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    4 mars 2022 à 21:20 • Review vers le futur •

    Une fois n’est pas coutume, nous partons pour le Pakistan, dont je reviewe assez peu de séries alors que, bah, ya pas de raison. Pour preuve : la chaîne Youtube de Hum TV a mis en ligne le premier épisode de sa toute dernière série en date, lancée ce mardi, et répondant au nom de Badshah Begum.
    Son sujet est intrigant : il s’agit d’une série se déroulant dans un pays imaginaire, et suivant les luttes de pouvoir de la famille royale. Les sites pakistanais promettaient de l’intrigue de cour et de la politique, et j’étais curieuse de voir à quoi cela pourrait bien ressembler dans une série se déroulant à l’époque contemporaine.

    Du pays fictif de la série, on ne nous fera pas de description détaillée ici ; c’est plutôt par petites touches qu’on nous dresse le décor de Peeraan Pur, un Etat à la tête duquel la famille Pir tient à la fois un rôle régnant et un rôle religieux. Pourtant, le patriarche de cette dynastie royale, Pir Shah Alam, a décidé de s’éloigner de son fief. Il vit désormais, avec ses deux filles Jahan Ara et Roshan Ara, « en ville » (je reviens sur ce terme dans un instant), tandis que ses deux fils Shahzaib et Murad sont restés au palais. Avec Badshah Begum, l’épouse du roi (mais apparemment n’ayant pas le statut de reine), ils gèrent désormais l’essentiel de la vie de leur peuple. Le problème majeur, cependant, est que l’absence de Pir Shah Alam signifie qu’il a plus ou moins abandonné le trône, et qu’il y a donc une place de roi à prendre. Une information qui n’a pas échappé à l’ennemi juré de Shahzaib, un dénommé Kaiser, qui semble penser qu’il a toutes ses chances pour prendre la tête du pays. Je vous le dis tout de suite, je n’ai absolument pas compris pourquoi Kaiser pouvait prétendre au trône, ça m’a complètement échappé si ça a été dit.

    Voilà ce qui se dit dans ce premier épisode, du moins, dans les grandes lignes. Mais entre ces lignes, il se dit aussi bien d’autres choses.
    Le fait que Pir Shah Alam soit parti « à la ville » est ainsi lourd de sens. Il faut ici entendre cette fameuse « ville » comme un monde progressiste, voire occidentalisé (on y parle volontiers avec un mélange d’anglais). Ainsi Jahan Ara et Roshan Ara suivent des cours dans une université mixte, ce qui est proprement inconcevable pour elles à Peeraan Pur. Roshan Ara est une jeune femme très sociable, qui a beaucoup d’amies (et un ami, Bakhtiar, sur lequel elle a des vues), qui fréquente les nightclubs et consomme des, euh… « médicaments », si j’en crois les dialogues. Quant à Jahan Ara, elle est férue de connaissances, compose de la poésie et disserte volontiers de la nature de la liberté humaine. Ces existences plutôt normales sont à mettre en parallèle avec l’une des toutes premières scènes dans la série, dans laquelle Badshah Begum, administrant la prière pour les femmes dans les quartiers qu’elle occupe au palais, fait briser les chevilles d’une femme enceinte venue se présenter à elle, parce qu’elle a potentiellement fait entrer un mâle dans son gynécée sacré (…le bébé dans son ventre).
    C’est vous dire si on est dans deux mondes différents : l’un, moderne et plutôt décontracté ; l’autre, conservateur et violent.

    A Peeraan Pur, le trône est donc vacant. Il ne saurait le rester longtemps, ça va de soi, plusieurs hommes commencent à sérieusement se languir de pouvoir s’asseoir dessus. Pour le moment, ce n’est pas le cas de Murad ; décrit comme un psychopathe plus qu’un calculateur, il a l’air de ne pas s’y intéresser. Il préfère sûrement torturer des animaux à longueur de journée, mais c’est peut-être trompeur ; d’autant qu’un type vicieux et violent comme lui y serait parfaitement à sa place !
    En revanche, Shahzaib a toutes les intentions de prendre la relève de son père au plus vite, ce qui fait de Kaiser, également décidé à monter sur le trône, son ennemi juré. Il semble cependant que (pour des raisons qui, là encore, m’ont échappé) ce ne soit pas aussi simple d’accéder au statut de roi, et Kaiser, dont l’épouse est enceinte, semble avoir une longueur d’avance. Si l’enfant est une fille, le pouvoir lui est acquis ! Shahzaib va donc, dans ce premier épisode, essayer d’organiser aussi vite que possible un mariage avec une jeune femme noble bien sous tous rapports… sauf qu’il a besoin, pour cela, de l’aval de Badshah Begum. Or, celle-ci n’est pas prête à céder le peu de pouvoir qu’elle a dans cette situation ! Est-ce que vous êtes en train de me dire que Peeraan Pur est une monarchie matriarcale ?!
    A ma grande surprise, Badshah Begum n’est pas vraiment l’héroïne de la série qui porte pourtant son titre ; elle est, cependant, le pivot qui peut tout changer dans la vie d’un bon nombre de ses personnages.

    Plan tiré d’un des trailers de la série.

    Vous l’aurez compris, il y a une partie des enjeux qui m’ont échappé ; je blâme, entre autres, ma consommation trop sporadique de séries pakistanaises. Beaucoup de choses dans la série reposent en effet sur le non-dit, et d’après mon expérience avec d’autres culture télévisuelles, il devient plus facile de lire entre les lignes avec la pratique. Dans le cas présent, j’en manque.
    Il me fallait en somme m’adapter deux fois, au lieu d’une seule pour la plupart des séries de la planète. D’abord, m’adapter aux codes de Badshah Begum ; elle emprunte un peu aux intrigues de cour (d’ordinaires plus courantes dans des séries historiques), et un peu au soap, notamment pour les intrigues « en ville » car éloignées du pouvoir. Et puis, m’adapter aux codes de Peeraan Pur, une contrée volontairement décrite comme un endroit autoritaire et où l’intégrisme religieux est la règle ; certaines scènes m’ont parfois aidée à mieux comprendre de quoi on parlait ici (le dialogue entre Badshah Begum et Shahzaib, hélas placé vers la fin de l’épisode, était par exemple éclairant ; il y a aussi une scène dans laquelle plusieurs sujettes du royaume parlent avec crainte des limites imposées à Peeraan Pur, et qui clairement savent que critiquer même à voix basse peut leur coûter cher), mais d’autres, notamment sur les règles de succession, m’ont un peu échappé.
    La série ne fait pas beaucoup de cas de l’exposition de son échiquier, et s’intéresse avant tout à l’exposition de la place de chaque pion pour la partie à venir. Même si ça peut sembler paradoxal !

    Certains de ces défis seraient probablement plus faciles à relever en connaissant mieux la culture et/ou la télévision pakistanaises. A plusieurs reprises je me suis interrogée : que signifie le choix de faire de Badshah Begum une série contemporaine, quand la majorité de ses intrigues pourraient être portées à l’identique par une série historique ? De toute évidence, c’est lié à cette dichotomie entre Peeraan Pur et « la ville », mais encore ?
    C’est le genre d’expérience téléphagique qui rappelle à un peu d’humilité. D’ailleurs en écrivant cette review, j’ai réalisé combien, souvent, je dois donner l’impression (erronée !) d’avoir toutes les réponses quand je parle de séries venues de l’autre bout de la planète. Je fais, certes, pas mal de recherches en amont pour arriver à fournir du contexte (historique, culturel, popculturel, industriel…) à mes reviews et analyses, donc en un sens, encore heureux que j’arrive avec quelques clés !
    …Mais cela veut dire aussi que je ne parle pas assez des moments pendant lesquels le visionnage d’une nouvelle série peut être incertain. Parfois, la découverte n’est pas juste excitante, elle est aussi maladroite et flottante, et il faut le dire aussi. C’est inconfortable de se lancer vers de nouveaux horizons, et quand bien même je trouve cet inconfort grisant (et le vois comme un défi à relever : pour mieux comprendre une série, il faut juste que je persévère dans ma compréhension du monde qui l’entoure !), il faudrait ne pas le gommer.
    Il faudrait ne pas le gommer, parce que ce serait malhonnête de vous exhorter à la curiosité et la découverte sans vous dire que, parfois, ce que vous avez à y gagner signifie aussi perdre ce qui vient avec la familiarité. Ce n’est pas toujours l’évidence-même de se glisser devant la fiction d’un autre pays ; surtout quand rien ou si peu dans notre éducation nous a donné des clés de compréhension. Parce que je crois que cet inconfort (souvent temporaire) en vaut la peine, il me semblait important aujourd’hui de souligner le mien ; pour, peut-être, rendre le vôtre un peu plus léger la prochaine fois qu’il se présentera.


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  • A beautiful moment

    3 mars 2022 à 22:37 • Dorama Chick •

    Au juste, qu’attend-on d’un biopic ? Il y a autant de réponses que de spectatrices pour en regarder. En ce qui me concerne, ça dépend de la personnalité concernée : le domaine dans lequel elle s’est rendue célèbre (politique ou art ?) a de l’importance, par exemple, mais pas seulement. Il est des figures historiques pour lesquelles il est important d’avoir un portrait équilibré, peut-être même expressément conçu comme critique ; pour d’autres, je n’ai aucun problème avec une fiction écrite avec peu de soucis pour « l’objectivité », pleine d’admiration.
    Mui Yim Fong, le biopic sur la star hongkongaise éponyme mais également connue sous son nom anglophone Anita Mui (c’est également sous le titre d’Anita qu’il est sorti à l’international), est un monument érigé à la gloire de la chanteuse. Avec des étoiles dans les yeux, on y découvre ou redécouvre un parcours incroyable… et parfois, je suis d’avis qu’il n’en faut guère plus. Etant bien moins bien versée en Cantopop que dans ses équivalents japonais ou sud-coréen, de toute façon, je n’avais pas vraiment envie d’autre chose.

    Trigger warning : suicide.

    Pour vous situer Anita Mui, la presse anglosaxonne l’avait surnommée « Madonna of the East »… bon, en termes d’image publique, je n’irai pas jusque là, mais en matière d’impact populaire et commercial, ce n’est pas la pire comparaison qui soit.
    Note : j’avais du mal à choisir, alors toutes les illustrations de cette review sont différentes affiches de la série.

    Mui Yim Fong a décidé de démarrer son premier épisode à la fin des années 60, alors que son héroïne n’a que 4 ans. Avec sa grande sœur (« Ann » de son nom anglais), elle se produit dans des cabarets où elle chante des titres populaires, et peine à joindre les deux bouts. On ne va pas trop s’étendre sur le pourquoi de cette situation financière, et dans l’ensemble c’est assez symptomatiques de l’équilibre que tente de trouver la série : on veut y décrire les différentes étapes de la vie de la chanteuse (et actrice, d’ailleurs ; l’intrigue mentionne quelques uns de ses rôles), mais ne pas entrer dans les détails. En un sens, tant mieux : on ne nous sort pas les violons pendant une heure sur une petite fille qui pleure parce que son père est mort ou qu’elle doit travailler pour aider à faire vivre sa famille. On nous présente, juste, objectivement, que la chanson a toujours fait partie de sa vie et qu’elle a grandi en coulisses. Toujours est-il que ce démarrage pose bien les bases de ce que veut faire le biopic.

    …Ce n’est pas que la biographie soit superficielle, pas exactement. Il y a une telle impression d’adoration et de révérence qui en ressort, qu’à plusieurs moments, je me suis fait la réflexion que Mui Yim Fong respectait trop son sujet pour lui inventer des émotions et des tourments intimes.
    Ainsi, lorsqu’à l’adolescence elle apprend qu’elle a des nodules dans la gorge, on ne s’apesantira pas sur l’opération, ni même le fait qu’elle a cessé de chanter pendant un an. Quel peut avoir été l’impact de pareille étape dans la vie de quelqu’un qui chante depuis toujours ? On ne le saura pas. C’est limite pas nos oignons. Non, ce qui compte, c’est qu’ensuite, la jeune fille prenne l’initiative d’elle-même d’apprendre à chanter une octave plus grave, ce qui deviendra ensuite sa marque de fabrique. Ou bien, lorsqu’on lui demandera à quel âge elle a connu son premier amour, Anita répondra… alors qu’on ne nous proposera jamais de voir à quoi ces émotions ont pu ressembler.
    Il y a une forme de pudeur dans la façon dont nous est présentée cette vie (ou en tout cas la majeure partie). Une pudeur que l’on garde pour quelqu’un qu’on respecte trop pour prendre le risque de parler en son nom ; la vocation de Mui Yim Fong est de partager avec les spectatrices cette adoration polie. Si cela vous gêne, je le conçois ; mais j’y vois aussi une garantie de ne pas se vautrer dans le sensationnalisme. Mui Yim Fong s’envisage comme une communion autour d’un amour partagé, pas la version filmée d’un tell-all racoleur ; une intention affirmée dés sa première scène, un montage du concert final de la chanteuse avec, en voix-off, ses mots à son public : « Je vous aime aussi. Le temps est sans pitié. Il passe à côté de nous minute après minute. Ma vie sur scène s’achève. Ce qui reste est un souvenir, mais avoir la possibilité de passer ce moment magnifique avec vous ce soir est ce qui m’a réellement comblée ».
    Combinée à l’extrême beauté de la série, cette délicatesse est plus touchante que tous les mélodrames du monde.

