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    25 décembre 2023 à 22:54 • Telephage-o-thèque •

    Je ne regarde plus la télévision linéaire, mais à l’époque où c’était encore le cas, il était de tradition pour au moins une chaîne par an de rediffuser Sissi avec Romy Schneider pour Noël. Aucune idée si c’est toujours vrai, vous me le confirmerez.
    Toujours est-il qu’à mes yeux, Noël est le moment idéal pour vous présenter ma review de Die Kaiserin, une série que j’avais tentée au début de l’année, histoire d’empêcher un 712e revisionnage des deux saisons de The Great qui étaient alors à ma disposition. Ne doutez pas, d’ailleurs, qu’on reparlera de The Great prochainement (surtout maintenant que les grèves étasuniennes sont passées), une fois la colère et la douleur estompées. Hulu, tout ça se paiera un jour.

    Die Kaiserin semblait être la série parfaite à s’enfiler pour rester dans un univers similaire à celui de The Great, tout en changeant un peu de paysage. Ce genre de pari est toujours un peu risqué : troquer une série qu’on adore pour une inconnue qui supposément lui ressemble est rarement un socle sain sur lequel bâtir une relation avec une fiction. Mais à ce moment-là, je venais de regarder Marie-Antoinette et je me sentais pousser des ailes.
    Die Kaiserin raconte donc l’histoire de la jeune Elisabeth de Bavière, à partir du moment de sa rencontre avec l’Empereur Franz Josef, jusqu’à son mariage avec lui pour rejoindre la cour des Habsbourg en Autriche.

    Die Kaiserin suit plusieurs des tropes que l’on trouve dans les autres séries que je viens de citer : une jeune femme qui n’est pas vraiment prête pour ce qui l’attend est mariée à une tête couronnée qui lui apparaît comme un prince charmant… avant de découvrir la cruelle réalité de la vie du palais.
    Il n’y a bien-sûr pas que The Great ou Marie-Antoinette pour se lancer dans ce genre d’intrigue ; à peu près toutes les séries se déroulant au sein d’une cour royale reposent plus ou moins sur ce schéma, quel que soit le continent. Les héroïnes de ces fictions ont toutes en commun d’être dépeintes comme plutôt intelligentes et surtout anticonformistes. Elles représentent un idéal d’indépendance charmante, dans un environnement qui ne se prête surtout pas à leur épanouissement et fait tout pour les étouffer, les ramener à leur condition de femmes, les diminuer et/ou les pervertir. L’enjeu est pour elles de rester fidèles à leur nature, de rester authentiquement indomptables, d’incarner un idéal pseudo-féministe dont l’anachronisme varie d’une série à l’autre.
    …C’est que, il ne faut pas que cela éclipse totalement l’escapisme : malgré tout cela, la vie à la cour doit quand même un peu faire rêver. Ne serait-ce que visuellement, parce qu’on se fait pas chier à raconter cette histoire sans montrer plein de belles tenues d’époque, quand même.

    Die Kaiserin ne fait pas vraiment exception, ni n’apporte grand’chose d’inédit au genre. Dans le cas qui nous occupe, l’indocilité de la protagoniste principale est même assez faiblarde : Elisabeth est unique parce qu’elle aime pas que les animaux meurent, qu’elle écrit des poèmes, et qu’elle aime se balader pieds nus. Quelle rebelle.
    A son crédit, Die Kaiserin ne semble qu’à moitié convaincue par la personnalité de sa propre héroïne ; par moments, la façon dont la série la dépeint semble plutôt questionner ses capacités cognitives que dresser le portrait d’une jeune femme têtue. Car non seulement Elisabeth n’a jamais été préparée à un tel Destin, mais elle ne s’est jamais vraiment intéressée à grand’chose si ce n’est… ce qui passe un peu pour des intérêts spécifiques, au moins dans les premiers épisodes. Honnêtement, c’est difficile de ne pas interpréter certains aspects de son portrait ou certains dialogues comme des tentatives de la placer sur le spectre autistique, et je ne sais pas trop qu’en penser vu le peu d’intérêt que la série investit réellement dans cette interprétation. C’est comme si elle n’avait elle-même pas décidé vraiment qu’en faire.
    Je suis d’autant plus dubitative face à ce traitement que Die Kaiserin opère progressivement une bascule en cours de saison : une fois mariée, Elisabeth tente d’interférer de plus en plus dans les affaires d’État. Chose pour laquelle elle n’avait jamais manifesté le moindre intérêt, et n’a jamais été formée ; son propre goût pour la poésie et la nature ne l’a éduquée ni à la rigidité du protocole, ni aux nuances de la diplomatie, ni aux enjeux géopolitiques de son continent. Die Kaiserin voudrait nous faire croire que c’est son affection pour Franz qui lui donne l’envie (et, par quelque miracle, la compétence) de s’immiscer dans les affaires publiques. C’est un peu gros, mais je suppose que quand on a de grands yeux bleus ça passe.
    Enfin, ça passe aux yeux de la série, en tout cas. Die Kaiserin veut lui donner raison, même en dépit du bon sens ; il n’y a pas le discours qu’on entendait, par exemple, dans la première saison de The Great, sur les limites de l’héroïne, son arrogance à penser (jeunesse naïve oblige) qu’elle sait mieux que tout le monde, son incapacité à saisir la complexité non seulement de la cour mais du monde. Non, à la place, Elisabeth est incomprise, et a toujours l’instinct juste même s’il ne se matérialise pas nécessairement par les effets qu’elle espère (mais c’est toujours la faute des convenances, jamais la sienne). Die Kaiserin se refuse à lui apporter de l’épaisseur en la rendant durablement imparfaite ; elle n’a pas de défaut, elle est juste délicieusement… quirky.

    Pour le meilleur et pour le pire, la série n’est pas préoccupée que par le sort de la protagoniste éponyme. En fait, Die Kaiserin noie les intrigues personnelles d’Elisabeth dans un ensemble drama qui n’est pas sans intérêt, mais en retire résolument à son héroïne, laquelle par conséquent pâlit souvent par comparaison.

    Ainsi, Franz se débat avec son rôle d’Empereur, dont il n’a hérité que quelques années plus tôt, et dans le sang. Lui-même a échappé à une tentative d’assassinat, et craint la réaction du peuple qu’il sait toujours volatile. C’est aussi, toutes proportions gardées, un progressiste, qui estime que l’Empire ne se portera que mieux s’il investit dans la paix et la technologie, plutôt que la guerre et la tradition. Cela n’est pas très populaire, ni auprès de son conseil ni au sein-même de sa famille. Cette position, nous suggère Die Kaiserin, n’est toutefois pas simplement une question de principes humanistes : Franz a, très jeune, été confronté à la violence à la fois de la cour et du peuple, et quand ce n’est pas sa mère qui décide pour lui, ce sont en grande partie ses traumatismes qui le guident. Mais l’épuisent, aussi. C’est un peu la raison pour laquelle il a choisi Sisi plutôt que sa sœur Helene (à laquelle l’opportunité de devenir Impératrice a donc été ravie). En partie parce qu’Elisabeth semble s’extirper des convenances auxquelles il a toujours été soumis ; et en partie parce que c’est une décision qu’il s’autorise à prendre seul. Le début d’une autonomie vers laquelle jusque là il a peiné à s’émanciper.
    La mère de Franz, l’Archiduchesse Sophie, qui en tant que femme n’a évidemment jamais pu monter sur le trône en son nom propre, est la première à s’opposer à ses vélléités d’autonomie… pourtant au nom de ses propres terreurs. C’est une femme qui pense en termes de pouvoir, et elle voit celui de sa dynastie s’effriter ; elle y assiste en fait depuis des années et est terrifiée de perdre ce qui appartient aux Habsbourg. Sa priorité est là, quoiqu’il arrive… mais Die Kaiserin prend le temps d’épaissir son portrait, d’aller au-delà l’image rigide et exigeante qu’elle présente au monde et à elle-même. Si elle est aussi terrifiée, c’est qu’elle a perdu beaucoup lors des événements passés, y compris un enfant ; en plus de son autonomie en se mariant, et d’une partie de son statut lorsque Franz s’est marié. C’est elle qui avait initialement prévu que son aîné, d’ailleurs, épouse Helene. Ce choix d’épouse de la part de Franz est pour Sophie le symbole d’un fossé qui se creuse entre elle et son fils aîné, qui échappe de plus en plus à son contrôle. Cela aussi l’effraie. En fait, tout l’effraie : le passé, le présent, le futur. Présentée comme un colosse aux pieds d’argile, Sophie constitue probablement la protagoniste la plus nuancée de la série.
    Le portrait de famille ne serait pas complet sans Maximilian, le deuxième fils de la famille impériale. Rien ne lui permet jamais d’oublier sa position dans l’arbre généalogique et, bien-sûr, comme tous les autres princes en son genre, cela le ronge. C’est un anti-conformiste amer (il s’imaginait être celui qui épouserait Elisabeth pour cette raison), un homme d’État éconduit (il se figure être un grand diplomate mais n’est pas écouté par son frère), un épicurien vengeur (il couche avec tout ce qui porte un jupon, tout en fulminant d’avoir perdu l’amour de sa vie). Il a le sentiment de ne jamais obtenir ce qu’il veut, alors il satisfait la moindre de ses pulsions. Cela fait des années qu’il jalouse son frère ainé, et bien-sûr son désir de posséder Elisabeth n’a fait que renforcer cela. Les affronts successifs finissent par pousser Maxi à commencer la planification d’un coup d’État avec plusieurs nobles qui ne rêvent que de se débarrasser d’un progressiste comme Franz, et qui sont, eux aussi, nerveux face à la grogne populaire.

