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    15 janvier 2022 à 23:57 • Review vers le futur •

    C’est toujours comme ça, pas vrai ? J’ai passé une bonne partie de ma semaine à poursuivre mon revisionnage de The Good Wife (entamé l’an dernier), et cet après-midi tout d’un coup j’ai envie d’un pilote. Vous savez ce que c’est, histoire de changer un peu d’horizon.
    Ce que je n’avais pas prévu, ce serait de tomber sous le charme de Wolf Like Me, une série australienne de la plateforme Stan (mais co-financée par peacock), à propos de laquelle les résumés restent évasifs. Et regardez-moi cette photo promotionnelle… qu’est-ce qu’elle vous dit de la série ? Rien. Elle est muette.

    J’ai passé tout le premier épisode à me demander ce que je m’apprêtais à regarder. Oh, j’avais mes soupçons, mais Wolf Like Me persistait à laisser planer le doute. Je regardais ses premières scènes défiler en fronçant les sourcils. What is this show about ?
    Si j’avais écrit ma review à ce moment-là, son sujet aurait été précisément cela : cette interrogation qu’on a face à une série qui nous est étrangère, dont on ne sait rien, et à propos de laquelle on essaie de déterminer une nature. Ou au moins un genre. Dramédie ? Drame ? Romcom ?

    Est-ce que cela a de l’importance ? Cela semble en avoir parce qu’il est devenu très difficile de regarder une série sans savoir quel en sera le sujet. Sur les plateformes de streaming, on obtient un résumé avant d’avoir vu la moindre image ; on nous dit à quels genres précis la série correspond ; on nous donne la durée de chaque épisode à la minute près. C’est quasiment impossible d’avoir des surprises de nos jours. On dirait qu’il ne faudrait pas perdre de temps à découvrir par soi-même dans quoi on met les pieds ; en réalité on nous enlève un peu de l’émotion de la découverte. Mais c’est l’échange qu’on a décidé de faire quand les choses nous sont devenues accessibles hors de la télévision linéaire, je suppose. Avoir le contrôle de ce qu’on regarde semble devoir nécessairement s’assortir d’une délivrance totale de toutes les informations concernant une série avant même de l’avoir vue. On sait exactement ce que l’on regarde, pourquoi, et souvent même, ce que l’on va y trouver.
    Dans les grandes lignes, ma review aurait parlé de ça. De se lancer à l’aveugle dans Wolf Like Me, et de réaliser que ça ne se produit presque plus. De découvrir que ça me frustrait mais que ça m’excitait aussi beaucoup, de scruter l’épisode en attendant qu’il me dise dans quelle case ranger la série.

    Je l’ai donc vu, ce premier épisode, dans sa totalité. Et j’ai progressivement eu ma réponse. What the show is about. Malheureusement pour vous, j’ai décidé de ne pas vous donner plus d’information que Stan, ou peacock, ou les autres résumés sibyllins sur lesquels vous êtes tombés jusqu’à présent. D’ailleurs n’essayez pas d’aller chercher plus loin. Regardez la série, ou ne la regardez pas, mais ne cherchez pas dans quelle case la ranger avant de l’avoir vue.
    Faites-vous cette faveur ; croyez-moi, c’est pour votre bien.
    Toutefois, je ne viens pas à vous les mains vides. Après avoir fini la saison dans ma lancée (d’où la publication tardive de cette review ; il a des choses qui parfois ne se contrôlent pas, et vraiment ce visionnage m’est tombé dessus sans prévenir), voici ce que je peux vous dire.

    Si vous voulez une ode à la vulnérabilité, ce qu’elle coûte autant que ce qu’elle apporte, vous voulez voir Wolf Like Me. Il ne s’y dit rien de fondamentalement nouveau sur le sujet, en revanche, c’est si joliment dit…
    Wolf Like Me est de ces séries qui ne s’embarrassent pas trop d’avoir l’air sensées, parce que l’essentiel n’est pas là. C’est ce que vous allez ressentir qui prime, et ressentir des choses assez puissantes ou en tout cas belles, ça ne dépend pas forcément d’un scénario où tout fait parfaitement sens. Ce autour de quoi l’intrigue est construite n’a pas vraiment d’importance, dans le fond, alors l’accepter vous fera gagner du temps et de l’énergie, pour mieux vous consacrer à vivre les émotions de ses protagonistes. Il n’y a rien d’absolument novateur ou bluffant dans cette série (à part peut-être le jeu de la petite Ariel Donoghue, vraiment pleine de nuances), mais l’émotion ne se loge pas toujours, presque jamais en fait, dans l’inédit.

    Les personnages de Wolf Like Me acceptent d’être vulnérables. Cela a du sens que ses spectatrices le soient aussi. C’est comme ça qu’on a de jolies histoires. C’est tout ce que j’ai à dire.


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  • Noces de cristal

    14 janvier 2022 à 22:00 • 3615 My (So-Called) Life •

    Quinze années, à l’échelle d’une vie, ce n’est pas beaucoup (ou du moins est-ce à espérer). Sur internet ? C’est comme effleurer l’infini.

    En janvier 2007, je commence à préparer les premiers articles de ladytelephagy, parce que je ne veux pas ouvrir à vide. Je veux alors tout simplement parler de ce que j’aime et de ce que je regarde au quotidien (…ce n’est pas toujours la même chose !), et y faire ce que je ne fais pas ailleurs, puisque j’écris déjà des articles plus factuels, et alimente la base de données de (feu) SeriesLive.com, où j’officie depuis 2003 (je ne quitterai sa rédaction qu’en 2012 après maintes initiatives, épisodes de podcast et aventures inédites). Je le vois alors vraiment comme un blog, mes écrits sérieux et réfléchis étant ailleurs.
    Et donc, ça fait 15 ans aujourd’hui.

    En l’espace de 15 années, évidemment, pas mal de choses ont changé.
    Je lance moins de coups de gueule. J’expérimente moins sur la forme et plus sur le fond. Je privilégie la curiosité plutôt que de partager ce qui m’est connu et/ou confortable. Je ne cherche plus à parler à tout crin de ce qui fait l’actualité dont tout le monde parle. Je n’organise plus de petits jeux idiots où on gagne des cookies à la myrtille. J’ai arrêté les listes de mauvaise foi sur ce que je n’aime pas dans une série que de toute façon je n’aime pas. Je me concentre sur les reviews pures plutôt que sur les impressions générales. Et je voyage. Je voyage tellement…
    Certains de ces changements se sont faits un peu à mon insu ; pour d’autres, je suis ravie que mon travail ait évolué, parce que j’y ai consacré suffisamment de temps et d’énergie pour en arriver là. Ce n’est franchement plus un blog, aujourd’hui (d’ailleurs je n’utilise plus ce terme pour en parler). C’est « ce que je fais ».

    Si je voulais aujourd’hui consacrer quelques lignes à cet anniversaire, qui sans doute n’émeut que moi, c’est que… ce que je ne savais pas, c’est à quel point écrire dans ces colonnes (d’abord sur Canalblog puis sur mon propre Dotcom) me changerait, moi. Quand on écrit régulièrement sur les séries, tout naturellement cela influe sur notre consommation. Et ça, personne ne vous en prévient.

