises dans divers pays arabophones pour les proposer en seconde intention et étoffer le catalogue, mais généralement sans la moindre forme de promotion auprès du public international (voir par exemple Ana Andi Nos).
    On pourrait charitablement élargir ce calcul aux séries turques (Hakan: Muhafız remontant à fin 2018), mais il reste que, par rapport à d’autres régions du monde (hors Afrique noire), le monde arabe n’a suscité des investissements que très récents pour Netflix. Ces séries n’ont donc profité que très modérément de la banalisation netflixienne de la fiction internationale, qui a été favorable à tant d’autres. Pour tous les torts qu’elle peut avoir par ailleurs, et je ne manque pas de les soulever lorsque l’occasion s’en présente, la plateforme a aussi joué un rôle énorme (pour ne pas dire unique), non seulement dans la mise à disposition, mais aussi dans l’acceptation des séries « étrangères » par un grand public qui pendant longtemps les voyait comme des niches… quand il les voyait tout court. Et quand on sait que par ailleurs, la fiction arabophone est très peu importée par les diffuseurs historiques des pays européens et d’Amérique du Nord, on comprend que, même si cet élan arrive tard (et qu’il est numériquement inférieur à celui que connaissent d’autres régions sur la plateforme, par exemple l’Asie), il reste hautement symbolique.

    Sauf que, comme toujours lorsqu’on parle de fiction internationale, il ne faut pas s’attendre nécessairement à ce que les codes propres à une fiction locale soit parfaitement transposables à un public international. Plus encore lorsque ces codes n’ont eu quasiment aucune occasion d’être proposés, consommés et digérés précédemment par les spectatrices !
    Quelque chose de vital à comprendre sur la fiction arabe, à mon sens en tout cas, est que celle-ci est très bavarde ; ses séries comptent parmi quelques unes des plus lentes de la planète, et c’est en particulier vrai (et palpable) au moment de l’exposition. The beginning is a very delicate time, tout ça tout ça. On y aime plus que tout mettre en place des personnages et une intrigue en insistant sur le dialogue, en particulier lorsque la série a l’ambition d’être réaliste : pour les séries arabes, très souvent, le réalisme se manifeste par une suite de scènes de la vie ordinaire pendant laquelle les personnages parlent, parlent, et parlent encore. Ces discussions peuvent couvrir toutes sortes de tons et de sujets, des plus banales aux plus philosophiques, mais dans l’ensemble, c’est une culture télévisuelle qui repose sur les conversations pour établir ses protagonistes, leur situation et le point de départ de leur intrigue. Une série arabe nous dit généralement qui sont ses protagonistes en nous disant comment elles vivent, et la retranscription fidèle de leur quotidien passe par du dialogue (même pas nécessairement expositionnel, juste du dialogue). Comparativement, le show, don’t tell est un outil utilisé de façon plus marginale.
    Comprenez bien qu’il ne s’agit pas en soi d’un défaut. Chaque région du monde (pour ne pas dire chaque pays) a une culture narrative spécifique, parce que les séries ne naissent pas dans les roses, et qu’il y a un héritage culturel (notamment du côté de la littérature, du théâtre, du cinéma) qui accompagne les préférences locales. C’est même absolument tout l’intérêt de regarder des séries venues du monde entier : découvrir la diversité de tons, d’outils et de structures, logée dans l’art télévisuel. Une richesse qui dépasse largement les exemples généralement étasuniens dont nous sommes plus familières depuis notre naissance.
    Mais cela explique beaucoup de choses sur les réactions auxquelles j’assiste ici ou là depuis quelques jours au sujet de Madrasat al-Rawabi lil-Banat.

    Oui, l’introduction de Madrasat al-Rawabi lil-Banat peut sembler longuette. Il s’avère que it’s a feature, not a bug.
    L’épisode s’ouvre sur l’aggression d’une adolescente, posant ostensiblement la question de qui, et par là, de pourquoi : comment se fait-il que cette gamine soit si brutalement rouée de coups ? A partir de là, l’épisode opère un retour en arrière de 2 semaines, pour nous présenter correctement cette adolescente, Mariam. C’est là qu’on entre dans une phase particulièrement bavarde et lente, à plus forte raison parce qu’il apparaît très rapidement qu’il n’y a qu’une seule coupable possible pour l’aggression de notre héroïne, et que la séquence d’événements conduisant au passage à tabac est assez transparente au bout de quelques minutes, au moins dans les grandes lignes.
    Sur la fin de cet épisode, toutefois, ces choix commencent à prendre du sens, et surtout de la valeur. Madrasat al-Rawabi lil-Banat n’a en réalité aucune intention d’essayer d’entretenir le suspense quant à cet acte de violence : la série s’intéresse plutôt aux mécanismes du harcèlement scolaire… et leur rétribution (en cela elle m’a plutôt évoqué la récente série québécoise Les petits rois). Le premier épisode de la série établit que le harcèlement est l’affaire de toutes. Son caractère ordinaire est le fruit à la fois de la violence de certains éléments, mais aussi, voire surtout, de l’inaction de celles qui y assistent, et de l’incapacité de toutes les actrices du système, à tous les niveaux (y compris administratif et parental). S’il n’y avait pas une telle omerta, considérée comme acquise par les tortionnaires, rien de tout cela ne se produirait.

    …Et quoi de mieux pour dépeindre sur quoi on maintient le silence que montrer de quoi parlent les protagonistes ?


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  • The plain, the plain !

    13 août 2021 à 23:00 • Review vers le futur •

    Il y a peu de choses qui me mettent autant en rogne que le manque de courage scénaristique, en matière de télévision.
    Quand on pense à tout ce que cela représente de mettre une série à l’antenne : le temps passé à la développer, les sommes engagées, le nombre de professionnelles impliquées… tout ça pour qu’au final le scénario n’ose rien et se limite au service minimum ? C’est tout bonnement inacceptable.
    Si je voulais me contenter du strict minimum je serais encore avec mon ex. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je trouve que le manque de courage scénaristique est encore pire lorsqu’il concerne un remake/reboot/revival/rewhatever.

