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  • Family drama

    24 novembre 2023 à 23:18 • Review vers le futur •

    Le monde se divise en deux : les séries qu’on aime, et celles qu’on n’aime pas. A la grande rigueur, en trois, si l’on inclut les séries auxquelles on est tellement indifférentes qu’on les oublie avant même l’épisode fini. Mais en tout cas, d’une façon générale, les choses sont simples.
    …Sauf évidemment lorsqu’on se retrouve devant une exception, sinon c’est pas drôle. Dans le cas de Such Brave Girls, je me trouve dans l’étrange et inconfortable situation d’avoir du bien à dire d’un épisode de série que je n’ai pas du tout aimé.

    Trigger warning : mentions de tentative(s) de suicide et d’hospitalisation psychiatrique.

    Avant que vous ne tiriez des conclusions hâtives de ce TW, non, ce n’est même pas ça le problème. Et d’ailleurs ce n’est pas non plus le point fort.

    Josie et Billie vivent avec leur mère Deb dans une petite maison un peu miteuse qui est tout ce qui leur reste. Entre ça et leurs jobs minables, ce n’est pas une vie très reluisante, mais il ne faut pas perdre espoir : Deb a rencontré Dev (…sans commentaire), un homme qui ne l’attire pas beaucoup mais qui a une maison énorme en cours de construction. Ça vaut bien quelques sacrifices. D’ailleurs pour dîner, Deb a invité Dev à venir à la maison rencontrer ses filles, dans l’espoir que la relation se pérennise. Ce qui est bien, c’est que ce n’est pas du tout cynique ni vénal. Mais Deb, la morale, elle s’en fout ; tout ce qu’elle veut c’est s’extirper de sa condition médiocre, quoi qu’il en coûte. Même si ça doit faire du mal à autrui.
    Avec une mère pareille, il n’est pas vraiment étonnant que Josie et Billie ne soit pas les jeunes femmes les plus équilibrées du monde. Josie, l’aînée, souffre de diverses conditions, notamment la dépression, l’anxiété et un intérêt certain pour les médicaments ; elle traine sa misère partout où elle va mais semble toujours en rajouter par plaisir d’être misérable, comme une espèce de Mercredi Addams de supermarché. Sa petite sœur Billie est tout son contraire : elle est vive, entreprenante… ainsi que prompte à la colère. Elle se montre complètement obsédée par son ex Nicky, dont elle n’a pas compris qu’il était son ex et qu’elle harcèle de textos à longueur de journée. De la même façon qu’elle est d’un naturel violent avec autrui, Billie menace aussi une trentaine de fois par jour de mettre fin à ses jours si elle n’obtient pas ce qu’elle veut (elle n’obtient rien de ce qu’elle veut et est toujours en vie).

    Les protagonistes de Such Brave Girls se racontent qu’elles se débattent avec les traumatismes, qu’elles ont des vies odieuses, qu’elles affrontent tout l’univers chaque jour. En réalité, leur vie est terriblement banale. Mais se l’avouer pourrait suggérer qu’elles sont, elles-mêmes, assez banales, et c’est évidemment hors de question. Une partie de l’humour de la série repose donc sur le ridicule dont elles se couvrent, pas tellement vis-à-vis d’autrui mais surtout vis-à-vis de nous, qui sommes dans la confidence, en essayant de donner du sens à des choses qui n’en ont pas vraiment. Mille psychodrames traversent leurs existences, qui sont autant d’excuses de se raconter des histoires sur à quel point elles sont dysfonctionnelles ; si elles n’avaient pas cela, elle n’auraient que l’échec. Qui plus est, ces héroïnes se montrent complètement aveugles à leur propre fumisterie, mais sont conscientes de façon aiguë que les deux autres membres de leur famille ne sont pas à prendre complètement au sérieux (ignorant que nous avons cette opinion des trois membres !). Ces dynamiques jouent un grand rôle dans la façon dont Such Brave Girls évite l’embarras de seconde main tout en permettant de prendre du recul sur les actions des protagonistes.
    C’est déjà une approche appréciable (je suis allergique au second-hand embarrassment encore plus qu’à la codéine), mais là où ce premier épisode de Such Brave Girls est brillant, c’est dans les dialogues. Ils fusent à toute vitesse, souvent débités sur un ton pince-sans-rire, et regorgent de répliques se tenant en équilibre instable entre le subtil et l’absurde. S’il fallait déterminer quel est le love language de Deb, Josie et Billie, ce serait probablement la brutalité. On se dit non seulement toujours ce qu’on pense, sans aucun filtre, mais on parle aussi de choses extrêmement violentes comme s’il n’y avait rien de plus normal.

    Sauf que Such Brave Girls a les défauts de ses qualités. Tout ce qui peut sembler positif dans ce que je viens de dire, est à double tranchant. L’humour noir limite nihiliste, en contradiction avec la vanité extrême des personnages et leur capacité à tout transformer en tragédie extrême, ça peut être aussi marrant que terriblement déprimant, voire repoussant.
    Et sans nul doute, les personnalités de Deb, Josie et Billie sont écrites pour être repoussantes, à dessein. On n’est pas supposée s’identifier à elles (…franchement, inquiétez-vous si c’est le cas). Les héroïnes de Such Brave Girls sont écrites pour qu’on puisse les juger, peut-être même les mépriser. Et très franchement, en l’espace d’un épisode d’une demi-heure, j’avais déjà l’impression de trouver le temps long. Hormis éventuellement le lien entre Josie et Billie, qui, quand elles ne se chamaillent pas, sont plutôt complices (d’ailleurs elles sont jouées par deux actrices qui sont réellement des sœurs !), personne n’a ici de qualité rédemptrice, de bon côté qui permettrait de s’attacher ne serait-ce qu’un peu. Le ridicule consommé de ces personnages nous en empêche, et, bah, je sais pas pour vous, mais moi, regarder une série où tout le monde m’insupporte, je sais pas faire. J’avais beau trouver les mécanismes futés et efficaces, ça ne passait pas. Pour rire, il faut décrisper la mâchoire une fois de temps en temps…
    Sans aller jusqu’à parler de torture (je ne suis pas aussi dramatique que les personnage de Such Brave Girls !), en tout cas venir à bout de ce premier épisode m’a demandé un effort. Je sentais bien que ce n’était pas le genre de série pour moi. Et pourtant, elle est bien, cette série. Bien écrite, bien interprétée, vraiment intelligente. Juste, je peux pas.
    Ya des séries comme ça, qui refusent qu’on les range dans une boîte bien ordonnée.

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  • Fermat or nothing

    21 novembre 2023 à 21:24 • Dorama Chick •

    On aime à penser que la grande cuisine est une affaire de réussite. On ne décroche pas une étoile Michelin sans avoir réussi quelque chose, n’est-ce pas ? Et pourtant, la cuisine est souvent une histoire d’échec. Presque toujours, en fait. Personne ne réussit son tout premier macaron. Ce n’est qu’à force d’échecs que l’on obtient la bonne texture, la bonne cuisson, le bon montage. Cette précision s’obtient à force d’avoir échoué à trouver la meilleure recette possible, après l’avoir affinée au gré des macarons trop mous, trop brunis, trop friables. Comme dans tant d’arts, ce qui émerveille dans la grande cuisine, c’est cette capacité acquise à maîtriser chaque paramètre, avec une finesse et une réactivité qui relèvent de la mémoire musculaire. L’art culinaire est autant un sport qu’une savante équation.

    Rares sont les séries qui aient envie de voir la cuisine sous cet angle, pourtant. C’est le goût qui prime, la créativité, l’improvisation même. Les séries pensent souvent que la cuisine d’un restaurant gastronomique est un lieu d’excellence innée. Pas Fermat no Ryouri. Lancée le mois dernier par la chaîne TBS (mais apparemment les épisodes sont aussi sur Netflix ? que quelqu’un avec un abonnement me le confirme), la série pense que la cuisine est avant tout une affaire de mathématiques. Et une affaire d’échec. Surtout une affaire d’échec.