    Au départ, on écrit parce qu’on a envie d’écrire. Il y a tant d’espace à remplir sur un blog tout neuf ! Et puis on s’interroge sur la régularité (à une époque je m’étais fixé « un article chaque vendredi. minimum. », et globalement j’ai essayé de m’y tenir autant que possible même après avoir arrêté d’utiliser ce slogan). Mais qui dit régularité, dit : sujet. Et il fallait donc à un moment ou à un autre s’interroger sur les sujets à propos desquels j’allais écrire. Comment écrit-on sur la télévision ? En réalité de mille façons, mais il me fallait trouver la mienne.
    Tout était à inventer et il faut croire qu’avec le temps j’ai inventé le petit recoin d’internet où je peux parler très exactement de ce que je veux sans plus me soucier de ce dont ça va avoir l’air. J’imagine que c’est une belle métaphore sur le fait de prendre de l’âge, aussi. Accepter que je ne gagnerai jamais aucun concours de popularité, arrêter totalement de consulter les statistiques de fréquentation (seuls les chiffres, désespérément en berne, des commentaires, me touchent encore), cesser de me sentir en compétition avec qui que ce soit, a beaucoup aidé ; au juste je ne sais plus pourquoi je me mettais la rate au court-bouillon avec ces préoccupations-là.
    Parallèlement, pour ne pas dire mécaniquement, ces changements dans ma propre attitude se sont aussi accompagnés de changements dans ma consommation de séries. J’ai cherché de moins en moins à regarder ce que tout le monde regardait, à me préoccuper de ce qui sortait et quand et si j’étais dans les temps ou si j’avais accumulé du « retard« , à vérifier si je voyais les séries qu’il FALLAIT (pourquoi ?) voir… Du coup je suis aussi devenue moins prescriptive. Gagnante-gagnante.

    Tout cela ne s’est pas produit du jour au lendemain. Derrière la publication d’une review, il y a tout un processus conscient dont en fait on discute assez rarement, même entre nous. Quels sont les choix que l’on fait, chaque semaine, surtout quand il y a tant à voir et donc tant à reviewer ?
    Il était possible, certes, de publier des reviews « par épisode » (ça se faisait beaucoup plus que maintenant, même si plusieurs médias spécialisés entretiennent encore un peu la tradition… mais à une ère post-binge watching, allez savoir pour combien de temps encore), sauf que ça n’a jamais été mon truc. Alors j’ai commencé à regarder encore plus de pilotes. C’est un exercice télévisuel qui a toujours eu ma préférence : j’aime les défis narratifs qu’il se fixe autant que l’excitation d’entrer dans un nouvel univers. Le pilote, c’est rarement le meilleur épisode d’une série (…cette concession m’arrache la gueule), mais c’est souvent le plus fascinant par ses tentatives, ses intentions, son potentiel. Or, les potentiels me font rêver !
    Lorsqu’on se demande sur quoi on va écrire cette semaine, le pilote est en plus, à mon sens, le grand facteur d’égalité téléphagique : tout le monde peut venir à une review de pilote les mains dans les poches. On a toutes le même bagage sur une série donnée quand elle commence (hors les quelques olibrius qui regardent les trailers, peut-être). Même si les références que ce pilote évoque peuvent être plus inégalitaires, même si l’inscription d’une série nouvelle dans l’Histoire télévisuelle peut avoir un impact plus ou moins palpable sur sa compréhension, même si l’industrie locale qui a enfanté d’une série venue de l’autre bout du monde est inconnue… quand commence son premier épisode, on en est toutes au même point. Du coup, je vois ça comme étant mon rôle que d’expliquer ces autres facteurs autant que je le peux. Prendre conscience de cela (à force d’écrire, certainement pas dés le premier jour) a radicalement changé mon approche des reviews. Alors, plus j’écrivais sur les pilotes, plus je voyais de pilotes, forcément. Plusieurs centaines par an. Ce qui forcément faisait boule de neige.
    Il est d’autant plus vrai que l’écrit influence la consommation, maintenant que le nombre de mes publications est dépendant du montant des contributions le mois précédent ! Je ne peux plus écrire quand ça me chante sur ce qui m’obsède à un moment donné, et ça a plein d’avantages (et certes aussi quelques inconvénients). Et c’est vrai pour d’autres aspects que les pilotes, bien-sûr.

    …Je me rappelle encore demander la permission, presque honteuse, à mes lectrices d’alors (et pour certaines, d’aujourd’hui), de parler d’autre chose que de séries américaines. Je regardais des séries japonaises depuis quelques années pourtant, mais cela semblait si… indécent. J’avais totalement souscrit à l’idée qu’une vraie série, une bonne série, une série, quoi ! c’était une série étasunienne. Relire mon exposé gêné de mon processus de pensée aujourd’hui me fait rire, évidemment. Mais c’est aussi la preuve précieuse des barrières qu’on peut parfois se mettre par pur peer pressure, et il est vrai qu’à l’époque, les blogs sur les séries américaines et les blogs sur les séries asiatiques ne se mélangeaient absolument pas. Et il n’y avait pas grand’chose entre les deux, non plus.
    Aujourd’hui, la contrainte géographique est très différente… et ses conséquences le sont tout autant. Parce qu’à présent, je m’efforce de ne plus parler du même pays pendant deux reviews de suite, je regarde de plus en plus de séries venues d’horizons différents : « ah bah non, je peux pas parler d’une 712e série japonaise ce mois-ci, j’en ai déjà reviewé une cette semaine… du coup je vais mettre ce visionnage en pause pour me concentrer sur cette série sénégalaise ». C’est dommage pour cette série japonaise qui me faisait tellement envie ; mais une fois ma review de série sénégalaise publiée, ça ira mieux et je pourrai finir cette série dont je sais que je ne vous parlerai jamais, ou alors au détour d’un paragraphe, en passant.
    Au final, pas de regret : je gagne en variété de mon côté aussi. C’est un sacré cercle vertueux. Et après tout, je me suis fixé ces règles personnelles, alors je peux les abolir à n’importe quel moment. C’est juste que je sais très bien que les suivre m’ouvre beaucoup plus d’horizons !

    Il y en avait beaucoup, des blogs de séries, quand j’ai démarré, et je me demandais si j’allais trouver ma place parmi eux sans y être purement redondante ; ma blogroll était interminable. Aujourd’hui hélas, beaucoup de ces lieux de partage et/ou de curiosité ont fermé (au point que j’ai fini par faire une croix sur l’idée d’entretenir des liens dans mon pied de page sur le Dotcom). J’ai l’impression d’être une survivante et je ne sais pas à quoi je le dois, ni même si je devrais m’en vanter… j’essaie de ne pas trop penser à ce que cela dit de moi d’être toujours là, 15 ans après, quand tant d’autres ont évolué vers de nouveaux objectifs dans la vie.

    15 ans, c’est 6489 articles (dommage pour le chiffre rond, qu’on atteindra certes bientôt) sur 8202 séries venues de 122 pays au monde. Ce sont des reviews de pilotes, de saisons, des articles de fond, des fun facts quotidiens pendant 5 de ces années, quelques interviews, même. Ce sont 15 années pendant lesquelles certaines portes se sont temporairement ouvertes, quand j’ai fait partie du jury pour une édition de SeriesMania par exemple, ou quand j’ai travaillé comme consultante pour un producteur TV français. L’air de rien ça a aussi été 15 années de doutes. Sur l’intérêt de ce que je fais, la façon dont je le fais, et la raison pour laquelle je le fais, parfois, aussi. Ce Dotcom est devenu une part essentielle de ma vie, entre les articles que je dois délivrer en temps et en heure pour honorer mes engagements auprès des contributrices sur uTip, l’impact sur ma propre consommation pour le meilleur et pour l’un peu moins meilleur… ou les fun facts que je devais impérativement publier à 20h précises quoi qu’il arrive. Elle me manque et ne me manque pas, cette époque !
    Si je suis honnête, au bout de 15 années, il n’est pas exagéré de dire que ces milliers d’articles, ce sera probablement l’oeuvre de ma vie. C’est pas grand’chose comme contribution à l’humanité, mais j’aurai vraiment tout donné.

    Ce que je sais, c’est que je ne serais pas là après 15 ans sans la poignée de lectrices assidues qui, pour une raison qui souvent m’échappe, tiennent bon. Qui m’encouragent quand j’ai l’impression que ce que je fais est dérisoire (et objectivement ça l’est, je ne vais jamais guérir le cancer). Me lisent quand bien même elles ne connaissent pas les séries dont je parle, ne les verront parfois jamais, mais m’encouragent à poursuivre quand même. Je ne comprends toujours pas pourquoi, mais je suis reconnaissante pour cette confiance qu’elles me portent. Bien plus que je ne suis reconnaissante pour celles qui clament haut et fort que ce que je fais est si formidable, et ne me lisent jamais. Et croyez-moi, je sais qui est qui.