    Donc oui, on parle du premier épisoede de Fantasy Island aujourd’hui. Avec quelques spoilers, j’aime autant vous prévenir.

    Et avant que quelqu’un dans le public ne lève la main pour objecter que, « oui, bon,  enfin, Fantasy Island, ça n’a jamais vraiment été une franchise très exigeante », je vous arrête tout de suite : Fantasy Island, c’était quand même pas The Love Boat (même si j’admets bien volontiers que sur le papier, la formule est similaire).
    Historiquement, Fantasy Island a toujours revendiqué son aspect fantastique, non pas à des fins d’escapisme mais plutôt comme un exutoire : les invitées de l’île fantastique arrivent avec un désir spécifique que l’île peut leur permettre de réaliser temporairement… qui n’est pas ce qui les attend. Invariablement, les invitées arrivent, sûres d’obtenir ce qu’elles souhaitent (elles ont payé suffisamment cher pour ça !), et leur hôte leur indique rapidement que soit leur vœu comportait des zones d’ombre inattendues, soit il n’était pas réellement ce qu’elles souhaitaient. Beaucoup des désirs étaient dangereux, soit émotionnellement, soit même physiquement (certaines invitées de la série d’origine sont mortes sur l’île !). Et quand ils ne l’étaient pas, ils permettait de révéler quelque chose de troublant tout de même. Il faut toujours se méfier des souhaits. Malgré tout, même quand les choses tournaient mal, elles étaient sous contrôle, grâce à l’intervention de l’omniscient Mr. Roarke. Et après s’être fait une frayeur, ou s’être confrontée à des vérités peu agréables, les invitées repartaient comme elles étaient venues… et comblées. Satisfaites non pas d’avoir obtenu ce qu’elles cherchaient, mais d’avoir acquis une forme de sagesse.
    En somme, Fantasy Island était une série high concept, dont la structure procédurale permettait des variations infinies autour de contes moraux, de thrillers psychologiques, et autres explorations de la nature humaine. C’était la raison de son succès (ça, et quelques gimmicks entrés dans la conscience collective), qui lui ont permis de compter 7 saisons pour la première série, puis, plus tard, de décrocher deux mises à jour télévisuelles (et une au cinéma, mais c’est pas mon terrain de chasse).

    Ce qui nous amène à Fantasy Island 2021 (ou 2 Fantasy 2 Island), qui débarque donc avec la même formule, les même outils, les mêmes opportunités… et près d’un demi-siècle de recul par-dessus le marché. On pourrait s’attendre à deux-trois trucs. Ou au moins à une colonne vertébrale. Mais non.

    Fidèle à la structure d’origine, 2F2I propose effectivement de suivre deux intrigues parallèles, de deux invitées dont les intrigues ne seront pas connectées.
    Il y a d’une part une présentatrice d’un journal télévisé local, Christine Collins, qui prend des vacances bien méritées après un pétage de plombs très public : elle était devant la camera lorsqu’elle s’est lancée dans un long monologue furieux envers un stagiaire qui avait amené des donuts au studio, alors qu’elle se prive de nourriture depuis des années pour être camera-ready. A son arrivée sur l’île, elle n’a qu’un souhait : manger non-stop, sans aucune conséquence sur son apparence. C’est ça, son fantasme.
    Il y a d’autre part une femme âgée, Ruby Akuda, qui est atteinte d’un cancer incurable en phase terminale. Elle est en paix avec le diagnostic, et elle sait que tout sur l’île n’est que temporaire, mais pour quelques jours, juste quelques jours, elle est venue avec son mari vivre loin de la maladie, avant que la mort ne les sépare.

    Elles sont accueillies par Elena Roarke (nièce de), qui adopte immédiatement deux attitudes bien distinctes : pour Christine, de l’inquiétude voire même de la sévérité. Pour Ruby, de la douceur et de la bienveillance. Elle force la main à Christine, essayant de l’obliger à se poser des questions dérangeantes comme si elle voulait lui donner une leçon ; avec Ruby, elle veut juste s’assurer qu’elle est heureuse et passe de bonnes vacances…
    Pourtant ce qui est frappant, c’est que Christine est clairement celle qui est le plus en souffrance. Elle est aussi celle qui a le plus de choses à régler, entre le deuil de sa mère, une relation difficile à son corps et à la nourriture, et une histoire complexe avec un beau-père verbalement maltraitant, beaucoup de souvenirs lui reviennent alors qu’elle était juste venue pour, enfin, après des décennies de régimes, manger. Il est vrai qu’elle n’est pas certaine de savoir ce qu’elle veut manger, mais en-dehors de ça, elle veut juste déjeuner en paix, sans avoir à subir les souvenirs qu’Elena fait remonter à la surface. De quoi Christine est-elle affamée ?
    Ruby est, par comparaison, simplement en train de profiter d’une (littérale) fontaine de jouvence obtenue grâce à son séjour sur l’île, et qui lui permet ainsi qu’à son mari d’avoir 20 ans à nouveau ; elle n’a besoin de rien, mais l’épisode tente de lui inventer des frustration en révélant qu’en réalité, Ruby a toujours été bisexuelle, et que c’est une vie qu’elle se serait « interdite », faute de… pardon je veux être sûre d’avoir bien entendu… faute de « courage ». Ruby a beau expliquer qu’elle a eu une vie heureuse, qu’elle a choisi de passer sa vie avec son mari et qu’elle ne regrette rien, Elena va, sur la fin de son séjour, l’enjoindre à faire preuve de ce « courage », ce qui implique pour elle de ne plus jamais quitter l’île, donc rester jeune, en bonne santé, et… sans son mari qui lui, doit bien-sûr repartir. Quel choix fera-t-elle ?