    Die Kaiserin hésite quant à la façon de présenter la fureur du peuple. Par moments, elle insiste sur la pauvreté, l’indignation, la colère des gens « d’en-bas ». Elle introduit même quelques protagonistes pour personnifier et fomenter la révolte, mais a du mal à leur donner quelque chose d’aussi consistant qu’aux membres de la famille royale.
    Et puis de l’autre, bien-sûr, c’est triste d’être pauvre et de mourir pour l’Empire, mais enfin, c’est l’Empire ! Sans Empire, qui pour porter les belles robes et se prélasser dans les jardins de la série ? Sans Empire, où est la romance ? Sans Empire, qui conduira les luttes fratricides dans les couloirs dorés du palais de Vienne ? Die Kaiserin a du mal à masquer son attrait pour tous ces aspects de la royauté, et combien elle tient à la préserver. L’Histoire, certes, lui donne raison pour le moment, mais la série n’a même pas vraiment envie d’introduire un sens du danger, et moins encore de se préoccuper vraiment du fond. Sur le fond, bon être pauvre c’est nul, mais c’est comme ça, voilà. Et ça ne dérange que les pauvres, en plus (à part Elisabeth qui n’est bonne qu’à jouer les dames patronnesses un jour par mois en moyenne). Là où une série comme The Great était un peu capable d’apporter une réflexion à ce fait de la part de certaines protagonistes, fussent-elles maladroites dans leur processus de pensée ou imparfaites dans l’exécution de leurs intentions, Die Kaiserin ne fait jamais plus qu’effleurer la surface du problème, n’interroge jamais les privilèges ou les angles morts. Son obstination à présenter Elisabeth comme une femme touchée par la cause du peuple et devenant une héroïne pour lui, ne résiste pas à un examen ne serait-ce qu’un peu attentif des dynamiques. Et des enjeux pour ce peuple, que la série traite plus comme un décor que comme des gens avec de graves préoccupations, dans lesquelles…
    Imaginez cela. Une série produite en 2022 qui n’est pas capable de voir que commenter les inégalités sociales, les instabilités mondiales, et les tentatives de prendre le pouvoir par la violence, permettent de parler aussi bien du passé que du présent. Passer complètement à côté de tout cela est dur à pardonner.

    J’ai fini la première saison de Die Kaiserin, parce que bon, elle n’est pas bien longue de toute façon, et ai compris que j’avais, une fois de plus, commis une erreur.
    Quelques mois après mon visionnage, The Great est revenue pour une troisième (et hélas, dernière, a-t-on ensuite appris) saison. Qui m’a donné tout ce que j’espérais, et plus encore. Et puis, au pire, qu’y a-t-il de mal à revisionner quelques centaines de fois supplémentaires une série qui me comble réellement ?

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  • Du neuf avec du mort

    17 décembre 2023 à 19:51 • Review vers le futur •

    Le monde a l’air si grand quand notre existence est si petite. Il y a tant de choses inconnues parce que hors de portée pour nous intriguer, voire fasciner. Tout est à bon à explorer au-dehors qui puisse permettre d’explorer ce qu’il y a en-dedans, lorsque la vie réprime notre instinct à être. Et pourtant, le faire peut s’avérer aussi très dangereux…
    Quelle meilleure époque pour illustrer cela que l’ère victorienne ?

    The Doll Factory est un conte morbide sur le désir de vivre et la pulsion de mort, lancé fin novembre, et qui prouve une fois de plus le goût sûr de Paramount+ en matière de fiction. Toutes les séries de la plateforme ne sont pas parfaites, mais c’est en ce moment un endroit où l’on trouve quelques uns des projets les plus intéressants, en particulier lorsqu’on parle de fiction internationale…

    Une grande partie de la raison pour laquelle The Doll Factory fascine, c’est que son premier épisode fournit plus un travail d’ambiance et de world building, qu’une exposition axée sur l’histoire ou même les personnages. Ce qui ne signifie pas qu’il ne s’y dit rien, mais ce n’est pas présenté comme la priorité, et ce que la série dévoile de ses enjeux est produit par touches légères, presque subliminales.
    Alors que se profile l’Exposition Universelle de 1851, qui doit se tenir à Londres, une excuse pour la capitale britannique d’avoir accès au curiosités du monde et à ce que l’humanité peut produire de plus avancé et ambitieux… la vie d’Iris Whittle est étriquée. La jeune femme travaille, avec sa sœur Rose, dans un atelier de confection de poupées, où elles passent leurs journées à peindre des visages sur la porcelaine ; l’atelier et le magasin sont tenus par la sévère Mme Salter, qui les héberge et dirige leurs vies. Ce n’est pas le pire sort au monde, mais ce n’est pas non plus une existence très satisfaisante. Or, Iris aspire à plus ; entre autres choses, elle aspire à s’extirper des conventions rigides de sa condition (à la fois féminine et ouvrière) pour s’épanouir par l’art, ou découvrir l’affection d’un homme. Si vous me suivez.
    Le problème c’est que, malgré son tempérament souvent impulsif, Iris ne prend pas les décisions que pour elle-même dans tout cela. Sa sœur Rose, a, plus jeune, contracté la variole ; elle en a réchappé, mais outre son visage marqué à jamais par les multiples cicatrices causées par la maladie, la jeune femme a développé une anxiété sociale avancée, qui l’empêche d’interagir avec le monde ; quelque part, la vie limitée que leur offre Mme Salter lui convient, surtout une fois qu’on sait comment profiter de petites libertés à l’intérieur de cet univers fermé (par exemple lorsqu’on l’aide à prendre son laudanum). Toutefois, abandonner Rose à l’atelier de poupées semblerait cruel, puisque cela la priverait de la seule interaction sociale qu’elle est capable d’avoir.

    Ce tiraillement étreint Iris avec d’autant plus de ferveur que la jeune femme rencontre dans le premier épisode deux jeunes hommes qui semblent intéressés par elle. Le premier est Silas Reed, un étrange bonhomme un peu lunaire, qui vit dans sa boutique de curiosités et s’adonne à la taxidermie avec abandon ; il a croisé Iris et a été frappé par sa beauté, qui lui évoque celle d’une femme de son passé (apparemment nommée « Flick », mais dont le premier épisode nous dit assez peu). Il semble un peu inoffensif, mais un peu seulement tant son passe-temps est morbide, et ses manières celles de quelqu’un qui ne comprend pas vraiment les conventions sociales. C’est rarement la marque d’un parti idéal. L’autre homme est Louis Frost, un peintre de la haute société qui passe plus de temps à écumer les tavernes avec ses amis artistes, qu’à produire des œuvres d’art. Frost est un homme à l’allure un peu plus raffinée, mais qui camoufle mal une nervosité inquiétante, et un appétit repoussant ; il est, comme beaucoup d’hommes de sa classe sociale, prompt à mentir et dépenser de l’argent pour appuyer son mensonge si cela lui permet d’obtenir ce qu’il veut.
    Difficile de déterminer si l’un vaut vraiment mieux que l’autre. Dans The Doll Factory, il ne faut pas s’attendre à dégoter un prince charmant. Toujours est-il que dans ce premier épisode, Silas et Louis développent tous deux un intérêt pour Iris ; à charge pour la jeune femme de faire ce que, ma foi, toutes les femmes ont fait de tout temps : jauger leur personnalité et décider si oui ou non l’un d’entre eux vaut la peine de courir le risque de tout perdre, au nom de gagner un peu de plaisir et de liberté.

    The Doll Factory est une œuvre qui aime le silence et l’ombre. Au stade de ce premier épisode (…je ne présumerais pas exactement que cela continue d’être le cas par la suite), il ne s’agit pas vraiment d’une série d’horreur, comme, disons, Penny Dreadful pouvait l’être. En revanche, comme je le disais, elle est morbide.
    Les poupées de l’atelier où travaillent Iris et Rose en sont la parfaite illustration. Bien que pouvant aussi être destinées à devenir des jouets, les poupées sont très souvent peintes sur commande par les deux sœurs, lesquelles doivent, sur la base d’un daguerréotype, recréer le visage de personnes disparues (inutile de préciser qu’il s’agit d’un achat qui ne concerne que les classes les plus aisées). En particulier, à une époque où la mortalité infantile est très élevée, ce sont souvent des bébés et des enfants qui sont ainsi immortalisés sur la porcelaine. Ces visages juvéniles qui ne vieilliront jamais sont parfaitement sinistres ; la poupée est, après tout, l’uncanny valley originale.
    La limite entre ce qui est glauque et ce qui est acceptable est si ténue, dans The Doll Factory. Qu’est-ce que la peinture si ce n’est l’art de créer de l’inanimé avec le vivant ? Louis a pourtant les apparences de la respectabilité (conférées par son statut social aussi, il est vrai). Silas aussi compose avec l’inanimé pour le faire paraître vivant ; pourtant, son cabinet des curiosités est considéré comme intrigant mais aussi sordide. On y vient pour s’y faire peur, pour y voir des choses qui ne devraient pas être. D’ailleurs, ce taxidermiste est surnommé « Cadaver » par Louis et ses potes, qui s’amusent à lui passer des commandes moqueuses. Silas prend grande satisfaction à fouiller et immortaliser les entrailles de ses projets ; mais il est vrai que les siennes sont animales plutôt qu’humaines…

    Tout est une question de degré dans The Doll Factory. De trouver la juste limite entre la pulsion de vie et l’inévitabilité de la mort. D’accéder à ce qui libèrera ce qui sommeille en soi, au risque, peut-être, de détruire autrui. Je ne détaille pas plus, mais la conclusion de ce premier épisode est la raison pour laquelle, en parfaite couarde que je suis, je n’en regarderai pas de second. En revanche, je ne saurais que vous recommander d’aller plus loin.
    Si vous osez.

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  • She works hard for the money

    16 décembre 2023 à 22:11 • Dorama Chick •

    Il est de notoriété publique que je ne suis jamais à la première à me précipiter sur une série dont l’un des composants principaux serait la romance, et ça explique en grande partie pourquoi je ne parle d’ANIMALS que maintenant. Mais en partie seulement. Car l’autre explication, c’est que Mila l’a si bien vendue que ma curiosité a été piquée. Et par les temps qui courent, une recommandation est suivie soit immédiatement, soit dans trois ans ; il n’y a tout simplement pas de juste milieu quand on a tant de choses sur notre to-watch list.
    L’argument vendeur pour ANIMALS, à mes yeux, était la présence d’Airi Suzuki, une idol que j’ai connue quand elle était encore toute petiote, et qui aujourd’hui (ou plutôt l’an dernier) tient le premier rôle d’une série romantique. They grow up so fast.