    Ce n’est pas la première fois que la chanteuse fait l’objet d’une série ou d’un film.
    Dés 1998, Kuk Jung Ching Mei Liu s’y essaie… indirectement : pour ne pas trop se mouiller, la série change le nom de son personnage principal en « Monica Mui ». Ce qui évidemment rend les emprunts à la biographie d’Anita Mui totalement invisibles, c’est comme ça que ça marche. Les 30 épisodes de la série sont en outre moins intéressés par le parcours de la chanteuse, que par ses amours plus ou moins avérées. Nouvelle tentative en 2007, cette fois du côté du mainland chinois, avec Mei Yan Fang Fei. La série revient, cette fois en 38 épisodes, sur la fin de la vie de la star : sa participation active dans le financement de la lutte contre le SRAS, ses derniers concerts, la découverte du cancer du col de l’utérus… Les noms ont été changés ici aussi, mais le nombre de références ostensibles à d’autres célébrités (dont Leslie Cheung, l’ami de toujours) et la spécificité des évènements, font qu’on est plus dans une biographie que dans une oeuvre de fiction « inspirée de ». Enfin, en 2019, le film Shi Fang s’est attelé à la tâche de mélanger en moins d’1h30 reconstitution dramatique, images d’archives, et documentaire suivant plusieurs fans de la chanteuse alors qu’elles essaient de sauver de la destruction des objets qui lui avaient été offerts par son public. A noter que je n’ai pu voir aucune de ces versions, mais je devrais pouvoir jeter un oeil à Shi Fang prochainement…
    De toutes ces tentatives, aucune n’a jusque là retracé la totalité de la vie d’Anita Mui : Kuk Jung Ching Mei Liu parce qu’elle se focalisait sur la romance (et parce qu’elle a été produite alors que la chanteuse était encore en vie), Mei Yan Fang Fei parce qu’elle s’intéresse presqu’exclusivement à la fin de sa vie (et qu’elle écarte soigneusement tout l’activisme politique de Mui, notamment son soutien pour les manifestations de Tienanmen), et Shi Fang parce que le film est plus conçu comme un hommage à l’héritage symbolique de la chanteuse, qu’à sa vie elle-même (en outre son format de docudrama n’en fait pas vraiment un biopic).
    Mui Yim Fong est donc dans une position unique. D’autant plus unique qu’à l’origine, ce projet est un film qui, après les inévitables aléas causés par la pandémie, est sorti à Hong Kong en novembre dernier. Toutefois, la version dont je parle dans cette review est celle proposée dans plusieurs pays par Disney+, qui a mis en ligne à partir du mois de février dernier une version remontée de 5 épisodes, avec plus d’une heure de scènes inédites par rapport au film ; le dernier épisode a ainsi été mis en ligne hier. Disney+ est, accessoirement, l’une des plateformes proposant Shi Fang dans certaines régions.

    Ce qui ne veut pas dire que Mui Yim Fong compense tous les points aveugles des autres séries ou films qui la précèdent, mais elle a au moins quelques avantages : celui du recul, celui de l’angle, et celui de la durée.
    Je ne sais pas à quoi ressemble la structure du film, mais la série est très joliment découpée en 5 épisodes, chacun sur un thème autant qu’une phase de la vie de la chanteuse : l’ascension, le sacrifice, le doute, le deuil, l’adieu. Cela fonctionne même étonnamment bien pour une fiction initialement conçue comme un long métrage ! Une raison de plus de ne plus jamais entendre parler de « film de 10 heures » pour des séries… Interrogeant des aspects très spécifiques de la vie privée comme publique de Mui, l’intrigue passe pudiquement sur certaines choses, mais s’arrête longuement sur d’autres.
    Y a-t-il des… « omissions » ? Sans aucun doute. Ne serait-ce qu’à cause du ton que la série s’est choisi, mais aussi parce que d’autres thèmes, même en passant, lui semblaient trop polémiques.
    Ainsi Mui Yim Fong, pas plus que ses aînées, ne va parler du soutien de son héroïne aux manifestations de Tiananmen (cela donne l’impression que son engagement ne lui est apparu que sur la fin de sa vie, d’ailleurs). Ou va, l’air de rien, complètement omettre l’enfance tumultueuse de son héroïne (seule sa soeur va apparaître dans l’intrigue). Ou bien, on va gommer la bisexualité de son ami Leslie Cheung, même pas sur la fin de sa vie (alors qu’il était out et qu’il avait un compagnon au moment de sa mort), ce qui serait un peu plus excusable si son décès n’occupait pas les trois quarts d’un des épisodes… Ou alors, on va généreusement faire passer « Yuuki Gotou », le premier amour d’Anita Mui, pour un homme victime de sa hiérarchie, alors qu’il est de notoriété publique que le réel amant de la chanteuse, le Japonais Masahiko Kondou, était un coureur de jupons (il est d’ailleurs la seule célébrité dont le véritable nom n’est pas utilisé). Ou carrément, on va gommer les liens entre l’industrie du divertissement et celle du crime organisé en blanchissant totalement les faits les plus sordides de l’affaire de la « gifle », dans laquelle deux personnes ont trouvé la mort, mais vous ne le tenez certainement pas de la série.
    On ne vient clairement pas à Mui Yim Fong pour l’exactitude historique. Et donc ?

    Est-ce que ça fait de Mui Yim Fong un exercice futile ? Etrangement pas, à condition de bien comprendre ce qu’il faut venir y trouver : une communion entre gens qui aiment toujours Anita Mui avec sincérité, près de deux décennies après sa mort. La vie de Mui Yim Fong n’était pas un vaste scandale qu’on nous cacherait dans ce biopic, de toute façon. La chanteuse n’avait, pour autant que je puisse en juger, pas vraiment de vice particulier ou de méfait atroce à se reprocher. L’embellissement de la série, en grande partie (bon à part ce qui concerne Leslie Cheung, et qui me chagrine), tient en fait à ne pas déshonorer les personnes qui lui ont survécu ; et très franchement, dans une oeuvre à la gloire d’Anita Mui, ce n’est pas le pire compromis qui soit. Mui Yim Fong est là pour s’entendre sur l’essentiel.
    Alors bien-sûr, vous allez me dire : « lady, euh, pardon hein, mais si tu n’avais pas mis ce lien vers Wikipedia comme tu sais si bien le faire, moi je n’aurais eu aucune idée de qui était Anita Mui… alors, la communion, bon… », ce qui s’entend. Mais je vous assure qu’il est impossible de ne pas partager cet amour en regardant la mini-série, même en tant que néophyte. J’ai fini chaque épisode le cœur battant, et le dernier, en larmes, même ; et j’en savais à peine plus que vous sur Anita avant de commencer.

    Peut-être que c’est parce que la mini-série est réussie ; elle l’est, l’explication est donc plus que probable. Mais peut-être que c’est parce que nous avons tous des célébrités chères à notre cœur, que nous voulons aimer de toute notre âme et dont, si par malheur elles venaient à nous quitter, nous voudrions garder ce genre de souvenir. Celui d’un amour réciproque et intemporel, d’années voire de décennies passées à les voir, sous les feux des projecteurs, accompagner indirectement nos hauts et nos bas. Ce que nous voulons emporter avec nous de leur passage dans nos vies, c’est la certitude d’avoir connu, même si bien entendu c’était de loin, quelqu’un de grand.
    A ce compte-là, comment refuser de faire de la place dans nos cœurs pour une autre grande dame ?


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  • Valeur ajoutée

    27 février 2022 à 21:21 • Dorama Chick •

    Aujourd’hui, je vais vous parler de rien.
    Des esprits médisants pourraient avancer que je ne parle pas de grand’chose le reste du temps non plus…
    Parce que rien, c’est en fait beaucoup ; ce que je m’apprête à vous démontrer. C’est en effet toute la thèse de Rental Nanmo Shinai Hito, un dorama qui faisait partie de mon « rainy day folder« , c’est-à-dire les séries que je me garde de côté pour les jours trop difficiles pour être curieuse par moi-même. Et en ce moment… bon, j’y reviens pas, on en a déjà parlé.
    Or donc, voici une longue review sur rien.

    La série m’attend sagement depuis la saison du printemps 2020 ; elle fait partie des productions affectées par COVID : le tournage a été interrompu, du coup la diffusion aussi, si bien que seuls 8 de ses 12 épisodes ont été proposés par TV Tokyo avant d’entrer en hiatus. Les 4 épisodes restants ont ensuite été proposés pendant la saison de l’automne suivant, ce qui ne serait jamais arrivé hors ces circonstances exceptionnelles : le hiatus n’intervient au Japon que lorsqu’il n’y a vraiment pas d’autre choix.
    Et ce n’est que le début de tout ce qu’il y a à dire sur rien !

    Le concept de Rental Nanmo Shinai Hito peut sembler étrange, et en un sens je suppose qu’il l’est. La série raconte comment un jeune homme loue ses services à de parfaites inconnues. Que propose-t-il de faire ? Rien. Le générique explique l’annonce qu’il a passée sur Twitter comme suit :

    Je lance un service de location de personne qui ne fait rien. Quand vous hésitez à entrer dans un commerce seule, quand il vous manque quelqu’un pour un jeu, quand vous avez besoin de réserver un emplacement pour regarder les cerisiers en fleur, etc. N’hésitez pas à recourir à ce service quand vous avez besoin de quelqu’un pour ces situations.
    [traduction de la voix-off]

    Tout ce qu’il demande en échange, c’est qu’on lui paie le transport entre chez lui et le lieu du rendez-vous, et qu’on lui paie les consommations sur place s’il y a lieu. En somme, le service est gratuit, ses « clientes » paient littéralement pour sa présence, ni plus, ni moins. Dans les grandes lignes, c’est à peu près tout. Le début du premier épisode nous apprend qu’il y vaguement quelques « règles » supplémentaires à ce système (il ne répond qu’aux questions les plus simples, par exemple), ou que la plupart des gens l’appellent « Rental » plutôt que par son nom, mais pour l’essentiel, il n’y a rien d’autre à savoir. C’est un travail plutôt simple, et qu’il n’a commencé à offrir que 2 mois avant que ne débute la série, avec une clientèle assez aléatoire. Il tweete fréquemment sur les missions pour lesquelles il est embauché (cela fait implicitement parti du deal), et ses followers peuvent ainsi apprendre qu’un homme a loué ses services parce qu’il n’osait pas aller consommer un cream soda tout seul, et que pendant qu’ils en consommaient ensemble, ils ont parlé de l’importance des glaçons dans cette boisson.
    La série, assez proche de l’anthologie, tourne autour des différentes missions pour lesquelles ses services sont donc loués, en s’attardant un tout petit peu sur les raisons qui l’ont poussé à lancer ce service, un peu sur la façon dont ce service est perçu, mais surtout en expliquant les effets que son travail produit dans la vie de ses clientes.

    L’intrigue principale du premier épisode tourne autour d’une jeune femme, Aki Oomiya. Elle a demande à Rental de l’accompagner pour sa dernière journée à Tokyo : elle a rendu les clés de son appartement, et veut se rendre une dernière fois à la tour de Tokyo avant de prendre le train qui la ramènera chez ses parents. Aki est plus que maussade ce jour-là : ces adieux se font à contrecœur ; son CDD dans une entreprise où elle a travaillé pendant quatre ans s’est achevé, et malgré ses efforts, elle n’a pas eu d’offre de prolongation ou d’embauche. Elle a le sentiment que la vie qu’elle voulait se tailler dans la capitale a été un échec, que tout son travail et sa motivation n’auront eu aucune forme d’impact.
    Elle ne veut pas se rendre seule à la tour de Tokyo, parce que ce serait trop déprimant ; mais elle ne veut pas non plus y aller avec des amies, parce que cela rendrait les adieux trop tristes, alors la solution d’embaucher Rental lui est apparue comme idéale (cela semble être un raisonnement récurrent pour l’embaucher). Rental va juste venir, être là, et puis c’est tout. C’est son job, même si ça a l’air de rien.

    La journée se passe et de toute évidence, Aki est tout de même très triste. Elle ne peut s’empêcher de ressasser les événements des quatre dernières années, qui ne l’ont conduite nulle part sinon à rentrer, piteuse, chez ses parents. Elle ne digère pas cet échec, et on la comprend, c’est forcément dur à avaler. A ses côtés, Rental acquiesce ou garde le silence ; même quand elle essaie de prendre des photos depuis le sommet de la tour, il se tient juste là, les bras ballants (poser pour des photos, ce n’est pas ne rien faire, après tout). Il y a même un moment, alors qu’Aki et lui sont allés s’asseoir en bordure de rivière un peu plus loin, pendant lequel Rental s’endort sur les quais. Mais il est là.
    Clairement, c’est ce à quoi Rental Nanmo Shinai Hito essaie de venir quand elle postule que la présence de Rental est un service qui a de la valeur. Cette présence tranquille, ce n’est pas rien. C’est même énorme.