    Vous aurez peut-être remarqué qu’il y a des choses qui ne vont pas dans ce premier épisode de 2F2I. Par exemple : tout.

    Ce premier épisode de Fantasy Island commence en ayant l’air d’avoir quelque chose à dire sur le culte de la minceur, les attentes démesurées placées sur les femmes dés leur plus jeune âge pour coller à des critères de beautés stricts, et/ou sur les troubles du comportement alimentaires, que Christine a CLAIREMENT développés. Du tout. En fait on a un peu l’impression qu’Elena est furieuse contre Christine de souhaiter s’offrir des vacances loin de ces terribles préoccupations qui ont jalonné la majeure partie de sa vie. Pas loin de se faire engueuler pour son fantasme, Christine est traitée comme une mauvaise élève lorsqu’elle refuse de répondre aux questions invasives d’Elena, alors qu’elle donne tous les signes de quelqu’un qui pourrait arriver à des conclusions par elle-même si on lui laissait le temps de s’interroger sur ce qu’elle a vraiment envie de manger. Mais pas du tout. D’ailleurs quand au final Christine découvre ce qu’elle avait vraiment envie de dévorer… la conclusion de l’épisode le lui retire dans un volte-face décevant au possible.
    Quant à Ruby… oh mon Dieu par où commencer ? Son intrigue toute entière repose sur le fait qu’Elena l’a prise en pitié, et qu’elle veut à tout prix lui offrir quelque chose qui lui manque, alors que Ruby répète plusieurs fois qu’elle est sereine avec la vie qui est la sienne. Cette histoire de sexualité (le mot « bisexualité » n’est évidemment pas prononcé, tu parles de courage) qui aurait été contrariée est surtout une excuse pour qu’Elena, qui fait une grosse crise de validisme, lui offre quelque chose… sauf que Ruby n’en veut pas ! Elle est soudain mise face à un cas de conscience qu’elle n’a pas ressenti, on lui force limite la main à rester sur l’île pour « vivre avec courage » alors que ce n’était ni ce qu’elle voulait en arrivant, ni même ce qu’elle a voulu pendant l’épisode. Et puis ce mythe que les personnes bisexuelles seraient forcément déchirées par la monogamie, vraiment, on en est encore là ? Et je parle même pas des plans insistants sur les corps parfaits en bikini… à se demander si la writers’ room a connaissance de la symbolique de l’autre moitié de l’intrigue.

    Alors au final, personne ne quitte l’île en ayant appris quelque chose, ni sur soi-même, ni sur rien. Le fantasme culinaire ultime de Christine s’est avéré être une illusion, et Ruby… bah, elle est pas partie du tout. Et du coup en tant que spectatrices, qu’est-ce qu’on en tire sur le plan émotionnel, psychologique ou moral ? Bah bof.
    Alors qu’il aurait suffit de quoi ? D’un rien, pour donner de la saveur (pun totally intended) à cet épisode introductif. Ne pas annuler le wish fulfillment de Christine, par exemple, ç’aurait été impeccable ; la laisser repartir, rassasiée, et ne pas chercher à la détromper (peut-être éventuellement la jouer l’ambiguité après son départ histoire de ne pas effrayer les annonceurs : Fantasy Island est une série de network). Peut-être insister sur son côté symbolique et laisser la véracité du truc en suspens ? Quant à Ruby… bon, clairement, il s’agit d’un personnage qui va rester dans les épisodes suivants, sa conclusion n’en est donc pas une. Mais en apportant une simple variation (faire d’elle une lesbienne, par exemple, ou faire d’elle la personne qui suggère de rester, ou, à défaut, insister sur l’identité de la jeune femme qu’elle rencontre sur l’île…), on aurait pu changer beaucoup de la signification de cette intrigue.

    Le problème c’est que pour toutes ces solutions, il aurait fallu avoir du cran. Et Fantasy Island a beaucoup de choses : une distribution (permanente ET temporaire) presque exclusivement féminine, dont une héroïne charismatique ; une majorité de protagonistes racisées ; et du budget. Elle a aussi un gros problème de direction d’actrice dans la quasi-totalité des scènes de Christine, ou alors je me rends pas compte : elle joue toujours aussi mal, Bellamy Young ? Mais elle n’a pas de cran. Sa seule ambition est de faire… ma foi, ce que font beaucoup de séries similaires à l’heure actuelle : essayer de tout faire à la fois sans déplaire à personne.
    Devinez quoi : c’est déplaisant quand même.


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  • Is there life out there ?

    8 août 2021 à 23:42 • Review vers le futur •

    Je confesse avoir toujours un peu de mal avec les séries qui me sont présentées comme « générationnelles ». Déjà parce que (mais il paraît que c’est typiquement un truc de Millennial, ça) je ne suis pas entièrement convaincue que ces histoires de génération aient autant de sens qu’on veut bien le dire ; l’idée de ce qu’est une Millennial typique est en grande partie une idée de ce qu’est une Millennial blanche de la classe moyenne, par exemple. Mais aussi, voire surtout, parce qu’il me semble que ce genre de choses ne se décide pas sur le moment, quand la série sort, mais au contraire avec le recul, des années plus tard.

    Toutefois j’ai vu de nombreuses publications décrire Mr. Corman comme une série sur ce que cela signifie d’être un Millennial, et si c’est supposément son sujet, ma foi… prétendons que nous partons de ce principe pour parler de son premier épisode.

    Josh Corman est un type quelconque. Totalement quelconque. Au fil du premier épisode, on va apprendre à le connaître et découvrir plus de choses sur lui, mais tout ce que nous allons apprendre va systématiquement nous conduire à la même conclusion : rien à son propos n’est exceptionnel.
    Et c’est ce qui en fait un personnage intéressant aux yeux de la série : à quel point lui, comme sa vie, sont quelconques.