    Dans ANIMALS, Airi Suzuki interprète Umi, une jeune femme dans la vingtaine qui a le genre d’existence où l’on s’oublie. Elle fait des journées de 40 heures comme assistante de production au sein d’une émission matinale du dimanche sans grande importance, mais pour laquelle elle donne tout. Elle ne donne même pas l’impression de faire un job qui la passionne, ou pour lequel elle ait de l’ambition ; sa motivation principale est plutôt d’avoir un salaire lui permettant de louer le petit appartement qu’elle partage avec sa jeune sœur, qui est encore au lycée et qui, si elle devait retourner vivre dans leur ville natale, aurait quelque chose comme 2h de transport par jour pour aller en cours. Si Umi sacrifie sa santé à bosser autant, c’est donc uniquement par sacrifice, ce qui pour elle tombe sous le sens.
    Le premier épisode nous permet de juger de l’ampleur du sacrifice. ANIMALS fait même un job fascinant lorsqu’il s’agir de décrire les journées d’Umi au travail, et si l’on met le stress de côté, il faut admettre que c’est un peu grisant de la voir dans un environnement où, bien qu’étant épuisée, elle excelle. Sa capacité à prendre des décisions rapides, à anticiper les besoins de son supérieur hiérarchique, à garder un œil sur l’employé plus jeune qu’elle… Elle est très bonne à son job et c’est satisfaisant à regarder. Mais effectivement, cela consomme toute son énergie et tout son temps.

    De son propre aveu, Umi a perdu de vue tout le reste. Y compris une potentielle vie affective, qui lui apparaît comme une idée complètement alien à ce stade vu son état d’épuisement après une longue journée de travail. C’est le moment où je soupire : bon, il fallait bien qu’on en arrive là à un moment.
    « Et puis, où je vais rencontrer quelqu’un ? », dira-t-elle à sa collègue et amie. Bougez pas, ANIMALS s’en charge.

    Voilà donc qu’arrivent dans sa vie deux hommes : l’un est Keisuke Sakaki, PdG d’une grande entreprise de cosmétiques, ANIMAL BEAUTY, qui doit être interviewé pour l’émission ; l’autre est Kazao Nagamine, photographe de mode, embauché pour la promotion d’un produit du premier. Le mannequin ce jour-là est Hina, une gloire montante de l’industrie de la beauté, une très jeune femme qui a cependant beaucoup d’assurance.
    Toute la journée, Umi cavale dans tous les sens, mais elle ne peut pas s’empêcher de remarquer avec quelle gentillesse et élégance Keisuke a été présent dans le studio ce jour-là, prenant le temps de saluer chaque employée (elle y compris) au lieu, comme c’est généralement l’usage, de saluer les personnes les plus importantes et passer à l’interview. Le soir, quand le photoshoot est fini, elle prend un moment pour parler avec Kazao, qui lui a fait moins bonne impression ; pour un prétexte que je vous épargne, elle accepte un échange de numéros.
    L’histoire pourrait commencer là (et finir là en ce qui me concerne), mais ANIMALS a, et c’est fort heureux, d’autres choses en tête. Son but est quand même de précipiter Umi dans un triangle-amoureux-mais-on-sait-bien-que-c’est-pas-vraiment-un-triangle-parce-que-come–on, mais pas parce que c’est tout ce qu’elle a à dire. Et c’est une agréable surprise en ce qui me concerne.

    C’est que, voyez-vous, le premier épisode d’ANIMALS est en grande partie intéressé par le monde professionnel, et en particulier, sur la notion d’environnement professionnel sain. Ce qui, en particulier pour une série japonaise, ne manque pas d’intérêt.
    Qu’est-ce qu’une culture d’entreprise saine quand depuis des décennies, la norme est de passer sa vie au bureau ? A quel moment faut-il poser des limites ? Et dans ce cas, quelle est la limite juste ? A première vue, Umi n’est pas si mal lotie après tout : on ne lui hurle pas dessus, elle est au contraire appréciée pour le travail qu’elle fournit, et lorsque l’employé plus jeune décide de se faire porter pâle et ne pas revenir au boulot, sa capacité à prendre le relai est ostensiblement félicitée. Il y a pire… mais c’est placer la barre plutôt bas, quand même ! ANIMALS semble décider à interroger cela, et à forcer Umi à se poser deux-trois questions sur son rapport au travail et ce qu’elle considère comme suffisant pour tout donner à une compagnie.
    Le point d’orgue est atteint quand Umi, épuisée au dernier degré, s’endort en plein milieu du tournage en direct de l’émission du dimanche, et que l’incident est retransmis dans des millions de foyers. Les téléspectatrices voient alors une jeune femme épuisée, qui s’est littéralement endormie debout, sauter sur ses pieds et par réflexe s’écrier qu’elle n’a pas dormi depuis trois jours. Le pays est sous le choc ; un peu que ce soit vrai… et beaucoup que ce soit dit.

    C’est quelque chose que je vois de plus en plus dans les séries japonaises, en toile de fond ou en sujet principal, et on a eu l’occasion d’en parler par exemple pour le thriller Fukushuu no Miboujin, ou plus récemment avec la dramédie juridique Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru. Comme un frisson qui parcourt non seulement la société japonaise, mais aussi, maintenant, les séries japonaises de plus en plus souvent, on se demande si oui ou non ça vaut la peine. La télévision japonaise se met au quiet quitting !
    Voilà donc le premier épisode d’ANIMALS qui s’attaque à ce sujet, et qui, j’ai l’impression, ne va pas complètement le mettre de côté par la suite, quand bien même l’environnement de travail d’Umi va changer à cause de cet incident.

    Alors, il n’en reste pas moins qu’ANIMALS est une romcom, et que je ne m’imagine pas regarder les épisodes suivants. Mais ça, honnêtement, je le savais avant de lancer cet épisode. Ce que je ne savais pas ? Que le propos de la série irait plus loin (c’est ma faute, je n’ai regardé que le Calendrier de l’Avent de Mila, et pas sa review de la série il y a quelques mois ; je m’en vais de ce pas corriger ça).
    J’en profite pour confirmer qu’Airi Suzuki est vraiment, vraiment impeccable dans ce premier épisode. Elle est dénuée de beaucoup des tics de jeu que l’on peut trouver chez des actrices encore un peu vertes, et qui peuvent être irritants. C’est sa première fois à tenir le premier rôle d’une série, mais on sent qu’on n’a pas affaire à une débutante. Elle est capable de nuance, de vulnérabilité, et probablement ce qui m’impressionne le plus, d’authenticité. A sa place bien d’autres actrices japonaises se seraient contentées de minauder, mais on sent qu’Airi Suzuki a mûrement réfléchi à comment faire d’Umi une personne avec une vie intérieure. C’est toujours quelque chose qui m’impressionne quand cela se produit dans la fiction japonaise, en particulier, parce que la plupart des actrices ayant démarré leur carrière très jeunes (et elles le sont presque toujours) ne sont tout simplement pas formées à cela, parce que les tournages extrêmement serrés ne sont pas propices à cela, et parce que, dans le cadre des séries plus légères (dont font généralement partie les romcoms), ce n’est même pas un attendu de la part du public. Alors, assister à cette prestation pleine d’introspection et de fragilité est vraiment précieux.

    C’est triste à dire qu’il ait fallu non pas une, mais deux video à Mila pour me convaincre d’assister à cela (et ça m’a tenue éveillée une bonne partie de la semaine, parce que si ça s’applique à d’autres reviews, je suis dans la merde !). Maintenant que c’est fait, en tout cas, je suis contente de m’être infligé une romcom pour assister à cela. Et je pense même que, dans un monde où j’aurais moins de choses sur ma to-watch list, j’aurais peut-être même envisagé d’en regarder plus, parce qu’une performance comme ça, ça peut sauver même la plus banale des séries. L’air de rien, ce petit épisode m’a donné beaucoup de grain à moudre ces derniers jours.

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  • Is this love ?

    15 décembre 2023 à 22:39 • Review vers le futur •

    C’est un cauchemar et je vais me réveiller. Pire que ce dont je parlais hier. Matez un peu le synopsis de la série du jour…

    Le soir du 1er décembre, alors qu’elle est installée en bout de table avec ses nièces à peine capables de tenir une cuiller à soupe, et moins encore une conversation, Thando réalise qu’elle va passer Noël en étant célibataire. Ce qui à la limite serait encore tolérable… si sa famille, et en particulier sa mère, n’insistait pas tant pour la voir en couple. Avec la pression (et l’impression de ne pas pouvoir exister autrement au sein de sa famille), le craquage est total, et en plein milieu du dîner familial, Thando annonce qu’elle viendra au réveillon de Noël avec son petit ami.
    Bon, c’est juste qu’elle n’en a pas, de petit ami. Détail.
    A partir de là notre héroïne de romcom sud-africaine décide de tout faire pour sauver son réveillon du naufrage. Elle qui n’a pas eu de vie amoureuse depuis la fin de son histoire avec Sifiso… il y a 3 ans. Dire qu’elle est un peu rouillée est en-dessous de la vérité, et il lui faudra pas mal de suggestions et de soutiens de ses amies pour se rem-…

    Est-ce que vous voyez ce qui est en train de se passer !? Netflix nous délivre en ce mois de décembre une TROISIÈME version de la même série ! Yoh! Christmas est en effet l’adaptation de la romcom norvégienne Hjem til Jul, lancée en 2020 et déjà adaptée pas plus tard que l’an dernier en Italie, sous le titre d’Odio Il Natale.
    Qu’est-ce que j’ai fait au Père Noël pour mériter ça ?!

    La façon dont les pratiques de Netflix empirent avec les années, c’est quelque chose. Recycler la même fiction chaque année, mais produite dans un pays différent, pour raconter encore et encore exactement la même histoire, c’est ça la plateforme de streaming qui devait révolutionner la télévision ?
    Donc une fois de plus, on reprend les mêmes et on recommence. Strictement rien dans Yoh! Christmas n’a été fait pour réimaginer l’histoire, ou les personnages, ou produire quelque travail personnel que ce soit. Si vous avez aimé la série norvégienne… eh bah, honnêtement je vois pas trop l’intérêt de s’infliger Yoh! Christmas derrière, vu que la copie est parfaitement conforme. Les seuls changements introduits par cette troisième mouture sont purement culturels (on y parle un mélange d’anglais et de zulu, on fait référence au loadshedding, etc.). Vous me direz, au moins le sexisme introduit par l’adaptation italienne a été évité, c’est déjà ça, mais regardez de quoi on en vient à se satisfaire, quand même.
    En outre, la série sud-africaine ne s’interroge pas plus que les précédentes sur la dynamique boiteuse qui consiste à forcer Thando à se trouver un vrai petit ami pour le réveillon, plutôt que simplement inviter un mec à se faire passer pour son petit ami… ce qui en 24 jours serait un objectif plus raisonnable. Au moins au début. Le plus dingue c’est que Thando passe tout l’épisode à clamer haut et fort (et, j’ai l’impression, plus encore que les précédentes versions ne le faisaient) qu’elle est parfaitement satisfaite d’être célibataire, tout ça pour se retrouver à essayer de rencontrer l’âme sœur quelques minutes plus tard. Ça n’a toujours aucune logique interne, et ça n’est toujours pas interrogé, au nom de suivre le cahier des charges à la lettre. Quel fichu gâchis.
    Le seul mérite que je concède à Yoh! Christmas, c’est de proposer un épisode introductif (je n’allais certainement pas m’infliger toute la saison) bien rythmé et bien incarné. Mais quand on en est à la troisième incarnation, j’ai envie de dire, encore heureux. Manquerait plus que le montage soit chiant et les actrices nulles.