    Gaku Kitada est un adolescent qui a dédié sa jeune vie aux mathématiques, précisément. Depuis toujours, il a eu le goût des chiffres. Poussé par son père, un humble réparateur de vélos de province qui l’a élevé seul depuis la mort de sa mère, il a poursuivi autant que possible cette voie ; Gaku a remporté des concours, réussit des examens, et finalement été admis sur bourse à la Wels Academy, un lycée prestigieux qui sert de porte d’entrée aux plus grandes universités du pays. Gaku semble bien parti pour être le premier de sa famille à s’asseoir sur les bancs de Toudai.
    Son avenir semble tout tracé… jusqu’à ce qu’à une compétition des Olympiades de mathématiques, Gaku perde totalement ses moyens. Il réalise alors qu’il n’a pas le génie mathématique des élèves contre lesquelles il concourt. Il rend une feuille vierge et tente de retourner à sa vie à la Wels Academy, ébranlé par cette expérience.
    Sauf qu’à la Wels Academy, le directeur ne l’entend pas de cette oreille. La seule raison pour laquelle la scolarité de Gaku a été prise en charge était que l’établissement, fort d’une longue série de victoires à ces Olympiades nationales, au point d’avoir toujours représenté le Japon lors de la finale des Olympiades. Le fait que Gaku refuse désormais de prendre part à toute compétition de maths est absolument un affront. Aussi, le directeur décide d’expulser Gaku séance tenante, avant la fin de l’année. Et qui dit expulsion, dit que le rêve d’aller à Toudai s’effondre.

    En peu de temps, voilà donc Gaku, jeune surdoué des mathématiques, passé de héros à zéro. Sa vie s’écroule, parce qu’il s’était défini par la réussite et que celle-ci est désormais impossible. Il voulait devenir Pierre de Fermat, et il est devenu… rien. Du moins le croit-il.
    Car il fait une erreur assez courante pour son âge : celle de croire qu’il n’existe rien entre le génie et le néant. C’est une leçon que beaucoup d’entre nous apprenons avec les déconvenues et l’expérience, et qui est au cœur du premier épisode de Fermat no Ryouri (« la cuisine de Fermat »). Ce que nous aurions jadis considéré comme un échec, lorsque nous étions jeunes et bêtes, s’avère être au contraire une chance. A ne pas être une savante autodidacte, on se découvre des aptitudes certes imparfaites, qui ne nous apporteront ni gloire ni médaille, mais qui seront cent fois plus satisfaisantes à explorer. C’est dans l’échec que l’on découvre ce que l’on aime et qui l’on est, pas dans la réussite. Alors, non, ce n’est pas Fermat ou rien.

    Entre en scène Kai Asakura, un mystérieux chef qui dirige un restaurant tokyoïte appelé sobrement « K ». Il repère par hasard les talents de Gaku pour les mathématiques appliquées aux arts culinaires, et est immédiatement impressionné. A plus forte raison parce que l’adolescent n’a même pas l’air d’avoir conscience d’employer les mathématiques pour optimiser ses recettes (Gaku n’a pas perçu non plus, et la série le dit un peu plus subtilement, qu’il a aimé la cuisine aussi longtemps qu’il a aimé les nombres). Quand l’ascension de Gaku se casse la gueule, Kai vole à sa rescousse, organise un subterfuge que je vous laisse découvrir afin d’obliger le directeur de la Wels Academy à ne pas expulser Gaku, et le jeune homme finit sa scolarité au lycée comme s’il n’avait jamais eu d’accident de parcours. Il est même accepté à Toudai !
    Mais c’est que, voyez-vous, Kai est comme un Cylon : il a un plan. Et grâce à ses compliments, il a réussi à convaincre Gaku de rejoindre la cuisine du K, où il va apprendre à affiner son talent pour les mathématiques culinaires.

    L’exposition de Fermat no Ryouri ne fait pas grand mystère de ses origines : oui, c’est clairement l’adaptation d’un manga, et ça se sent au ton, à l’interprétation, et même à une partie de la réalisation. Je ne connais pas le manga d’origine mais je suis à peu près certaine qu’il y a eu plusieurs plans qui étaient une adaptation littérale de certaines cases, c’est l’évidence. A force, on les reconnaît, ces séries, parce qu’elles ont toujours l’air too much, quasiment irréelles, même quand comme ici elles sont en train de dire des choses très fines en même temps.
    Le discours et l’intention de ce premier épisode sur l’avenir de Gaku sont, sans aucun doute possible, très raffinées. Elles expriment quelque chose qu’on dit rarement, surtout dans les séries nippones, aux ados : il est bien moins enviable de réussir que d’échouer. C’est dans l’échec que l’on se trouve. Dans la réussite, on trouve autrui. En l’occurrence, Fermat no Ryouri révèle que ce rêve de devenir un grand mathématicien, ça n’a jamais vraiment été celui de Gaku… mais il ne l’aurait pas perçu avant que ce soit trop tard, s’il avait continué sur sa voie.
    C’est un discours fascinant, mais qui implique pour le suivre de se coltiner toutes sortes de gimmicks tirés tout droit de ce qui ne peut être que le manga, des personnages secondaires extrêmement caricaturaux (comme Nene, la maîtresse d’hôtel qui a tout d’un robot), des effets de manche un peu ridicules (révéler le procédé mathématiques par de longues explications une fois que le plat de Gaku a été goûté), et une direction d’actrices aux limites du risible (qui, mais qui a dit à l’acteur qui joue le directeur que ces moues étaient bonnes à mettre en boîte ?). Il faut aller au-delà de ces inconvénients pour assister au discours de la série, je ne vous le cache pas. Mais je crois quand même que ça mérite d’être vu, et potentiellement montré même, malgré tout.

    Cette équation a cependant une inconnue, et non des moindres : à la toute fin de l’épisode (dans une ambiance homoérotique rare à la télévision japonaise, d’ailleurs), Fermat no Ryouri lance une intrigue en fil rouge qui a plus à avoir avec Kai qu’avec Gaku, et c’est difficile de savoir qu’en penser pour le moment. Fermat no Ryouri est clairement décidée à faire ce qu’elle veut sans s’encombrer de ce que son public attend d’une série en son genre. Mais qu’elle réussisse ou qu’elle échoue, ce sera tout autant délicieux, j’en fais le pari.

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  • Every dog has his day

    19 novembre 2023 à 17:16 • Review vers le futur •

    J’aime bien me lancer dans une série en sachant le strict minimum à son sujet. Idéalement, encore moins que ça, même. C’est un exercice hasardeux, maintenant qu’on ne peut plus cracher quelque part sur internet sans que ça tombe sur un résumé : les plateformes vous donnent un résumé avant même que vous n’ayez vu une image de la série, les sites d’information vous donnent un résumé avant même que vous n’ayez vu une image de la série, les réseaux sociaux vous donnent… bon, si ce n’est un résumé en bonne et due forme, au moins une idée de ce dont il s’agit. Regarder un épisode « à l’aveugle », juste pour le plaisir de jouer à la roulette téléphagique, c’est un plaisir de gourmet.
    Une fois de temps en temps, j’aime bien ça, pourtant. La perspective de venir, complètement vierge de tout préjugé ou attente, à une série, fait partie des joies de la découverte pour moi.

    Fort heureusement, en matière de télévision internationale, les occasions se présentent un peu plus souvent que la moyenne. Comme par exemple devant la comédie Temps de chien, qui vient de démarrer chez nos amies canadiennes francophones. En plus, avec une comédie, je ne risque rien, pas vrai ? Il ne peut pas y avoir de mauvaise surprise, n’est-ce pas ? A aucun moment je ne vais regretter de m’être lancée sans préparation préalable, hein ?
    Hein ?

    La toute première scène qui ouvre Temps de chien montre le héros de la série, le vétérinaire Meilleur (c’est son nom, je déconne pas) en train de présenter une émission de télé réalité dans laquelle il organise la cérémonie d’adieu parfaite pour un chien qu’il s’apprête à euthanasier.
    …

    …
    Après avoir pleuré pendant quelques heures, je suis revenue finir l’épisode inaugural de Temps de chien. Ma philosophie téléphagique est la pire ennemie de ma santé mentale, certains jours.