    J’ai passé une bonne partie des 15 années écoulées à me demander à quel moment tout ça s’arrête. A un moment je vais « grandir » et laisser tout ça derrière moi, non ? Tant d’autres l’ont fait.
    Lentement je commence à réaliser que peut-être que ça ne s’arrête pas. Pas quand on peut grandir avec ce qu’on fait. Alors tant que ça peut se produire, je signe pour 15 années de plus ; le cœur léger, la passion en bandoulière, et le Dieu de la Téléphagie comme seul berger.


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  • 20 000 lies under the sea

    13 janvier 2022 à 20:50 • Telephage-o-thèque •

    Tout le monde dit beaucoup de bien de Vigil, mais comme j’ai arrêté presque complètement de regarder des séries policières, j’avais jusque là fait l’impasse dessus. La diffusion ce soir sur arte m’incite cependant à y jeter un oeil parce que jamais arte n’oserait diffuser une série policière médiocre.
    Vigil se présente comme une enquête de type mystère en chambre close, sauf que la chambre est un immense sous-marin nucléaire.

    Tout commence cependant en surface, lorsqu’un petit bateau de pêche se retrouve, semble-t-il par accident, agrippé à un quelque chose sous l’eau. En quelques minutes, l’embarcation et sa poignée de pêcheurs se retrouve emportées. Non loin de là, sous l’eau, Craig Burke, un officier à bord du sous-marin militaire HMS Vigil entend quelque chose via le sonar ; mais les informations sont encore trop rares, et afin de ne pas mettre la position du Vigil en danger d’être repérée, le commandant Newsome donne l’ordre de ne pas intervenir, laissant par conséquent les pêcheurs mourir.
    Peu de temps après, l’officier Burke est retrouvé mort d’une overdose dans sa cabine. Ce qui a, naturellement, assez peu de chance de n’avoir aucun rapport.
    Hélas pour la Navy, le sous-marin était dans les eaux britanniques lors de ces événements, et la mort de Burke doit donc faire l’objet d’une enquête par la police civile. L’inspectrice Amy Silva est envoyée à bord pour 3 jours, afin de faire un rapport.

    L’air de rien, Vigil est assez high concept. Les règles du jeu sont simples : hors urgence, personne ne transmet de message depuis le sous-marin, afin de ne pas signaler sa position extrêmement stratégique ; Silva ne peut que recevoir des rapports. Ceux-ci lui sont communiqués par sa partenaire restée à la surface Kirsten Longacre, qui conduit des interrogatoires avec les proches et collègues de Burke. Personne n’a quitté le sous-marin, et hors Silva, une seule personne est entrée (le remplaçant de Burke). Elle doit donc travailler entièrement seule et, étant la seule civile dans cet univers militaire dont elle ne possède pas les codes ni même la confiance, elle ne peut faire confiance à personne sinon Longacre.

    Mais le premier épisode révèle progressivement qu’on n’est pas dans un simple épisode de JAG, ici. En introduisant, d’abord, cette histoire de bateau de pêche, que Burke est la première personne à remarquer, puis la seule personne à défendre, on comprend bien qu’il ne va aucunement s’agir d’une simple affaire d’overdose ou même de règlement de compte personnel. Toutefois, l’affaire se révèle encore plus compliquée lorsque Vigil commence à aborder la présence de militantes pacifistes et anti-nucléaires, qui évoluent aux abords de la base militaire où le Vigil a ses amarres. Je ne sais absolument pas si les sous-marins ont des amarres mais restez avec moi.
    Cette introduction en rajoute encore une couche en insistant sur la relation entre Silva et Longacre. Les deux femmes ont clairement une histoire personnelle, même si la série n’en explicite pas immédiatement la nature ; cette relation, loin d’être anecdotique, va leur permettre d’échanger discrètement, leurs anecdotes communes servant de langage codé dans les « échanges » de message. C’est l’occasion pour Vigil d’insister à la fois sur ce qui lie les deux femmes, mais aussi sur le passé de Silva, celle-ci souffrant visiblement d’un traumatisme.

    Le premier épisode ajoute donc plusieurs couches de complexité à son enquête, qui lui permettent non seulement de jouer avec les tons (le thriller politico-militaire, le drame personnel, etc.), mais aussi avec les significations. Une seule enquête a de multiples ramifications pour toutes ces protagonistes, sur un plan personnel autant que professionnel, et même du point de vue de la sécurité nationale.
    En cela, Vigil démontre une maîtrise parfaite du procédé de « double histoire » (né dans les polars scandinaves), ce qui est généralement plutôt bon signe. Pour le reste ? Pour le reste voyez avec arte.


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  • Le premier jour du reste de leur vie

    12 janvier 2022 à 22:06 • Review vers le futur •

    A ma grande surprise, le pilote de Pivoting évite avec une certaine élégance plusieurs des clichés que j’attendais de lui. Pour commencer, bien que se revendiquant comique, la série ne perd pas son temps dans des gags sur l’enterrement de Coleen, l’amie des protagonistes dont le décès est le point de départ d’une profonde remise en question. Mais surtout, l’épisode entre dans le vif du sujet en l’espace de quelques minutes à peine, refusant de se perdre dans des chemins de traverse, et s’attaquant directement à son sujet : trois femmes qui décident de se forger une vie meilleure.
    Tout le problème étant de déterminer à qui cette vie meilleure ressemble.

    En se concentrant immédiatement sur Amy, Jodie et Sarah (mais quand même un peu plus Amy que les autres, j’ai l’impression…? ce sera à vérifier avec les épisodes suivants) et leur quête de mieux, Pivoting s’assure que les spectatrices ne diviseront pas leur attention. On parle du maquillage mortuaire de la défunte ou des cheveux de son bébé, sans les montrer, parce que la série ne porte pas sur Coleen. Son sujet est uniquement les conséquences de son décès sur les trois amies qui lui survivent (et cela évite, en outre, de se lancer dans des tangentes Desperate Housewives-esques sur les circonstances de son décès ou un quelconque secret qu’elle aurait gardé).

    Amy, une productrice d’émission culinaire matinale qui n’a absolument pas la « fibre maternelle », n’arrive pas à s’ôter de l’idée qu’elle devrait être la mère parfaite qu’était Coleen. Le premier épisode la met au défi de faire mieux, mais a également la bonne initiative de tout de suite introduire l’idée (via son mari absolument parfait pour elle, Henry) qu’elle ne peut pas être la mère parfaite qu’était Coleen. Tout simplement parce qu’elle n’est pas Coleen. En posant aussi clairement un enjeu nuancé (s’améliorer mais rester en accord avec soi), Pivoting trouve un bon juste milieu.
    Jodie est une femme au foyer négligée (…pour ne pas dire verbalement maltraitée) par son mari Dan, prisonnière d’une vie vouée à sa famille. Toutefois, elle refuse cette insatisfaction et décide de se lancer dans des cours particuliers avec un entraîneur pour perdre un peu de poids, et se sentir, au moins, un peu mieux dans son corps. C’est elle qui a la première l’idée que « someday is now » (« un jour c’est maintenant ») et qu’il n’est plus possible d’attendre un mieux imaginaire, il faut l’amener à soi. Son intrigue est résolument la plus comique de l’épisode, mais on sent une véritable blessure que je suis curieuse de voir la série explorer.
    Enfin, Sarah mène une vie frustrante en tant qu’urgentiste, qui ne lui laisse pas un moment. Elle n’a aussi jamais totalement guéri du divorce avec son ex, Diana, qui l’avait trompée au préalable. Le boulot étant le seul domaine sur lequel elle a une quelconque prise, elle décide dans ce premier épisode de plaquer son job de docteure et de postuler à un emploi dans un supermarché. Dans l’ensemble Sarah a peu de scènes bien à elle dans cet épisode, et c’est certainement l’intrigue qui me laisse la plus circonspecte. Mais si Pivoting arrive à éviter les écueils à venir comme ceux qu’elle évite dans ce premier épisode, je n’ai pas de raison de trop m’inquiéter.