    En fait c’est même le problème central de son existence : tout dans son quotidien est quelconque. Son job de prof n’est ni ingrat ni gratifiant, la façon dont il passe ses soirées avec son coloc et ses potes n’est ni déplaisante ni excitante, sa relation à sa mère n’est ni hostile ni fusionnelle… Il n’y a rien dans la vie de notre fameux Monsieur Corman qui se distingue de quelque façon que ce soit. C’est un merveilleux problème à avoir si vous me demandez mon avis (et une ligne de dialogue en début d’épisode semble indiquer que la série est d’accord avec moi), toutefois je peux comprendre qu’il en résulte une grande frustration.
    Mr. Corman démarre un vendredi en fin d’après-midi, à l’issue de la première semaine de cours de l’année, que Josh finit de façon ambivalente. Ses élèves, qui naturellement sont parfaitement quelconques, l’ont un peu mis mal à l’aise, mais au bout du compte la classe ne s’est pas si mal déroulée que ça. Il rentre chez lui et commence son weekend par une sieste, qui est moins l’expression d’une fatigue que d’une lassitude. Mais la question à son réveil est : que faire du reste de son vendredi soir ? Pour être honnête, cette question est surtout née d’un sentiment d’envie : en rentrant, il a entendu une femme au téléphone qui parlait de ses plans pour le weekend, et il aurait aimé ressentir la même excitation qu’elle. Qui n’a pas envie d’être excité à l’idée d’avoir des choses à vivre dans un avenir proche ? Sauf que Josh n’a pas de plan, ni pour la soirée ni pour le weekend ni jamais, rapport au fait que sa vie est quelconque. Alors il va passer la soirée à essayer de trouver quelque chose à faire. Pas parce qu’il veut faire quelque chose de précis, mais parce que, désespérément, il veut que quelque chose dans sa vie ne soit pas quelconque.

    Ce premier épisode de Mr. Corman met le doigt sur un sentiment qu’on peut, je crois (ou alors je fais ma Millennial) tous comprendre pour l’avoir ressenti à un moment ou à un autre : cette impression qu’il doit bien y avoir quelque chose à ajouter à son quotidien. Une insatisfaction à avoir ce qu’on a (quand bien même on est consciente, au moins dans une certaine mesure, qu’on pourrait avoir bien moins), et à espérer « plus » sans jamais déterminer de quoi il s’agirait. There’s gotta be more to life.

    Dans le cas de Josh, tout serait mieux que ce qu’il a, mais rien n’est vraiment excitant. Quand, avec son colocataire, il commence à essayer de trouver quelque chose à faire pour la soirée, il écarte toutes les suggestions qui lui sont faites. Même rencontrer une fille dans un bar apparaît comme dérisoire, parce qu’il imagine déjà une conversation quelconque avec une personne quelconque qui ne tiendrait que des propos quelconques, et avec laquelle il finirait par avoir des relations sexuelles quelconques. Ce n’est pas que Corman se sent seul, c’est qu’il espère quelque chose d’immense, comme une vague qui puisse le faire chavirer et le submerger, et tout semble pâle en comparaison, par avance. C’est aussi ce qu’on appelle une prophétie auto-réalistrice, les enfants.
    Il y a eu, jadis, quelque chose de similaire dans la vie de Josh : la musique. Pendant un temps il a même essayé d’en faire sa carrière, avant de laisser tomber et devenir enseignant. On va progressivement comprendre qu’il a perdu non seulement son ambition (si tant est qu’il ait jamais eu le feu sacré), mais aussi son attrait pour la musique ; il n’a rien à en dire, et même pour lui-même, il ne joue plus.

    Comment on transforme une vie quelconque en une vie qui vaille la peine d’être vécue ? Eh bien… je ne suis pas sûre que ce soit la question à laquelle Mr. Corman tente de répondre, la série semblant, au moins au stade de cette exposition, plus intéressée par les frustrations qui découlent de la question elle-même. Peut-être que dans les épisodes suivants, Josh va commencer à mettre en place des choses, mais ce n’est pas la solution qui intéresse la série, et c’est limite à l’opposé de son sujet.
    L’insatisfaction est son sujet. Une insatisfaction qui est peut-être générationnelle, mais peut-être pas exclusivement (l’est-elle jamais exclusivement ?). Après tout les Millennials approchent de la crise de la quarantaine…

    Cela signifie que par certains aspects, Mr. Corman est inconfortable à regarder, parce qu’on a l’habitude de fictions dans lesquelles les personnages évoluent… mais qu’à la minute où Josh va réussir à évoluer, il n’y a plus vraiment de série. Cela dit, c’est un défi intéressant, et malgré certains poncifs de ce premier épisode, cela en fait tout le contraire d’une série… quelconque.


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  • Careful what you eat for

    7 août 2021 à 23:48 • Dorama Chick •

    Cette année, la jeune plateforme sud-coréenne TVING s’est lancée dans la production de séries originales. Dans le domaine de la SVOD, c’est devenu monnaie courante, certes ; malgré tout, c’est toujours un peu excitant de voir quelles orientations ces compagnies prennent lorsqu’elles décident d’investir de la sorte. Quel genre de série va-t-on y trouver, maintenant qu’elles choisissent le ton et le contenu de celles-ci ?
    Manyeosikdangeuro Oseyo, qui a démarré le mois dernier, est la 3e de ses fictions originales, et celle dont le pitch m’attirait le plus. Il va y être question de sorcellerie et de nourriture, que peut-on espérer de plus ?!

    Manyeosikdangeuro Oseyo (ou The Witch’s Diner de son titre anglophone) se présentait en effet sous une description simple : une sorcière est capable de réaliser tous vos vœux, et tout ce que vous avez à faire, c’est manger le plat magique qu’elle vous prépare… et, bien-sûr, accepter le prix. Lire ce résumé a eu sur moi un effet immédiat, celui de me mettre en chasse du premier épisode, parce que cela ressemble à deux de mes ingrédients favoris en matière de fiction : une « série d’appétit » et une fiction high concept. A ceci près que ces ingrédients, on les trouve d’ordinaire séparément… et plutôt dans des séries japonaises, et ici, on est sur une plateforme coréenne. Alors à quoi s’attendre ?