    En réalité, cette émission de télé réalité est un pilote : Antoine Meilleur, l’un des vétérinaires les plus célèbres du pays, a tourné cet épisode qui est en train d’être montré à un panel de test. Les panélistes réagissent comme prévu : le dernier repas du chien, préparé par un grand chef célèbre, est alléchant ; la chanson interprétée par une star est touchante, et le lit sur lequel le chien est piqué est décoré par une entreprise partenaire. Les panélistes sont en larmes, et la productrice d’Antoine se félicite de cette idée d’émission. Le véto, lui, est un peu moins positif. Il y a quelque chose de malaisant dans le concept de l’émission, à propos duquel il a maintenant des doutes. Toutefois, il est un peu tard. A la tête d’un empire commercial initialement érigé autour de sa clinique vétérinaire, et qui inclut maintenant moult produits dérivés, ainsi que prochainement l’ouverture d’un spa pour chiens, Antoine Meilleur a un peu perdu le contrôle depuis un moment, comme le souligne la réunion avec son équipe.
    Et s’il n’y avait que ça. Antoine est aussi un peu surmené, et sa femme lui reproche de ne plus passer de temps en famille. La preuve : il a un passage télé dans la matinée qui vient de lui être imposé alors qu’il devait partir, pour une fois, en weekend de 4 jours. Bref, Temps de chien dresse le portrait d’un homme dont la vie va trop bien.

    Alors il la fait, cette maudite interview télé dans un matinale pour promouvoir l’ouverture prochaine de son spa canin. Et c’est là que tout va mal : la chienne de l’émission, qu’il était supposé masser comme si elle était au spa, se met à le mordre. Dans la panique, et n’arrivant pas à lui faire lâcher son bras, Antoine Meilleur assène des coups de poing à l’animal en direct à la télévision.
    Pas très difficile d’imaginer comment les choses vont à partir de là pour lui. Le premier épisode de Temps de chien, bien-sûr, n’a pas trop le temps (et sûrement pas l’envie) de parler des retombées de cet incident : ce sera l’objet du reste de la série. Cette exposition a pour vocation de montrer ce qu’il a pour mieux le lui faire perdre, et juste ça. Et elle le fait bien.

    Bon, la scène initiale m’avait bien éteint le moral, donc j’étais pas trop d’humeur à rigoler après ça. Mais soyons honnêtes : Temps de chien a un bon rythme, elle prend le temps d’inclure une bonne dose de cynisme malgré un épisode d’exposition par ailleurs chargé, et il y a quelques bonnes scènes (comme quand Antoine Meilleur vide les glandes anales d’un chien sur un parking et que ça lui fait plaisir parce que c’est plus intéressant pour lui que sa vie célébrité). Pour une comédie, c’est pas un mauvais bilan. Il y a, aussi, quelque chose qui se dessine sur le fait que, toute « réussie » qu’elle paraisse être, l’existence de son héros avait de toute façon atteint un point de non-satisfaction qui nécessitait des changements ; je trouve l’idée intéressante car ce qui va se produire ensuite (je ne vous spoile pas) va probablement y gagner en nuances. Et puis, pour finir, il est truculent que le comédien qui joue Antoine Meilleur, l’humoriste François Bellefeuille, était apparemment vétérinaire avant de se tourner vers le show business (on appréciera les parallèles).
    Si pour vous, la scène d’euthanasie (même jouée par l’absurde et n’incluant rien de trop graphique) est quelque chose de regardable, je vous encourage à tenter Temps de chien. En revanche si, comme pour moi, le sujet est trop sensible pour vous, alors que cette review soit l’avertissement dont j’ai manqué. Parfois, ne pas se lancer dans une série à l’aveugle, ça a quand même du bon.

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  • Monstres parfaits

    18 novembre 2023 à 16:22 • Telephage-o-thèque •

    Après Bonn hier, on reste dans la fiction historique d’espionnage aujourd’hui… mais en changeant complètement de continent.
    Mary & Mike (à ne certainement pas confondre avec Mike & Molly !) est une mini-série chilienne diffusée en 2018, qui revient sur les années Pinochet. Mary Callejas et Michael « Mike » Townley, ont une vie de famille en apparence normale, au sein de leur magnifique demeure en marge de Santiago du Chili. Elle passe son temps à organiser des sauteries ou à son club littéraire, et s’imagine autrice de talent. Il est euh probablement dans le commerce, ou quelque chose. Ces identités, toutefois, cachent une réalité moins glamour : le couple travaille pour les Renseignements de la dictature, un service appelé DINA.

    Une part de moi est sincèrement impressionnée par le parti pris de Mary & Mike. La plupart des séries modernes portant sur cette période historique (ou, d’ailleurs, des séries non-chiliennes sur d’autres régimes aussi dévastateurs) préfèreraient adopter le point de vue d’espionnes tentant de démanteler un système injuste, ou à tout le moins, d’essayer de sauver des vies. C’est, par exemple, l’objet de la mini-série finno-chilienne Invisible Heroes (même si cette comparaison est un peu anachronique, puisque cette dernière a été diffusée un an après Mary & Mike).
    Il y a plusieurs raisons à cette position souvent adoptée par défaut, l’une d’entre elles étant que faire une fiction sur des personnes associées à un régime tortionnaire n’est pas exactement le meilleur moyen de faire fonctionner l’affectif des spectatrices… On peut difficilement demander à un public de s’identifier à des gens qui travaillent pour un dictateur, pas vrai ? Mais la plus importante de ces raisons, bien-sûr, c’est qu’il s’agit d’un passé douloureux, et qu’il est difficile de trouver une Chilienne qui n’ait une connexion personnelle avec le sujet. Dés lors, comment aborder la dictature autrement que par la critique ? Le procédé, toutefois, a ses limites ; il a tendance à créer l’idée déformante que l’attitude par défaut pendant cette époque était de réprouver, de s’opposer, de résister… Se forme alors une image du passé qui peut flirter dangereusement avec le révisionnisme.
    Il en faut donc, du courage, pour assumer que les héros de Mary & Mike seront des supporters de l’insupportable. Courage nécessaire, mais courage quand même.

    En fait, elles sont un peu plus que des supporters. Il n’est pas question pour les deux protagonistes centrales de la série de se limiter à transporter des microfilms ou obtenir des photos compromettantes, ou quoi que ce soit du même registre. Mary et Mike luttent très activement contre les opposantes du régime de Pinochet. Activement… et concrètement. Le premier épisode les montre en train de kidnapper un prêtre, de le torturer, de le faire disparaître. Il n’y a aucune ambiguïté : il s’agit de monstres.
    Ce sont d’autant plus des personnages monstrueux qu’elles prennent un plaisir non-dissimulé à jouer de ce pouvoir. Il n’y a aucune forme de remords, même passager, ici. Il n’y a pas d’hésitation. Il n’y a pas de conflit (si ce n’est que Mike est maladivement jaloux). Il n’y a même pas vraiment de risque. C’est que, contrairement à, mettons, The Americans, il n’y a rien à redouter pour Mary et Mike de la part du gouvernement : c’est précisément lui qui leur offre les moyens de mener leurs affaires dégueulasses. Si jamais la police s’interpose, par exemple, il leur suffit de sortir un badge avec le logo DINA, et les questions cessent immédiatement. Le couple ainsi que les deux collègues qui travaillent avec lui sait donc qu’il est intouchable. Pas étonnant qu’il se sente pousser des ailes. Il semble que par moments, Mary & Mike essaie d’insister sur l’ivresse que procure l’impression de ne rien avoir à risquer.

    …Ce n’est pas tout-à-fait vrai, bien-sûr. Le passé de Mary, par exemple, fait parfois lever un sourcil à ses interlocuteurs (elle a passé quelques temps dans un kibboutz… c’est-à-dire une structure associée aux mouvements gauchistes), Mike est quant à lui un « gringo » (et, d’après Wikipedia, un ancien membre de la CIA, même si je ne crois pas que cela ait été dit dans cet épisode introductif). Il ne faudrait pas grand’chose pour que la dictature décide que l’un, l’autre ou les deux relèvent plus de traitres que de parfaites espionnes.
    Mais surtout, ce sur quoi veut insister Mary & Mike, c’est que le couple conduit ses affaires en étroite relation avec sa vie personnelle. Le prêtre enlevé dans ce premier épisode, par exemple, est torturé dans le sous-sol de la magnifique villa du couple, à quelques mètres à peine de leur piscine. Les fêtes organisées par Mary se font dans leur salon. On dépose les enfants à l’école dans la même voiture qu’on utilise pour aller rendre prendre ses ordres auprès d’un général. Dans le fond, une partie de l’assurance, voire l’arrogance du couple, tient au luxe dans lequel il vit avec ses deux enfants ; leur villa est splendide, enviée de quiconque la visite, et inclut quelques domestiques qui, assurément, ajoutent à l’impression de confort de Mary et Mike.
    L’écran érigé entre les activités dégueulasses du couple et leur vie quotidienne est minime, justement à cause du sentiment de sécurité que Mary et Mike ont développé au fil de leurs succès.