    Bien que ne manquant pas de moments plus légers voire carrément ridicules (Ginnifer Goodwin y fait alors le plus gros du travail), Pivoting est une dramédie qui s’intéresse sincèrement à ses personnages, à leurs envies et à leurs peurs, et ce que l’espace entre les deux peut provoquer d’hésitations. Je m’imagine parfaitement m’intéresser à ces protagonistes sur le long terme, ainsi qu’à leur devenir, parce que le premier épisode fait un boulot formidable pour les rendre attachantes et relativement complexes. Pour un épisode d’une demi-heure qui fait aussi pas mal de boulot d’exposition et prend le temps de batifoler autour d’une paire de skinny jeans, c’est plutôt pas mal.
    Quand bien même ce premier épisode n’est pas parfait (et a, comme très souvent dans les séries de ce genre, un énorme point aveugle sur l’aspect socio-économique de son univers, vu que ses trois héroïnes qui se connaissent depuis le lycée sont comme par hasard toutes des femmes aisées… et aussi, « I’m done with hard work » pour justifier de quitter la médecine pour aller bosser dans un supermarché pour un salaire de misère, sérieusement ?), Pivoting ne manque pas de potentiel.
    C’est tout-à-fait le genre de série qui pose les bases d’une affection qui ne peut que s’épanouir avec le temps.


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  • Snow TV

    11 janvier 2022 à 22:51 • Dorama Chick •

    On parle souvent de la façon dont la fiction et la réalité peuvent parfois brouiller les pistes. La plupart du temps, cette conversation a lieu dans le cadre de la « télé réalité » (qui n’en porte que le nom), et s’associe à toutes sortes de débats autour d’une réalité qui serait, nécessairement, plus trash que la fiction. Plus vulgaire, plus sexualisée, plus violente. Plus rythmée.
    Elle est trash, vous, votre vie ? Pour la plupart des gens, j’ai l’impression que c’est le contraire : nos vies seraient plutôt de la slow TV. Et c’est bien souvent pour le mieux, si vous me demandez mon avis.

    Fort heureusement, il est aussi possible de gommer la frontière entre la fiction et la réalité sans s’aventurer dans le domaine de la surenchère. Limite au contraire.
    Kodoku no Gourmet et dans une moindre mesure Ekiben Hitoritabi l’ont fait avant elle, mais j’avoue que Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo a réussi à pousser son concept plus loin que quiconque : voyager. Dans chaque épisode, partir ailleurs et suivre quelqu’un dans ce voyage. Sauf qu’à la différence de ces deux exemples, Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo n’est pas une « série d’appétit » (sous-genre japonais que je ne présente plus… parce que je l’ai déjà fait abondamment ici, là, ou encore ici). Sur le fond comme sur la forme, elle est plutôt à rapprocher des travel shows.

    Mais si, vous savez ! Ces émissions dans lesquelles une présentatrice se retrouve dans un endroit inconnu, commente l’architecture ou les paysages, rencontre des personnalités ou professionnelles locales, découvre des plats et des coutumes natives du lieu, avant de repartir comme elle était venue… Ces émissions-là, qui peuvent être férue de terroir ou d’exotisme, selon leur angle d’approche, peuvent être une invitation au voyage ou plus simplement à la curiosité. Mais une curiosité qui se veut, presque toujours, humaine. C’est un genre plus intéressé par l’anecdote qu’autre chose. Même quand l’émission (et ce n’est pas toujours le cas) inclut des données historiques ou scientifiques, le rapprochement avec le quotidien des personnes vivant sur place est toujours privilégié.
    Ce qu’un travel show veut, c’est vous faire imaginer avoir fait ce voyage, peut-être éventuellement imaginer votre vie dans cet endroit. Guère plus. Ce n’est pas de la slow TV, qui serait purement contemplative et dénuée de structure, mais ça s’en approche très souvent.

    Eh bien Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo est un peu comme ça. Sauf qu’il s’agit résolument d’une fiction, dans laquelle la présentatrice voyageuse est remplacée par une protagoniste voyageuse, qui sa propre backstory. C’est le générique qui nous en apprendra une partie, près de 5 minutes après que l’épisode ait commencé : Michiko vit à Tokyo où elle est représentante commerciale pour une compagnie de meubles. C’est une vie qui a l’air remplie, notamment de succès, mais la jeune femme met tout en pause pendant ses congés pour partir en train à l’autre bout du pays, et c’est sur cela que la série porte réellement.
    Dans ce premier épisode, lancé dans la nuit de vendredi à samedi, Michiko se retrouve dans le Nord du Japon, dans un petit train qui la dépose en gare de Hirafu, non sans avoir au préalable admiré la machine qui l’a transportée aussi loin. C’est que, Michiko est une passionnée de trains, et les voyages sont surtout un moyen pour elle d’admirer les locomotives et les wagons ; elle connaît l’histoire des modèles mais aussi des lignes, et vient aussi loin pour assister elle-même à la beauté du réseau ferroviaire qu’elle connaît si bien. Bien entendu, elle va dévoiler quelques informations aux spectatrices pendant son voyage, mais elle n’est pas là pour sortir sa science ; ce n’est pas ça, l’objet de la série.

    Hirafu est, à son arrivée, drapée dans une épaisse couche de neige, mais ce n’est pas le genre de choses qui désarçonne la jeune femme. Elle commence par un déjeuner qu’elle a acheté dans une gare précédente, dégusté au calme dans la salle d’attente de la petite gare, où elle ne peut s’empêcher de remarquer que quelqu’un a déposé des tabourets sculptés dans des troncs d’arbre, qui sont à vendre (déformation professionnelle). S’en suit une balade dans les alentours de la gare, où elle repère qu’un jeune homme descendu du même train qu’elle est affairé à prendre des photos des trains qui passent sur la ligne. Puis elle se présente à la réception du gîte de la gare : Hirafu est en effet la seule gare du pays dans laquelle un bed and breakfast est intégré à la structure ferroviaire ! C’est l’occasion pour elle de rencontrer l’homme qui entretient à la fois la gare et le gîte, puis la vieille femme avec laquelle elle s’apprête à partager, cette nuit-là, l’une des chambres de la petite résidence. Après un nabe qui permet à tout le monde d’échanger quelques mots autour de la table du dîner, la journée se finit sur un banc adossé à la gare, à discuter avec la voyageuse âgée. Le lendemain, Michiko se lance dans une promenade plus large encore, et découvre un recoin inattendu au détour d’un sentier.
    Et voilà. L’épisode s’arrête là. Il n’avait pas besoin d’en dire plus.

    Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo est contemplative ; son héroïne ne se déplace pas sans son appareil photo (on comprendra pourquoi en fin d’épisode ; cette révélation est absolument anodine, d’une certaine façon, ce qui explique qu’on n’en ait pas eu besoin plus tôt), et immortalise divers moments de son passage à Hirafu. Ce sont des photos qui oscillent entre l’anodin et le sublime, capturant aussi bien de larges panoramas que des petits détails. On est un peu là pour s’émerveiller devant la beauté de ce village, mais pas seulement. Les diverses personnes qu’elle rencontre, aussi, peuvent avoir leur photo.
    Quelle différence avec un travel show, du coup ? Pourquoi en faire une série, s’il s’agit d’aller dans un véritable lieu ? Eh bien, la fiction permet aussi de mettre l’ego de côté, et de se concentrer non sur les personnes exactement (et pour cause : elles sont fictives), mais plutôt sur les lieux et surtout, les histoires. Les histoires de ces gens qu’on croise et qu’on ne reverra sans doute jamais (…ou peut-être que si), qui ont fait partie du voyage mais qui n’ont jamais totalement brisé la solitude. Leur compagnie permet d’échanger quelques mots et d’avoir, brièvement, un aperçu de leur vie. Comme une photographie de qui sont ces personnes à un moment donné, réunies uniquement par l’exceptionnelle circonstance d’un voyage fait au même moment que Michiko.
    Il y a le responsable de la gare, qui a tout plaqué il y a plusieurs années pour venir travailler dans cet endroit perdu au milieu de nulle part ; il y a le jeune homme qui prend des photos des trains parce qu’il ne s’imagine pas faire autre chose de sa vie ; il y a cette veuve qui n’a jamais voyagé quand son mari était en vie, mais qui commence à voir du pays. Ce ne sont pas des histoires extraordinaires, mais ce sont les histoires de ces personnes-là, et on peut les raconter. Ou au moins raconter ce passage-là. Il n’y a pas spécialement d’enjeu, ni de mystère à révéler. Au contraire, hors quelques phrases échangées sous l’émotion du voyage, on ne saura rien d’autre de ces protagonistes ; le reste de leur existence leur appartient.

    Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo choisit la fiction parce qu’on peut mieux choisir l’histoire à raconter et la façon dont elle est racontée. Ce sont des histoires qui ne sont ni trop incroyables ni trop tristes. Ce sont des anecdotes, mais des anecdotes sélectionnées pour ne pas dénaturer l’essence-même du voyage. Ce sont des photographies de vies anodines, qui suscitent une émotion (même brève) chez Michiko. Ou simplement qui lui permettent d’apprécier le voyage, et ce bref instant de partage.
    C’est un procédé quasi-anthologique, ce qui convient bien à une série itinérante comme celle-ci.

    Au passage, il faut aussi admirer l’extrême délicatesse des sous-titres.

    Ce que dit une série comme celle-ci, c’est que vous n’avez pas besoin d’aller spécifiquement à Hirafu pour faire un beau voyage… mais si vous y allez, on vous dit pourquoi cela pourrait valoir le coup. Ce n’est pas exactement l’endroit qui est important. Il y a des centaines de gares comme Hirafu, et Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo s’apprête à vous en présenter seulement douze pendant cette saison, alors franchement inutile de se focaliser sur la destination en particulier.
    En revanche, ce que raconte la série, c’est que le voyage est précieux à la fois parce qu’il emmène ailleurs, et parce qu’il permet de croiser d’autres que soi. Ce qui fait toute la beauté du voyage, ce sont les émotions vécues en rencontrant ces lieux et ces gens. Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo renvoie à ce que le voyage a de plus intime : plus on est ailleurs, plus on est en soi. Alors qu’à la maison, on a parfois à peine l’occasion de ressentir quoi que ce soit…

    Une série comme Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo a le courage (surtout à notre époque télévisuelle) de dire à ses spectatrices que l’essentiel, c’est ce ressenti sur le moment. Et pendant une demi-heure, elle les autorise à ressentir ces émotions à la fois anodines et complexes.
    Il n’y a pas de règle. On peut ne réagir qu’à une partie de ce que l’on voit (peut-être serez-vous insensible aux prises de vue d’une simple colline enneigée), ou bien s’extasier devant chaque détail (« oh, le panneau de la gare est un peu rouillé ! oh, quelle jolie fontaine ! »). On peut (surtout si vous êtes moi) s’intéresser au bento consommé en salle d’attente, ou s’apaiser à l’idée d’un thé chaud sur le quai froid. On peut préférer les histoires des inconnues rencontrées pendant ce voyage, ou apprécier les moments silencieux pendant lesquels Michiko traverse la campagne japonaise en observant tout autour d’elle. Peu importe à quoi vous êtes plus réceptive, Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo vous dit qu’il y a forcément quelque chose dans ce lieu réel (mais avec des personnages fictifs) qui peut nous faire ressentir quelque chose. Et ce quelque chose n’a pas besoin d’être extraordinaire.
    Aucune surenchère. La simplicité peut être émouvante. C’est ça aussi, un voyage.

    Je suis quelqu’un qui, agoraphobie et pauvreté oblige, voyage peu. Physiquement en tout cas. Pour moi, Tetsu Oota Michiko, 2 Man Kilo n’est et ne restera que fiction. Mais quelle belle fiction.


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  • Pulling at the heartstrings

    10 janvier 2022 à 22:00 • Review vers le futur •

    Quand j’allais à l’école, il y avait deux matières dans lesquelles j’étais absolument et irrévocablement nulle : les mathématiques et l’Histoire. Heureusement, pour l’une de ces disciplines, les séries peuvent m’aider un peu à compenser. Par exemple, aujourd’hui on se plonge dans les années 30 avec Aziz, une série turque lancée en novembre dernier qui s’est d’emblée installée parmi les meilleures audiences du vendredi soir.
    Que sais-je des années 30 en Turquie ? Trois fois rien… pour le moment. Car Aziz fait un plutôt bon travail pour m’aider à combler mes lacunes.

    Trigger warning : tentative de viol.

    Ce soir-là, deux pères ont perdu un fils. Sauf que l’un de ces pères est le gouverneur français d’Antakya, et que l’autre père est le plus important marchand de tapis de la ville… et que l’un de ces fils a tué l’autre. Quand la région entière est placée sous l’autorité des Français, quel espoir y a-t-il pour un jeune Turc, aussi riche son père soit-il, de ne pas être exécuté ? Peu importe qu’il ait tué en voulant protéger une femme d’une tentative de viol : il ne peut rester.
    En pleine nuit, Aziz Payidar est donc envoyé au loin par son père, avec juste un peu d’argent et un cheval. Qu’il parte et qu’il vive au loin, plutôt que de mourir ici. Et qu’il ne revienne que lorsque tout sera oublié.

    Hélas, il n’y a pas que la famille d’Aziz à Antakya : il y a aussi la belle Dilruba, dont il est épris depuis l’enfance. Il était enfin prêt à la demander en mariage, mais bien-sûr, maintenant qu’il est en fuite, il n’en est plus question. Avant de partir, il lui fait cependant la promesse de revenir, un jour, pour elle ; il ne sait pas quand. Elle lui promet de l’attendre aussi longtemps que nécessaire. Cette nuit-là, avec pour uniques témoins les saules pleureurs, Aziz et Dilruba se promettent un amour éternel, et il lui passe sa bague de fiançailles au doigt. Mariées devant la lune.
    Pour échapper au pire, il rejoint l’une des caravanes de marchandises de son père, et entreprend d’accompagner les Bédouins pendant leurs nombreux voyages dans toute la région. C’est un travail éreintant, où un jeune homme riche n’a pas vraiment sa place, mais l’âme d’Aziz, endurcie par les événements récents, lui permet de tenir bon. La série noire n’est pourtant pas finie : la caravane est un jour prise d’assaut. Et Aziz est mortellement blessé dans le dos…

    Seulement voilà : la série porte son nom, et il ne peut donc être mort. Deux ans plus tard, le voilà qui refait surface à Antakya.
    Les retrouvailles ne sont pas telles qu’il l’espérait. La longue partie de l’épisode initial d’Aziz consacrée à ce retour est truffée de découvertes déchirantes : son père s’est ôté la vie un an plus tôt, après avoir tout perdu ; la demeure familiale ainsi que l’atelier de tapisserie sont dans un état de délabrement d’autant plus avancé que tout ce qui pouvait être vendu l’a été ; et surtout, oh surtout… Dilruba est désormais fiancée à Adem.
    Adem, c’était le cousin mais surtout l’ami d’enfance d’Aziz, qui secrètement avait toujours été amoureux de la jeune femme aussi. Techniquement, bon, personne n’a commis de faute : tout le monde pensait Aziz mort depuis longtemps. Mais son retour à Antakya, évidemment, remue pas mal de choses, et les sentiments enfouis remontent à la surface. Or, Adem ne va pas renoncer ; pire, il est prêt à tout, y compris à utiliser l’influence et la fortune de son père Galip, pour que le mariage avec Dilruba se produise.