    L’épisode inaugural commence alors que notre fameuse sorcière cuisine un plat depuis sa cuisine, dans un manoir privé, pour un client dont on apprendra quelques minutes plus tard qu’il est voué à être son tout dernier. Après lui avoir concocté un étrange dessert à base de foie et je ne sais quoi d’autre (je préfère ne pas tout-à-fait savoir), elle lui rappelle, entre autres pour notre bénéfice, qu’une fois le plat mangé, l’homme obtiendra ce qu’il veut, à condition bien-sûr d’accepter le prix de son choix. Elle glisse opportunément une remarque au sujet des yeux de son client, mais celui-ci, désespéré, n’en tient pas vraiment compte et dévore bientôt le dessert, obsédé par son souhait : gagner à la loterie et sortir sa famille de la pauvreté afin de restaurer son honneur (écoutez, bon, on parlera virilité toxique une autre fois). Peu de temps après, il découvre ébahi qu’il a les chiffres dans l’ordre, et… perd la vue quelques minutes plus tard.
    Vous avez compris le système : plat glauque, pacte avec la sorcière, vœu exaucé, karma. Comme exposition des règles, on ne fait pas plus efficace.

    Là où ça devient intéressant c’est que, peu après cette exposition des mécanismes de la série… Manyeosikdangeuro Oseyo s’avère profondément feuilletonnante. C’est une sacrée surprise, et une bonne en ce qui me concerne.
    L’épisode opère ainsi un virage à 90° et décide de suivre deux autres personnages : Jin Jung, une jeune femme qui vit probablement l’un des pires jours de sa vie, et Gil Yong Lee, un adolescent qui reprend les cours après avoir dû interrompre son sport-études après une blessure.

    Toutes les deux semblent passer par un moment pivot de leur vie. Jin, qui ne supporte pas le boulot ingrat qu’elle doit faire pour un patron maltraitant, se retrouve du jour au lendemain mise à la porte, et dans les heures qui suivent son petit-ami la quitte (classe, grande classe). Quant à Gil Yong, il essaie de reprendre les cours dans un nouvel établissement, où il retrouve un ami d’enfance devenu très distant. Il existe un lien très ténu entre ces deux protagonistes : la meilleure amie de Jin est professeure dans le lycée de Gil Yong, et Jin fréquente également une supérette où Gil Yong tient un emploi à temps partiel. Mais ce n’est pas vraiment important.
    Ce qui est important, c’est que pour toutes les deux, les galères semblent s’accumuler. En fait plus elles s’accumulent, plus nos héroïnes essaient de bien faire, et plus les choses empirent.
    Pour Jin en particulier, les ennuis culminent lorsque sa mère la convainc de reprendre le restaurant tenu par une connaissance, et qui ne désemplit pas. Pour la somme d’une poignée de millions de won, elles deviennent ainsi leurs propres patronnes, et pendant quelques jours, les choses vont bien… jusqu’à ce que la connaissance qui leur a vendu l’établissement ouvre un restaurant concurrent sur le trottoir d’en face. Couvertes de dettes et avec un restaurant vide, Jin et sa mère sont aux abois. Ce qui forcément est le moment idéal pour que la sorcière se ramène et fasse une offre impossible à refuser.

    L’épisode inaugural de Manyeosikdangeuro Oseyo met tout cela en place, détaille ses personnages, expose leurs difficultés et leur ressenti vis-à-vis de ces difficultés, tisse lentement une toile qui s’oriente bien plus vers le drama que le fantastique. On en apprend, comparativement, assez peu sur la sorcière, mais suffisamment pour apporter un peu de complexité à ce tableau déjà très précis. Et puis, bien-sûr, vient le moment où la sorcière offre de reprendre le restaurant de Jin et sa mère, en échange d’un vœu (la série et/ou les sous-titres n’étaient pas clairs : le restaurant est-il le prix de ce vœu, ou Jin devra-t-elle payer un prix supplémentaire ? on verra bien). Jin va-t-elle accepter ? Et surtout, parce qu’on se doute un peu, que va-t-elle demander ?

    Ce qui est doublement intéressant c’est que, parce que la série a mis en place ses angles dramatiques avec autant d’application, on a tout de suite des questions très intéressantes qui se posent au-delà de ce simple suspense.
    Comme dans The Booth at the End (…si vous n’avez pas cette référence, remédiez-y rapidement), Manyeosikdangeuro Oseyo veut établir que tout dans la vie est une question de choix, conscient ou non ; et que tout choix a un prix. Toutefois il ne s’agit pas simplement d’établir un équilibre entre le coût et le bénéfice, mais bien d’interroger ce que moralement le vœu (et le prix que nous acceptons pour lui) représente. Toute l’oeuvre de la sorcière consiste à forcer ces choix à être conscients ; les deux passages pendant lesquels ce premier épisode met en scène sa cuisine magique montrent bien son insistance sur la volonté de ses clientes : elles doivent faire la démarche de couper leur plat, de porter une bouchée vers les lèvres, de mâcher intensément… il est interdit de déguster ces mets par pure gourmandise ou dans la précipitation. D’ailleurs parlons-en un instant, de ces plats : il y a clairement des gens qui ont vu Hannibal au sein de la production de Manyeosikdangeuro Oseyo ! La place dans la confection et la présentation des plats de la viande, des abats, du sang, ne laisse aucun doute (le fait que la sorcière cuisine des plats occidentaux semble symbolique, aussi).