    C’est un peu ça, qui intrigue dans ce premier épisode. On cherche désespérément la faille des yeux (peut-être pour éviter de regarder l’écran pendant qu’un prêtre se fait électrocuter les couilles par trois espionnes parfaitement stoïques). On se demande à quel moment il va y avoir un danger, et sous quelle forme il pourrait bien se matérialiser alors que tout semble sourire aux protagonistes de la série. Mary & Mike démarre en 1974 ; le régime de Pinochet vient à peine de commencer, et le couple pourrait bien être à l’abri pour un moment.
    L’espionnage est supposé être un métier dangereux. Pour l’heure, Mary & Mike démontre surtout à quel point ce sont ses deux héroïnes éponymes qui représentent un danger inarrêtable et dévastateur.

    La bonne nouvelle, c’est qu’elles ont fini par s’arrêter quand même : Mariana Callejas et Michael Townley, qui ont véritablement existé, ont connu de nombreux démêlés judiciaires. Alors, si Mary & Mike raconte leurs exactions, c’est plus comme un dossier à charge que comme un couple romanesque à la Bonnie & Clyde.

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  • None so blind as those who will not see

    17 novembre 2023 à 20:42 • Review vers le futur •

    On ne se rend pas toujours compte du temps qu’il faut à certains projets télévisuels pour se matérialiser (en particulier lorsque ces projets ne sont pas étasuniens, pays où les outils et ressources sont plus nombreuses pour se tenir au courant de l’actualité). La série allemande Bonn nous donne un bon exemple de cela : en 2016 déjà, elle était en projet ; son tournage s’est tenu à l’été 2021, elle est entrée en post-production en 2022…
    Là voilà maintenant, après un voyage de 7 années, diffusée par Das Erste. C’est pas dommage.

    La série se déroule pendant l’après-guerre, mais contrairement à une série comme Ku’damm 56, son objet principal n’est pas vraiment la reconstruction. A la place, l’Allemagne nazie est, paradoxalement, au cœur de l’intrigue. Bonn choisit d’interroger les aspects géopolitiques de cette reconstruction pour l’Allemagne de l’Ouest, ses enjeux, son prix, et, surtout, sa continuité.

    La série démarre le soir du réveillon pour le passage à l’année 1954, alors qu’Antonie Schmidt a 20 ans. Elle travaille comme jeune fille au pair à Londres, et son année à l’étranger est sur le point de s’achever ; elle va rentrer chez elle en Allemagne de l’Ouest, retrouver sa famille et sa vie. La parenthèse londonienne ne peut être que cela : une parenthèse. Cela fait un an qu’elle n’a pas vu son père, un industriel, ni sa mère. En outre, son fiancé Hartmut l’attend ; il gère un magasin de téléviseurs, et il est considéré comme acquis qu’elle va y travailler comme vendeuse en attendant que leurs noces soient célébrées pendant l’été. Après tout, sa jeune sœur Ingrid y travaille déjà.
    En RFA, pour l’essentiel, on a mis la Guerre derrière soi. Hors la liste de soldats relâchés par l’URSS dont les noms sont annoncés à la télévision, le pays fait tout pour tourner la page. Dans ce climat où tout le monde ne sembler rien souhaiter tant que faire comme si tout allait bien, à son arrivée de Londres Toni sent que le retour à la normale n’est pas pour elle. Entre ses capacités en anglais et les cours qu’elle a suivis en Angleterre, elle pense d’ailleurs qu’elle peut faire quelque chose d’un peu plus stimulant que travailler avec Hartmut et Ingrid. Après s’être accrochée avec son père à ce sujet (elle n’a jamais demandé l’autorisation de prendre des cours…), finalement celui-ci se résigne, et use de son influence pour la faire entrer comme secrétaire au sein de l’Organisation Gehlen. C’est que, voyez-vous, Papa Schmidt était à l’armée dans la même unité que Reinhard Gehlen.
    Forte de ce piston, Toni se retrouve bientôt à accompagner Gehlen afin de faire de l’interprétation pour lui pendant un procès, découvrant avec stupeur l’ampleur des horreurs dans les camps de concentration nazis. Elle qui pensait savoir ce qui s’était produit pendant la guerre, finalement réalise qu’elle n’en a eu une compréhension que très partielle jusqu’à présent. Et avec le flot de questions dérangeantes qui accompagne cette réalisation, en vient un autre plus embarrassante : qu’a fait son propre père Gerd à cette époque ?

    Or, Bonn n’est pas seulement une série dramatique qui nous offrirait de suivre l’éveil de Toni. C’est une série d’espionnage dans l’après-guerre, grâce à d’autres personnages qui entrent dans la vie de la jeune femme.
    Le premier est Otto John, dont Toni croise le chemin par hasard alors qu’il fête le Nouvel An dans la maison londonienne de la famille qui emploie la jeune femme au pair. Si l’épouse de John est réticente à parler à une Allemande (Lucie John est juive), notre homme, en revanche, est immédiatement impressionné par l’intelligence calme de Toni. Une fois la jeune femme revenue en Allemagne, leurs chemins se croisent à nouveau, cette fois dans le bâtiment administratif où Toni s’apprête à être recrutée par les services de Gehlen. Or, John est convaincu que Gehlen, au lieu de pourchasser les anciens Nazis comme c’est officiellement la doctrine des services d’Intelligence, utilise au contraire son influence pour les aider secrètement à fuir le système judiciaire et plus généralement le pays.
    Otto John décide que Toni pourrait l’aider à accumuler des preuves contre Gehlen, et dépêche l’un des agents de son service, Wolfgang Berns (incarné par Max Riemelt de Sense8, au passage), pour se rapprocher d’elle et lui subtiliser des informations. Sauf qu’il ignore que Toni se pose, elle aussi, de plus en plus de questions.

    « Dix ans n’ont même pas passé que les Nazis ressortent déjà de l’ombre », se lamente l’une des protagonistes de Bonn.
    La série révèle les dessous pas très blancs d’une nation qui espère entrer dans la deuxième moitié du 20e siècle avec les mains propres. On est l’Allemagne de l’Ouest après tout, non ? On est du côté qui a gagné, du côté qui n’a pas sombré dans le communisme, du côté du Bien. Les Ouest-Allemandes se sont convaincues que tout allait bien et qu’il suffisait d’oublier le passé. Le gouvernement joue pleinement cette carte, lui aussi, en semblant assister les procès faits aux anciens Nazis… bien que ceux-ci se retrouvent régulièrement exonérés. Pendant que tout le monde regarde ailleurs, effectivement, les Nazis se portent plutôt bien. Certains ont été condamnés à Nuremberg, certes ; mais beaucoup d’autres s’en sont tirés à bon compte, activant leur réseau pour aller prendre une retraite dorée à l’étranger. Plusieurs sont encore actifs dans le pays, même, et se retrouvent entre initiés en profitant du désir d’ignorance de la population.
    Otto John est le seul qui perçoive le danger. Les services du renseignement qu’il dirige tentent de mettre la main sur d’anciens Nazis, de collecter des preuves qui puissent être soumises devant un juge, et plus largement, il pense faire partie de l’effort de dénazification de l’Allemagne de l’Ouest. Sa hiérarchie raconte une autre histoire : désormais, le gouvernement de la RFA veut plutôt chasser du communiste. C’est la gauche, le danger. L’animosité avec la RDA y est pour quelque chose, mais aussi, voire surtout, les rapprochements avec l’OTAN et notamment les États-Unis, engagés dans la Guerre Froide. John sent bien que le gouvernement lui fait de moins en moins confiance, et que les rumeurs qui le prétendent communiste (certaines propagées par Reinhard Gehlen) trouvent de plus en plus d’écho. Et ça le terrifie.
    Lorsque commence la série, il bosse avec Berns à mettre la main sur Alois Brunner, qui serait sur le point de fuir le territoire ouest-allemand. S’il peut le capturer ET prouver que Gehlen l’a aidé dans sa tentative de fuite, Otto John espère renverser la vapeur.