    Je ne suis pas là pour vous mentir, donc je m’en garderai bien : Aziz est mélodramatique. Très mélodramatique. Mais peu de pays font le mélodrame aussi bien que la Turquie, donc c’est une bonne nouvelle.
    Si vous aimez les séries historiques tirant sur la corde sensible, avec une distribution pléthorique qui s’entre-déchire sur des airs lancinants de violons, c’est la série pour vous. Surtout que la réalisation est vraiment soignée, et que je n’ai pas vu filer cet épisode (pourtant d’une durée de 2h… celles parmi vous que cela étonne devraient sûrement se renseigner un peu mieux sur la télévision turque !). Il y a quelques moments de bravoure visuelle, l’épisode brodant parfois dans une séquence contemplative, ou soulignant l’action d’un plan plus impressionnant que la moyenne (Dilruba montant l’escalier vers la fin de l’épisode, par exemple, il m’a fallu une minute pour m’en remettre).
    Ce n’est pas simplement que c’est mélodramatique, donc, c’est qu’on n’hésite pas dans Aziz à prendre le temps du sublime ; on n’est pas dans le vulgaire tear-jerker (quoi que celui-ci ait aussi ses mérites). Même moi qui suis assez souvent imperméable à ce type d’émotion grandiloquente, je me suis retrouvée émue devant le résultat à plusieurs reprises (la pendaison de Zulfikyar, par exemple… mais pardon, je vais un peu vite).

    N’allez pas croire que la trame de la série se limite aux affaires de cœur de notre héros, ou même de son entourage. En fait, si ces deux heures sont si bien employées, c’est parce qu’Aziz met un point d’honneur à tisser une gigantesque toile, où le personnel ne peut qu’interagir avec l’Histoire.

    Aziz n’est ainsi pas le seul qui a tout perdu pendant ces deux années : c’est tout Antakya qui est en deuil d’un passé jadis radieux.

    La ville est déjà occupée lorsque commence la série (qui se garde bien, toutefois, de donner des dates exactes). Dans l’une des premières scènes de cet épisode, on assistera à un passage à tabac de Zulfikyar, un homme handicapé, par André, le fils du gouverneur français ; un café rempli d’hommes le regardent faire, impuissants. Il est tout bonnement impensable de lever la main contre l’occupant, quand bien même ce n’est pas l’envie qui manque : on peut juste baisser les yeux, et prier pour qu’un jour, quelqu’un vienne délivrer la ville de la main-mise française (inutile de préciser qu’une diffusion d’Aziz chez nous est assez peu probable…). Plus tard, lorsqu’André essaie de violer une jeune femme du nom d’Efnan et qu’Aziz porte secours à celle-ci, tuant le fils du gouverneur dans le feu de l’action, la terreur est palpable sur les visages de son père et de son oncle Galip : ni leur fortune, ni leurs connections, ne pourraient sauver le jeune homme après ce qu’il a fait.
    Toutefois, Aziz va plus loin. Pendant les deux années qui se sont écoulées, le gouverneur Pierre semble s’être montré plus cruel encore. La ville s’est appauvrie, les droits des citoyennes se sont effilochés, une école a ouvert pour apprendre le français aux enfants, et tout acte de rébellion est évidemment réprimé par l’armée. La seule personne qui a prospéré ? C’est Galip Payidar, l’oncle d’Aziz. Il s’est assuré du soutien français dans ses affaires, et profite désormais d’un monopole sur toute l’industrie du textile d’Antakya, qui fait vivre la région. Enfin, « vivre », c’est un bien grand mot…

    J’ai trouvé incroyablement fin le propos qu’Aziz met en place pour dire : les riches trouvent leur compte dans l’occupation, et en sont complices en rendant la vie des pauvres plus difficile encore. Efnan, qui travaille dans un atelier de tapisserie de Galip, va en faire les frais : puisqu’il n’y a pas de concurrence, soit elle accepte les conditions de travail qui lui sont imposées, soit elle meurt de faim. On est ici bien au-delà du discours, si courant dans les séries, sur les Méchants Riches qui utilisent l’argent pour avoir tout ce que leur cœur désire (ce que l’intrigue d’Adem aurait pu laisser penser). Il s’agit là d’une vraie critique de la collusion entre le pouvoir autoritaire (par définition injuste) et le pouvoir économique (…bah, injuste lui aussi). Tous deux s’alimentent mutuellement, maintenant la population dans la pauvreté et la peur sans aucune possibilité de se lever ni contre l’un, ni contre l’autre.
    …Ou bien ? Parmi les citoyennes d’Antakya, il se murmure que quelqu’un finira par libérer la région. Il faut bien croire que cet Enfer va finir un jour, pour tenir le coup ; mais si j’ai bien compris ce vers quoi Aziz se dirige, on semble aussi poser les bases d’une sorte de Zorro turc (d’ailleurs ça ne se sent pas trop dans ce premier épisode, mais Wikipedia prétend qu’Aziz est aussi une série d’action, ça fait beaucoup d’indices convergents).

    Alors évidemment, comme beaucoup de séries sur ce type de sujet, et en particulier des séries turques, ce n’est pas pour rien que l’intrigue tire sur la fibre nationaliste de ses protagonistes et donc de ses spectatrices. Cela touche à des choses qui dépassent, et de loin, le seul cadre d’Aziz.
    Toutefois, la réflexion qui accompagne cette démarche est assez inédite, plus encore sur une grande chaîne commerciale. Loin d’être anecdotique, ce parti pris très politique s’entremêle avec les intrigues individuelles des personnages, liant leurs destins comme un fil rouge. Après tout, aucun des malheurs (et ils sont nombreux, d’ailleurs l’intrigue d’Efnan est sacrément gratinée aussi) qui se produisent pendant ce premier épisode n’aurait lieu sans l’autorité militaire et/ou le pouvoir financier.

    Voilà quelques temps que je n’avais pas eu autant envie de suivre une série turque que celle-ci, alors que j’avais commencé Aziz plutôt comme un bouche-trou dans mon emploi du temps. Je commence à en avoir testé et regardé quelques unes à ce stade, mais rarement j’ai autant l’impression qu’ici d’avoir affaire à une série qui veut dépasser les facilités. Loin de regarder ses personnages par la petite lorgnettes, le premier épisode d’Aziz tisse méticuleusement des relations complexes en relation directe avec une période très précise de l’Histoire. C’est exactement ce qu’il fallait à une ignare comme moi.


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  • We come in piece of shit

    9 janvier 2022 à 19:23 • Dorama Chick •

    Il faut quand même admirer le culot de la télévision chinoise, qui en pleine pandémie de COVID-19 (pour la deuxième année consécutive !) qui a un peu démarré sur ses propres terres, trouve l’audace de lancer une série dans laquelle ses équipes médicales sauvent l’Afrique du virus ebola ! C’est quel genre de toupet, ça ?! Bien-sûr, on me rétorquera que Ebola Qian Xian (ou Ebola Fighters de son titre anglophone) s’appuie en partie sur des faits avérés, et notamment le parcours du Dr. Cao Gang en Guinée (il y a plusieurs Easter eggs faisant directement référence à ses expériences).
    Mais ça sent quand même un peu la propagande.

    Il ne m’en fallait pas plus pour jeter un oeil au premier épisode de la série sitôt qu’elle a été sous-titrée. Accrochez-vous, ça ne rigole pas ; ya même des cases sur la photo de promo…

    Pour une série tant ravie de s’inspirer de faits réels, Ebola Qian Xian fait le choix peu anecdotique de se dérouler dans un pays fictif, Cabalia (elle a même pris la peine de lui inventer un drapeau), une nation anglophone située en Afrique de l’Ouest. Venu en mission internationale, le médecin Zheng Shu Peng y travaille depuis deux ans, dans un hôpital co-financé par les deux pays : à ce titre, il travaille donc à la fois avec du personnel chinois et du personnel… cabalien ? On va partir sur cabalien comme gentilé. Shu Peng va nous servir en introduction le mélange habituel de tendresse feinte (il s’est fait une petite vie ici) et de regard paternaliste (« c’est un pays pauvre, mais ces gens ont des bonheurs plus simples que les nôtres »). Son meilleur ami sur place est le chirurgien cabalien Gassimou Kamala (surnommé « Gai » par ses homologues chinois), un homme passionné par la Chine, sa culture, sa musique, qui lui cuisine même des plats traditionnels chinois avec les ingrédients qu’il a, mais qui, comme la plupart des personnes africaines de la série, fait peu de cas des mesures permettant d’éviter la contagion des nombreux virus qui trainent. Or, Zheng Shu Peng est un virologiste de formation, et il est obsédé par la transmission de ces maladies, et lui fait donc régulièrement des reproches.