    Derrière cela, il y a aussi un autre thème qui se dessine : Jin comme Gil Yong se voient comme de « bonnes » personnes, et essaient de prendre des décisions justes… pour généralement découvrir que « trop bonne, trop conne ». Jin, en particulier, tient ces propos explicitement à deux reprises, une fois en voix-off et une autre fois de vive voix : elle a essayé d’être une bonne personne, elle a tout fait comme il fallait, et résultat elle n’a récolté que souffrance et humiliation.  Je trouve ce propos d’autant plus intéressant que, pour le moment au moins, il va à l’encontre d’à peu près toutes les séries asiatiques de la création, qui ont tendance à dépeindre la noblesse de caractère comme nécessaire, même voire surtout quand elle conduit à la tragédie. Les protagonistes de la quasi-totalité des séries subissent le pire et tout de même choisissent de prendre « the high road« , et que c’est cela qui les rend méritantes d’un happy ending.
    Or là, de toute évidence, décider de faire exaucer un vœu représente l’exact inverse : refuser la souffrance et faire le choix, quel qu’en soit le prix, d’obtenir gain de cause. A ce stade il est encore trop tôt pour dire ce que Manyeosikdangeuro Oseyo fera de cet axe, d’autant que sur la fin de l’épisode, la sorcière apporte une nuance précieuse à cette impression de « j’ai été gentille et tout le monde me marche dessus ! » entretenue par Jin. Mais c’est précisément ce qui attise ma curiosité quant à la suite de la série.

    Vous l’aurez compris, Manyeosikdangeuro Oseyo réussit son entrée en matière.
    Même si la série n’a pas l’air d’avoir été tournée avec un énorme budget, elle fait l’effort d’aborder des questions intéressantes avec une réalisation soignée, une distribution plutôt solide, et quelques intéressantes pistes de réflexion. Je suis en outre intéressée par le fait que les protagonistes, du fait de leur différence d’âge, de préoccupation, et de statut, interagissent pour le moment sans tomber dans les clichés de la romcom (…on verra bien si ça dure, en fait j’espère que ça dure !).
    Une série sud-coréenne sans romance !? Ok bah il suffisait de commencer par là : vendu !


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  • Dormant

    6 août 2021 à 21:52 • Review vers le futur •

    A plusieurs égards, le premier épisode de la série islandaise Katla est intrigant. L’atmosphère y est pour beaucoup : une ville presque totalement déserte, des paysages couverts d’une cendre noire et compacte, et la menace sourde, jamais vraiment visible mais pourtant palpable, d’un volcan en éruption depuis une année complète (Katla, auquel bien évidemment la série emprunte son nom). Et puis bien-sûr, cette silhouette d’une femme, nue, qui émerge un beau matin de ses entrailles.

    Le problème c’est qu’une fois passé le stade où on s’absorbe dans l’ambiance en question… je ne suis pas certaine qu’il reste grand’chose.

    Alors certes, c’est un premier épisode. Et un premier épisode d’une série de Netflix qui plus est, c’est-à-dire qu’on n’est plus vraiment supposées, de nos jours, regarder un premier épisode et voir ce qu’on en pense : non, il est attendu de nous que lorsque le premier épisode d’une série est lancé, c’est forcément pour s’enfiler toute la saison. Du coup il y a pas mal de choses que les premiers épisodes des séries de Netflix ne font plus vraiment, qui sont d’ordinaire les obligations courantes d’un épisode d’exposition, et il faut le prendre en compte.
    Quand bien même. Il y a quelque chose de terriblement gênant à finir un épisode, à se demander si on veut regarder la suite, et… n’avoir aucune idée de la réponse.

    Katla n’est pas sans mérite. Baltasar Kormákur, l’un de ses co-créateurs et réalisateurs, n’en est pas à son coup d’essai, et d’ailleurs il y a quelques années j’avais reviewé Ófærð avec un certain enthousiasme (l’autre co-créateur, Sigurjón Kjartansson, était le showrunner d’Ófærð à l’époque, comme ça on reste entre nous). Personne ne va lui apprendre à filmer des personnages en vivant en autarcie à la fois physique et émotionnelle, en tout cas ça c’est certain. Isolées dans leur ville évacuée, à proximité d’un volcan qui refuse de s’éteindre, les protagonistes vaquent à leurs occupations avec le cœur visiblement lourd.
    L’exemple parfait de cela est Gríma, une jeune volcanologue qui a perdu sa sœur Ása un an plus tôt, et refuse de quitter les lieux. Elle s’accroche à sa routine quotidienne, ses relevés divers, et surtout à la maison de son enfance, où elle s’est installée avec son compagnon (lequel est bien moins satisfait de la situation). Même son père, également resté en ville, n’habite plus dans cette maison ! Elle semble vivre dans un passé qui n’a plus cours… et ce n’est pas uniquement la faute du volcan.

    Le passé est précisément ce qui semble intéresser Katla. La femme sortie de la lave appartient au passé, et on soupçonne un temps que sa présence ait un petit côté Les Revenants. Pourtant, médusée, la petite communauté de la ville va lentement prendre conscience de qui elle est, à défaut de comprendre comment il est possible qu’elle soit là : il s’agit certes d’une personne ayant vécu en ville il y a 20 années… mais elle est toujours vivante, ayant désormais une vie en Suède. Les deux versions de cette même personne vont même, brièvement, se parler au téléphone !
    Ce ne sont donc pas exactement des gens que le volcan ressuscite, mais plutôt des moments passés (et de pluriel il est bien question ici, puisqu’avant la fin de l’épisode, quelqu’un d’autre va renaître des cendres de Katla), ce qui ferait de la série, au moins à ce stade, plus un conte sur la nostalgie et les regrets, que sur le deuil comme on pouvait initialement s’y attendre.