    Plus encore, il y a quelque chose de doucement révolutionnaire dans l’attitude de Rental.
    Shouta Moriyama, de son vrai nom, est un jeune homme qui ne fait rien. Il n’a pas de hobby, pas de motivation, pas d’ambition. Cela ne semble pas poser de problèmes pratiques (il n’a pas l’air d’avoir de factures à payer par exemple, puisqu’il ne vit pas seul), mais il s’est dit qu’il pourrait ne rien faire pour d’autres gens, d’où le lancement de ce service. Son absence de volonté de faire quelque chose est même présentée comme un trait fondateur de sa personnalité. Lorsque ses clientes lui posent la question, il répond sans problème qu’il ne fait rien, qu’il ne veut rien, qu’il n’a envie de rien… cette réponse surprend beaucoup. Cela semble incongru de ne rien vouloir faire de sa vie, et plus incroyable encore de le dire à voix haute. Mais Shouta n’a pas honte ou envie de faire semblant (ce serait faire quelque chose !). Il le dit, avec le plus grand naturel, et personne ne semble vraiment préparée à l’entendre.
    Vous comprenez bien que, lorsqu’Aki parle de tous les efforts qu’elle a produits pendant des années sur son lieu de travail, et qu’elle exprime la déception qu’ils n’aient porté aucun fruit, son problème est précisément l’opposé de rien. Au cours de l’épisode, elle demande à Rental s’il ne voudrait pas faire quelque chose de sa vie, ce à quoi il répond avec un air détaché : « Je ne fais rien, mais la vie n’est pas si mal », et c’est quasiment un électrochoc pour elle. L’idée de ne rien vouloir ne l’a même jamais traversée. Or, l’impression de perte de sens qu’elle ressent ne se serait pas produite si elle n’avait pas cherché si ardemment à mettre du sens dans son travail… Mais soudain, à entendre Rental, elle repense aux quatre années écoulées non plus comme un ratage, mais comme, simplement, quatre années remplies, pendant lesquelles elle a fait plein de choses, et ça n’a rien donné, mais ce n’était pas si mal.
    Ce n’est pas vraiment que Rental Nanmo Shinai Hito prône de ne rien faire du tout, de passer nos vies sans but, ou de mettre la société à l’arrêt. C’est plutôt que l’existence de Shouta/Rental souligne l’absurdité d’une certaine culture de la productivité et du succès, qui en fin de compte, laisse pas mal de personnes sur le bord de la route. Et seules, terriblement seules avec leur sentiment d’échec.

    Bien-sûr, l’intrigue ne disserte pas ouvertement ni en détails sur le sujet (les séries japonaises ne se lancent que très rarement dans ce genre de démonstrations théoriques, après tout), mais cet angle est renforcé par deux petites scènes, placées vers la fin de l’épisode.
    La première nous introduit à un personnage inconnu, un certain Kanbayashi. C’est un commercial qui vient de décrocher un gros contrat publicitaire, et que tout son département applaudit ; son patron lui demande de dire quelques mots, et à grand renfort de citations grandiloquentes, Kanbayashi réaffirme son ambition d’être le meilleur vendeur possible et de battre tous les records. Mais, après avoir assisté à l’attitude de Rental, cette scène sonne presque faux ; implicitement, Rental Nanmo Shinai Hito nous incite à considérer ce genre d’attitude avec autre chose que de l’admiration. Kanbayashi est un peu creux, et son obsession pour la réussite l’a même empêché de voir… que dans le département d’à côté, le bureau vide était jadis occupé par Aki Oomiya, dont en quatre ans il n’a même jamais remarqué l’existence. Cela nous apparaît comme triste, voire sordide. Toute cette ambition le fait passer à côté de quelque chose d’humain.
    La seconde scène est plus brève encore. En rentrant de sa journée avec Aki, Shouta est interpelé en chemin par un homme qui lui annonce fièrement qu’il est le millionième passant, et lui tend un magazine… avant d’exiger 350 yen. Ce n’est pas tant la somme le problème, que le fait que l’inconnu lui indique que le magazine ne peut être ni repris ni échangé ! Forcé d’acheter le magazine, Shouta proteste un peu, mais l’homme lui fait remarquer que « Rien n’est gratuit. On vit dans une telle société capitaliste »… Vous savez ce qui est gratuit ? Le service de Rental.

    Il y a donc quelque chose de fondamentalement bouleversant dans la démarche de Rental Nanmo Shinai Hito, mais la série n’a rien inventé.
    Elle est basée sur l’histoire vraie de Shouji Morimoto, qui a lancé en 2018 exactement ce service : offrir de ne rien faire, mais pour autrui. L’idée lui serait apparemment venue de ses propres emplois successifs, qui lui ont laissé l’impression qu’il ne trouvait sa place nulle part ; « J’avais l’impression que je n’étais bon à rien, mais peut-être que je suis bon à ne rien faire ». L’inspiration lui est également venue du compte de Taichi Nakajima, un homme qui loue ses services via Twitter pour aller manger avec des inconnues (celui-ci a un parcours plus chaotique que Morimoto, et il a des critères beaucoup plus restrictifs pour sa clientèle, mais n’ayant pas eu sa propre série je passe sur les détails).
    A ce jour il a rempli plusieurs milliers de missions, accompagnant des gens pour des choses très différentes au fil des années. Si ses conditions ont un peu évolué (à un moment, en plus des frais de transport, il faisait aussi payer un tarif fixe, puis il a arrêté, puis repris ; pendant le confinement il n’a accepté que des tâches à distance, etc.), pour l’essentiel sa vocation est restée inchangée au fil des années. Et, oui, il continue de louer ses services, et continue d’en faire la chronique sur son compte Twitter (je vous laisse admirer son avatar). Vous pouvez également trouver, très facilement, des articles à son sujet : son service fascine jusqu’en Occident. Même si les articles anglophones soulignent souvent combien son entêtement à ne rien faire (il a déjà refusé des missions simples comme faire la lessive ou faire la conversation pour cette raison) entre en contradiction directe avec la culture japonaise, je ne pense pas que la fascination des médias étrangers prouve autre chose que l’universalité de notre réaction face à rien.

    Ce sur quoi ce premier épisode de Rental Nanmo Shinai Hito n’insiste pas encore, mais que le véritable Rental n’hésite pas à évoquer dans chaque interview, c’est sûrement que son activité souligne aussi combien les gens sont seuls. Pourtant, vu l’émotion qui sous-tend une grande partie de l’intrigue, je ne doute pas vraiment que les épisodes suivant sauront, au moins en pointillés, aborder ce douloureux aspect. Car même si parfois, choisir d’embaucher un inconnu est effectivement moins compliqué qu’interragir avec des proches (et je crois qu’à un certain niveau, quiconque a passé un bon moment à parler avec des inconnues sur internet peut l’imaginer), parfois, louer la présence de quelqu’un, c’est vraiment ça : louer la présence de quelqu’un. Parce qu’on en a désespérément besoin.
    Et ça, ce n’est vraiment pas rien.


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  • Just a kid

    26 février 2022 à 19:28 • Review vers le futur •

    Lancée cette semaine par la chaîne néo-zélandaise Prime (rien à voir avec le service Amazon du même nom), la comédie Raised by Refugees combine des ingrédients plutôt classiques avec d’autres encore très rares à la télévision, en revenant sur l’histoire personnelle de Pax Assadi, le créateur de la série.
    Tout commence comme le pire cauchemar d’un ado : déménager et devoir s’adapter à un monde nouveau, qui semble de prime abord hostile. La rentrée scolaire est difficile, entre autres parce que Pax ne connaît personne, mais aussi parce que, étant le fils aîné d’une famille immigrée multi-culturelle (son père est d’origine iranienne et sa mère pakistanaise, mais lui et son jeune frère sont nés et ont grandi en Nouvelle-Zélande), il se sent différent.

    Raised by Refugees démarre un beau matin de septembre, alors que Safia, la mère, essaie de motiver ses troupes à l’idée de commencer une nouvelle vie dans leur nouvelle ville. Afnan, le père, s’apprête à commencer un nouveau travail en tant que commercial dans un petit magasin d’électro-ménager ; Pax fait son entrée dans un collège où il ne connaît personne ; et Mahan a déjà pensé à une combine pour se distinguer à un concours oratoire (…en apprenant par cœur un discours de Martin Luther King, parce que, je cite « un enfant de 8 ans ne sait pas ce qu’est le plagiat »). Quant au grand-père, qui vit avec eux, son but dans la vie est de ne surtout pas se la compliquer, ce jour-là pas plus qu’un autre !
    Pour Pax, tout semble compliqué. Entre les changements de son corps (dont, hélas, sa voix qui mue), l’arrivée dans une nouvelle école, et le fait qu’il n’a pas d’amies, c’est déjà pas facile d’avoir de l’assurance. Mais il se sent aussi en porte-à-faux dans la culture de ses parents, dont il a un peu honte (il préfère le rap aux musiques plus traditionnelles) ou qu’il ne comprend pas (même si sa mère le force à parler en pakistanais avec sa famille au téléphone). Une autre catastrophe va lui tomber sur la tête quand il va, dans ce premier épisode, tomber amoureux de Sarah, la plus jolie fille de l’école, puis échouer aux essais pour rejoindre l’équipe de basket alors qu’il a marqué plusieurs paniers (mais que son prof de sport, un peu raciste, n’a même pas remarqué qu’il était sur le terrain et lui recommande plutôt de rejoindre l’équipe de… croquet). Le premier épisode a donc fort à faire en établissant tout cela, mais en permettant aussi à Pax, l’air de rien, de se faire une bande de copines dés son premier jour, essentiellement constituée des autres élèves racisées de sa classe.

    Pour le moment, Raised by Refugees semble plutôt parler de ce que c’est que d’être Raised by Immigrants (la nuance sera peut-être abordée plus tard ?), à un moment charnière comme celui de l’adolescence. La perspective des parents n’est cependant pas absente, bien qu’évidemment reléguée au second plan : Afnan fait des efforts désespérés pour s’intégrer à son nouvel emploi, Safia est stressée à l’idée de recevoir la famille iranienne de son mari à dîner parce qu’elle s’en sent exclue. Clairement, les défis ne manquent pas de leur côté. Safia est particulièrement touchante, parce qu’il apparaît qu’elle a, en quelque sorte, changé de culture deux fois : d’abord en laissant ses proches derrière elle au Pakistan pour épouser un Iranien (dont elle a appris la langue, et dont elle a aussi appris à cuisiner les plats), et puis, en partant avec Afnan pour la Nouvelle-Zélande.

    Mais le moment le plus important de cet épisode inaugural de Raised by Refugees est atteint à la fin, quand on réalise que l’intrigue a en fait démarré un triste matin de septembre : le 11 septembre 2001. Dans le salon de cette petite famille qui comme tant d’autres ce jour-là regarde les informations, on sent immédiatement que quelque chose a changé. On va découvrir dans les épisodes suivants à quel point…

    Historiquement, la comédie en particulier anglophone a toujours été un genre télévisuel propice pour que les voix de diverses minorités se fassent entendre ; son coût modeste en est l’une des causes essentielles (ainsi que la protection implicitement fournie par l’humour), qui a longtemps permis aux exécutifs de donner un feu vert parce que le risque semblait minime. C’est presque toujours là qu’ont pu s’exprimer en premier et/ou de façon plus détaillée (par exemple par rapport au soap, également précurseur dans plusieurs domaines) les propos féministes, les discours sur les problématiques rencontrées par les personnes LGBT+, et les récits retraçant les expériences de divers groupes racisés. On peut même parler d’un sous-courant naissant, qui concerne des comédies à vocation (semi-)biographique, avec des séries comme Fresh Off the Boat, The Real O’Neals, Never Have I Ever, In the Long Run, Young Rock ou The Family Law. La plupart de ces séries doivent tout à Everybody Hates Chris, dont j’ai bien l’impression qu’elle a ouvert la voie (mais je vous écoute si vous avez des contre-exemples).
    Bien qu’étant en règle générale parfaitement regardables par un public jeune qui s’y identifierait un peu, ces séries sont, avant tout, des séries d’adultes. Pour commencer, elles sont créées autour d’adultes qui ont atteint un statut suffisant pour qu’on construise une série autour de leur enfance : Chris Rock pour Everybody Hates Chris, Dan Savage pour The Real O’Neals, Eddie Huang pour Fresh Off the Boat, Mindy Kaling pour Never Have I Ever, Idris Elba pour In the Long Run, Dwayne « The Rock » Johnson pour Young Rock, Benjamin Law pour The Family Law… Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’une voix-off accompagne souvent ces séries, pour apporter un regard plein de recul sur les faits se déroulant dans l’enfance de leur héroïne. Mais surtout elles s’adressent en priorité à un public également adulte, qui partagerait avec leur protagoniste une histoire commune ; une expérience à la fois d’une époque (la plupart de ces comédies sont aussi des séries historiques ; et, oui, faites-vous à l’idée que 2001, ça en fait une série historique !) et d’une expérience particulière.
    C’est un phénomène plutôt récent, quand pendant longtemps les histoires d’enfance qu’on a pu raconter ont été celles d’enfants « dans la norme » ayant grandi pour devenir des adultes dans une certaine norme également (même si parfois relative). Ces séries récentes disent que non seulement ces minorités sont là maintenant, mais qu’elles ont toujours été là. Et sous couvert d’humour, décrivent des expériences formatives longtemps ignorées par la fiction, comme pour dire : « voilà non seulement qui nous sommes, mais aussi ce qui a forgé qui nous sommes. Nos enfances ne sont pas que pure nostalgie ». Pour beaucoup de ces communautés, je dirais c’est même un acte plutôt radical, tant certains stéréotypes poussent à considérer par défaut les mineurs comme des adultes, avec le même degré de « dangerosité » supposément inhérente.
    La notion de représentation de minorités dans la comédie n’est donc plus uniquement tournée vers la narration d’un présent (comme par exemple, disons, Black-ish), ou même d’une aspiration pour le futur (à l’instar de Diary of a Future President peut le faire), mais d’un passé. C’est assez nouveau.
    Ce qui signifie que tout, ou presque, reste à inventer dans ce coin de comédie anglophone.