    Tandis que Shu Peng se prépare à retourner bientôt en Chine, son séjour de 2 ans touchant à sa fin, Gassimou va quant à lui être promu au sein de l’hôpital prochainement. Leurs chemins sont donc voués à se séparer… Mais évidemment, lorsqu’un patient se présente avec les symptômes d’ebola (même si la série ne l’explicite pas tout de suite), les plans de tout le monde se retrouvent changés ; en particulier, Gassimou est en première ligne pour traiter le patient, et potentiellement contaminé. Alors forcément, Shu Peng s’inquiète, et décide de procéder à des analyses pour vérifier le degré de dangerosité du virus, découvrant ainsi le premier cas d’ebola en Cabalia.
    Comme jusque là Ebola Qian Xian était une série très masculine, il faut bien un personnage féminin (sinon avec qui pourrait-on avoir un enjeu amoureux, je vous le demande). Il s’agira de He Huan, une journaliste qui arrive dans un camp de réfugiées maintenu par les Nations Unies. Pour l’instant sa seule fonction est d’être très triste à cause de la guerre (on sait pas qui, on sait pas avec qui, on sait surtout pas pourquoi, peu importe, c’est l’Afrique, il y a forcément une guerre), ça va la changer un peu d’être probablement triste à cause de l’épidémie, dans un futur proche.

    A mesure que le premier épisode, inexorablement, s’avance vers sa description du départ de l’épidémie d’ebola en Cabalia, Ebola Qian Xian fait ce qu’on ne peut appeler autrement que des choix. Par exemple, dans une autre série et en particulier une série pré-COVID, le Dr Zheng et son utilisation compulsive du gel hydroalcoolique seraient traités comme dans Monk, mais ici, évidemment, il est le seul à avoir la prescience de ce qui va se produire si on ne fait pas plus attention. Ses avertissements n’ont pas été assez pris aux sérieux, et résultat, voilà où on en est, avec une épidémie d’une maladie hautement mortelle sur les bras ; en tout cas c’est pas mal tourné comme ça, même si dans les faits ce pauvre Gassimou n’a absolument couru aucun risque particulier avec le patient zéro.
    Or, une fois qu’elle a établi que le docteur cabalien était potentiellement contaminé, Ebola Qian Xian ne lui donne absolument plus la parole, ni même ne le fait apparaître à l’écran : ce qui compte à partir de là, c’est le ressenti du personnel chinois de l’hôpital, entre autres de Zheng Shu Peng. Là où au départ la série semblait présenter les soignantes africaines comme des égales, l’épisode a vite fait de trahir sa véritable intention de les traiter uniquement comme des victimes de l’épidémie. Et des victimes sans émotions, puisqu’à la fin de cet épisode introductif, les seules personnes qui seront montrées dans l’inquiétude d’être contaminées (et potentiellement condamnées)… sont les membres de l’équipe médicale chinoise. Bah oui, c’est triste de mourir dans un autre pays que le sien (…mourir dans son propre pays, moins, il faut croire). Si dans les faits, des vies africaines vont être sauvées, ce ne sont clairement pas celles qui comptent pour Ebola Qian Xian.

    Je me suis toujours demandé comment la Chine parlait à ses propres citoyennes de sa politique de soft power en Afrique. On sait bien qu’outre ses investissements économiques et diplomatiques, le pays s’est assuré de s’impliquer dans les médias, aussi (j’en faisais un fun fact il y a quelques années par exemple ; évidemment ça va bien au-delà). Mais à l’intérieur de ses frontières, quel est le discours tenu ? Comment « vend-on » l’incursion chinoise dans les pays d’Afrique ? A plus forte raison quand (I shit you not) on diffuse cette série dans le cadre du centenaire de la création du Parti communiste chinois…
    Ebola Qian Xian répond à cette question : on nous vend de l’héroïsme. Bien-sûr qu’on nous vend de l’héroïsme ! Un héroïsme en or massif, qui repose sur une certaine forme d’omniscience et de sacrifice altruiste. La recette n’est pas très différente du white saviorism dont se rendent régulièrement coupables les productions européennes et/ou nord-américaines…

    Pour l’instant, je n’ai pas trouvé la trace quelconque d’une diffusion d’Ebola Qian Xian dans un pays africain par les canaux habituels de la Chine. Je serais très curieuse de connaître la réaction des spectatrices si ça se produisait, cela dit. Surtout que la série a (et j’avoue que je ne m’en remets pas) l’effronterie d’être produite en pleine épidémie de COVID, qu’on ne présente plus, notamment ses origines. C’est quel genre de cynisme de se lancer dans ce genre de storytelling à un moment où la Chine a décidé que son soft power allait désormais également s’appuyer sur une diplomatie médicale ? Une générosité intéressée, dont personne ou presque ne semble dupe… mais comme les alternatives, à l’heure où les brevets ne sont toujours pas levés sur les vaccins, sont rares par ailleurs, difficile de faire la fine bouche.
    Je m’attendais à de la propagande, et je n’ai pas été déçue. Si j’en crois ce que j’ai lu, certes principalement sur des sites chinois, la série a été bien reçue en Chine. En même temps peut-on s’attendre à une autre réaction ? Quelle spectatrice s’est jamais plainte d’entendre ce qu’elle voulait qu’on lui dise… En-dehors de ces frontières, en revanche, il en faudrait bien plus pour convaincre.


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  • L’âge avant la beauté

    8 janvier 2022 à 14:42 • Review vers le futur •

    POUR VOUS OFFRIR UNE REVIEW REFLÉTANT PARFAITEMENT MON IMPRESSION DU PREMIER ÉPISODE DE GOOD SAM, IL FAUDRAIT IDÉALEMENT QUE JE CRIE TOUT DU LONG.
    PARCE QU’AVEC LA MUSIQUE SEPT CENT DOUZE FOIS PLUS BRUYANTE QUE LES DIALOGUES, C’EST À LA FOIS CE QUE LES PERSONNAGES AURAIENT DÛ FAIRE POUR QUE J’ENTENDE CE QUI SE DISAIT, ET À LA FOIS LA FAÇON DONT JE ME SUIS EXPRIMÉE PENDANT DEUX HEURES APRES LE VISIONNAGE, VU QUE J’ÉTAIS DEVENUE SOURDE. VRAIMENT, JE NE SAIS PAS QUI ÉTAIT EN CHARGE DU MIXAGE SUR CE PILOTE, MAIS PAS MERCI. DANS CERTAINES SCÈNES, JE N’AURAIS PAS SURVÉCU SANS SOUS-TITRES. VRAIMENT, IL Y A DES SÉRIES MAUVAISES ÉLÈVES SUR CE PLAN, MAIS J’AI RAREMENT VU (OU ENTENDU) PIRE. MÊME CHEZ LA CW, ON N’OSERAIT PAS, D’AILLEURS ON N’A PAS OSÉ À CE POINT DANS EMILY OWENS, MD.
    …Bon, j’ai pitié de vous, donc tout bien pesé je vais écrire le reste de cette review normalement. Mais sachez que le cœur y est.

    Imaginez que Dr. Gregory House ait une fille (la pauvre), et qu’une fois adulte elle suive la même voie professionnelle que lui. Eh bien dans les grandes lignes, Good Sam, c’est une série sur cette fille… mais quand même un peu beaucoup son père.

    Dr. Samantha Griffith a tout dans la vie, sauf l’approbation du seul homme qui compte réellement : Dr. Rob « Griff » Griffith, chef du service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire d’un grand hôpital du Michigan. Celui-ci est sévère avec tout le monde, mais surtout avec elle. Malgré cela (ou, plus vraisemblablement, à cause de cela), elle travaille dans le même hôpital que lui, directement sous son autorité : Sam supervise les résidentes en chirurgie qu’il est en train de former, officiant comme n°2 du service.
    Parmi ces résidentes se trouvent Lex, la meilleure amie de Sam, ainsi que Caleb, avec lequel notre héroïne entretient une relation apparemment assez sérieuse. Suffisamment sérieuse pour qu’elle envisage de faire des plans avec lui pour le futur… du moins jusqu’à ce que ce dernier panique. Les autres membres de l’équipe sont plus anecdotiques : Isan le chirurgien au grand cœur, et Joey qui ne rêve que de la vie confortable de chirurgien esthétique.
    En outre, Sam et Griff ne sont pas les seules personnes à exercer dans cet hôpital : Vivian, la mère de l’une et l’ex-femme de l’autre, occupe un poste de direction.