    Pour autant, je suis ressortie de cet épisode introductif avec beaucoup d’ambivalence. Ce n’est pas mauvais mais c’est… à peine un prologue. Hors l’ambiance, il n’y a pas beaucoup de choses à se mettre sous la dent, à plus forte raison parce que les personnages communiquent peu entre elles, ou avec les spectatrices. Du coup, c’est bien gentil d’essayer de temporiser en se rappelant qu’une série Netflix, commandée dans le but (quasi-unique) d’être bingewatchée, démarre forcément avec mollesse, et que c’est propre aux choix commerciaux de la plateforme. C’est vrai qu’une seule série ne peut pas tout-à-fait en être rendue responsable. C’est gentil et c’est vrai, mais ça ne mène nulle part : trouver des explications, pour ne pas dire des excuses, à ce phénomène, ne rend pas pour autant l’enthousiasme ainsi perdu devant Katla. J’aurais aimé avoir envie de dévorer la suite, et ce n’était pas le cas. A quoi sert cette politique du bingewatching s’il n’y a aucune forme d’enthousiasme, que des automatismes ?
    On peut relativiser autant qu’on veut, mais si à la fin d’un épisode, on n’a pas activement envie de voir les suivants… il est des choses que même un volcan islandais ne peut faire revenir par magie.


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  • Choix de vie

    27 juin 2021 à 22:45 • Review vers le futur •

    Cassandra commence enfin à avoir la vie dont elle rêvait : un petit ami dévoué, son tout premier appartement rien qu’à elle, et un job qui lui plaît, bien que pas assez rémunérateur. Après trois décennies de galère, elle trouve lentement son équilibre.
    C’est le moment qu’a choisi son ex, Leide, pour réapparaître dans sa vie, et lui présenter un petit garçon de 10 ans qui serait leur fils.

    Le premier épisode de la série brésilienne Manhãs de Setembro, lancée cette semaine par Amazon Prime Video, essaie de parler de beaucoup de choses à la fois, tout en s’essayant à la chronique ; le mélange est parfois un peu hasardeux, surtout pour un premier épisode qui doit également remplir son rôle d’exposition. Toutefois, il y a des moments de grâce dés cette introduction.

    Dans ce premier épisode, Cassandra est avant tout présentée comme une femme qui travaille dur la journée, dans un boulot ingrat : elle fait à longueur de journée des livraisons pour une plateforme quelconque, où généralement malgré ses efforts, elle est mal notée. Mais lesdits efforts lui ont permis de désormais louer son propre appartement (enfin, plutôt un studio d’une pièce, techniquement), qui bien que vétuste est… eh bien, à elle. Pendant l’épisode, elle va y amener son petit ami Ivaldo, et lui montrer, émerveillée, ce qu’un peu de peinture peut faire pour se sentir chez soi (et faire disparaître des traces de moisissure). Plus tard on la verra se rendre au club où l’une de ses amies, qui jusque là l’hébergeait, lui donne régulièrement l’opportunité de chanter professionnellement devant un public ; comme Cassandra est une fan inconditionnelle de la chanteuse Vanusa, dont elle couvre systématiquement le répertoire, c’est quelque chose d’important quand bien même ça ne paie pas le loyer.
    Bref Cassandra n’a peut-être pas une vie de rêve, mais lentement, elle commence à créer de ses mains la vie de ses rêves. Et pour une femme trans noire dans le Brésil d’aujourd’hui (…l’épisode se fait fort d’indiquer qu’elle vit à deux pas de la rue Marielle Franco), ce n’est pas rien d’en arriver là.

    Cette histoire serait déjà riche de nuances à détailler, surtout pour une saison qui s’annonce courte (5 épisodes d’environ une demi-heure au total, mais avec mes problèmes de dos j’ai dû faire l’impasse sur cette courte intégrale pour le moment). Le bonheur, encore fragile, mais décidé, de Cassandra, est communicatif. On se réjouit de la voir partager des moments d’une si tendre complicité avec Ivaldo, on partage son bonheur d’enfin avoir son propre domicile, on prend la mesure de son admiration pour Vanusa… Manhãs de Setembro a d’autres choses à dire, encore en plus.
    Leide arrive à un moment où Cassandra aspire à la stabilité, et renverse le fragile équilibre que l’héroïne venait de construire. Leur unique nuit ensemble, il y a 10 ans, a apparemment donné un fils, Gersinho. Leide prétend que celui-ci veut connaître son « père » (elle ignorait que Cassandra avait fait son coming out au moment de toquer à sa porte), mais la réalité apparaît comme bien plus complexe : la mère et le fils sont sans domicile, survivent à grand’peine dans les rues dangereuses de São Paulo, et la situation est désespérée. Gersinho, dont l’avenir semble déjà perdu d’avance, n’est pas tant à la recherche de ses origines que de quelqu’un qui pourrait le sauver d’une vie de misère…

    Au fil de son épisode inaugural, Manhãs de Setembro mélange progressivement ces deux mondes. Celui de Cassandra, où les premières victoires sont enfin obtenues de haute lutte après des années de galère, et celui de Leide et Gersinho, fait d’un quotidien glauque.
    De fait, ce n’est pas exactement la parentalité qui pose question dans ce premier épisode ; en fait elle est peu mise en doute par qui que ce soit. Mais surtout la façon dont Cassandra va devoir choisir le rôle qu’elle va jouer dans la vie de ce petit garçon. Va-t-elle tourner le dos à ce gamin parce qu’elle a une idée bien précise de la vie qu’elle veut ? On se doute un peu du résultat, cependant ce n’est pas la question qui fait la valeur de la série, mais bien l’exploration de cette réponse. Après avoir choisi quelle vie elle voulait mener, Cassandra est un peu forcée de répondre à une question autrement plus difficile : quel genre de personne veut-elle être ?
    Décidée à parler de beaucoup de choses à la fois, a fortiori vu la brièveté de sa saison, Manhãs de Setembro est un human drama (ce n’est pas sale) qui ne recule pas devant la difficulté. Et qui, au passage, offre un sublime premier rôle principal à la chanteuse Liniker.