    La série, à l’image de Toni qui rechigne à retrouver sa normalité, refuse d’enterrer le passé sans ouvrir d’abord le cercueil. Quelle que soit l’histoire que se raconte le pays, Bonn insiste sur les histoires qu’on ne peut faire taire. Les secrets familiaux, les traumatismes obsédants, les mensonges complaisants, tout doit être mis à plat. On ne peut pas aller de l’avant sans avoir une connaissance précise de ce dont on s’éloigne.
    Les mois s’égrènent et plus 1954 progresse, plus les choses deviennent compliquées. Toni apprend des choses de plus en plus complexes sur sa famille. Sur le sort de son frère aîné, d’abord, dont sa famille est sans nouvelle depuis qu’il a été porté disparu alors qu’il avait été envoyé au front pendant la guerre. Sur les convictions de son père, les sentiments de sa mère, dans une certaine mesure de sa sœur… mais bientôt, tout cela n’est plus une quête personnelle pour la jeune femme. Sa curiosité dévorante la pousse à poser toujours plus de questions, et à se retrouver prise, elle aussi, dans les information paradoxales et perturbantes de son époque. Il est d’ailleurs admirable qu’à aucun moment, Bonn ne la pousse à devenir une espionne à proprement parler, se reposant sur la soif de réponses de l’héroïne. Ses interactions avec Otto John, en passant d’accidentelles à intimes puis à essentielles, apparaissent ainsi comme organiques.
    Toni ne cherche pas à jouer à l’espionne. Elle fait simplement partie des rares Allemandes à se poser des questions. Sur ce qui s’est passé, mais aussi, plus important, sur ce qui se passe encore. Tous les Nazis n’ont pas magiquement disparu d’Allemagne de l’Ouest. Ils murmurent juste un peu plus bas qu’avant les mêmes idées, et les mêmes projets. Et, avec eux, ce qui n’ont aucune difficulté à les appuyer pourvu d’en tirer quelque chose. Vous savez ce qu’on dit de ceux qui s’assoient à la table des Nazis…

    Bonn est une série sur l’hypocrisie d’une nation, elle tient compte des nuances mais ne les atténue jamais par des excuses. L’intrigue se finit le 20 juillet 1954 (…si vous avez suivi les liens, vous voyez sûrement de quoi il s’agit), avec un regard sévère sur les événements rapportés. Ce n’est pas une série à regarder pour rigoler, ça, c’est sûr.
    Mais à l’heure actuelle, ce n’est pas parce que c’est perturbant que ça ne mérite pas d’être regardé avec attention. Plutôt le contraire. En fait, il semblerait que Bonn ait exactement le bon timing.

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  • More than meets the eyes

    16 novembre 2023 à 22:44 • Review vers le futur •

    Préparez-vous à avoir quelques frissons : la nouvelle série britannique Culprits est du genre à ne pas vous laisser un instant de répit. Pour être bien certaine d’avoir votre attention, elle déroule deux intrigues différentes, espacées de quelques années à peine, chacune avec ses enjeux. La première, qui se déroule de nos jours, suit un homme du nom de Joe Petrus dans sa vie familiale et, il l’espère alors qu’il espère ouvrir un bistrot, professionnelle. Cette existence banale est précipitée dans le chaos, mais ce n’est pas tout. Car la deuxième intrigue revient quelques années en arrière, quand il s’appelait encore David Marking, et qu’il a pris part à ce qui est probablement le casse du siècle…

    Tissées avec intelligence et sans chercher à brouiller la timeline, ce qui fait du bien à l’heure où tant de séries aiment jouer la carte de la confusion, les deux intrigues dressent progressivement le portrait d’un homme qui n’a jamais la conscience tranquille. Tremper dans des affaires criminelles, bien-sûr, s’accompagne de ce genre d’inconvénients. Mais Culprits a également la bonne idée de montrer combien, parfois, c’est la culpabilité de jadis qui a des répercussions imprévisibles, comme lorsqu’il réalise que des travaux vont mettre à jour la planque où il garde en secret (oui, malgré les années) une grosse partie du pactole d’autrefois. Le lourd sac rempli de billets ainsi sorti de sa cachette s’avère alors être le début d’une série d’événements (en apparence ?) accidentels, mais non moins dangereux. Et puis, même sans ça, David/Joe est un homme qui regarde toujours un peu par-dessus son épaule.
    Malgré l’intensité de ses deux intrigues, qui nous sont progressivement révélées pendant ce premier épisode, Culprits parvient à faire quelque chose que je n’attendais pas d’elle, mais que j’apprécie toujours de la part des séries en son genre : ne pas négliger la trame dramatique. Car une partie de la raison pour laquelle le héros de la série est toujours sur ses gardes tient aussi simplement dans le fait… qu’il est un homme noir habitué à vivre dans un monde blanc. Plusieurs de ses interactions, notamment avec des personnes haut placées ou avec des flics, accentuent à la fois la réaction froide de ses interlocuteurs (masculin volontaire, d’ailleurs) et son impression d’être suspect en permanence… même et surtout quand ça n’a rien à voir avec ce dont il est réellement coupable.

    Établissant avec finesse qui est cet homme, même quand il change d’identité, Culprits semble s’intéresser sincèrement à lui, et pas simplement au thriller qu’elle installe.
    Et pourtant, ce n’est pas inintéressant. Lorsqu’elle suit le présent de son héros aussi bien que lorsqu’elle revient lentement sur le plan pour lequel il est approché, la série met en place un sentiment de danger palpable, sans avoir besoin de trop en faire. Les enjeux sont multiples ; par exemple, ce n’est pas uniquement la cupidité qui a poussé David à prêter l’oreille à la proposition de l’imprévisible Dianne Harewood, bien qu’il soit certain qu’à partir d’un certain montant, on a tendance à arrêter de se poser des questions. Culprits parvient à introduire des nuances vraiment intéressantes dans ce qui est pourtant un épisode d’exposition suffisamment complexe pour s’en passer, et l’effort est appréciable.

    C’est grâce à cette volonté d’entrer dans des détails dramatiques saillants sans gimmick que Culprits se distingue d’autres séries portant sur un heist. Et la performance de Nathan Stewart-Jarrett (qui à jamais restera Curtis de Misfits dans mon cœur, mais qui se débrouille vraiment bien ici avec deux identités) est vraiment solide, transformant ce thriller en une rétrospective de l’existence compliquée d’un homme que le monde semble en permanence sous-estimer.
    J’ai hâte d’avoir le temps pour regarder la suite ; pas de chance, je venais de commencer un autre marathon juste avant de regarder ce premier épisode pour le dîner. C’est fou comme même à l’ère post-Peak TV, il manque encore des heures à nos journées téléphagiques !

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  • Step by step

    15 novembre 2023 à 18:39 • Review vers le futur •

    Depuis toujours, Razan ne fait que ce qui lui plait, et strictement rien d’autre. Quand elle était enfant, ce comportement était encouragé par son père et détesté par sa mère ; maintenant qu’elle est une adulte avec une vie autrement plus compliquée… ce sont ses deux parents qui se sentent débordées.
    La série saoudienne Jaiba Eid (soit Crashing Eid) est une petite dramédie charmante qui démarre pendant le mois du Ramadan. Donc euh, oui, on va pas se mentir, c’était un peu bizarre de la lancer en plein mois d’octobre. Mais je ne m’attends plus à ce que Netflix soit regardante sur ce genre de choses, de nos jours.