    Donc juste pour être claire : alors Netflix, c’est ça, votre série sud-africaine de Noël ?! Après trois années du brio de How to Ruin Christmas, tout ce que vous avez trouvé pour prendre la relève, c’est ce machin ? Bon, je comprends qu’après le mariage de la saison 1, les funérailles de la saison 2, et la baby shower de la saison 3, on commence à faire le tour des occasions de réunir la famille (la série avait pourtant posé des jalons au cas où elle serait renouvelée pour une quatrième saison, mais bon). Sans parler du décès de l’actrice Busi Lurayi, qui ne facilite pas les choses. Je peux à la rigueur accepter que How to Ruin Christmas ne soit pas renouvelée.
    Mais le fossé en matière de qualité, pardon ! Tu parles de ruiner Noël…

    Hâte de voir où s’implantera cette ultime franchise de la flemmingite à Noël prochain. Qui n’a pas eu la sienne ? Poussez pas, yen aura pour tout le monde.

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  • Le silence est gore

    14 décembre 2023 à 18:54 • Telephage-o-thèque •

    Quelque chose que l’on dit peu dans les cercles téléphagiques, c’est qu’entre regarder une série et écrire sur une série, il y a une sacrée différence. Essayer de synthétiser l’intrigue, décortiquer les dynamiques, rendre compréhensibles les enjeux, aborder les sujets qui gravitent autour de son existence… tout cela implique de revisiter le visionnage, souvent pendant plusieurs heures (et je ne parle même pas du temps de la recherche, qui est encore une question à part). Écrire sur une série, et plus encore sur toute une saison, lorsqu’il ne s’agit pas simplement de poser les bases mais de fouiller en soi pour trouver du sens, et la façon de la décrire, c’est quelque chose de long et d’intime.
    Alors vous comprenez bien que, froussarde que je suis, quand je regarde une série d’horreur, écrire sur elle est la dernière chose que je puisse avoir envie de faire. C’est déjà pas facile de la regarder, puis de passer deux ou trois semaines à regarder par-dessus mon épaule (…parce que j’ai eu la riche idée d’avoir un bureau qui tourne le dos à la porte, imbécile), mais si en plus il faut que je revive l’expérience pour métaphoriquement coucher les mots sur papier, merci bien.

    La mini-série nigériane The Origin: Madam Koi-Koi n’est pas bien longue ; c’est la seule raison pour laquelle j’ai accepté de m’infliger autant de souffrance au nom de la curiosité.
    Oui parce que, je ne vous cache pas que ça va être rude…

    Trigger warning : agressions sexuelles, viols en réunion.

    Très rude.

    Amanda a un mauvais pressentiment quant au lycée qu’elle rejoint en cette début d’année (sa dernière avant l’examen final), un établissement où elle va devoir vivre en pensionnat et où elle ne connait personne. Mais avec sa vie familiale un peu compliquée (elle n’a jamais connu son père), et les finances de sa mère qui ne permettent pas grand’chose d’autre (elle a récemment perdu son emploi), l’adolescente n’a pas tellement le choix. Dans son nouveau bahut, elle est immédiatement prise en charge par Edna, une jeune camarade avec laquelle elle va partager un lit superposé dans l’un des dortoirs des filles ; se prenant immédiatement d’amitié pour Amanda, Edna la guide pour ses premiers pas dans cette nouvelle école.
    C’est l’automne 1991, et la rentrée à St. Augustine’s Catholic College (…qui n’est ni un college ni un collège) se fait dans le stress, mais pas que pour Amanda. La mère supérieure de l’établissement, Sœur Jane, espère sauver l’école de la fermeture. En effet, c’est le sort qu’ont connu plusieurs écoles catholiques du diocèse, sous la pression du comité pédagogique de l’État qui cherche à reprendre la main sur les institutions religieuses. Sœur Jane elle-même reçoit la visite d’une représentante du comité qui affiche une hostilité non-voilée envers St. Augustine, ce qui ne fait qu’ajouter de la pression. La fermeture semble de plus en plus probable, malgré les bons résultats des élèves.
    En particulier, l’équipe masculine qui remporte le premier prix de la Scholars’ Competition chaque année est l’une des fiertés de St. Augustine. Lashe, Kayode (dit « Kay-D »), Tokunbo, et le nouveau Idowu (ou ID), sont en effet les garçons les plus populaires de l’établissement, aussi bien auprès des élèves qu’après de l’administration, qui leur doit une partie de son financement. Eh oui, à St. Augustine, les cool kids sont les intellos, mais Edna avertit Amanda que les filles qui les approchent finissent souvent… ma foi, je vous renvoie au TW.

    Oh, mais je n’ai pas encore présenté la protagoniste la plus importante. C’est qu’il faut aussi parler de Madam Koi-Koi.

    J’aimerais beaucoup qu’on s’arrête un instant sur ce pluriel, quand même ! COMMENT ÇA, « UN » DES FANTÔMES ? Combien vous en avez, des fantômes spécifiquement assignés aux pensionnats ?!
    A la base, Madam Koi-Koi est effectivement une entité surnaturelle frappant uniquement dans les établissements scolaires, de préférence la nuit ; elle doit son nom au bruit de ses talons (ou son talon, selon les versions ; la mini-série a opté pour l’option avec une seule chaussure, d’ailleurs) dans les couloirs vides. De ce que je comprends, il s’agit plutôt d’une figure qui sanctionne les élèves indisciplinées, notamment celles qui s’éloignent du groupe et/ou ne sont pas là où elles devraient être. Le symbole est d’autant plus fort que dans beaucoup de versions de cette légende urbaine, il s’agit d’une ancienne professeure, et qu’elle a donc une vocation punitive ou vengeresse.
    The Origin: Madam Koi-Koi, cependant, s’éloigne beaucoup de ces interprétations populaires. Sa créature surnaturelle a un rapport plus indirect avec le pensionnat, pour commencer. Et, comme l’indique le titre de la série, une grande partie de l’enjeu ici est d’expliquer d’où vient Madam Koi-Koi (ses origines, donc), et surtout pourquoi elle tue.
    Par conséquent, la série nigériane est, comme les meilleures fictions d’horreur je suppose, plutôt intéressée par l’ambiance que par le gore. Qu’on ne s’y trompe pas : la sus-mentionnée Koi-Koi n’est pas franchement une présence apaisante. Sa démarche lente et boiteuse, que l’on entend de loin ; son aura rouge sang ; son enveloppe corporelle comme entourée d’ombres tressaillantes… Mais la série porte en réalité assez peu sur ses méfaits, et beaucoup plus sur les méfaits humains.

    Oh, parce que j’espère que vous n’avez pas pris fait et cause pour Sœur Jane ? La religieuse n’est pas celle pour laquelle il faut ressentir de l’empathie ici : c’est une femme aveuglée par son obstination à préserver St. Augustine en dépit de tout.
    Ainsi, lorsque l’élève Ibukun rapporte avoir été violée par le groupe de petits génies, la mère supérieure décide de passer tout cela sous silence (n’hésitant pas à recourir au victim blaming pour s’assurer que l’adolescente la fermera) et de laisser aux quatre garçons le bénéfice du doute, ce qui équivaut à leur donner sa bénédiction. Les enjeux pour St. Augustine sont trop élevés, voyez-vous, et rien n’est plus important que de garder l’école ouverte ; quitte à laisser les élèves se comporter de manière pas très catholique… A la voir gérer avec une sévérité biaisée cette affaire de viol collectif, on imagine sans mal quelle sera sa réaction lorsque les problèmes plus surnaturels vont s’accumuler, et que Madame Koi-Koi va commencer à faire des victimes. Or, croyez bien que Madam Koi-Koi va effectivement commencer à faire des victimes.
    Plus tard, lorsque la police se présente pour lui parler d’un cadavre trouvé aux abords de la ville avec ce qui ressemble à un uniforme de St. Augustine, l’honorable Sœur Jane ment pour couvrir l’école, et affirme qu’aucun élève ne manque à l’appel…

    Chaque fois que quelqu’un va agresser sexuellement une autre personne (et ne nous mentons pas : ce sont généralement des hommes agressant des femmes), Madam Koi-Koi va apparaître peu de temps après et exécuter quelqu’un de la pire des façons, l’égorgeant et lui arrachant le visage au point d’être défiguré. Et, franchement, elle fout un peu les jetons, d’accord ; mais on ne peut qu’être Team Koi-Koi. Tous les hommes (ou jeunes garçons) agresseurs ne sont font pas nécessairement choper, et par exemple dans le cas du viol de la pauvre Ibukun, seul un garçon va être ainsi « puni » sur les quatre violeurs immédiatement après les faits. Cela dit, globalement, Koi-Koi a un modus operandi bien établi auquel on peut difficilement faire des reproches sur un plan moral. Le propos de la mini-série est assez transparent à ce sujet.
    Pendant ce temps, Amanda est ébranlée par des cauchemars à répétition. En fait, il semblerait que chaque fois que Koi-Koi attaque quelqu’un, Amanda soit capable de la voir dans son sommeil, dans des rêves terriblement réalistes. Pas nécessairement la voir en train de commettre des exactions, mais elle sent sa présence, a l’impression d’être dans sa proximité, est hantée par elle, quoi. Et alors qu’elle est prise dans les mailles du filet tendu par les garçons concourant à la Scholars’ Competition, qui l’ont remarquée, abandonnée à son sort par Sœur Jane, la présence paranormale de Madam Koi-Koi se fait plus menaçante.

