Sapincement de cœur

1 décembre 2020 à 22:33

Ce n’est pas vous apprendre quoi que ce soit que de vous dire que 2020 a été une année… allez, disons : compliquée. En ce qui me concerne, j’ai eu du mal à faire beaucoup de choses, dont écrire. Mais aussi regarder des séries, tout court. J’ai toujours eu des périodes pendant lesquelles l’une ou l’autre de ces activités était compliquée, mais là je pense que j’ai honnêtement battu des records de désœuvrement. Rien n’avait de sens. Je voulais à la fois ne pas penser à ce qui me préoccupait, et dans le même temps j’étais incapable de me laisser aller dans l’escapisme. Le résultat, c’est presque 6 mois sans pouvoir aligner plus de deux mots, et souvent sans même pouvoir aligner plus de deux épisodes. Donc ouais, compliquée.
Mais voilà que, comme chaque année en décembre, je suis maintenant prise de remords et de regrets. Il y a tant de séries à voir et tant de séries à évoquer… pour beaucoup, si je ne le fais pas cette année, je ne le ferai jamais. Et l’année est sur le point de se terminer ! Alors comme à chaque mois de décembre, je laisse la culpabilité me motiver à reprendre les reviews abandonnées, et même les visionnages abandonnés.

La review du jour est l’exemple typique de série que je ne reviewerai pas dans un mois. ÜberWeihnachten (ou Over Christmas de son titre international) est d’ailleurs une mini-série qui n’a aucune intention de vous laisser prétendre que vous la rattraperez en janvier ! Netflix a bien des travers, mais aveugle quant à la façon dont ses séries sont consommées n’en est pas un.


A la veille des fêtes de fin d’année, Bastian revient dans son village natal comme à chaque mois de décembre (voyez, on a tous nos traditions !), pour célébrer Noël avec ses parents, sa grand’mère, et son frère Niklas. Cette année pourtant, cela lui est douloureux : c’est la première fois depuis sa rupture avec Fine qu’il doit faire le voyage, et prétendre avoir le cœur aux festivités (qui incluent aussi des beuveries avec ses copains d’enfance restés sur place). 
La réalité c’est que Basti a d’autres problèmes ; simplement, sa rupture (qui date pourtant de près d’un an) le hante plus particulièrement. Après tout, c’est une relation de plus de cinq années qui s’est ainsi achevée, non ? Mais hors la douleur encore vivace, Basti est aussi de plus en plus conscient que rien ne va dans sa vie. Sa carrière musicale piétine, par exemple. Lui qui était parti à Berlin pour percer en est réduit à travailler pour une hotline informatique et faire la manche pour arrondir ses fins de mois. Même la musique ne semble en réalité pas lui apporter ce qu’elle a jadis pu lui procurer ; il est rongé par l’anxiété et, sans en parler à quiconque, a volontairement évité une audition dont il s’était convaincu qu’elle allait tourner à l’humiliation.
En cela, le retour dans la petite bourgade d’Eifel est une pause rassurante… mais pas totalement. Vu l’état dans lequel se trouve Basti, il n’est pas vraiment capable d’apprécier la nostalgie du moment. Les petites choses confortables semblent obscurcies par celles qui le sont moins. Oui, il dort à nouveau dans sa chambre d’ado et mange les plats de sa maman, mais il se rappelle aussi à quel point sa relation avec son père n’est pas celle qu’il aurait aimé avoir, ou combien il n’a jamais réussi à faire démarrer sa carrière artistique malgré les espoirs placés en lui par ceux qui l’ont encouragé à se lancer. Mis face à ses échecs et ses regrets, Basti est déjà largement en souffrance, donc. C’est sans compter sur la révélation que son frère Niki a une nouvelle petite amie… qui n’est autre que Fine. Awkwaaaard !

Je ne vais ici parler que du premier épisode d’ÜberWeihnachten, d’abord par principe et ensuite parce que pour être honnête, j’avais envie de regarder la mini-série (elle ne compte que 3 épisodes d’environ 45mn après tout) mais pas l’énergie. Il y a quelque chose d’incroyablement meta dans le fait d’assister à une série qui met en scène quelqu’un incapable de se réjouir d’une période de l’année supposément festive, quand soi-même on a du mal à s’enthousiasmer pour les fêtes de fin d’année et leur cortège de fictions de Noël. Par contre, oui c’est meta, mais ça ne motive pas…!
Ne nous mentons pas : ÜberWeihnachten coche toutes les cases possibles dans le domaine ; elle n’est d’ailleurs pas sans évoquer ce qu’avait fait, l’an dernier à la même période, et sur la même plateforme, la comédie romantique Hjem til Jul. Bien-sûr le concept des deux séries est différent (et j’ai eu l’occasion de vous le dire précédemment), mais l’intention est la même d’essayer de parler aux jeunes adultes tout en profitant de l’enthousiasme dévorant d’une grande partie du public pour les fictions de Noël.