    Ce qui a pour le moment épargné les nerfs de toute sa famille, c’est que Razan vit actuellement au Royaume-Uni avec sa fille Lamar (issue d’un premier mariage qui s’est achevé par un divorce peu cordial). C’est donc au Royaume-Uni qu’elle a rencontré son petit-ami, Sameer ; leur couple est solide depuis 2 ans, Lamar adore Sameer, alors un jour, après une sortie au cinéma, Razan décide de proposer à Sameer de l’épouser. Il accepte, et tout est merveilleux.
    …Tout ? Pas exactement. Maintenant, il s’agit d’aller annoncer la nouvelle aux parents de Razan. La jeune femme fait donc le voyage vers l’Arabie saoudite à l’occasion de Ramadan. Le problème, c’est que Razan est très douée pour faire ce qu’il lui plaît, mais beaucoup moins pour communiquer. Malgré les exhortations de sa fille (qui à 15 ans est au moins aussi mature qu’elle ; gros syndrome Rory Gilmore, honnêtement), notre héroïne n’arrive pas à cracher le morceau. En plus, son propre frère, Sofyan, est à son tour en train de traverser un divorce, et il est revenu vivre dans la maison familiale, ce qui ajoute du stress ambiant. Pas de chance, ajoutant involontairement à la confusion, voilà que Sameer prend l’avion pour venir faire une surprise à sa fiancée ! Il débarque chez ses parents en plein Ramadan ; embarrassée, la jeune femme décide de mentir, car contrairement à ce qu’elle a raconté à Sameer, elle n’a pas trouvé le courage de leur annoncer ses fiançailles. La voilà donc à prétendre qu’il est simplement un collègue de boulot. Qu’il est venu pour l’Umrah. Qu’il vient faire de la plongée dans la mer Rouge.
    Les mensonges s’accumulent et la tension monte. Non, vraiment, Razan n’arrive pas à dire qu’elle veut se marier… avec un Britannique d’origine pakistanaise.

    Oui parce que, c’est ça le problème central de Jaiba Eid. En fait. Voyez-vous. Razan ne craint pas la réaction de ses parents à l’idée d’un mariage, mais à l’idée d’un mariage avec un homme d’origine pakistanaise. Derrière l’idée de romcom charmante, la série s’attaque donc à la carotide des préjugés présents dans la société saoudienne.
    C’est pourtant Razan qui a demandé son petit-ami en mariage, mais on dirait qu’elle n’a pas trop réfléchi à la suite logique de cette demande. Elle débarque chez ses parents en n’ayant absolument pas prévu comment leur parler, ou plutôt les amadouer car, si elle est adulte, son mariage ne saurait se faire sans leur bénédiction. Et c’est pas gagné d’avance… mais pas uniquement pour les raisons qu’on croit.
    Enfin, si, oui, il y a une problématique raciste, c’est sûr. Mona, la mère de Razan et grand’mère de Lamar, ne s’en cache pas, et assume. Hassan, son père, est un peu plus partagé. Il se considère plus ouvert d’esprit, même s’il a ses limites, et qu’il aimerait parfois que Razan respecte les usages conservateurs de l’Arabie saoudite une fois de temps en temps… ‘fin, au moins pendant le mois sacré, quoi, c’est quand même pas trop demander. Et surtout, il apparaît dés la fin de ce premier épisode que le pire ennemi de Razan, c’est sa façon de communiquer, qui a tendance à mettre ses parents au pied du mur de la plus déplaisante des façons. Le problème avec les mensonges, c’est qu’ils sont souvent découverts !

    Tout cela se mélange, dans cet épisode inaugural, de façon enlevée et tendre, mais également intelligente. La série n’oublie pas que derrière le classique malentendu « oh bah ça alors, je croyais que vous étiez le livreur », il y a une base raciste, des aprioris peu reluisants, des constructions sociales voire religieuses inexplorées (« c’est pas le même Islam »). Jaiba Eid veut les interroger. C’est donc fait avec pas mal de légèreté, mais les thèmes sont indéniables, et Jaiba Eid ne semble pas vouloir reculer devant la difficulté. Déterminée à jongler entre le ton qu’elle s’est choisi, et son propos, la série ne manque pas au passage d’écorner aussi bien les préjugés des unes et l’immaturité des autres.
    Avant de résoudre ses conflits, de toute évidence, la famille va passer par pas mal d’engueulades, mais il ne s’agit pas de se chamailler dans le vide. Plutôt de promettre qu’on répondra à la question : à quoi peut ressembler notre famille moderne sans la départir de sa culture conservatrice ? Pour ça, tout le monde va devoir faire un effort et se poser les bonnes questions…

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  • Gotta watch ’em all !

    14 novembre 2023 à 20:37 • Dorama Chick •

    La nostalgie est une drogue dure.
    Comme on revoit parfois par hasard une série que l’on a jadis aimée, Madoka retrouve par hasard l’envie de jouer à un jeu video qu’elle n’avait pas touché depuis les années 90. L’occasion pour Pocket ni Bouken wo Tsumekonde d’embarquer les spectatrices dans une petite dramédie pleine de bonne humeur, partagée entre retrouvailles et perspectives d’avenir. La vieille Game Boy de son frère à la main, elle est ainsi prête à affronter tous les défis de sa vie d’adulte… tout en attrapant des Pokémon.

    En réalité, je suis probablement la pire personne possible pour vous parler de Pocket ni Bouken wo Tsumekonde : je n’ai jamais touché à un seul jeu de la franchise Pokémon. Je crois que j’ai regardé mon ex-sœur jouer un peu à l’un des jeux, mais mes souvenirs sont très vagues (et je ne saurais même pas vous dire lequel c’était).
    …Malgré tout, parce que la série connaît bien son affaire, il s’avère que la sauce prend. A ma grande surprise, je me suis sentie un peu émue quand Madoka, découvrant dans un fond de carton la vieille Game Boy jaune, entreprend un jour de l’allumer et entend l’inoubliable son accompagnant le logo de Nintendo. Et par extension, tous les souvenirs de Madoka liés au fait de jouer à Pokémon étaient transposables à mes souvenirs avec d’autres jeux !

    Toutefois, Pocket ni Bouken wo Tsumekonde est très spécifique dans les souvenirs qu’elle ravive, et prend grand soin de se référer autant que possible à l’univers de Pokémon, en brouillant les frontières entre l’univers du jeu et celui de Madoka (et donc le nôtre). Cela se sent par exemple quand Madoka quitte sa maison et que la scène de son départ se fait, en partie, en vue du dessus. Ou bien en présentant les informations distillées par la narration en voix-off dans des encadrés ressemblants ceux du jeu. Ou, lorsqu’un nouveau personnage est introduit dans la série, on a droit à un écran statistique. Ou encore, des passages pendant lesquels Red (le protagoniste du jeu) circule dans divers décors sont intercalés entre des plans de Madoka marchant dans les rues de Tokyo… Vous voyez le genre. La série a le sens du détail, et fourmille de références (je ne pense même pas les avoir toutes perçues), auxquelles évidemment il faut ajouter l’habillage sonore et l’usage de certaines couleurs. C’est très efficace ! Tout cela, avant même que Madoka n’ait recommencé à jouer au jeu de son enfance, car la nostalgie ne lui est pas réservée.
    This Game Boy isn’t a spaceship, it’s a time machine. It takes us to a place where we ache to go again.

    C’est très futé, ce qui se joue dans Pocket ni Bouken wo Tsumekonde avec la franchise. Ici, pas question de miser sur ce que font les séries animées et les jeux, c’est-à-dire créer une excitation nouvelle autour de Pokémon, et tenter de mobiliser de nouvelles joueuses. A la place, Pocket ni Bouken wo Tsumekonde assume parfaitement de s’adresser à un public qui est peut-être passé à autre chose, qui n’a plus d’attrait pour la franchise telle qu’elle est aujourd’hui, n’a qu’une vague idée des Pocket Monsters récents… mais qui, dans son cœur, a peut-être encore une larmouchette à laisser rouler au nom du bon vieux temps, si on l’aide un peu.
    Et c’est, pour l’essentiel, tout ce qu’on en attend dudit public. En fait, le premier épisode s’achève même sur un avertissement : attention, on sait qu’on vous donne envie de rejouer à Pokémon Red, mais on ne le vend plus. On n’est pas là pour vous vendre un produit… juste une franchise.

    « Ce drama est une fiction, et les personnes et les noms d’organisations représentées sont fictives. La vente et le support pour Pocket Monsters Red/Green sont terminées.
    Certaines commandes et écrans de jeu représentées à l’aide de la Game Boy et la Nintendo Switch sont dramatisées. »

    C’est du génie publicitaire parce que, bien-sûr, Nintendo n’est pas là pour faire du bénévolat. Raviver l’amour pour la franchise est un but caché de la série, bien-sûr, mais c’est fait avec tendresse et doigté… Et c’est sûrement un peu de la raison pour laquelle l’intrigue de la série se déroule dans le milieu de la publicité et du marketing !