    Une seule personne semble progressivement prendre la mesure de ce qui se passe : un vieil employé de l’école, Baba, qui comprend que le phénomène doit être adressé plutôt que camouflé.
    Baba est le fils d’un sorcier qui officiait il y a longtemps dans la ville où se tient aujourd’hui St. Augustine ; il comprend que ce qui se passe avec tous les cadavres n’est pas un hasard, et a tôt fait de faire le lien avec une expérience surnaturelle qu’il a connue 20 ans plus tôt. Il ne l’a pas connue seul : Sœur Ruth, une religieuse qui a fait vœu de silence il y a 20 ans justement, était présente ce jour-là. En fait, depuis cet événement, elle n’a plus jamais parlé, et a consacré chaque instant à prier. Ce qui donne une idée de l’ampleur du traumatisme…
    Il est là, le véritable crime de The Origin: Madam Koi-Koi. Dans ces violences qui sont silenciées, et donc encouragées.
    La métaphore s’écrit toute seule. La mini-série n’essaie pas vraiment d’être subtile, mais plutôt d’amener progressivement le sujet, si vous voyez la nuance.

    Pour souligner le silence qui a été imposé à tant de femmes (Ruth et maintenant Ibukun, pour commencer ; Amanda en prend également le chemin) par les tragédies qui se sont jouées dans les environs, The Origin: Madam Koi-Koi mise sur des scènes longues, des conversations en apparence calmes mais lourdes de sous-entendus menaçants (en particulier quand Sœur Jane s’exprime), des blancs effarants. La majorité des scènes semblent s’allonger sous l’effet des musiques lancinantes, pleines de notes interminables, comme sous le coup d’un coup d’archet qui n’en finit pas sur un violon terrifiant. Au départ ça semble un peu chiant et surjoué ; au bout d’un moment ça fonctionne plutôt bien pour crisper les esprits fragiles. Dont je suis.
    Tout est inquiétude, et très peu, finalement, est consacré à montrer les exactions du fantôme. Finalement Madam Koi-Koi ne fait vraiment peur que dans la confrontation finale, lorsque pour la première fois la camera s’attarde sur elle, lui donne corps, lui donne un visage, lui donne une voix. Car bien-sûr Koi-Koi a une voix qu’on n’avait jamais entendue…

    The Origin: Madam Koi-Koi est une mini-série en deux parties, pour un total d’un peu plus de 3 heures, mais honnêtement si Netflix ne l’avait pas mise en ligne en deux épisodes (ajoutés au catalogue sur deux journées distinctes, avant et après Halloween, en plus), ç’aurait très bien pu être un film un peu long et point barre. Les films nigérians durent souvent trois heures et quelques, qui plus est. Le découpage n’est pas vraiment adapté, à mon avis ; la césure entre les deux épisodes n’apportant ni suspense ni satisfaction structurelle (le second épisode reprend exactement là où le premier s’était arrêté… pendant une scène bavarde). La mini-série aurait peut-être même mieux fonctionné sous la forme de 3 épisodes, avec le bon plan ; ou au contraire, avec un montage un peu plus nerveux, fait un bon petit film d’une petite heure et demie (this could have been an email). Qu’importe, ce qui est fait est fait.
    Si sur la forme, The Origin: Madam Koi-Koi ne ravira pas forcément tout le monde, et probablement pas les habituées de films d’horreur autrement plus efficaces, sur le fond, elle a clairement des choses à dire. Et je trouve que son soin pour l’aspect dramatique et humain, plutôt qu’un intérêt pour le surnaturel, démontre qu’elle les dit plutôt bien.

    D’autant plus que dans The Origin: Madam Koi-Koi, il y a une vraie division entre le monde catholique, où la pression est immense de glisser sous le tapis les choses qui posent problème au nom d’une image de perfection, et le monde traditionnel, où l’on parle de ce qui ne va pas et on essaie de le résoudre, quitte à parfois se confronter à des choses déplaisantes.
    Ce sera l’occasion pour Baba de se confronter à des rites qu’il a laissé derrière lui quand il a refusé de prendre la suite de son père ; ce sera l’opportunité pour Amanda d’apprendre qui est son père ; ce sera l’opportunité pour toute un lycée, pour toute une ville, de regarder sans faux-semblant les atrocités commises hier et avant-hier sur les femmes. A ma grande surprise, The Origin: Madam Koi-Koi, qui pourtant se déroule dans les années 90 (date estimée de l’apparition de la légende urbaine, d’après mes lectures), fait remonter son intrigue aux années 70 et jusque dans les années 40 ! C’est dire si l’abcès va être vidé en bonne et due forme.

    Devant l’intention plus que louable de The Origin: Madam Koi-Koi, je suis prête à pardonner bien des choses sur la forme. Cette façon d’adapter un personnage mythologique pour donner un sens moderne à sa violence, c’est vraiment quelque chose que j’apprécie, en plus.
    Cependant, pour des raisons qui doivent maintenant vous être évidentes, ce n’était pas un visionnage facile. Et ce n’était pas une histoire facile à porter en soi, à ressasser, à essayer de mettre à l’écrit. Et, ironiquement, même pas pour les raisons que je pensais en commençant la série.

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  • The villain of his own story

    12 décembre 2023 à 21:15 • Review vers le futur •

    Contrairement aux idées reçues (héritées d’une connaissance superficielle de Bollywood, généralement), les séries musicales sont plutôt rares en Inde. Pas inexistantes, mais rares. Il faut dire que, comme partout, produire des chansons originales épisode après épisode, ça a un coût… plus encore dans un pays qui a pendant jusque récemment les soaps comme l’alpha et l’omega de la fiction télévisée. Ça représenterait des centaines, voire des milliers de chansons !
    Mais, depuis environ une décennie, les formats changent en Inde ; principalement grâce au boom des webséries, puis au nom de l’explosion des plateformes de streaming. Le fameux « lissage » des formats dont je vous parle si souvent a donc fait son œuvre en Inde aussi, et les séries plus courtes ont commencé à devenir plus courantes, avec des saisons à l’américaine. Et qui dit série plus courte, dit qu’il devient un peu plus faisable de se lancer dans une série musicale.

    Chamak, lancée la semaine dernière par la plateforme Sony LIV, est un étonnant thriller musical. Son genre de prédilection ? Le rap, qui est la passion animant son héros, un trentenaire penjabi répondant au nom de Kaala. Le premier épisode fait plusieurs allusions au fait que « kaale » signifierait « foncé »/ »sombre », mais… je ne parle pas ni ne lis le penjabi et ai eu du mal à le vérifier, donc bon, prenez-le avec prudence. Mais l’histoire de Kaala ne commence pas dans le Penjab, non. Elle commence au Canada.

    Lorsqu’il était encore enfant, Kaala est parti au Canada avec son père, et il n’a aucun souvenir des quelques années qu’il a passées en Inde.
    Avec son père, la situation est tendue ; c’est un homme distant, qui a passé les années suivant leur émigration à bosser comme chauffeur routier et à ramener des coups d’un soir sans vraiment s’occuper de son fils. Celui-ci, seul petit garçon sikh dans son école, a en outre été la cible de harcèlement raciste. Finalement, quand nous le rencontrons, il est en prison : il purge une peine pour cambriolage, coups et blessures, possession d’armes illégales. Cela fait 6 mois qu’il est derrière les barreaux (harcelé par un prisonnier blanc raciste aussi, ne pouvant compter que sur le soutien d’un camarade noir), et apparemment il a déjà une chance de conditionnelle. Son dossier et ses propos ne l’aident pas vraiment à rassurer le jury qui écoute sa requête de remise en liberté… mais son rap, oui.
    Il y a quelques jours, je disais à Mila sous l’une de ses videos du Calendrier de l’Avent que je suis peu à l’aise pour parler réalisation, ne possédant pas bien les outils théoriques pour le faire, et que du coup, bah, je n’en parle pas vraiment. Vaut mieux se taire et passer pour une conne, que l’ouvrir et le prouver. Je suis bien plus facilement réceptive à des questions de couleur, de lumière, de montage, alors que le cadrage, la composition… Bref, je suis assez facilement impressionnée ! Accessoirement je m’y connais encore moins en rap. Du coup, je ne vais rien dire… mais je vous conjure d’attendre environ 5min dans ce premier épisode de Chamak pour assister au rap de Kaala, une chanson autobiographique intitulée « Chal Uth Kaale ». Si ce passage ne vous séduit pas, rien ne le fera. C’est d’une efficacité redoutable, avec de vraiment bonnes idées pour produire à la fois un numéro musical réussi et une séquence d’exposition futée, et il n’y a absolument rien à jeter.

    Résultat, ça marche : Kaala est relâché. Lorsque son ami Tidde vient le chercher à la sortie et l’aide à revenir à la vie normale, son premier réflexe est d’aller voir sa petite amie et d’aller lui demander de l’épouser. Manque de chance, elle est passée à autre chose, ou plutôt quelqu’un d’autre, bien-sûr. Et c’est là que Kaala nous révèle qu’il n’est pas un rappeur incompris (contrairement aux histoires qu’il se raconte), mais quelqu’un de profondément impulsif et violent. Après qu’il ait décalqué ce gars, il est donc obligé de prendre la fuite, surtout lorsqu’il s’avère que sa victime est le fils du shérif. Une fois de plus, Tidde le soutient : il organise l’évasion de Kaala pour qu’il puisse quitter le Canada et rejoindre l’Inde, où en théorie personne ne devrait aller le chercher.
    Pendant ce volet, Chamak révèle que si, émotionnellement, la série est intéressée par le réalisme émotionnel lorsqu’il s’agit de ses personnages (et surtout son protagoniste central), en revanche, côté scénario, il faut parfois suspendre son incrédulité. Pour raconter l’histoire qui est la sienne, la série n’hésite pas parfois à prendre des raccourcis et adopter ce qui pourrait sembler être des facilités. L’échappée du Canada en est un excellent exemple, qui ressemble à une parodie de blockbuster américain où l’on surjoue un peu l’ennemi, les enjeux, les solutions. Peu importe.