On essaie d’y dépeindre un rapport à Noël qui résume le rapport à l’âge adulte : la distance physique s’ajoute à la distance émotionnelle avec les parents (qui ne sont ni loufoques ni mauvais ni quoi que ce soit, mais qui ne sont pas tout-à-fait les parents idéaux non plus), l’incontournable retour dans la maison d’enfance provoque autant d’anxiété que de joie si ce n’est plus, et l’heure est tristement au bilan plutôt qu’aux réjouissances devant les rites aujourd’hui vidés de toute magie, faute de leur avoir jamais trouvé un nouveau sens. Au milieu de ces personnages familiers qui ne comprennent pas forcément leurs préoccupations (…entre autres parce qu’ils ne s’en ouvrent pas spécialement, au passage), les jeunes héros de ces deux séries sont entièrement focalisés sur leurs affaires de cœur, et par conséquent, sur leur seul nombril. Au risque de passer à côté d’autre chose, de plus important, qui sans nul doute ne leur apparaîtra que plus tard, quand ils auront réglé leur bordel amoureux. Il y a dans ÜberWeihnachten une solide part de désœuvrement, illustrée par les nombreux scénarios que se fait Basti dans diverses situations : un peu comme dans Ally McBeal, l’épisode prend parfois un tour surréaliste lorsque soudain le héros s’imagine courser son frère avec une scie sauteuse à la main (qui finalement ne servira qu’à couper un sapin). Ce ne sont pas des scénarios heureux : ce sont des pulsions que Basti réprime, des souhaits qui l’envahissent d’autant plus brutalement qu’une part de lui-même est douloureusement consciente que cela n’arrivera jamais, des fantasmes vite écartés parce que, osons le dire, quand on déprime, on ne veut pas vraiment changer les choses pour aller mieux, on veut juste imaginer que magiquement les choses vont dans le bon sens. Difficile, en cette année… on avait dit quoi déjà ? Ah oui : compliquée. Difficile en cette année compliquée de ne pas compatir au moins à un certain degré.

Toutefois quelque chose me chiffonne. C’est vraiment cette impression de nombrilisme que donne ce premier épisode d’ÜberWeihnachten, qui paradoxalement camoufle un mystère sans vraiment faire de mystère. De multiples indices nous indiquent que la famille de Basti a des préoccupations que pour le moment il ignore. Le premier épisode n’est pas tellement subtil à ce sujet : Basti est tellement focalisé sur le fait que son ex-petite amie et son frère sont ensemble qu’il ne voit pas les indices et les messes basses (ou il voit mais ne percute pas, parce que trop auto-centré pour faire attention à qui que ce soit d’autre). Les spectateurs, eux, sont tirés par le bras à plusieurs reprises. A voir le ton adopté, il ne fait pas vraiment doute dans mon esprit que dés qu’il va daigner penser à quelqu’un d’autre que lui, Basti va probablement découvrir qu’il y a des gens autour à aimer, genre ses parents, peut-être son frère, et peut-être une vieille connaissance qui oh miracle est aussi un enjeu amoureux. Ecoutez, on a moins de 3 heures, on va pas prétendre réinventer la boule de Noël. Toujours est-il qu’à un moment, régler ses problèmes amoureux va probablement faire un peu de place dans sa tête pour d’autres. En soi ce n’est pas nécessairement la pire chose jamais présentée dans une série, mais je trouve un peu triste ce trope du jeune adulte qui n’est capable de s’intéresser aux membres de sa propre famille qu’après avoir pris le temps de se focaliser sur lui-même, sa vie romantique et/ou sa vie sexuelle. Bon, en même temps ÜberWeihnachten pourra difficilement y poser une conclusion pire que celle de Hjem til Jul, mais quand même.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne présume en rien quant au public qui se reconnaîtra dans ce petit conte djeunz de Noël. En revanche, c’est vrai que je suis soulagée de ne pas me sentir concernée à plusieurs égards, même si, pour le désœuvrement, pas de problème, je suis sur la même longueur d’ondes que Basti. Franchement, on l’est tous un peu.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

4 commentaires

  1. Tiadeets dit :

    Très clairement une série que je ne regarderai pas. Cela dit, il y a ce qu’il faut question films de Noël cette année pour que ça m’occupe un bon moment tout de même.

  2. Belle review, en tous cas elle m’a donné envie de m’y mettre. Dans le même genre, je suis très fan de Dash & Lily, sortie le mois dernier, une romcom de Noël pas révolutionnaire mais qui a mis en joie le bookworm ludique que je suis.
    Bon, confession : j’ai bien aimé Home for Christmas (oui, je suis fleur bleue, à fond), mais après lecture de ta review, je dois admettre que mon enthousiasme a inconsciemment caché ses défauts bien réels, bien vu hélas.

  3. Mila dit :

    !!!
    J’ai vu que tu avais posté cette review vers 2h du matin hier et j’étais trop fatiguée pour la lire à ce moment-là mais me revoilà et mon enthousiasme est intact 😀 Je suis contente de te lire à nouveau, même si je comprends bien qu’écrire (et regarder des séries) était compliqué en ce moment.
    Bon, ce que tu dis de la série ne me tente pas plus que cela. C’est même pas le côté nombriliste que tu soulèves, c’est juste que je suis assez contente d’éviter la réunion de famille cette année, mais ça me fait culpabiliser un peu, et j’ai peur que la série me fasse culpabiliser d’autant plus :’D
    Mais ♥

  4. Manon dit :

    j’avais apprécié (iirc) Hjem til Jul même si au fond, je ne me retrouvais que très partiellement dans l’héroïne. je pense que j’ai surtout aimé le côté norvégien haha. Comme j’ai pas très envie de ressentir encore une fois que je ne ressemble pas aux trentenaires dont je suis censée faire partie, je ferais l’impasse sur ÜberWeihnachten

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