    Madoka, dont on nous indique que jusque là rien ne l’y destinait, a voulu quitter sa province (…le Kanto !) pour monter à Tokyo, et tenter sa chance dans ce milieu. Elle pensait que ce serait glamour et excitant… et à la place, elle s’est retrouvée à ADventure, une toute petite compagnie de 6 employées qui sont toutes moins fiables les unes que les autres, pour des raisons variées. La déception de Madoka est grande, même si elle essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur (et que par ailleurs, ce ne sont pas des gens méchants). Sauf que ça ne s’arrange pas quand son patron se rappelle à la dernière minute qu’une compétition a été organisée par leur plus gros client, qui, si ADventure devait la perdre, signifierait la fin de leur contrat ; par la force des choses, ça tombe sur Madoka de pitcher une idée de pub au patron de la boîte en question. Pas étonnant qu’elle préfère exhumer une vieille Game Boy que de se prendre la tête sur une compétition qui semble sans avenir…
    Mais justement, l’inspiration lui vient en jouant à Pokémon (ainsi qu’en discutant avec la patronne du petit café où elle passe une soirée). Elle réalise que de la même façon que certains types de Pocket Monsters sont battus par un type de Pocket Monsters spécifique (comme l’eau bat le feu, disons), eh bien, il suffit de comprendre quel type de patron son opposant se trouve être. En se renseignant sur lui, elle a alors une idée à la Don Draper, et boom ! Elle sauve le contrat.

    Je vous accorde que tout cela n’est pas exactement inédit, mais pour une série basée essentiellement sur la nostalgie, on s’en fout un peu. En fait, ce serait même contre-productif d’être originale ! Tout ce qui compte dans Pocket ni Bouken wo Tsumekonde, c’est de vous rappeler tous les bons moments passés jadis, sans jamais oublier que vous êtes désormais adulte. Vous n’avez peut-être jamais vécu la grande aventure dont vous rêviez… mais on a toutes eu droit à une aventure quand on a joué à notre jeu video préféré.
    On a toutes quelque chose en nous de Bourg Palette, en somme.

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  • Six pieds sous terre

    13 novembre 2023 à 18:24 • Telephage-o-thèque •

    La famille Grootboom gère depuis des décennies une entreprise de pompes funèbres… ou plutôt, une partie de la famille. Car voilà 15 ans maintenant que Funeka, l’une des deux sœurs, a mis les voiles sans explication, laissant Vuyo gérer seule les affaires. Et Vuyo ne peut même pas compter sur ses deux fils, Mbulelo (dit « Mbu ») et Zola (ou « Z »), pourtant adultes à présent, vu qu’ils ont des priorités totalement différentes. Or, Vuyo est sérieusement malade, en plus du reste…
    On pourrait dire que Grootboom & Sons est la cousine sud-africaine d’une série comme Six Feet Under. On pourrait le dire, et ça permettrait d’avoir votre attention… mais ce serait erroné, vu le ton de la série.

    Il y a des choses intéressantes dans ce premier épisode, n’en doutez pas ; mais il ne fait aucun doute que la réalisation joue dans une autre catégorie que le scénario. On a l’impression d’assister à un soapie un peu cheap, ce qui, en Afrique du Sud, n’est pas aussi lamentable que dans d’autres pays où la télévision est bien plus désargentée, mais quand même, c’est dommage. La direction d’actrices est un peu simpliste, les scènes manquent d’énergie, et il y a des lenteurs absolument incompréhensibles pour un épisode de moins d’une demi-heure.
    Et pourtant, quand on arrive à passer outre, Grootboom & Sons ne manque pas de bonnes idées. Elle se place immédiatement comme un ensemble drama, même si la perspective de Vuyo en particulier est un peu plus détaillée. L’introduction est écrite avec suffisamment de finesse pour ne pas se reposer sur une exposition dialoguée, ce qui fait du bien. Il y a même un côté à la limite du surnaturel qui m’intrigue (j’y reviens). Mais rien à faire, c’est tourné à la va-vite, et ça ruine un peu tout à mes yeux. Quel est le bienfait d’une approche show, don’t tell quand les personnes chargées de montrer n’ont aucune vision artistique ?

    Prenez la meilleure scène de ce premier épisode, par exemple. Après 15 années d’éloignement (et à un moment qui coïncide avec l’inauguration imminente d’une nouvelle pierre tombale pour leur père), Funeka décide de sortir de son silence, et appelle Vuyo au téléphone en pleine nuit ; celle-ci répond tant bien que mal, interrompue par sa toux, tentant de changer de sujet quand sa sœur lui demande si tout va bien. Marquant une légère pause, Funeka déballe alors, comme sous le coup d’une impulsion, qu’elle souffre de lupus. A la fois touchée, confuse, et agacée au moins autant par la conversation que par les 15 années qui l’ont précédée, Vuyo rétorque qu’elle n’est pas spéciale : elle aussi a un lupus.
    Soudain, malgré la distance, les deux femmes ont quelque chose en commun. Malgré l’hostilité de Vuyo, et le fait que rien des tensions passées n’ait été magiquement résolu, la conversation se débloque un peu. Elles se promettent de mettre les choses à plat prochainement avant de raccrocher…
    La façon dont est écrite cet échange, entre hostilité larvée et soudaine intimité partagée, est intense et merveilleuse. Entre des mains expertes, ç’aurait été un grand moment. C’est dommage que la camera de Grootboom & Sons, assistant presque malgré elle à ce bref appel téléphonique, n’arrive pas à saisir plusieurs des nuances qui se trament ici. La scène capture à peu près les sentiments mêlés de Vuyo (son énervement, son ressentiment, sa fatigue, l’abaissement de ses défenses aussi…), mais pas vraiment ceux de Funeka, filmée assise dans sa voiture, et à une plus grande distance qui plus est. Et je vous épargne la musique de soap opera mou dans le fond.

    Ces sentiments méritent qu’on s’attarde sur eux pourtant, car Funeka est une protagoniste qui s’annonce comme complexe, et capitale pour la suite de l’intrigue. Une dangereuse combinaison.
    Dans ce premier épisode, elle fuit une situation brumeuse, et il ne lui reste que la sus-mentionnée voiture et quelques valises. On ignore pourquoi elle a quitté sa maison de Cape Town, qui est en vente, de la même façon qu’on ignore ce qu’elle a pu laisser d’autre derrière elle. On comprend qu’elle n’a pas sa conscience pour elle, en tout cas. Dette ? Tromperie ? Pire ?! En plus, c’est quasiment tout ce que l’on sait d’elle… Aussi, lorsqu’on la voit au téléphone avec sa sœur, difficile de décider du pied sur lequel danser. Il faudra attendre que cette conversation soit dupliquée le lendemain matin (après que Funeka ait passé la nuit dans sa voiture), cette fois avec le fils aîné de Vuyo, Mbu, pour comprendre qu’elle est en train de manipuler sa famille pour s’insérer dans leurs vies. Et à leurs frais, qui plus est. La conversation avec Mbu est si mal conduite qu’au final, on n’a pas tant l’impression que Grootboom & Sons nous ait dit quelque chose sur la relation entre la tante et le neveu (ce qui était pourtant sûrement le but sur le papier), seulement d’une répétition. Pourquoi ? Parce que plutôt que de nous montrer Funeka comme ambigüe dans la scène téléphonique avec Vuyo, la réalisation de Grootboom & Sons ne l’a pas vraiment montrée.
    Ce genre de malentendu artistique entre le fond et la forme de la série se produit à plusieurs moments de cet épisode inaugural, et c’est honnêtement du gâchis.