    Parce que la parole a commencé à se libérer avec les années, on sait désormais un peu mieux combien les évènements du 11 Septembre ont été difficiles pour les communautés musulmanes et/ou immigrées, mais cette parole est rarement entendue dans les médias grand public. Très peu de séries se sont saisies de l’occasion de décrire de l’islamophobie telle qu’elle a été vécue par des millions de personnes ces vingt dernières années (la comédie canadienne Little Mosque on the Prairie étant l’une des plus notables exceptions, mais parlant ostensiblement de l’expérience d’adultes). Raised by Refugees répond à toutes sortes de questions qui commencent à peine à être posées dans la fiction : comment grandit-on quand on est un adolescent racisé ? Comment grandit-on dans une famille multi-culturelle ? Comment grandit-on dans un climat profondément hostile à votre existence ?
    Raised by Refugees propose derrière des apparences conventionnelles, une série authentiquement unique (à plus forte raison vu que son créateur, le comédien Pax Assadi, joue dans la série le rôle de son propre père, Afnan). Sur la forme, il n’y a rien d’extraordinaire ici, mais sur le fond… Raised by Refugees a tout à inventer, et elle le fait.


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  • All packed up and nowhere to go

    25 février 2022 à 19:28 • 3615 My (So-Called) Life •

    Ainsi donc nous y revoilà. Quelque chose dans l’actualité qui fait peur, au point que notre écran lui-même se fige sur la litanie de mauvaises nouvelles plutôt que sur… Sur quoi, au juste ? Que vaudrait-il mieux regarder quand l’anxiété est à son paroxysme ?

    Ces dernières années, je me la suis souvent posée, cette question. Ne sachant pas vraiment ce que j’ai envie de regarder (parce que l’envie est aux abonnées absentes), quand vient le moment de regarder quelque chose (qui est souvent mon activité instinctive quand tout va mal), je me demande ce qu’il est mieux de regarder, et ce qu’il est possible de regarder. Sachant qu’il ne s’agit pas forcément de la même chose.
    Où s’échappe-t-on quand les échappatoires ne mènent plus nulle part ?

    Personnellement, j’ai toujours tenu mes distances avec l’escapisme. Une fois de temps en temps, d’accord ; mais je préfère quand la fiction me pousse à exprimer mes émotions réelles, et à explorer des choses douloureuses même quand elles ne reflètent pas exactement mon vécu. La catharsis, ça, ça me parle. Catharsis des choses du passé, du présent, et peut-être aussi des Noëls à venir, une fois de temps en temps. Si je ressens quelque chose, alors que je le ressente à 712% et qu’ensuite je puisse le mettre derrière moi (…même si malheureusement ça ne marche pas aussi magiquement que ça ; il y a bien des miracles qu’une série peut accomplir, mais remplacer la thérapie n’en est pas un).
    Je suis la personne qui, le soir du 11 Septembre, a enfin réussi à éteindre les infos pour décider de regarder… l’épisode « A proportional response » de The West Wing.

    Cependant, je comprends totalement le mérite de l’escapisme, et il m’arrive de m’ennivrer, à mon tour, de l’oubli du monde pour quelques dizaines de minutes. Parfois je repense à cette réplique de Peter Dragon dans un épisode d’Action! :

    Parfois, on veut juste oublier le bordel que foutent les gens qui en ont le pouvoir. Non seulement je le respecte, mais à l’occasion, je partage ce souhait.

    Le problème c’est que ce n’est pas toujours possible, précisément. J’irais même jusqu’à dire que c’est plutôt facile de recourir à l’escapisme quand il nous en prend l’envie… beaucoup moins quand cette envie se transforme en besoin irrépressible que le monde ferme sa putain de gueule pendant 45 minutes, si c’est pas trop demander putain de merde qu’est-ce qu’il faut faire pour que le monde se taise, ah non, pardon, c’est pas juste le monde, c’est aussi dans ma tête que ça ne s’arrête pas.
    Ahem.
    A quoi ça ressemble d’essayer l’escapisme quand tout va mal ?

    D’après mon expérience, ça ressemble à lancer un épisode d’une série totalement anodine et n’avoir aucune idée de ce qu’il s’y dit, parce que mon esprit revient, inlassablement, à la guerre, à la pandémie, à la maladie de mon chat, au fait que j’ai pas mangé depuis deux jours, aux factures que je ne vais pas pouvoir payer, ou à ce courrier avec AR que j’ai reçu pendant que l’ascenseur était en panne en janvier, qui est reparti sans que j’aie pu aller le retirer, et dont j’ignore même qui l’a envoyé. Je ne peux rien changer à aucune de ces préoccupations, et certainement pas à 3h du matin, et la série devant mes yeux n’a aucun rapport, mais rien à faire, mes pensées reviennent sur l’un, l’autre ou tous ces problèmes à la fois.
    D’après mon expérience, ça ressemble à une étrange culpabilité, à l’idée qu’il y a tellement de monde qui en ce moment n’a même pas accès au répit (temporaire) de la fiction escapiste. Les Ukrainiennes qui se dirigent vers la frontière aussi vite que possible, vous pensez qu’elles ont pris le soin d’inclure leur disque dur de romcoms asiatiques dans le peu de bagages qu’elles transportent ? J’ai les yeux rivés sur la romcom asiatique que je regarde en ce moment, mais que je ne vois pas : je me sens tellement mal d’être là, inutile, à essayer d’avoir le luxe de penser à ce que d’autres n’ont pas l’occasion d’oublier.
    D’après mon expérience, c’est songer qu’à quelques jours près, j’aurais pu mettre en ligne cette review de Polyot sur laquelle je bosse depuis quelques semaines. Une bonne chose que finalement j’aie décidé de la reporter le weekend dernier ! Soudain je suis submergée par le remords d’avoir voulu parler d’une série russe par les temps qui courent. Peut-être que je devrais parler d’une série ukrainienne pour compenser ? Mais dans ce cas n’est-ce pas de l’opportunisme ? Quelle nationalité ne serait pas la preuve éclatante que je cherche à récupérer les événements pour deux clics et demi de plus ? L’impression persistante d’avoir le monde entier à ma disposition, et nulle part où aller ; puis la honte d’avoir cette impression, vu les circonstances.
    D’après mon expérience, c’est écarter l’idée de finir les reviews prévues ce weekend, parce qu’elles semblent si dérisoires. Ce qui avait l’air tellement important ou intéressant il y a à peine une semaine (quand le monde, pourtant, était déjà une poudrière… juste un peu moins) a totalement perdu de son intérêt. Peut-être que je publierai ma review de Severance la semaine prochaine… me dis-je sans conviction, parce qu’on sait toutes que rien n’ira mieux dans une semaine. Voilà deux ans qu’on a la sensation que le ciel nous tombe sur la tête collectivement chaque semaine, et individuellement plus longtemps que ça encore. Est-ce qu’il y a une façon de parler de séries en ce moment qui ne serait pas de mauvais goût ? Est-ce que ça a seulement du sens de parler de séries ?

    Ah, nous y voilà. La phase de dépression « à quoi bon après tout ? ». Ce moment vers lequel je reviens cycliquement, et pendant lequel je n’ai pas le courage de regarder de série cathartique, mais où regarder quelque chose de léger est tout autant inconcevable… parce que le problème, c’est regarder une série. Comme si j’avais quelque chose de plus utile à faire, alors que personne n’est aussi inutile que moi dans la situation actuelle.
    J’ai toujours dit que ce que je faisais dans ces colonnes était important à mes yeux, certes, mais ne guérirait jamais le cancer. Ce que je fais est futile et j’essaie, quand bien même je suis passionnée par ce que je fais, de le garder à l’esprit. Mais en ce genre de période, ce n’est même plus important à mes yeux. Ou disons que ça l’est mais pour toutes les mauvaises raisons. Je m’acharne à essayer de trouver une façon de trouver la paix dans mes rêves éveillés, et ça ne sert à rien. Même pas à vous, ma poignée de lectrices. Même pas à moi. C’est tellement dérisoire. Tout est dérisoire.

    Alors désolée, je n’ai pas de recette magique, d’angle super inédit pour vous aider à trouver du plaisir dans l’escapisme, et encore moins de recommandation prête à vous aider à vous échapper.
    Parfois il n’y a pas d’échappatoire. Le monde n’est pas exactement conçu pour nous en donner face à une pluie de mauvaises nouvelles. Et encore, pour beaucoup d’entre nous, ce ne sont que des nouvelles, distantes, qui arrivent à d’autres.
    Je ne sais pas quoi vous dire. Il y a des jours où rien ne marche.

    Hier je lisais un extrait d’une allocution du Président Zelensky, dans laquelle il essayait de dire au reste du monde que la prise de Tchernobyl ne concernait pas que l’Ukraine, mais toute l’Europe, toute la planète, même. J’ai lu ces quelques mots et, immédiatement, j’ai pensé à la mini-série Battlestar Galactica : j’ai lu cette citation avec les voix tordues de désespoir, venues des vaisseaux n’ayant pas la capacité à faire un bond PRL. Cette déclaration ressemblait aux suppliques de cette scène. Il n’y a pas de série qui combatte ce genre de pensées ; ça n’existe tout simplement pas. C’est insupportable et c’est tout, il faut faire avec.
    Aucune fiction n’a le pouvoir de nous faire oublier les morts, même pendant quelques dizaines de minutes. Tant mieux, en un sens. C’est la moindre des choses que la réalité nous bouleverse et nous inquiète plus que la fiction. Et c’est un chouette problème à avoir, tout bien pesé.


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  • Relève

    20 février 2022 à 21:38 • Telephage-o-thèque •

    Voilà 15 ans que je sévis dans ces colonnes, et il m’arrive encore des premières fois. Les mots peinent à décrire l’excitation qui a été la mienne quand j’ai découvert (certes un peu tard : l’épisode est en ligne depuis presque 3 ans) que le premier épisode de la série Wurse était disponible avec des sous-titres anglais ! Hélas pas les suivants, pour autant que je puisse en juger.
    Pourquoi c’est alléchant ? Eh bien, c’est comme ça que Wurse est devenue ma première série éthiopienne, et je vous propose de faire cette découverte à mes côtés aujourd’hui.

    Qu’y a-t-il de plus universel que des questions d’héritage !
    Wurse, ou Inheritance de son titre international, qui est également une traduction littérale (…du coup ç’aurait aussi bien pu être Succession !), s’intéresse à Ato Adamu, un homme d’affaires gérant une marque de vêtements. Il a trois enfants adultes : Almi, mère au foyer qui aurait voulu travailler dans la compagnie familiale ; Workney (apparemment aussi surnommé « Goldy »), qui gère un orphelinat et n’a aucune envie d’entrer dans le monde des affaires ; et enfin Makiye, vraisemblablement la plus jeune, qui travaille avec leur père mais dont il est de notoriété publique qu’elle passe plus de temps au spa qu’au bureau.
    A ce portrait viennent s’ajouter son épouse Mulu ; Wossen, le bras droit d’Ato Adamu ; Asmamaw, son avocat ; et un jeune homme qui vient d’arriver en ville sur lequel on s’apprête à en apprendre plus, répondant au nom de Tesfalem. Au passage, on ne dira jamais assez combien découvrir des séries venues d’horizons nouveaux est un véritable « first name porn« . Tesfalem, quoi ; j’en ai des papillons dans le ventre exactement comme le premier jour où j’ai entendu le surnom Sihle dans une série sud-africaine.