    Lorsqu’on admet de mettre la logique de côté, c’est un véritable régal que d’apprécier ce que le thriller raconte sur la personnalité de son héros, sur les histoires sur lesquelles il s’est bâti, sur ses oscillations entre les ténèbres et l’espoir. Derrière le thriller musical aux effets de style et de manche, se cache une série dramatique qui fait ce que les meilleures fictions dramatiques font de mieux.
    A ma grande surprise (et mon grand soulagement, je l’admets), Chamak n’est pas l’histoire d’une fuite, c’est l’histoire d’un homme qui se trouve. Car l’histoire qu’il s’est toujours racontée, c’est que sa vie a comme commencé lorsqu’il est arrivé, enfant, au Canada, or, son histoire ne commence pas là. Elle a bel et bien commencé au Penjab, et une fois sur place, il va être confronté à tout cela. De sa mère, il n’a par exemple qu’une vieille photo, mais présenter celle-ci va ouvrir une boîte de Pandore… Chamak est en grande partie inspirée par le sort du chanteur Amar Singh Chamkila ; dans la série, le chanteur s’appelle Taara Singh, et il a été assassiné sur scène avec sa femme, un jour de 1999. Comment tous ces ingrédients s’imbriquent-ils ? Vraiment, je vous recommande de le découvrir par vous-même.

    Ça fait un bout de temps maintenant que je veux mettre du temps de côté pour parler uniquement de séries indiennes pendant un moment. Une journée, une semaine, un mois (une année ?), peu importe la durée de ce moment. Juste prendre le temps de ne faire que ça histoire de vous parler des richesses de la télévision indienne, qui se surpasse depuis quelques années (en grande partie grâce au fameux « lissage » pour lequel dans n’importe quel autre pays je n’ai que du mépris). Mais vous savez bien comment c’est : il y a toujours beaucoup de choses qui se passent à la télévision mondiale, et je ne trouve jamais le temps de tout mettre de côté pour faire juste cela.
    Et pourtant, quasiment (quasiment…) chaque série indienne que je vois ces dernières années mérite qu’on parle d’elle pendant des heures. Pas toutes, évidemment, mais, genre, au moins 90%, à vue de nez. Je tombe amoureuse plusieurs fois par an (et d’ailleurs j’en profite pour vous exhorter, si ce n’est fait, à regarder Sweet Kaaram Coffee) et le flot de bonnes séries ne s’arrête ja-mais. Chamak est de celle-là. Elle est énergique, passionnée, intelligente, tragique, multiple… Le nombre de choses qu’elle promet d’aborder relève de la folie : outre son personnage torturé, elle veut aborder l’industrie musicale (de véritables célébrités apparaissent d’ailleurs dans la série, comme pour la rap battle de ce premier épisode), parler politique… et elle veut le faire en émaillant ses épisodes de chansons ! Le pari est fou, mais le fait qu’une saison 2 soit d’ores et déjà en mouvement devrait rendre ces ambitions un peu moins hors d’atteinte qu’il n’y paraît.
    J’ai passé mon après-midi à me demander : est-ce que je parle de Chamak maintenant, juste après avoir été foudroyée ? Ou est-ce que j’attends d’avoir du temps pour parler de toute la saison ? J’ai décidé qu’il était trop risqué d’attendre, surtout en cette fin d’année chargée… et qu’au pire, on en reparlera. Quand je l’aurais finie. Ou quand vous l’aurez commencée, tiens.

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  • Version française

    10 décembre 2023 à 23:53 • Telephage-o-thèque •

    C’est un fait acquis que la télévision canadienne est divisée en deux : la télévision anglophone d’une part, et la télévision francophone d’autre part. Jamais elles ne se mélangent. En matière de séries, en particulier, ces deux entités linguistiques n’ont rien en commun, ou si peu : les co-productions sont rarissimes, et à l’exception d’une adaptation de temps à autres (une version anglophone pour 19-2 ou pour Plan B, par exemple…rarement dans l’autre sens), elles ne communiquent pas et ne semblent même pas remarquer l’une l’existence de l’autre. Même les personnages sont rarement bilingues. Chacune chez soi et les caribous seront bien gardés, en quelque sorte.
    Sauf cette année. Cette année, ICI TOU.TV, la plateforme francophone de Radio-Canada a lancé El Toro, une série dont l’intrigue se déroule dans les années 60 et surtout dans le Manitoba, une province canadienne anglophone.

    Rosanne Charbonneau appartient à une minorité : dans le Manitoba, les francophones sont rares. Pour autant, sa famille ne se porte pas si mal : ses parents Reynald et Viviane, font tourner un restaurant appelé Rey & Jerry’s, dont son oncle Jerry est co-propriétaire. Rosie est une élève brillante, en particulier avec la langue française ; elle espère un jour faire de l’écriture son métier, et espère pouvoir être la première de sa famille à entrer à l’université, du moins si elle parvient à mettre quelques centaines de dollars de côté pour régler l’intégralité de sa scolarité. …Millennials et plus jeunes, je sais que ça fait mal à entendre, tenez bon. Elle est en tout cas bien placée pour recevoir un prix d’excellence au sein du lycée catholique qu’elle fréquente, pour le moment.
    Bref, la vie n’a pas l’air bien terrible, et lorsqu’elle fête ses 18 ans, les choses paraissent se mettre en place. Ou du moins c’était vrai jusqu’à ce que Jerry, couvert de dettes de jeu, réclame la moitié de ses parts du restaurant pour éponger ses dettes. Le Rey & Jerry’s est vendu, et la trajectoire des Charbonneau prend une direction inattendue…

    Le premier épisode d’El Toro est en grande partie intéressé par Rosie, et, parce que son sort est lié à celui de ses parents, la vie de sa famille au sens plus large pendant plusieurs mois. L’intrigue est mise en place de façon à souhaiter pour la jeune fille qu’elle obtienne l’éducation qui lui importe tant, alors que ses parents ont, et on les comprend parfois, d’autres priorités. Les Charbonneau ont en effet 4 enfants dont Rosie est l’aînée (…et au cours de ce premier épisode, un 5e est mis en route), ce qui signifie beaucoup de bouches à nourrir. Ayant perdu leur statut de la classe moyenne lorsque le restaurant a été vendu, et n’ayant jamais considéré les études comme une nécessité (être une fille n’aide pas beaucoup), Reynald et Viviane ont du mal à percevoir l’intérêt de la littérature ou de l’écriture quand il y a des factures à payer…
    Ce conflit central, qui n’est évidemment pas aidé par le fait que Rosie est encore une adolescente (et donc communique mal ses frustrations), s’exprime à plusieurs reprises pendant l’épisode introductif d’El Toro. On espère qu’avec le temps, ses parents reconnaîtront son potentiel, mais pour le moment rien n’est moins sûr. On espère aussi que la narration prendra un peu plus de rythme avec les épisodes suivants ; personnellement, c’est ce qui m’a freinée pour poursuivre la série…

    Toutefois, El Toro met en place un peu plus que cette saga individuelle et familiale, même quand les Charbonneau investissent leur maigre argent dans un petit diner en milieu rural.
    La série offre aussi, dés ce premier épisode, une radiographie intéressante de la micro-société francophone dans le Manitoba. Les filles aînées Charbonneau (Rosie mais aussi sa sœur Georgette) vont au lycée catholique de Saint-Boniface, l’un des rares bastions d’éducation francophone alors que l’enseignement du français est empêché. En plus d’utiliser quelques images d’archives, El Toro inclut des références à cet environnement, et il y a fort à parier qu’elles se poursuivent dans les épisodes suivants. Et puis, chose encore peu exploitée par la série pour le moment, la famille Charbonneau a jusque là vécu en cercle plus ou moins fermé entre francophones ; mais l’arrivée dans ce coin plus rural de la ville, et plus anglophone, pourrait aussi prendre un sens nouveau dans la trajectoire prise par les protagonistes.

    Bien-sûr, la raison pour laquelle la télévision canadienne francophone tient tant à ses séries, c’est en grande partie qu’elle tient à sa langue. Il y a une longue histoire derrière la place du français au Canada, et les années 60 ont, justement, été un moment-pivot pour les Canadiennes francophones. El Toro promet de toucher à un peu tout cela à travers les Charbonneau, et c’est une part de l’Histoire canadienne qui est rarement abordée par la fiction.
    Dans quelque langue que ce soit, d’ailleurs.

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  • L’amour d’une mère

    9 décembre 2023 à 19:49 • Review vers le futur •

    Dans la dernière ligne droite, 2023 aura encore trouvé le moyen de me surprendre et me régaler, en me présentant ce qui est une première dans l’histoire de ces colonnes : une série bosnienne. Et pas n’importe laquelle, puisque Znam kako dišeš était présentée cet automne, hors-compétition, lors de la Biennale de Venise ! Cela lui a permis de se faire remarquer à l’international, et notamment par HBO Max, toujours est à l’affût de productions pour ses abonnées des Balkans. Et du coup, ça explique en grande partie comment elle m’est parvenue (…je vous laisse imaginer le reste).
    Voilà qui vaut bien de faire une exception. J’ai en effet pour règle désormais de parler aussi rarement que possible de séries policières et d’enquêtes en tout genre ; sauf, évidemment, raisons impérieuses. Et je dirais que reviewer ma première série bosnienne mérite bien une petite entorse !

    Qui plus est, Znam kako dišeš (soit I Know Your Soul de son titre international) n’est pas exactement une enquête policière. C’est une enquête, oui, mais menée par une procureure, ce qui permet entre autres à la série dés son premier épisode de dresser un constat sans concession du système judiciaire. Par-dessus le marché, elle en profite pour raconter quelque chose d’assez poignant sur la relation parent-enfant.
    Ce qui me rappelle :

    Trigger warning : suicide, viols sur mineur.

    Voilà, on peut commencer.

    Un adolescent, Emir Halilović, se jette du dernier étage de son immeuble.
    Dans les heures qui suivent, la police et le bureau de la procureure cherchent à déterminer s’il s’agit d’un suicide, ou s’il faut chercher un coupable (dans Znam kako dišeš, ce n’est pas exactement la même chose, contrairement à certaines). Les premiers indices laissent penser qu’il s’agit bel et bien d’un suicide… mais sans lettre ni sans aucune forme de motivation apparente, des questions subsistent. Adjointe de la procureure, Nevena Murtezić est dépêchée sur place, interrogeant notamment les parents aux côtés de Džandžanović (dit « Džandžo »), enquêteur de la police et une connaissance de longue date.
    Le père d’Emir est ébranlé, la mère est inconsolable, et toutes les deux sont absolument incapables de dire ce qui a pu pousser Emir à ce geste. Qu’est-ce qui a pu leur échapper à propos de leur propre fils ?