    Ce n’est pas faute, pourtant, de poser des bases solides pour Grootboom & Sons. L’entreprise familiale dont la série porte le nom a été fondée par Andile, le père de Vuyo et Funeka ; il est décédé voilà 15 ans, et Vuyo s’est retrouvée seule à devoir gérer à la fois son deuil, les funérailles de son père, et la maison de pompes funèbres. Inutile de dire qu’elle était épuisée il y a 15 ans, et qu’elle est encore plus épuisée aujourd’hui. Elle est aussi, et je ne pense pas que qui que ce soit le sache, en proie à des manifestations étranges : elle dialogue avec son père. Son défunt père. Qui est mort, donc.
    Est-ce l’effet de la fatigue ? Est-ce le reflet de ses croyances ? Peut-être tout ou rien de tout cela. En tout cas cela fait d’Andile Grootboom un personnage posthume de la série. Il apparaît comme un conseiller paternel pour sa fille, même si évidemment cela ne les empêche pas d’être en désaccord. Il semble aussi servir de témoin quant à l’omniprésence de la mort dans l’univers de cette famille… Cela pourrait même être encore plus vrai au cours de la saison à venir, si le cliffhanger de fin d’épisode est une indication de la suite. Enfin, depuis l’au-delà, il agit aussi comme un narrateur très informel ; hors les quelques interactions avec Vuyo, sa voix-off n’est présente qu’une seule fois (pendant le genérique de fin de cet épisode), et j’ai trouvé ça intéressant.
    Encore une fois, et au risque d’enfoncer les cercueils ouverts, ce serait mieux si c’était mieux montré, mais enfin, c’est quand même là. Et c’est d’autant plus important qu’à un moment de ce premier épisode, Vuyo cesse d’entendre son père, et que c’est, forcément, significatif pour elle. Et donc pour nous.

    En somme, Grootboom & Sons a de bons ingrédients, qui augurent de choses prometteuses sur le plan dramatique… C’est juste terriblement dommage qu’elle soit tournée comme au kilomètre. Dans mes voyages téléphagiques, j’ai vu pas mal de séries avec des budgets serrés (bien plus que ceux de Grootboom & Sons, d’ailleurs !), mais ce que je ne pardonne pas, c’est d’en profiter pour faire le strict minimum. Plus encore quand le potentiel est là.

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  • Olé, Olé, Olé

    11 novembre 2023 à 19:33 • Telephage-o-thèque •

    Beaucoup a été dit sur le rôle du football dans les affaires en Amérique du Sud, et vice-versa. Il ne faut pas chercher bien loin des exemples de séries s’attaquant à la corruption dans ce milieu, même si c’est généralement en se plaçant à hauteur des exécutifs des clubs, voire des stars du ballon rond. La série argentine Barrabrava a opté pour un angle plus original…
    …mais, au regard de son premier épisode, son intrigue n’est en réalité pas follement passionnante. En fait, il s’agit moins d’une série sur le foot qu’une série sur un gang. Attendez, je vous explique.

    Alors, je l’admets bien volontiers, je n’étais pas très familière du terme comme du concept de barra brava, un groupe de supporters de type « ultra » qui bien souvent conduit des activités mafieuses autour de l’activité des clubs.
    Fort heureusement, le premier épisode l’explique plutôt bien, en nous présentant El Tío (« l’Oncle »), qui est depuis des années à la tête de la barra brava du Club Atlético Libertad del Puerto (soit « CALP »). En fait d’oncle, El Tío a tout du parrain. Les mécanismes de son pouvoir nous sont rendus évidents par un montage plutôt pédagogique, et une énumération en voix-off de ses occupations : contrôle des espaces entourant le stade de l’équipe, racket (pardon, « protection ») des professionnelles vivant de l’activité du club y compris des joueurs, et même, participation notamment financière aux décisions du club. S’il est acté de longue date qu’El Tío peut faire tout cela, c’est parce qu’il assure une sécurité (relative) autour du club, que ses hommes n’hésitent pas à conduire les expéditions les plus sales pour que personne au club n’ait à se salir les mains, et qu’il a, de l’avis plus ou moins général, gagné cette place dans l’écosystème à force de décisions fines et de réseautage insistant.
    Ce fichu Tío règne sur un petit empire local, tout en redistribuant les richesses ainsi obtenues aux membres de sa barra brava ; pour tout le monde autour de lui, c’est devenu assez normal. Tout le monde, ça inclut ses neveux César et Polaco (qui sont donc réellement de la même famille !), qui vivent un peu dans son ombre et lui servent à l’occasion de bras droits.

    L’intrigue de Barrabrava démarre alors que, toutefois, des changements se préparent. Le patron du CALP envisage le transfert d’un des meilleurs joueurs, sinon le meilleur joueur, de l’équipe ; si l’accord est conclu avec le club français qui souhaite le recruter, cela fera pas mal d’argent, à la fois pour le CALP, mais aussi pour, disons, les personnes intéressées par ce deal. Comme le maire, par exemple (eh oui, c’est aussi ça le football !). Or, pour la première fois, El Tío n’a pas été inclus dans la décision, et donc dans les retombées financières de cette décision. Piqué au vif, le vieux Tío décide donc de peser de tout son poids dans les négociations, en intimidant le patron du club qu’il soutient et en lui rappelant que le pourcentage que touche la barra brava n’est pas discutable. Ce sera 200 000 billets ou rien. Et le petit joue un match décisif qui a lieu dans quelques jours, contrairement aux demandes du club français qui veut que le transfert soit immédiat, ou qu’au moins son petit investissement reste assis sur le banc de touche.
    Sauf que, ayant déjà prévu comment diviser l’argent de ce transfert, le patron du CALP commence à se dire que… ma foi, a-t-on vraiment besoin d’El Tío ? Il est devenu trop puissant. Il faut faire quelque chose. Ce sentiment pourrait même être partagé par certains membres de la barra brava eux-mêmes…

    Dans Barrabrava, le jeune Polaco (dont on suit principalement la perspective) manque de la capacité de son oncle à planifier, mais El Tío n’a, lui non plus, pas vraiment senti le vent tourner. Vu les sommes en jeu (si vous me passez l’expression), pourtant, il n’est pas très surprenant que le CALP essaie de se passer de lui. El Tío tient bon, cependant. Il sait que s’il cède cette fois, son pouvoir va s’effriter. Il démarre donc ce qu’il sait faire de mieux : une opération utilisant sa barra brava pour influencer la décision du club, et accepter le transfert tout en faisant jouer le joueur au sus-mentionné match décisif…
    …pendant lequel le jeune homme est terriblement blessé. Il ne jouera plus jamais. Le transfert est annulé et tout le monde vient de perdre de l’argent, juste parce qu’El Tío voulait prouver que sa volonté primait sur tout le reste. Sans parler du fait que le match a été perdu, et que sa star est détruite. Il n’en fallait pas plus pour que les choses dégénèrent.

    Barrabrava s’enlise dans les tractations, les messes basses, et la violence. A dessein, dans Barrabrava, on ne parle plus vraiment de foot. Mais ce qui se dit est, pour moi qui suis profondément imperméable aux histoires mafieuses, passablement ennuyeux. Si éventuellement le trafic d’influence conduit par El Tío pouvait être intéressant, parce qu’apportant un éclairage sur la vie des petits clubs et leur fonctionnement… en revanche les luttes intestines de la barra brava m’ont rapidement lassée, et c’est ce vers quoi la série s’oriente. Les histoires de gangs qui se tapent dessus, je vais être honnête, je m’en tape assez royalement, et avoir choisi de raconter l’histoire principalement du point de vue de Polaco n’arrange rien parce qu’il a un peu de l’eau entre les oreilles (contrairement à César, par exemple, qui semble plus réfléchi en plus d’avoir quelques années supplémentaires). Même les intrigues intrafamiliales, distillées maladroitement dans cet épisode, n’ont pas beaucoup de valeur pour le moment. C’est assez banal et/ou mal présenté, et on ne nous donne pas vraiment des clés pour s’intéresser au petit frère paraplégique de la famille (qui n’a pas d’intrigue en propre pour le moment) ou à la nièce/cousine/quelque chose Ximena (c’est même pas clair à ce stade quel est son lien familial). Il faut en outre noter que, un peu par nécessité vu le contexte, et un peu par paresse, Barrabrava est une série s’intéressant principalement aux personnages masculins, et que dans cette fête à la saucisse assez peu a été fait pour apporter des points de vue extérieurs sur les activités de la barra brava très virile.

    Bref, c’était vraiment pas une série vouée à me parler (pas étonnant qu’elle rompiche depuis des mois sur un coin de disque dur…), je m’en doutais en y allant, ça s’est confirmé une fois devant. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est mauvaise, et elle a d’ailleurs décroché le titre de la meilleure série dramatique aux Premios Cóndor de Plata cet automne (l’équivalent argentin des Golden Globes, pour simplifier ; où d’ailleurs toutes les séries récompensées cette année étaient des séries de streaming), mais clairement j’étais pas la cible. C’est parfait, je connais ma place ; je laisse ça avec joie aux amatrices du genre ou du sujet.

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