    Ato Adamu et ses proches vivent bien, mais il ne s’agit pas d’une famille multimilliardaire. En fait, la scène qui ouvre la série nous apprend qu’il a contracté des prêts pour procéder à des rénovations de son atelier de confection, et que les travaux se prolongent sans qu’il puisse rembourser ses dettes. Cela l’inquiète, quand bien même Wossen tente de le rassurer.
    Même sans connaître le détail de ses finances, personne parmi la prochaine génération ne semble beaucoup s’intéresser à l’entreprise : Workney cherche à tout prix à éviter que son père n’essaie de l’embaucher (ou qu’il ne découvre que l’orphelinat connaît des fins de mois difficiles), et Maki est… bah, ma foi, pas souvent au boulot, comme tout le monde l’a bien remarqué. Quant à Almi, elle est moins intéressée par la compagnie que par le statut dont elle rêve aux côtés de son père, dont clairement elle cherche la validation. De fait, elle est, en dépit de ce qu’elle prétend, totalement obsédée par la réussite de sa sœur, dont elle jalouse la réussite. Il faut dire qu’en dépit de son poil dans la main, Maki vient d’être promue par papounet au poste de Directrice de l’Innovation et du Développement d’affaires, rien de moins. On ne sait pas trop le pourquoi de cette promotion pour le moment, d’ailleurs, parce que même Ato Adamu a bien compris qu’il ne pouvait pas trop compter sur Maki pour travailler dur.
    Ces dynamiques établissent que, de façon intéressante, cet héritage qui se profile n’est pas, au moins pour le moment, une question d’ambitions professionnelles ou financières.

    Toutefois, je soupçonne le pater familias d’avoir un plan. Lorsque commence Wurse, personne n’a encore parlé d’héritage, mais celui-ci est clairement omniprésent dans l’esprit d’Ato Adamu. Il s’inquiète des rénovations, de leur coût, du prêt qu’elles ont engendré, bien-sûr. Il met aussi ses affaires en ordre avec son avocat, semble-t-il sans raison apparente (Asmamaw le félicite de s’y prendre « aussi tôt »), en essayant d’épargner les dettes à ses futures héritières. Et… eh bien, il a embauché Tesfalem pour travailler avec lui dans l’entreprise familiale, et ce n’est pas uniquement parce qu’il a bon cœur. Clairement, il est en train de mettre des choses en place.
    Les choses vont se préciser, toutefois, lorsqu’Ato Adamu fait un malaise et est transporté d’urgence à l’hôpital. Il apparaît en effet que le vieil homme est très malade et que ce n’est pas pour rien qu’il réfléchissait à son héritage. A peine revenu chez lui, il va d’ailleurs accueillir Tesfalem et l’introduire auprès de sa famille, en ne tarissant pas de louanges quant au diplôme de commerce que le jeune homme vient de décrocher. Je ne sais pas si Almi, Workney et Makiye ont tout-à-fait compris ce qui vient de leur être annoncé l’air de rien…

    Le premier épisode de Wurse est plutôt bon, même si un peu inégal par moments. Il y a de très bonnes scènes, très réussies… mais il y en a d’autres plus maladroites, voire un peu téléphonées (Ato Adamu fait un malaise pendant qu’il parle héritage avec son avocat, bon…). Deux scènes ont cependant retenu mon attention, et même, m’ont beaucoup excitée sur le moment.
    La première introduit le joliment nommé Tesfalem : il arrive vraisemblablement d’un endroit plus pauvre et ça ne fait que deux jours qu’il est en ville. Avec son épouse Weyni, il s’installe dans un appartement flambant neuf dont on apprendra plus tard qu’en fait il a été obtenu grâce à Ato Adamu. Le vieil homme était en effet un ami de longue date de Teshome (ils ont vraiment des super prénoms dans cette famille !), père de Tesfalem. Maintenant que Teshome est décédé, Ato Adamu entend bien prendre soin de son fils, qu’il considère comme un neveu… en tout cas, c’est la version officielle qu’en a Tesfalem. Mais le jeune homme est nerveux face à tous ces changements, sans compter qu’il ignore à quelle sauce il va être mangé dans ce nouvel environnement. En moins de deux minutes dans le salon du jeune homme, Wurse nous établit tout ça, ainsi que la dynamique extrêmement intéressante entre Tesfalem et Weyni. Lorsque son mari démarre au quart de tour, prêt à exprimer sa mauvaise humeur à la première excuse venue, Weyni le recadre immédiatement, dans un mélange de fermeté et de douceur. Sur l’air de « tu vas pas me parler comme ça, et tu vas pas commencer à critiquer d’où nous venons, mais je suis là pour toi tout va bien se passer », ce qui pousse immédiatement son époux à se calmer et s’adoucir. Il y a de tout dans ces 2 minutes d’exposition : une explication de la situation, de quel genre d’homme est Tesfalem, et de quel genre de femme est Weyni ; mais aussi la promesse que, même si elle ne joue pas un rôle énorme dans les dynamiques (d’ailleurs on ne la reverra plus dans l’épisode après ça), elle en joue un dans la vie de son mari, et que leur relation repose sur la communication. Si toutes les scènes d’exposition de toutes les séries du monde ressemblaient à ça, je râlerais tellement moins…
    Un peu plus tard, Wurse nous montre ce qui est apparemment une tradition hebdomadaire : le déjeuner familial. Toute l’adelphie retourne en effet dans la maison familiale pour un repas pris ensemble… sauf que, vu les situations tendues des uns et des autres, tout le monde évite soigneusement d’aborder les sujets qui fâchent. Il faut voir le silence, le looong silence, qui s’abat sur la tablée lorsque Maki arrive (…en retard, évidemment) au déjeuner. C’était glacial, mais efficace. Le nombre de choses qui se sont dites pendant ce silence, mon Dieu !

    Vu que c’est ma première expérience de la fiction télévisée éthiopienne, évidemment, je suis bien en peine de faire des comparaisons. Mais de ce que j’en vois, Wurse est plutôt réussie, pour un primetime soap sur le sujet aussi classique que les disputes d’héritage. Elle pose les bases d’un ensemble drama où chaque protagoniste a sa place, sans privilégier la perspective de quiconque (par exemple il aurait été facile de tourner la série du point de vue d’Ato Adamu, mais pas du tout). Comme si elle était attentive à entretenir une certaine équité, qui par association d’idées colle incroyablement bien à son sujet.
    En outre, j’apprécie que les enjeux financiers soient là, posés très clairement, mais que la série prenne la précaution de dire que ce n’est pas la seule chose qui s’apprête à peser dans la balance. En fait, aucune protagoniste n’est vraiment intéressée par l’entreprise elle-même, dans le fond, ni même la fortune attenante… si ce n’est évidemment l’homme qui se résout, lentement mais sûrement, à devoir léguer son héritage à quelqu’un de méritant. Enième démonstration que c’est moins le sujet d’une série que son traitement qui en fait tout l’intérêt !
    Il faut aussi noter que visuellement, Wurse est très solide. J’ai beaucoup aimé sa palette de couleurs, ou la façon dont elle s’arrête, un plan à la fois, sur des détails (comme les mains de Tesfalem enserrant celle d’Ato Adamu dans son lit). Comme pour faire une pause de quelques secondes et réintroduire de l’émotion dans ce qui se déroule. Il y a pas mal de séries, notamment produite en Afrique (un continent où notoirement les budgets des séries sont souvent serrés) qui n’ont pas les moyens de prendre ce temps et ces précautions, et je découvre que Wurse n’en est pas. Il y a quelques problèmes de son (essentiellement dus à une post-production mal calibrée par rapport au reste), mais c’est bien tout. Pour l’essentiel, la série essaie de ne pas rester en surface des choses, quand bien même elle a moins d’une demi-heure pour tout mettre en place, et ces efforts paient.

    Si toutes les séries éthiopiennes ressemblent à Wurse, franchement, je vais me maudire de m’y être mise aussi tard. Et maintenant que j’y ai goûté, j’ai bien l’intention d’essayer de le vérifier !


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  • In nomine filou

    19 février 2022 à 20:16 • Telephage-o-thèque •

    Etant tombée, par le plus grand des hasards, sur les épisodes de la première saison de Sankt Maik, j’étais bien partie pour vous en toucher deux mots de cette dramédie allemande. La série date de 2018, ce qui ne nous rajeunit pas, mais elle a apparemment été acquise par Walter Presents assez récemment. De toute façon, toute occasion de parler d’une série allemande non-policière est une bonne occasion à mes yeux. Sauf que Sankt Maik n’est pas sans rappeler une autre série, américaine celle-là, que je évoquais déjà dans un fun fact il y a plusieurs années : Impastor. En fait les ressemblances sont tellement confondantes, que je suis surprise de ne trouver aucune trace d’un procès pour contrefaçon, même avorté.
    Or, à l’époque de son lancement, je n’avais pas écrit de review du pilote d’Impastor (enfin, si, j’ai un brouillon avec une intro d’une ligne et demie, tu parles…). Du coup, avant de parler de Sankt Maik, remettons-nous en jambes avec un aperçu de ce dont il s’agissait.

    Impastor est une comédie en single camera de TV Land (pourtant pas spécialement connue, pendant sa brève incursion dans le monde de la fiction originale, pour ses séries en single camera) qui s’intéresse à un criminel du nom de Buddy Dobbs qui s’est endetté jusqu’au coup. Lorsqu’un criminel et son bras droit le menacent physiquement, il décide de prendre la route avec sa petite amie Leeane… qui refuse et le plaque, fatiguée de cette vie de crime. C’est la goutte qui fait déborder le vase : Buddy décide de se jeter du haut d’un pont. Mais alors qu’il est sur le point de sauter, un inconnu s’arrête et tente de l’en dissuader. Sauf qu’en essayant de le convaincre de sa bonne foi, l’homme glisse et tombe du pont vers une mort certaine, ce qui coupe toute envie à Buddy de se jeter à son tour. Il se réfugie dans le véhicule de l’inconnu et, sur la base de leur conversation (l’homme était sur le point de se rendre à son nouvel emploi), décide d’usurper son identité. Il se rend donc à Ladner, une petite ville de l’Oregon où il a appris que le défunt se rendait, et y découvre… que sa nouvelle identité est celle d’un prêtre gay.

    Avec sa durée d’à peine plus d’une vingtaine de minutes, Impastor n’a pas le temps dans ce premier épisode d’entrer dans beaucoup de détails. Hors se dettes apparemment astronomiques et la relation avec Leeane, on ne sait pas grand’chose de lui à part qu’il est un criminel loin d’être repenti. D’ailleurs la première chose à laquelle il pense, c’est comment récupérer l’argent qui dort sur le compte en banque de l’homme dont il emprunte l’identité, histoire de se remplir les poches et quitter Ladner au plus vite.
    Les couleurs vives, les décors assez cossus (Ladner est apparemment une petite ville un peu paumée mais le niveau de vie y a l’air très élevé), la galerie de personnages de la série, ne laissent aucune ambiguïté quant au fait qu’on est devant une comédie qui est surtout là pour rester légère. Les deux « cas » que Buddy va résoudre dans ce premier épisode (un conflit marital, et la supplique d’une mère désemparée face à son ado de fils) lui sont imposés, et sont réglés de façon très superficielle. Impastor n’a ni le temps ni l’envie de pousser son personnage, pas plus que son concept, très loin.

    Dans Sankt Maik, l’histoire commence plus ou moins de la même façon, en tout cas dans les grandes lignes. Arrêtez-moi si vous l’avez déjà entendue : Maik Schäfer est un escroc à la petite semaine qui, lorsque la série démarre, a trouvé un plan plutôt original ! Il se fait passer pour un contrôleur de train et peut ainsi faire les poches de passagers sans attirer l’attention. Du moins le croit-il… en réalité, il n’est pas aussi discret qu’il le droit. Dans le train qu’il essaie de détrousser, les objets manquants sont vite remarqués et bientôt une foule en colère se met à sa recherche. Abrité dans un wagon de première classe, Maik y découvre qu’un des passagers, un curé, vient de décéder de mort semble-t-il naturelle, et décide de voler son uniforme pour s’échapper incognito. Sauf qu’en prenant la fille de l’air au premier arrêt venu, il est promptement identifié comme étant le nouvel homme d’Eglise à rejoindre le petit village de Läuterberg ! Eh oui, le curé qui est mort dans le train s’y rendait précisément pour prendre ses fonctions dans le village.
    Maik pense ne pas rester, et envisage de voler l’ostensoir en or massif pour le revendre et éponger ses dettes. Cependant, il réalise bientôt, par le biais de son ami Kevin resté à Berlin, qu’il est dans son intérêt de rester discret pendant un moment, car des truands sont clairement à sa recherche.
    Sauf que la seule policière de Läuterberg (pour laquelle il a d’ailleurs le béguin) travaille sur l’affaire du train…

    L’avantage principal de Sankt Maik dans ce petit exercice de comparaison, c’est que ses épisodes sont plus longs. Parfois c’est aussi simple que cela. Cela force la série à faire un peu plus que délivrer quelques blagues ou jouer sur les quiproquos, et pousse les intrigues à inclure un petit quelque chose de plus. Et ça marche ! Ce premier épisode comporte, certes, son lot incontournable de scènes avec un cureton qui jure, ou de paroissiennes lui faisant les yeux doux (toutes choses qu’on trouvait dans Impastor, sauf qu’ici on ne la joue pas Three’s company et Maik n’a pas besoin de se faire passer pour gay par-dessus le marché), sans parler de l’exposition nécessaire pour poser les bases de l’intrigue.