    …Le plus troublant dans cette affaire n’est en réalité pas vraiment le suicide lui-même. C’est plutôt le fait qu’il s’agisse d’un adolescent, et que Nevena a elle-même un fils âgé de seulement deux ans de plus, Dino. Avec finesse, Znam kako dišeš juxtapose les scènes banales du quotidien de la mère et son fils avec celles, plus poignantes, de l’enquête et du deuil des Halilović. Que savait le couple de son fils ? Que sait Nevena du sien ? C’est un adolescent : il n’a pas envie d’être couvé, il est de plus en plus indépendant, il a ses propres projets, et il fait des cachotteries. C’est plutôt classique, non ? A priori rien de grave (faire l’école buissonnière pour filmer un clip de rap, par exemple), mais enfin, cela pose des questions qui gênent un peu Nevena. Et qui ne sont pas près d’être apaisées :
    – Dino, si quelque chose comme ça t’arrivait, est-ce que tu m’en parlerait ?
    – Ha ! Non, jamais.
    A 17 ans, on a le sentiment d’être invincible… jusqu’à ce qu’on ne le soit pas.

    Ce thème n’a rien de nouveau (il est pour ainsi dire inhérent à l’expérience de parent au moment de l’adolescence, j’ai l’impression ; Dieu me préserve d’en être un jour certaine !), mais Znam kako dišeš le traite avec une intelligence délicate qui l’honore.
    Nevena est une femme moderne, approchant de la cinquantaine : elle jongle entre plusieurs identités et au moins autant de responsabilités. Lorsqu’il s’agit de son fils, toutefois, la série s’attache à la montrer le quotidien (avant de partir travailler, elle a préparé à déjeuner pour lui, mais il a mangé dehors et le plat reste sur la table), les petites choses en apparence sans importance (il joue à un jeu video au lieu de faire ses devoirs), les petites querelles sans gravité (il a du mal à se sortir du lit le matin avant d’aller en cours), les moments doux-amers (comme lorsque, tout fier, Dino veut montrer à son père son clip de rap). Cela rappelle que les préoccupations de cette femme sont ordinaires, mais qu’elles touchent à quelque chose d’intime dans le rapport qu’elle entretient à son fils. Je suis si peu étonnée que la créatrice et showrunner de la série, Jasmila Žbanić, soit une mère aussi… Accessoirement elle a aussi réalisé un épisode de la saison 1 de The Last of Us, ce qui ne peut qu’avoir aidé cette série à voyager.
    D’autant plus que sa famille traverse une période de transition qui peut être sensible : Nevena vient de se séparer de son mari, décidant d’aller emménager avec leur fils dans l’appartement qui appartenait jadis à sa grand’mère. Son mari-bientôt-ex ne semble pas avoir réalisé, ou pas pris au sérieux, son souhait de divorcer, et pense qu’il ne s’agit que d’une passade. Pendant que toute la famille (et par extension le cercle amical) s’acclimate à ce nouvel état des choses, forcément, tout est plus instable qu’à l’ordinaire, il faut créer de nouveaux repères…

    Nevena a donc tout cela à gérer, et… ce n’est pas comme si le cas Emir Halilović était le seul dossier sur son bureau. Ce serait irréaliste qu’une procureure suive une seule enquête, pas vrai ?
    …Nevena Murtezić travaille actuellement sur 276 affaires parallèles, dont certaines portant sur le crime organisé, ce qui a d’immense ramifications en termes de preuves, de témoins, d’auditions. Si le temps de la Justice est long et que la plupart des dossiers mettent des années à être bouclés, ce n’est pas nécessairement parce que ces choses-là prennent du temps : c’est qu’on peut difficilement tout faire en même temps. Znam kako dišeš a la bonne idée de nous faire pénétrer dans les bureaux de la procureure pour plus que suivre Nevena elle-même, nous laissant entrevoir un système exsangue, où les budgets et les sous-effectifs impliquent que la Justice n’a vraiment pas les moyens d’être juste.
    Znam kako dišeš tourne ça comme une critique de la Bosnie-Herzégovine. « Je sais, Nevena », lâchera la procureure en réunion, « mais ça fait 5 ans maintenant que je demande un procureur supplémentaire. Tu sais bien combien de fois j’ai demandé, supplié, pleuré… Pendant 5 ans j’ai essayé, on a besoin de cinquante nouvelles personnes, on me donne une nouvelle recrue ! On sait dans quel pays on vit. C’est comme ça ». Dans le fond, pourtant, difficile de ne pas penser aux mêmes problèmes dans d’autres pays réputés plus riches et plus efficaces… C’est d’ailleurs souvent quelque chose qui me frappe dans mes explorations, notamment dans les Balkans ou dans l’ancien bloc soviétique : les critiques s’adressent à ce qui est perçu comme un héritage du passé (communisme, guerre, etc.) et qui empêche le pays d’avancer. La réalité est, toutefois, un peu plus complexe. Il y a quelque chose de tristement universel dans la façon dont la Justice est sous-financée.

    Bref, il y a beaucoup de choses auxquelles accrocher pendant ce premier épisode de Znam kako dišeš, et beaucoup pour nourrir la réflexion des spectatrices (plus encore si elles ont des enfants). Et encore, je ne vous ai pas parlé de la fin de ce premier épisode !
    Je n’ai pas grand’chose à quoi comparer la série, étant donné le peu d’accès à la fiction bosnienne en général. Il faut cependant noter que Znam kako dišeš est un projet porté de longue date par sa créatrice, et qui a vu le jour grâce au « BH ContentLab », un incubateur de projets audiovisuels soutenu par BH Telecom, dont l’objectif affiché est d’atteindre un peu plus souvent le marché international. La mission semble être remplie ici avec le contrat pour HBO Max, et il faut souhaiter que les autres séries déjà nées depuis 2022 que le BH ContentLab produit de la fiction aient cette même chance dans un avenir pas trop lointain. Les perspectives varient pas mal de l’une à l’autre, admettons-le. La série policière Kotlina par exemple, pourrait facilement trouver acquéreur. En revanche, la comédie familiale Na rubu pameti (déjà dans sa 3e saison en un an et demi d’existence) ; la comédie politique Tender (qui a été lancée en décembre 2022 et dont 4 saisons sont déjà planifiées) ; et la comédie romantique musicale Princ iz Eleja (qui a l’air déjantée et démarre demain), partent d’un mauvais pied vu les difficultés des séries comiques à voyager en règle générale.
    Mais je ne demande qu’à avoir tort ! Vous me connaissez, je ne me satisfais jamais d’une seule série…

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  • A clean conscience

    8 décembre 2023 à 21:45 • Telephage-o-thèque •

    Des road trips féminins, la télévision mondiale nous en offre de plus en plus. N’ai-je pas reviewé cette année la première saison de Sweet Kaaram Coffee ? Sin huellas, proposée par Amazon Prime Video aussi d’ailleurs, est également de celle-là, comme le souligne efficacement son matériel promotionnel.
    La série espagnole suit deux agentes d’entretien qui découvrent, comme c’est le sort de quasiment toutes les personnes exerçant leur profession dans les séries, qu’au lieu de nettoyer une maison elles ont nettoyé une scène de crime. Et comme je n’ai pas trouvé le temps ni de lui donner une review lorsque je l’ai regardée, ni même de l’insérer dans un Take Five, on parle donc de son premier épisode ce soir.

    Parce qu’il n’y a pas que le poster : Sin huellas est en effet efficace en diable ! La série s’intéresse à deux femmes marginalisées, Desiré ou Desi (une Romani) et Catalina ou Cata (une immigrée mexicaine), qui vivent en colocation et font des ménages pour un prestataire… qui ferme ses portes dans ce premier épisode. Se retrouvant sur le carreau avec en plus des impayés de loyer, elles prennent comme un signe du Destin l’appel qui est passé à Cata pour les embaucher le lendemain pour une mission exceptionnelle.
    Et effectivement, elle va être exceptionnelle ! Mais pas juste parce qu’elle se déroule dans une demeure hors de prix : en passant l’aspirateur sous un lit, Desi y découvre… une femme morte. Et la découverte en question a ses cheveux encore pris dans l’aspirateur, en fait ! Les deux amies paniquent, bien-sûr, mais encore plus lorsqu’il s’avère qu’elles ne sont pas les seules personnes en vie dans la maison, comme elles le pensaient. Elles prennent la fuite, ne remarquant pas que le sac qu’elles ont attrapé pour éviter d’abimer leur nouvel aspirateur flambant neuf… est rempli de billets. Non, ça, elles ne le comprendront qu’après une course-poursuite qui laisse leur voiture abimée et criblée de balles !

    Vous aurez compris que le ton de Sin huellas n’est pas exactement des plus sérieux. La situation dans laquelle se retrouvent ses héroïnes est foireuse, et à aucun moment l’épisode introductif ne tente de prétendre le contraire.
    Par contre, des choses légèrement plus dramatiques vont venir se greffer sur cette intrigue pour lui conférer des enjeux complémentaires. Par exemple, Desi est visiblement en conflit avec sa mère, et une scène nous montrera que l’animosité entre les deux femmes est mutuellement blessante (c’est souvent comme ça, me direz-vous), mais que malgré cela, la réconciliation semble impossible. A cause de ces tensions, Desi n’est plus la bienvenue aux événements familiaux, et cela signifie que progressivement elle est en train de se faire mettre au ban de sa propre famille, alors qu’elle s’entend encore plutôt bien avec son frère, et qu’elle a de l’affection pour sa nièce. De son côté, Cata est la seule de sa famille à vivre en Espagne : sa fille est restée vivre avec sa grand’mère, au Mexique, et son mari n’est plus dans le tableau. Enfin, bon, en fait, il s’avère que si : dans ce premier épisode, Ubaldo fait une apparition surprise en Espagne, plus précisément sur le pallier de Catalina, et la supplie de reprendre leur histoire d’amour. En bon mec qui ne doute de rien, il a débarqué sans prévenir avec des fleurs et des musiciens, comme si ça pouvait faire oublier les tromperies et les dettes auxquelles Cata fait brièvement allusion.
    Bref, rien ne va dans la vie de ces deux femmes, et pourtant le sac rempli d’argent, bien qu’étant clairement une complication supplémentaire… eh bien, pourrait résoudre bien des choses. Qui ne pourrait pas faire bon usage de billets d’argent gratuit ?