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  • Tombée en amitié

    27 juin 2021 à 22:43 • Dorama Chick •

    Connaissez-vous la perche du Nil ? Ce poisson originellement issu des eaux éthiopiennes est aujourd’hui reconnue comme l’une des espèces les plus invasives au monde, responsable de la destruction d’écosystèmes entiers.
    Je ne vous raconte pas ça parce que j’ai l’intention de transformer ces colonnes en chroniques de biologie marine, mais parce que cet animal est l’inspiration au cœur de la série japonaise Nile Perch no Joshikai, lancée au début de l’année et pour laquelle je n’ai trouvé un peu de temps que récemment.

    La série a pour héroïne Eriko Shimura, une femme célibataire dont la vie professionnelle est bien remplie, et qui vit avec sa mère dans l’un des quartiers les plus cossus de Tokyo. Sur beaucoup de plans, Eriko semble avoir réussi sa vie, et d’un point de vue extérieur elle ressemble à une career woman à qui tout réussit. Mais Eriko est aussi profondément seule, et l’un de ses rares plaisirs dans la vie est de lire le blog d’une internaute surnommée Ohyou (le mot japonais pour « flétan » ; oui la série est vraiment partie sur le champ lexical de la poiscaille). La jeune femme n’a rien en commun avec Ohyou, qui est une femme au foyer peu raffinée et qui revendique de n’avoir pas d’ambition dans la vie, mais elle n’en est pas moins fan de ses chroniques quotidiennes sur ce que Ohyou et son mari mangent, ou ce qu’elles font.
    Un jour, par hasard, en fréquentant un café précédemment recommandé par Ohyou, Eriko tombe nez-à-nez avec nulle autre que… son idole ! Derrière le pseudonyme se cache une jeune femme nommée Shouko Maruo, et toutes deux commencent à faire connaissance, voire même à se lier d’amitié. Peu de temps après, elles se font même un dîner entre nouvelles amies…

    Il se passe à la fois tout et rien pendant le premier épisode de Nile Perch no Joshikai, parce que la série est très prudente dans la mise en place de son fil rouge, préférant élaborer l’introduction des protagonistes. On sent cependant que cette démarche paiera à terme…
    La personnalité centrale de Nile Perch no Joshikai, c’est Eriko, évidemment, dont le quotidien occupe presque totalement l’écran. C’est une bosseuse acharnée, tout lui réussit… mais on perçoit aussi une grande solitude. Hormis sa mère, avec laquelle elle vit mais qui l’étouffe un peu, elle n’a pas vraiment de contacts hors du travail ; et au bureau (elle travaille dans une compagnie qui commercialise… des poissons, évidemment), ses relations restent superficielles. D’ailleurs même si elle fait son possible pour être courtoise, personne ne l’aime ni même ne la connaît réellement. La série établit au départ qu’Eriko a généralement du mal à se lier, en particulier à d’autres femmes, parce qu’elle a tendance à être différente d’elles, mais ça ne l’empêche pas de ressentir un manque cruel dans sa vie, sous la surface.

    Je crois que l’une des choses les plus fascinantes dans cette introduction est la façon dont la série a incorporé à la construction de son univers les faits réels de 2020 (alors qu’il s’agit de l’adaptation d’un roman de 2015, qui par définition n’en faisait pas mention).
    L’intrigue de Nile Perch no Joshikai démarre à l’automne 2020, et je pense n’avoir pas besoin de vous rappeler où en était le monde à l’automne 2020. Dans la compagnie où travaille Eriko, la plupart des employées travaillent à distance, et c’est bien évidemment le cas d’à peu près toutes les entreprises de la ville ; les commerces se vident et ferment ; les réseaux sociaux semblent tenir une place encore plus importante que précédemment. Finement, la série inclut dans son récit des pauses, des lignes de dialogue ou simplement des plans destinés à rappeler que tout est à l’arrêt. Les bureaux sont déserts. Les cafés sont vides. Les rues sont silencieuses. Nile Perch no Joshikai fait référence à la solitude contrainte de toute une planète pour souligner celle d’Eriko. En 2020, qui n’avait pas désespérément besoin de chaleur humaine ?

    Sauf que les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît. A première vue on pourrait même passer à côté.
    Dans un premier temps, on s’émeut de l’excitation d’Eriko, qui se lance à cœur perdu dans cette nouvelle amitié inespérée avec quelqu’un qui, pour elle, est une célébrité. En contrepartie le point de vue Shouko n’est pas totalement absent de l’épisode, mais de par sa personnalité et parce qu’elle a d’autres choses dans sa vie (en particulier une relation très solide avec son mari), ses préoccupations sont pour l’essentiel ailleurs. Cette amitié lui tombe un peu dessus par surprise par-dessus le reste.
    Eriko, elle, semble vivre une amitié fusionnelle telle que les filles les vivent plutôt à l’adolescence. Ce qui se conçoit, vu qu’apparemment elle n’a jamais vécu cette expérience avant, et qu’elle a clairement un manque à combler. Elle en oublie toutes les précautions qu’elle avait pu prendre au travail pour créer de la distance avec certaines de ses collègues, se retrouvant parfois devant son bureau à glousser comme une gamine au moindre message d’Ohyou la mentionnant même de façon oblique.
    Pourtant, en tendant l’oreille et en ouvrant l’oeil, on commence à deviner des choses moins idylliques. Le fait que Shouko soit un peu inquiète de sa célébrité naissante, ou… une étonnante mise en garde de la mère d’Eriko. Et puis, l’apparition d’une troisième protagoniste, bien-sûr.

    Ce qui se construit lentement dans Nile Perch no Joshikai est un peu plus qu’une belle histoire d’amitié, donc. D’ailleurs la complexité des relations féminines est l’un des thèmes récurrents de l’autrice Asako Yuzuki, qui a écrit le roman dont est issue le dorama, donc il n’est pas étonnant que les choses aient plus d’épaisseur qu’il n’y paraît de premier abord.
    Interrogeant à la fois notre besoin désespéré de contacts, et la dangerosité de ce désespoir, Nile Perch no Joshikai s’annonce comme une plongée (ha !) glaçante dans la difficulté de former des connexions à l’âge adulte.


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