    Toutefois, cette introduction de Sankt Maik affirme aussi que son ton n’est pas purement celui de la comédie : il y a une vraie tendresse qui s’en dégage. Dans cet épisode, et à son corps défendant, Maik se prend d’affection pour Tim, un petit garçon qui lui rappelle beaucoup l’enfant qu’il a lui-même été : il a grandi trop vite, il se sent responsable de sa mère, et il ne recule jamais devant une bonne combine si ça peut arranger ses affaires. La série n’insiste que très peu sur cette ressemblance (au moins pour le moment ?), restant légère sur les parallèles sans les ignorer, mais s’en sert surtout pour montrer à Maik que, même s’il n’est pas un vrai religieux, il peut, et va, s’intéresser au sort de ses ouailles. C’est une différence fondamentale avec Impastor, dans le premier épisode de laquelle les requêtes de sa paroisse lui tombent dessus bien malgré lui ; ici, Maik s’implique, d’abord parce que ses intérêts sont engagés, mais rapidement, parce qu’il ressent quelque chose. Et du coup, nous aussi.
    De toute évidence, les méthodes de notre homme sont peu conventionnelles, mais il est évident qu’il prend à cœur de venir en aide à ce garçon qui le touche (…non, pas comme ça ! Maik n’est pas un vrai curé on a dit), et à travers lui, sa mère qui a bien besoin d’aide. Et que ces bonnes actions vont, à la fin de l’épisode, faire un peu boule de neige, améliorant encore la vie d’une troisième paroissienne. Et peut-être aussi la vie de Maik lui-même, parce que, comme nous l’apprenons à travers quelques flashbacks de cet épisode, lui aussi a besoin de tendresse…

    Au vu de ce seul épisode, je ne saurais dire si cela annonce un format semi-procédural pour Sankt Maik ; Läuterberg n’est pas une large bourgade, et je doute qu’il y ait des problèmes à résoudre pour un personnage différent chaque semaine, mais après tout je peux me tromper. En tout cas, que Tim et sa mère soient amenés à être récurrentes, ou pas, les faits sont là : la série pousse son héros dans une direction plus émouvante qu’Impastor. Le choix de situer la série dans un village de campagne participe également à cette ambiance (soulignée par les couleurs un peu vieillottes de la série), qui incite à plus d’intimisme et de réalisme émotionnel, aussi. Sankt Maik ne veut pas que faire rire, elle veut avoir l’air, autant que possible vu son sujet, authentique.

    Est-ce que j’ai envie de finir la saison de Sankt Maik ? Dans un monde où je n’ai rien d’autre à voir, sûrement ; en tout cas plus que pour Impastor dont j’ai dû regarder, deux, peut-être trois épisodes maximum à l’époque, avant d’oublier de me mettre devant la suite (et revisionner le pilote au nom de la review ici présente ne me motive pas plus).
    En soi, ni l’une ni l’autre ne sont absolument indispensables, mais si vous cherchez à passer un bon moment, amusant mais touchant, c’est clair que j’en recommande une plus que l’autre.


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  • L’union fait la force

    18 février 2022 à 9:31 • Telephage-o-thèque •

    Il y a quelques jours, notre voisine la RTBF informait de la mise en chantier de Trentenaires, une adaptation de la série flamande Dertigers (déjà dotée d’une version dans les Pays-Bas) qu’elle devrait diffuser l’an prochain. Cette annonce a été pour moi un déclic : j’ai plein de séries belges francophones en attente… et elles n’en finissent pas d’arriver ! Tiens, encore ce mois-ci : Pandore a démarré juste ce dimanche !
    Alors, certes, je ne crois pas au concept de « retard » en télévision : une série n’a pas de date de péremption. C’est juste que ces derniers temps, le groupe public francophone n’a vraiment pas tari d’efforts (certains soutenus sur des années) dans le domaine de la fiction, et j’ai souvent manqué de le faire savoir, au moins à mon niveau. Pour une Coyotes dont je parle, combien d’Invisible que je repousse à la Saint-Glinglin !

    Ah, c’est comme ça, hein ?! Vous savez quoi ? Aujourd’hui je tente de me faire pardonner en me lançant dans un article multi-reviews : on va parler du premier épisode de plusieurs séries de la RTBF de ces dernières années, diffusées par La Une, par Tip!k (anciennement La Deux), et/ou par la plateforme Auvio. Cela nous donnera, certes, des reviews un peu moins détaillées pour chacune, je vous l’accorde. Mais au moins on va pouvoir braquer les projecteurs sur la variété de formats, de tons et de genres des séries qui nous ont été proposées, et continuent de l’être.

    1 semaine sur 2
    (Comédie – 3mn)
    Pour la mise en jambes, on commence avec une shortcom « familiale » dans laquelle un couple s’est séparé. Rien de plus banal, me direz-vous… et c’est sûrement ce sur quoi compte 1 semaine sur 2 ! Jean-Jacques et Olivia essaient maintenant de composer avec la vie de famille recomposée. Sur les 3 minutes de ce premier épisode, une moitié est consacrée à l’exposé des faits, délivrés par la nouvelle compagne de Jean-Jacques, Carole ; l’originalité essentielle de la série est en effet qu’elle est essentiellement écrite du point de vue de la belle-mère (apparemment c’est son spectacle de stand-up, One Belle-Mère Show, qui a donné à la comédienne Carole Matagne l’idée d’une série). Cette scène d’ouverture pose les choses à la fois de façon très scolaire, puisque Carole y raconte, certes en mimant l’action avec des marionnettes, très littéralement ce qui s’est passé pour en arriver à cette situation… mais aussi de façon un peu plus fine, en montrant que Carole est follement amoureuse de Jean-Jacques, beaucoup moins amoureuse de l’idée d’avoir des enfants à la maison, et carrément hostile à Olivia.
    Le reste de l’épisode comporte deux sketches additionnels, l’un totalement oubliable tourné du point de vue d’un des enfants sur quelque chose sans aucune relation avec le titre ou le concept de la série (mais qui, je suppose, est plus universel pour un public « familial »), et l’autre, soulignant un peu plus à quel point Carole (encore dans sa phase lune de miel avec Jean-Jacques) n’est pas prête à être belle-mère. Et d’ailleurs si je m’acharne à mettre « familial » entre guillemets, c’est que, sans rien montrer de super explicite, 1 semaine sur 2 n’est pas exactement à mettre sous les yeux des jeunes enfants, puisque la série comme son héroïne est légèrement portée sur le sexe. Rien de choquant pour un public adulte qui s’y retrouvera parfaitement avant le journal du soir, cependant.
    En-dehors de cet aspect et de l’angle choisi par la série, qui est certes original (ça change des autres séries sur le divorce du point de vue du couple central), ce premier épisode de 1 semaine sur 2 n’a pas pour vocation de se donner beaucoup de mal. Mais pour seulement 3 minutes d’investissement, franchement, on ne lui en tient pas rigueur.

    Invisible
    (Thriller, Drama, Fantastique – 45mn)
    C’est bien mais c’est dur. C’est dur mais c’est bien. Le premier épisode d’Invisible met en place un équilibre intéressant entre thriller fantastique si improbable qu’on y croît tout de suite, et série dramatique teintée de critique sociale. Ce qui connecte ces deux orientations ? Une antenne 5G, qui semble provoquer des effets secondaires auprès d’une partie de la population alentours, dont la chirurgienne ophtalmologiste Laurence Decombe, qui est très sensible aux ondes électromagnétiques. Entre les maux de crâne, les acouphènes et autres désagréments récurrents, elle milite activement pour lutter contre la tour, pour l’instant sans effet. La série démarre alors qu’elle est sur le point de pratiquer une opération de routine sur son propre père, avec une machine à laser qu’il a inventée. Sauf que pendant l’opération, la machine échappe au contrôle de Laurence et rend son père aveugle… alors qu’elle avait été débranchée (si vous habitez dans l’appartement à côté du mien, ça vous donne l’explication à mon cri ; surtout que sur le moment j’ai cru qu’il avait carrément été trépané). Bouleversée, bien-sûr, mais aussi désireuse de comprendre ce qui a pu se passer, Laurence va progressivement découvrir les premiers indices de quelque chose d’autre qu’un simple dysfonctionnement informatique…
    Comme d’habitude, je n’avais pas de raison particulière de ne pas me mettre devant la série plus tôt. C’est juste que, bon, vous savez ce que c’est, tout le monde ne peut pas être au sommet de la liste. Et la liste est longue. Mais maintenant que j’ai commencé, je suis bien décidée à faire de la place à Invisible. L’épisode inaugural mélange beaucoup de choses, mais a en tout cas le mérite de le faire avec intelligence. L’intrigue secondaire qui tourne autour de Lily, par exemple (la fille de Laurence), pose les bases d’un harcèlement au lycée s’installant insidieusement, même si pour le moment il n’a pas l’air connecté directement avec le problème central. Mais bon, j’ai vu la photo de promo de la série ET l’épisode Out of Mind, Out of Sight de Buffy, je sens qu’il y a de multiples façons dont ça peut évoluer.
    Invisible se permet de toucher à plein de choses, et bien-sûr la gageure sera que le résultat final ait un minimum de cohérence plutôt qu’un patchwork de thèmes, mais l’expérimentation a du bon pour le moment.

    Baraki
    (Comédie, Crime drama – 30mn)
    Je ne connaissais pas le terme de « baraki » (uniquement en usage chez nos amies belges), mais fort heureusement, le premier épisode de la série nous l’explique plutôt bien en ouverture de la série. « Au départ, les Barakis, c’est des gitans, des forains, des gens du voyage ; puis quant y sont arrivés ici, on leur a piqué leur roulotte, on les a placés dans des gourbis, des barraques, et c’est comme ça que ces immigrés sont devenus des Barakis. Alors les Barakis sont devenus des mineurs de fond, des métallos, des ouvriers, des ptites gens, des exploités. Puis bah, les charbonnages ont fermé, les hauts fourneaux se sont cassé la gueule… Plus d’boulot ! Et Baraki, c’est devenu une insulte ». Je suis comme vous, je suis là pour apprendre. C’est intéressant parce qu’en 2021 j’ai relevé plusieurs séries s’intéressant de plus ou moins près à cette communauté et ses variations locales : Luna Park en Italie, Üç Kuruş en Turquie, et donc, potentiellement, Baraki. C’est un mouvement quasiment imperceptible, mais intéressant. En l’occurrence Baraki semble ne pas tellement s’intéresser à la communauté au-delà de cette explication, et ses protagonistes sont dans leur immense majorité surtout décrites comme un équivalent belge de white trash. Tout le défi étant justement de savoir si ses protagonistes se conforment, ou non, au stéréotype de Baraki.
    Cet épisode d’exposition met du temps à trouver son équilibre. On y perd du temps dans l’introduction de personnages qui ne reparaîtront plus du reste de l’épisode, on s’absorbe longuement dans les preuves, maintes fois répétées, du côté « bête sale et méchant » de cette famille, et on en profite pour faire une démonstration qu’on a eu le droit de montrer des culs et des scènes de sexe (ce que, il est vrai, je ne vois pas souvent dans les séries belges qui me passent sous les yeux). Ce n’est que dans le dernier quart de l’épisode que Baraki se révèle avoir une âme tendre, lorsque son véritable personnage principal trouve une raison d’essayer d’améliorer sa vie. Même si je n’ai pas été entièrement conquise, il faut reconnaître que si la série continue de se bonifier comme cet épisode le fait, ça doit valoir la peine de poursuivre.

    Jacky & Lindsay
    (Comédie – 10mn)
    Depuis qu’elles sont petites, Jacky et Lindsay s’aiment d’un amour parfait, dont elles pensaient qu’il allait les aider à sortir de la pauvreté, et peut-être un jour, rêve ultime, les faire voyager au Royaume-Uni. Hélas, ça n’a jamais été le cas, et elles attendent maintenant un bébé, « Courgette », dans des conditions à peine meilleures que celles dans lesquelles elles ont vécu leur propre enfance. Lorsque Jacky dépense les seules économies du couple (laborieusement mises de côté) dans un providentiel voyage à Londres, le dernier avant que leur vie ne change, Lindsay est abattue. Elle comptait tellement sur cet argent pour donner à Courgette un meilleur départ que le leur ! Mais très vite, les choses s’emballent, pour des raisons qu’il vous faudra découvrir vous-même ; dans l’urgence, le couple décide (un peu forcé par les circonstances) de prendre la route et quand même rallier les côtes anglaises.
    Ce premier épisode est d’une efficacité endiablée, et rend immédiatement les deux protagonistes centrales très attachantes. Je m’attendais à une comédie, peut-être même à une énième comédie sur une famille un peu vulgaire (dans le genre de Baraki, en fait). Mais dés les premières scènes, Jacky & Lindsey prend au contraire pas mal de précautions pour montrer que ses deux héroïnes méritent d’être prises en affection et au sérieux. Leur amour n’est peut-être pas celui d’un conte de fées, mais il n’en est pas moins pur. Le rêve du couple, qui voit le Royaume-Uni comme une terre de riches, nous apparaît comme un peu « petit », mais la série recadre bien les choses en montrant que justement, voir l’Angleterre, ça paraît inaccessible, et qu’à leur échelle, Jacky et Lindsay s’apprêtent à vivre l’aventure de toute une vie. C’est une entrée en matière émouvante, rythmée, et nuancée qu’on nous sert ici en une dizaine de minutes à peine, et croyez-moi, le reste de la saison de Jacky & Lindsey a gagné 712 points de karma sur ma to-watch list.