    A cela encore faut-il ajouter une troisième protagoniste, Irene. Elle n’apparaît que vers la fin de l’épisode, lorsque Desi et Cata tentent de comprendre à qui appartient le sac, vu qu’elles ne savent même pas vraiment qui les a embauchées pour faire un ménage dans la fameuse baraque cossue. En fait, pendant que les deux amies mènent leur investigation comme elles peuvent, Irene mène une véritable enquête, puisqu’elle est inspectrice dans la police. Accessoirement elle est également l’ex de Desi, ce qui ne manquera pas de donner du piment à l’intrigue à venir…

    Avec ce premier épisode rythmé et léger, mais n’oubliant pas d’apporter de la substance à ses héroïnes, Sin huellas réussit son pari. C’est le pari d’une série qui n’est pas trop prise de tête, et qui n’est pas à regarder avec trop de sérieux. Mais c’est une série qui a aussi pris des décisions plutôt malignes, notamment en insistant sur la façon dont Desi et Cata représentent des identités qui n’ont quasiment jamais droit de citer à la télévision espagnole (d’ailleurs on peut rajouter Sin huellas à la liste grandissante des séries prenant en compte les communautés du voyages et leur descendantes), même si c’est pour leur donner une intrigue qui n’est pas follement originale, dans le fond.
    …Vous comprenez sûrement qu’avec ces ingrédients, j’avais envie de parler de Sin huellas, mais que j’ai eu du mal à lui faire de la place, face à d’autres séries plus notables. Bon, bah du coup, voilà. Cette fois c’est fait.

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  • Light comes from the shadow

    7 décembre 2023 à 22:36 • Dorama Chick •

    On va parler loi et petites gens aujourd’hui, alors que dans la dernière ligne droite de l’année je fais mon possible pour aborder les séries qu’il ne faudra surtout pas avoir oubliées en 2024. A mi-chemin entre la dramédie et le legal drama, Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru, lancée cet automne, est le genre de série japonaise qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui mérite résolument d’être vue.

    Trigger warning : idées suicidaires.

    La série porte principalement sur Kurumae, le manager d’une actrice à succès vivant dans son ombre depuis 30 ans, et qui est subitement viré. Il se retrouve embauché, un peu malgré lui, dans un cabinet juridique, pour seconder Amano, une jeune avocate et a priori la pousser à prendre un peu de plomb dans la cervelle. Ce n’est pas gagné d’avance…
    Au-delà de ses gimmicks légèrement prévisibles, et de son appétit pour les dialogues comiques (délivrés avec un côté pince-sans-rire, que personnellement j’aime voir à la télévision japonaise où c’est un bonheur rare), Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru a deux ou trois choses à dire sur la Justice, et plus largement sur notre société.
    C’est le même genre d’humour que l’immense franchise Yuusha Yoshihiko, le côté parodique en moins, et cette comparaison n’est pas un hasard : l’acteur qui joue Kurumae figurait également dans ces séries.

    En fait de manager, pendant trois décennies, Kurumae a plutôt servi d’assistant personnel à l’actrice Rino Kasahara (incarnée par Michiko Kichise qui est comme toujours fabuleuse, mais incarne cette fois une élégante connasse). Il a même entièrement organisé sa vie autour du confort de sa patronne… mais un soir, juste avant de marcher sur le tapis rouge d’un événement, elle lui annonce qu’il est viré. Devant l’émotion de Kurumae, Kasahara lui explique que pour elle, ça n’a aucune incidence ; ce boulot de support qu’il effectuait pour elle, sa capacité à intercéder en sa faveur ou à influencer les relations de travail, les problèmes qu’il résolvait avant même qu’elle ne les remarque, les besoins qu’il anticipait… tout ça, quelqu’un d’autre que lui peut le faire. Il n’est pas irremplaçable.
    Plus que d’avoir été viré, ce sont ces propos qui détruisent Kurumae. Il est à deux pas (littéralement) de se jeter sous un train lorsqu’il aperçoit une jeune femme faire tomber une enveloppe sur le quai, et, fidèle à ses instincts de problem solver, il retrouve ladite jeune femme et lui restitue ses documents le soir-même.

    Cette jeune femme, c’est l’avocate Amano. Une jeune femme de 20 ans seulement, qui est entrée au Barreau avant la fin du lycée. De l’aveu de tout le monde y compris de sa patronne, l’avocate Kasumi, Amano est extrêmement compétente en Droit, et connait les textes mieux que personne. Par contre, elle est désorganisée, immature, et n’a jamais fini le traitement d’un seul de ses dossiers… Alors, forcément, lorsque Kurumae se présente, la question est vite réglée : Kasumi décide de le recruter comme « paralegal« , ce qui est grosso-modo un emploi d’assistant personnel, mais dans le domaine juridique.
    Kurumae va se familiariser avec ses collègues ; de façon intéressante mais peu soulignée par cet épisode introductif, les avocates du cabinet sont presque toutes des femmes, et les assistants uniquement des hommes. Il y a Maruya, qui a des décennies d’expérience (et qui considère que c’est son boulot, entre autres, que de ménager émotionnellement sa patronne), et puis il y a Iwabuchi, qui travaille là à temps partiel pour payer ses études de Droit (…et qui accessoirement est aussi livreur pour un équivalent d’Uber). Et donc, désormais, il y a aussi Kurumae, même s’il n’est pas certain de servir à grand’chose. Cela va changer lorsque Yoshioka, une assistante de production avec laquelle il travaillait lorsqu’il était encore au service de Kasahara le contacte, initialement pour vider son sac : elle veut poursuivre le producteur du legal drama sur lequel elle travail pour harcèlement. Très vite, Amano prend le dossier.
    Il ne faut pas attendre de Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru, qui encore une fois est principalement une dramédie, une intrigue juridique très poussée. D’ailleurs, si l’affaire se retrouve effectivement devant un juge, cette séquence sera très brève dans l’épisode. Car dans Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru, la Justice ne s’obtient pas nécessairement devant les tribunaux… même si ça ne signifie pas nécessairement que le Droit n’a rien à voir là-dedans.

    A travers cette affaire de harcèlement au travail, la série veut parler de toutes sortes de choses sur lesquelles elle ne s’étend pas forcément, mais à propos desquelles elle a, clairement, beaucoup à dire. Vu le côté très meta de cette intrigue (un épisode de série juridique qui a pour cadre une série juridique fictive ?), on dirait presque que c’est personnel ! Pour commencer, Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru s’interroge sur la différence entre une décision de Justice allant dans le sens de la victime, et l’obtention de la Justice par d’autres moyens mais qui offrent réparation ; dans la situation de cet épisode, c’est l’un ou l’autre (il serait intéressant de voir si dans des épisodes ultérieurs, les deux seraient possibles mais la balance pencherait vers la même solution au bout du compte).
    De toute évidence, Amano est passionnée par la Justice, et d’ailleurs son premier conseil juridique sera adressé à Kurumae le soir où il lui ramène son enveloppe : « La relation employeuse-employé n’est pas une relation émotionnelle. C’est une relation contractuelle qui garantit du travail et un salaire. Vous avez le droit de vous protéger aussi. Mais ce droit ne va pas de soi. C’est un droit que nos aînées ont gagné. Alors pourquoi y renoncez-vous ? ». D’ailleurs pour le moment, chaque fois qu’on a entendu une avocate parler de la loi dans ce premier épisode, il était spécifiquement question de Droit du travail, ce que je trouve épatant parce que ça intéresse d’ordinaire très peu de séries.

    Plus exceptionnel encore : Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru est une lettre d’amour aux petites mains. De son introduction à sa scène finale (quand une voix off nous explique que « Cette histoire est une fiction. Cependant, le fait que ce monde soit porté par les personnes qui ne sont pas sous le feu des projecteurs n’est pas de la fiction »), en passant par le point de vue d’un paralegal pour parler des intrigues, tout est fait pour nous rappeler que le monde ne tourne pas sans les personnes agissant dans l’ombre. Kurumae en est l’illustration : son travail est invisible quand il est bien fait, et pendant 30 années il a aidé la carrière de son employeuse à atteindre le firmament. On sent bien que sans son sens aiguisé de la diplomatie, ses talents d’observation et sa capacité à prévoir de quoi ont besoin les gens (et pas juste sa patronne, au passage), Kurumae occupe une place centrale dans le bon déroulement des choses. Plus tard dans l’épisode, c’est assistante de production Yoshioka qui l’illustrera. L’expertise de quelqu’un comme Maruya est également précieuse au sein du cabinet qui l’emploie. Bref, les personnes les plus importantes de ce monde ont besoin des personnes qui, en apparence, le sont beaucoup moins ; c’est un leitmotiv de cet épisode, et, j’ai l’impression, de la série toute entière.
    En tant que personne qui a, par le passé, occupé une profession de ce type, forcément je me sens flattée dans le sens du poil. Toutefois en tant que téléphage, il se passe bien plus que cela à mes yeux.

    La télévision aime les gens aux capacités exceptionnelles. Les séries n’aiment rien tant que des avocates brillantes, des enquêtrices de génie, des chirurgiennes magistrales… Les séries sur les petites mains, si elles existent bel et bien, sont en infime minorité. Dans Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru, cependant, on veut aller plus loin que simplement les représenter. Il s’agit de montrer qu’occuper une fonction support, ça exige d’être extrêmement compétente aussi. Voir Kurumae organiser sa vie pour faciliter celle de sa patronne, en ouverture de cet épisode introductif, devrait vous ôter tout doute à ce sujet si vous en aviez encore : il est extrêmement compétent. Il l’est peut-être trop, au point d’être embarrassant quand il s’inscrit si bien dans la vie, et donc l’intimité, de son employeuse (c’est vraisemblablement la raison de son renvoi, avouée à demi-mots par Kasahara). Tout dans cette introduction de Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru est un hymne à ce don incroyable pour se mettre en retrait au nom du potentiel d’autrui… mais en insistant sur le fait que ça ne devrait absoudre personne qui oublierait leur humanité. C’est de la protection juridique de cette humanité que parle la série. C’est donc encore mieux que se faire un énième revisionnage de Superstore.
    A l’heure actuelle, j’attends que toute la saison soit traduite pour me faire un bingewatch des familles devant Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru. Je ne suis même pas convaincue de vouloir m’interrompre pour manger ou boire pendant ce futur marathon, tant je trouve que ce qui est au cœur de la série est inestimable. Même si l’humour un peu sec mais pourtant absurde de Uchi no Bengoshi wa Te ga Kakaru n’est pas votre fort, je ne saurais que vous conseiller d’y jeter un oeil… que vous ayez des petites mains à votre service, ou que vous soyez les petites mains au service d’autrui.

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