    FRANGINE$
    (Dramédie – 13mn)
    Ostensiblement inspirée par les westerns modernes, cette petite série a un gros défaut : je n’adhère pas à son format. Cet épisode m’a semblé trop bref pour ce qui était mis en place ; idéalement c’est à prendre comme un compliment, même si ça n’y ressemble pas forcément. Les deux héroïnes, Billie et Rose, sont des sœurs que tout sépare, y compris les 10 dernières années qu’elles ont passées dans deux familles d’accueil différentes, après l’incarcération de leur père pour braquage. Sauf que celui-ci s’apprête à sortir ! Billie, décidée à s’extirper de la vie misérable qui lui a échu après avoir été placée (…au passage, troisième série de ce tour d’horizon à parler des couches les plus pauvres de la société belge), décide de le kidnapper pour savoir où il a enterré son butin une décennie plus tôt.
    J’aurais été un peu plus emballée par FRANGINE$ si ce premier épisode avait plus détaillé le personnage de Rose (genre 3 ou 4 minutes de plus, je demande pas la lune), qui ressemble ici à un personnage secondaire. Cela dit, dans l’ensemble, l’épisode parvient à trouver un ton un peu acide qui sied bien à certaines dramédies. Il n’est pas tant question d’humour que d’une situation ubuesque, qui, d’après ce que je lis, devrait tourner en road movie, enfin, road series. Ça promet.

    Trigger warning : viol en réunion.

    Pandore
    (Politique – 45mn)
    J’en ai vu quelques unes, des séries politiques, mais comme celle-là assez rarement. Pandore est violente… et pas uniquement parce que le point de départ de son intrigue est le viol en réunion d’une militante féministe. En fait, je m’avancerais presque jusqu’à dire que ce que la série ambitionne de décrire, c’est une violence politique au moins équivalente à ce viol, mais insidieuse parce qu’invisible. C’est la juge d’instruction qui doit se dessaisir d’une affaire de corruption lorsqu’elle découvre que son père, chef de file d’un des partis politiques principaux du pays, est associé à un compte off-shore. C’est le politicien dont les dents rayent le parquet et qui ne rêve que de devenir tête de liste pour les prochaines élections, dont la couardise n’égale que l’opportunisme… surtout quand il découvre qu’il peut utiliser ce viol comme tremplin populiste. Ce sont les médias qui donnent la parole à tout le monde en quête du scoop, sans égards pour les conséquences. C’est Bruxelles qui semble frémir toute entière du bruissement de ces gens qui ne pensent qu’à leur gueule, ou au mieux qu’à leur cause.
    Je doute très franchement que Pandore dresse, au fil des épisodes (également visibles sur Salto à partir d’aujourd’hui), un portrait plus optimiste de la façon dont le monde politico-judiciaire peut trahir les citoyennes et les institutions de son pays. L’épisode introductif de Pandore ne passe même pas par un bref instant de désillusion : on ne peut pas perdre l’espoir qu’on n’a jamais eu. Lentement, alors que s’ouvre le couvercle de la boîte dont elle a remprunté le nom, la série nous montre tout ce qui a toujours été là, et qu’il ne faut plus taire. Certainement pas alors que les menacent se précisent. Et elle le fait d’une façon très différente des méthodes adoptées par d’autres séries politiques, même corrosives (genre De 16 dont je parlais il y a peu), parce qu’elle semble vouloir étudier les conséquences hors du monde politique. C’est là qu’elle se loge, la violence, et Pandore rappelle que la corruption financière ou morale n’est pas un crime sans victime. Ca fait mal et ça met en colère, mais Pandore s’annonce comme une série d’utilité publique pour parler de ces démocraties européennes modernes qui, à l’instar des chantiers jalonnant la ville, n’ont en réalité jamais cessé d’être en travaux.

    Une bonne chose de faite ! Et qu’il faudra refaire, par exemple au printemps quand Fils de pointera son nez… comme je l’ai dit, les séries n’en finissent pas d’arriver, et clairement, tant mieux.
    En espérant m’être faite (un peu) pardonner.


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  • Amour toujours

    13 février 2022 à 21:59 • Telephage-o-thèque •

    L’année 2020 aura été intéressante pour la télévision espagnole dans le domaine des représentations LGBT, en particulier du côté d’Atresplayer. Outre Veneno, un biopic couvrant plusieurs décennies de la vie de l’icône trans Cristina Ortiz (et dont on a déjà discuté voilà plusieurs lunes et qui aura bientôt son sequel, Vestidas de Azul ; hélas cette semaine on apprenait que le décès de l’une de ses interprètes, Isabel Torres), la plateforme s’était aussi distinguée à la Saint-Valentin, en lançant la première saison de #Luimelia. Une série entièrement dédiée à la romance entre celles dont elle porte le portemanteau : Luisita et Amelia.

    S’il n’est pas nouveau pour des femmes lesbiennes d’apparaître dans des romances à la télévision espagnole (ne vous ai-je pas parlé de Vis A Vis plusieurs fois, par exemple ?), #Luimelia est tout de même un cas à part. Puisque c’est bientôt la S-… oui enfin, vous savez… et que c’est donc l’anniversaire de la série, il était grand temps que j’en touche deux mots. Nous voilà donc parties dans une review de sa première saison.

    #Luimelia est en réalité un spin-off du soap opera de daytime Amar es para siempre, diffusée depuis 2013 par la chaîne privée Antena3. Elle compte presque 2300 épisodes… et encore, c’est un chiffre inexact. En réalité il faudrait dire qu’elle en compte pas loin de 4000, puisque la série est la suite d’un succès de télévision bien plus ancien ! Le soap s’appelait auparavant Amar en tiempos revueltos sur La1, où il avait démarré en 2003 en parlant du quotidien de plusieurs familles pendant la guerre civile, et avait duré environ 1700 épisodes. Depuis le temps a passé, donc : la série a changé de main, et actuellement son l’intrigue se déroule au tout début des années 80.
    Luisita et Amelia ne sont pas des personnages « historiques » de la franchise : la première n’est apparue que pendant la saison 3 d’Amar es para siempre, et la seconde a fait son apparition plus tard encore, pendant la saison 7. Leur idylle a duré ce que dure les roses, et à la fin de ladite saison 7, Luisita et Amelia se sont séparées pour chacune poursuivre leur route…

    « Mais lady », allez-vous me dire, « on va quand même pas regarder un spin-off alors qu’on a raté 712 épisodes de la série originale ! ».
    Alors, bon, effectivement. En temps normal, je ne vous le suggérerais même pas. Heureusement, ceci n’est pas un cas normal. Le cas de #Luimelia est un peu particulier, parce qu’à l’occasion de ce spin-off, les héroïnes Luisita et Amelia ont été transportées à une époque différente, et leur romance en quelque sorte rebootée dans la foulée.
    Et ça, ça veut dire que #Luimelia est entièrement regardable par un public qui n’a pas suivi Amar en tiempos revueltos ni Amar es para siempre ; je m’inclus dans le lot. D’ailleurs #Luimelia a un format très différent de la série qui lui a donné naissance, elle est proposée sur une plateforme différente, et son apparition sous-entend un public-cible différent également : sa première saison est constituée de 6 épisodes d’environ 8 minutes chacun.

    Alors donc, de quoi est-il question ici ? Eh bien c’est un peu comme si #Luimelia avait procédé à la réincarnation de ses deux protagonistes, qui existent donc en 2020 et se rencontrent alors qu’elles viennent (par le plus grand des hasards) d’être déçues par la même femme, mais pour des raisons très différentes. Luisita est un peu nerd sur les bords, un peu vieux jeu, pas très intéressée par les applications de rencontre ; face à elle Amelia est une jeune actrice pleine d’insécurités qui sort à peine (littéralement !) d’une relation avec une petite amie peu intéressée par la monogamie. La série suit le parcours de leur relation, depuis leur rencontre dans le premier épisode, avec ses hauts et ses bas. Premier rendez-vous, installation ensemble, quotidien…
    Avec ses épisodes courts, et souvent assez légers, on pourrait penser que #Luimelia n’a pas le temps de grand’chose sinon offrir une version lesbienne d’El y Ella (la version espagnole d’Un Gars, Une Fille ; d’ailleurs produite par la même société de production que #Luimelia). C’est un peu ce que moi, l’éternelle blasée de la romcom, je pensais au début, mais pas du tout. #Luimelia prend au sérieux la relation de ses protagonistes (mais pas trop au sérieux) et émeut sincèrement. Je me suis attachée à cette relation sans même y prendre garde, en grande partie parce que la série s’intéresse plus à cette chronique de leur histoire d’amour qu’à jouer le suspense. Il est tellement acquis par tout le monde qu’elles vont être ensemble que, par exemple, leur rencontre est plus l’occasion de voir ce que chacune apporte dans la relation, ou bien leurs craintes intimes, ou leur bonheur ensemble, plutôt que jouer au will-they-won’t-they, et ça, ça m’a plu.

    A cela faut-il également ajouter que la série a d’emblée décidé que même si la saison est hautement feuilletonnante, chaque épisode serait une expérimentation. Mon épisode favori à cet égard est probablement celui pendant lequel Luisita se prend de passion pour un soap opera historique, dans lequel elle est devenue une shippeuse pour deux protagonistes féminines dont elle jure qu’elle doivent finir ensemble… mais dont l’obsession pour la représentation lesbienne dans son soap favori prend rapidement des proportions inattendues, embarquant (malgré elle) Amelia dans son sillon. Mais d’autres sont tout aussi admirables, notamment celui chroniquant des semaines voire des mois de la relation du couple, uniquement en se basant sur les conversations tenues dans des taxis pendant cette période. Bref, j’essaie de vous dire que chaque épisode a son thème, son angle, son propos, et que, bah, c’était bien. Venant de moi, ça veut dire pas mal de choses !

    Clairement, #Luimelia sait exactement quelle est sa place. Elle assume d’être ce qu’elle est : une série dont l’existence est un peu une aberration scénaristique (il ne faut pas chercher à trouver du sens dans le fait qu’elle se passe au 21e siècle), qui existe dans un climat très particulier à la télévision espagnole : un moment pendant lequel les héroïnes LGBT sont plus présentes que jamais, mais vu ce à quoi ça ressemblait avant, ça ne veut pas dire grand’chose, et il y a encore du pain sur la planche. Les représentations qu’elle fait et qu’elle emploie ont un sens bien précis, et elle se sent investie d’une responsabilité de les utiliser avec finesse, mais sans pour autant trop se prendre au sérieux. C’est un travail d’équilibriste et, de moin point de vue, il est parfaitement accompli ici.
    L’un des aspects les plus délicieux de cette saison, c’est son parti pris éminemment meta. Alors évidemment, c’était quelque chose d’assez prévisible pour un spin-off, mais à ce degré-là, c’est rare, parce que les références sont parfaitement assumées. Les clins d’oeil se succèdent, soit en invitant des membres de la distribution d’Amar est para siempre (…la sœur et les parents de Luisita dans les deux séries sont interprétées par les mêmes actrices), soit en faisant des références à la série Amar es tiempos revueltos au détour d’un dialogue (parce que les héroïnes de #Luimelia vivent dans le présent, où la série existe !). On y tient, au détour de l’épisode pendant lequel Amelia passe une audition pour un rôle de lesbienne, un discours militant sur les représentations lesbiennes à la télévision, et dans la société dans son ensemble. Luisita est, en outre, une féministe convaincue (et bien qu’Amelia adhère à ses idées, elle est moins politisée), qui n’hésite pas à faire savoir lorsque quelque chose lui apparaît comme problématique. La série fait également le choix de très ostensiblement caser (dans sa durée pourtant courte) une scène pendant laquelle les deux héroïnes font l’amour, et la façon dont cette scène est amenée et tournée est l’inverse de quelque chose d’anodin.
    Tout dans #Luimelia est conscient. Conscient de quoi ?

    Conscient de ça : si #Luimelia existe, c’est grâce aux spectatrices d’Amar en tiempos revueltos et leur pratique du shipping.
    Bien décidées à ce que les deux personnages soient ensemble, les fans du soap se sont mobilisées massivement pour que la romance entre Luisita et Amelia aboutisse (vous voyez à quel point #Luimelia est meta ?). Lorsque les deux amantes se sont séparées à la fin de la saison 7 dans le soap, cela a provoqué pas mal de débats sur la toile. C’est d’ailleurs ce qui explique que le titre du spin-off soit un hashtag : une reconnaissance de l’influence de la communauté qui s’est pris de passion pour les deux personnages, et qui a refusé que leur histoire s’arrête là.
    En outre, il faut préciser que le soufflé n’est pas retombé avec la commande de cette première saison : la série en compte 4 au total, ET son propre spin-off, Luimelia’77, qui comme son titre le laisse entendre reprend la même idée en transposant cette fois l’intrigue aux années 70. Où comment un « simple » ship lesbien est devenu l’une des franchises majeures d’Atresmedia…

    De quoi se sentir pousser des ailes. Le cas #Luimelia a donné des idées à d’autres communautés téléphagiques.
    L’été dernier, profitant de Pride Month, ce sont les fans d’un autre soap opera historique, Acacias 38, qui ont décidé de prendre les devants. D’abord, elles ont saisi le médiateur de la télévision publique, puisque la série était diffusée sur TVE, afin de demander que la chaîne investisse dans une meilleure représentation de personnages LGBT. Pour cela, elles demandaient la mise en chantier d’un potentiel spin-off portant sur un couple lesbien de la série : Maite et Camino, soit « Maitino ». Ainsi saisie et forcée de répondre, TVE a indiqué tièdement ne pas exclure cette idée… Alors, pour passer à la vitesse supérieure, les spectatrices ont lancé une campagne de crowdfunding et, avec l’argent récolté, ont réservé un espace publicitaire devant les bureaux de l’audiovisuel public, ainsi que devant les locaux de la société de production Boomerang TV.
    Le but ? Faire savoir qu’elles voulaient vraiment voir un spin-off, et qu’elles ne lâchaient pas l’affaire. Une pluie de hashtags s’est également abattue sur les réseaux sociaux… et les actrices sont même venues poser sous l’affiche en soutien.

    L’annulation d’Acacias 38 en 2021 aurait pu calmer leurs ardeurs, mais ça a été l’inverse : les spectatrices sont encore plus motivées. Il faut souligner que leur campagne a deux atouts dans sa poche. D’abord, le couple Maitino a déjà fait l’objet d’une sorte de spin-off : un podcast de 12 épisodes de 5 minutes qui racontait comment Maite et Camino avaient poursuivi leur romance, à Paris. Bon, ce n’est pas une série TV, mais c’est une série ! Et la preuve que l’idée a déjà, dans une certaine mesure, été considérée, ce qui a été confirmé (tièdement) par la télévision publique. Ensuite, il s’agit du fruit d’efforts internationaux, Acacias 38 ayant été regardée dans une vingtaine de pays au monde… qui comme vous le voyez apparaissent sur l’affiche achetée grâce au crowdfunding. Et ça, ça fait de solides arguments en faveur de ventes potentielles à l’international.
    Force est de reconnaître enfin que le précédent #Luimelia joue en leur faveur, qui plus est.

    Les mois passent et les spectatrices, ouvertement engagées pour améliorer la représentation de leurs communauté sur leurs écrans, n’ont rien lâché. En janvier encore, TVE rassurait une nouvelle fois le public en indiquant qu’un spin-off potentiel était à l’étude, sans rien confirmer hélas.
    En attendant, les téléphages lesbiennes et bies espagnoles sont bien décidées à faire savoir que leur goûts télévisuels comptent, et qu’elles veulent se voir dans des séries romantiques. Alors il se pourrait bien que, l’air de rien, #Luimelia ait lancé bien plus qu’une série de 4 saisons… et si ça, c’est pas meta !


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  • Training bride

    12 février 2022 à 22:44 • Telephage-o-thèque •

    « A love marriage is like hot soup that goes cold over time. An arranged marriage is like cold soup that you slowly heat over time. »
    Cette comparaison semble populaire dans certains pays ; elle oppose deux conceptions très différentes du mariage et de l’amour. Dans certaines cultures, il se produit encore en effet des mariages arrangés (à des fréquences variables). Alors, dans ces mêmes cultures, on fait des séries sur des mariages arrangés, parce que le public de ces séries, s’il ne vit pas nécessairement la situation personnellement, en connaît en tous cas les enjeux et la charge émotionnelle spécifique. D’ailleurs, notons qu’on parle bien ici (…dans la plupart des cas) de mariage arrangé, et non forcé. Et que pour beaucoup de gens, cette nuance n’est pas qu’un détail.

    Fidèle à ma promesse de vous parler un peu plus souvent de soap operas, aujourd’hui nous parlons du premier épisode de Yemin, une série turque dont le point de départ, précisément, est un mariage arrangé.

    Au centre de la série, vous l’aurez deviné, on trouve un couple… ou plutôt, au stade de ce premier épisode, un futur couple.
    A ma droite, la famille Tarhun, qui vit dans un fabuleux manoir stambouliote avec plusieurs domestiques à son service. Dans ce décor forcément cossu (même si la série est parfaitement infoutue de nous dire d’où vient toute cette fortune, alors même qu’on verra plusieurs personnages en situation professionnelle ; tout ce qu’on a besoin de savoir, c’est que la famille est riche, là, cessez de poser des questions !), Hikmet est un patriarche sévère mais juste. Ce qui a tendance à l’irriter plus que toute autre chose, c’est l’insouciance de son fils, Emir, qui continue de vouloir vivre à cent à l’heure alors qu’il est supposé hériter un jour de l’entreprise familiale. Emir, de son côté, est féru de bolides, qu’il a apparemment l’habitude de conduire dans des courses illégales ; franchement, les responsabilités, c’est pas son truc. Alors forcément, le père et le fils s’entendent très modérément ! A ce tableau encore faut-il ajouter Cavidan, la mère, une femme autoritaire et dont il est permis de soupçonner qu’elle ambitionne de s’élerver dans la haute société, et Suna, la jeune sœur d’Emir, qui est souvent traitée comme un objet encombrant dans la maison parce qu’elle est en fauteuil roulant. Techniquement il faudrait aussi compter l’amie d’enfance Cemre, qui en pince secrètement pour Emir ; comme elle a l’intelligence d’être la fille de Suheyla, l’une des femmes les plus influences de la ville, Cavidan aime beaucoup Cemre, et l’encourage dans ses sentiments envers Emir. Bon, techniquement il faudrait aussi mentionner Kemal, le frère de Hikmet qui gère avec lui leur compagnie, un veuf et père d’une petite fille mutique, Masal, mais c’est une intrigue totalement secondaire, au moins pour le moment.
    A ma gauche, enfin, on a Reyhan. C’est une jeune femme qui a grandi à la campagne, qui est humble, pieuse, douce et pleine de compassion ; quelques mois plus tôt elle a perdu sa mère, or Hikmet avait beaucoup d’affection pour elle. Mes sous-titres proposaient une traduction parfois un peu maladroite, et je n’ai pas compris si elle était littéralement la sœur de Hikmet ou juste une grande sœur de cœur ; ça ne change qu’assez peu le fond du problème.

    Après une énième bêtise d’Emir, Hikmet décide que trop, c’est trop : il faut que son fils prenne un peu de plomb dans le crâne. Malgré les protestations de Cavidan, qui pense que leur fils va bien finir par s’assagir avec le temps (euh, meuf, ton fils il a l’air d’avoir 35 ans, à quel moment tu vas arrêter de lui trouver des excuses ?!), notre homme décide donc que le meilleur moyen d’apprendre les responsabilités, c’est de… se marier.
    Ah ouais. Comme ça ? Ah ok. Sympa pour la future épouse.

    Sauf que, naturellement, il a décidé que cette future épouse, ce serait Reyhan.
    Il fait donc le voyage jusque dans le petit patelin où elle vit, et lui demande cette toute, toute petite faveur : épouser Emir, que Reyhan n’a jamais rencontré par-dessus le marché. Pour ça, Hikmet a un argument-massue : il est malade (on sait pas de quoi, évidemment ; c’est cette maladie de télévision qui fait tousser beaucoup), en phase terminale, au seuil de la mort, promis ya pas de remède. Du coup, c’est son dernier vœu avant de mourir !
    Devant ce chantage émotionnel évident, dont d’ailleurs notre homme ne se cache pas, la pauvre Reyhan a beau essayer de protester (« euh, mais j’ai jamais connu que ce village moi, et euh, la tombe de ma mère est ici, et euh, nan mais quand même je le connais pas moi cet Emir ! »), elle a trop bonne nature pour lui refuser ce souhait, et finit par accepter. Le jour-même, elle remplit donc une petite valise, fait ses adieux à la tombe de sa mère, et part pour Istanbul avec Hikmet.

    La future mariée est extatique.

    Bon, je suis narquoise, mais on le serait à moins ! Le premier épisode de Yemin met des plombes à raconter quelque chose qui est prévisible de bout en bout. La mise en place apparaît longue sans raison apparente, parce que les longues minutes que l’on passe sur certaines choses sont de la plus haute évidence.
    On devine sans problème, du moment où Hikmet demande à Reyhan d’épouser Emir (au passage, Emir est le dernier informé), à quoi vont ressembler la plupart des dynamiques entre les personnages. Cavidan va de toute évidence être infecte (elle confirme cette prédiction dans le dernier tiers de l’épisode), par exemple. Cemre va être jalouse au dernier degré, d’autant que Cavidan lui a quasiment promis que ce serait elle, la future épouse de son fils. On sent aussi que parmi les domestiques, tout le monde n’est pas aussi grâcieuse que la gouvernante ; d’ailleurs on va avoir droit à un vrai « moment Princesse Sarah » au moment où Cavidan, méprisant Reyhan de tout son être dés son arrivée, lui ordonne d’aider à organiser le dîner qu’elle organise (pense-t-elle !) pour les fiançailles de Cemre et Emir, pour la punir ensuite de ne pas faire le travail à son goût.

    C’est prévisible, mais pour une bonne raison : quasiment tous les tropes employés ici sont des piliers de la fiction soapesque, en particulier dans les pays non-anglophones.
    Historiquement, telenovelas sud-américaines, soaps indiens ou dizi turques n’aiment rien tant que cette image de la jeune femme humble (ou rendue humble par les circonstances) qui se retrouve au milieu de gens riches et méchants. Sauf que, par courage, abnégation, et par noblesse de caractère, elle va encaisser toutes les infâmies. Au passage ce n’est pas une coïncidence si Yemin est diffusée sur plusieurs chaînes d’Amérique du Sud sous le titre La Promesa.

    Cette image de la victime perpétuelle est, bien-sûr, ce qui nourrit le mélodrame : on inscrit dans la genèse-même de la série que tous les malheurs du monde vont tomber sur la pauvre héroïne, qu’elle va courageusement tout subir sans broncher (elle écrasera quelques larmes discrètement, sans plus), et qu’à la fin, toute cette noblesse de caractère ne sera que renforcée par sa capacité à survivre au pire. Dans l’idéal, en effet, elle triomphe à la fin. Cependant, ce n’est pas toujours garanti, parce que, eh bien, elle fait face à des protagonistes puissantes, ne serait-ce que par l’argent. Et puis parfois, surtout si la série continue d’être prolongée, sa fonction est de s’en prendre tellement plein la gueule que la vindication ne vient jamais.
    Mais ce mythe a aussi une vraie valeur pour les spectatrices, qui peuvent y voir une représentation de ce qu’elles ont parfois l’impression d’endurer au sein d’une belle-famille maltraitante, par exemple. Cela explique la persistance de ces tropes en association avec le sujet du mariage arrangé : c’est un mariage consenti (certes de justesse ici…), mais lourd de conséquences parce qu’un mariage de raison n’est pas toujours un mariage où l’on a pu choisir tous les paramètres. Toutefois, on y consent en espérant, avec le temps, transformer cette adversité en un mariage réussi, et donc (les deux sont intimement corrélées), une vie heureuse. Ce sont des contes où c’est la persistance qui est récompensée, pas la passion. Un jour, la soupe sera chaude et délicieuse.

    A noter que ce premier épisode est d’autant plus interminable qu’il dure… oui, vous savez, cet épisode de série turque, donc… vous voyez où je veux en venir ? Eh oui, il dure 90 minutes !
    A ma connaissance il n’y a d’ailleurs aucun autre pays au monde dans lequel les soaps quotidiens peuvent atteindre ce genre de durée par épisode. Au moment de son lancement en février 2019, Yemin était diffusée chaque soir de semaine à 19h. L’investissement que ça représente me scie un peu : suivre ce soap signifiait passer 7h30 devant son écran chaque semaine ! Mes respects aux spectatrices turques, je ne suis pas digne. Aucune de nous n’est digne. Et encore, ça c’est rien, imaginez les conditions de travail sur une série diffusée à ce rythme…
    Bon, je vous rassure, à partir du 280e épisode, la chaîne Kanal7 a changé le rythme de diffusion, et désormais ce ne sont « que » deux épisodes de 90 minutes par semaine (le weekend) qu’il faut suivre. Mais quand même, quel courage, quelle abnégation, et quelle noblesse de caractère…


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