    Good Sam met un point d’honneur à montrer que les tensions entre le père et la fille ne sont pas simplement une question générationnelle. Les deux protagonistes sont radicalement opposées dans leur pratique de la médecine, et pas simplement de la chirurgie. Le père est le stéréotype du chirurgien vivant pour la compétition, peu intéressé par les patientes et uniquement par les cas médicaux, et obsédé par la performance (et donc avec un ego gigantesque) ; la fille, par contre, est une team player diplomate, utilisant l’empathie pour parler avec mais aussi écouter ses patientes, et se remettant perpétuellement en question. Bonjour les rôles genrés, au passage.
    Sauf qu’un beau jour, par un prétexte quelconque dont on ne reparlera probablement plus jamais, Griff Griffith est plongé dans le coma. Sam prend naturellement sa place dans la hiérarchie de l’hôpital… jusqu’à ce que 6 mois plus tard, il se réveille en s’attendant à ce que les choses reviennent à la normale. Or, évidemment, Dr Griffith père n’est pas en mesure d’opérer à nouveau ; en fait, il doit même être supervisé par un pair spécialement assigné à vérifier ses capacités à reprendre un scalpel. Naturellement, Griff demande à Sam (ou plutôt passe par Vivian pour lui demander) d’agir comme sa surveillante, pensant certainement pouvoir obtenir d’elle qu’elle signe ce dont il a besoin plus vite qu’un autre proctor… sauf qu’en l’espace de 6 mois, Sam Griffith pense s’être affirmée suffisamment pour lui tenir tête. Elle accepte, mais en s’imaginant avoir de l’autorité (entre autres due à son poste) qui lui permette de ne plus se laisser marcher sur les pieds.
    Voilà en tout cas l’idée de base, même si évidemment, pendant ce premier épisode, Sam va découvrir qu’elle se faisait quelques illusions sur sa capacité à faire basculer une dynamique vieille de plusieurs décennies en l’espace de 6 mois.

    Il y a quelque chose d’agaçant dans ce premier épisode de Good Sam, et ce n’est pas que son volume musical. Même si ça aussi.
    Ce n’est que le premier épisode, et la série est déjà complètement embourbée dans son « tout le monde peut avoir raison ». Good Sam est focalisée sur son but : réconcilier le père et la fille, ce qui ne serait pas la pire idée au monde (bien que peu surprenante), si au moins cet épisode ne versait pas dans le bothsiderism médical : chaque fois que Sam et son père s’affrontent sur un point particulier du cas médical du jour, quelqu’un va avoir raison, le prouver à l’autre, et faire lui concéder ses torts. Sauf que quand Griff a raison, c’est sur un point purement technique, parce qu’il a les connaissances médicales et l’expérience qui se prêtent à reconnaître des choses qui échappent à Sam et ses résidentes ; quand Sam a raison, c’est uniquement sur le plan humain (même si ses interactions empathiques avec le patient lui permettent de décrocher une information importante, elle est moins orientée sur l’angle médical). Du coup c’est facile que tout le monde ait raison quand on ne parle pas de la même chose ! Et puis surtout, ça donne l’impression que tous les épisodes à venir vont jouer à ce va-et-vient entre « non mais moi je sais » et « peut-être mais moi je suis gentille », et ça me lasse d’avance. C’est la fonction primaire d’un premier épisode (a fortiori pour une série médicale) de décrire la formule autour de laquelle la série va se construire par la suite ; même si on aura immanquablement droit à des variations, Good Sam pose les bases d’une dynamique paresseuse.
    En outre, l’épisode reconnaît ouvertement que son postulat, c’est que Sam a encore besoin de progresser en médecine (alors qu’elle était jusque là numéro deux du service ? …okaaaaay) avant de devenir une bonne chirurgienne ; mais ne vous inquiétez pas, au contact de son insupportable père, elle va s’améliorer. Alors oui, elle se prépare aussi à s’affirmer vis-à-vis de lui, chose qu’elle n’avait encore jamais vraiment faite mais… c’est super infantilisant. Sam aurait vraiment dû accepter le poste dans je ne sais plus quelle autre ville, jamais on ne l’y traiterait comme une vulgaire apprentie.
    Tout cela aurait pu, dans une réalité parallèle, donner une série intéressante. Good Sam fait mine de parler d’assertion : une fille qui démontre qu’elle est une adulte, et l’égale de son père. Mais dans la pratique ce premier épisode prouve que pour pousser ces deux personnages à interagir, la série n’a rien trouvé de mieux que d’insister au contraire sur ce qu’elle a encore à apprendre de lui. Mais pas l’inverse ! Aucun signe dans ce premier épisode que Griff va apprendre l’empathie en parallèle ! Comme toujours quand on fait comme si tous les avis se valaient, ce qu’on veut dire c’est qu’il y a en fait un avis qui vaut plus que l’autre…

    Et comme si ce n’était pas assez irritant, Good Sam a en plus décidé de s’aventurer sur les terres de Grey’s Anatomy avec ses autres intrigues personnelles. On fait là encore dans le cliché le plus total, parce que tout ce petit monde vit à l’hôpital, dort à l’hôpital, et bien-sûr baise à l’hôpital.
    Ainsi, pendant les 6 mois du coma de papa Griffith, Sam a aussi plaqué son mec, Caleb, qui semble depuis à la dérive et a l’air de vouloir recoller les morceaux. Pas de chance : elle va rencontrer dans ce pilote Malcolm, un nouvel enjeu amoureux, et je vous parie qu’on va avoir au moins quelques épisodes de triangle romantique, d’autant que le nouveau personnage n’est pas juste riche et séduisant, il est aussi (par la force du Saint-Scénariste) devenu un membre du personnel. Ce qui est une manie. Le simple fait que toute la famille Griffith travaille dans le même hôpital (ya qu’un seul hosto dans tout le Michigan ?!) n’était pas suffisant, apparemment ! A plusieurs reprises, c’est en fait Vivian qui va agir comme tampon entre Griff et Sam, ou comme conseillère (à croire qu’une directrice n’a rien d’autre à foutre que materner les gens à longueur de journée). Il faut aussi que Papa Griffith ait des coucheries avec… ma foi, le seul autre personnage féminin vaguement susceptible de coucher avec lui, donc ni sa fille ni son ex-femme (ç’aurait été tellement plus original si au moins il s’était tapé un des mecs de l’équipe…).
    Bref tout ce petit monde va s’écharper entre deux séquences de diagnostic différentiel, sur de la musique (forte) que n’aurait pas renié l’épisode le plus hallucinatoire de Desperate Housewives. Le ton de la série ne semble d’ailleurs pas se décider, essayant désespérément de rendre plus légères des scènes quotidiennes qui n’ont pas à l’être (et les dialogues ne sont pas toujours au courant), puis noyant des scènes médicales sous un thème à suspense (où on n’entendra donc pas ce qu’il se dit, et ne ressentira donc aucun enjeu).

    Vous dire que j’ai eu une mauvaise expérience de ce premier épisode relève donc du doux euphémisme. Et ça m’énerve parce que j’aime beaucoup Sophia Bush, j’aime bien Jason Isaacs, et j’aime tout court les séries médicales… mais là franchement, il n’y a pas assez d’argent au monde pour me payer à regarder les épisodes suivants.


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  • Mauvais sort

    7 janvier 2022 à 19:28 • Review vers le futur •

    Quand je vous dis que la plateforme pour laquelle je me verrais le plus souscrire à un abonnement (et ça vient de quelqu’un qui n’aime pas le streaming et son obsolescence incontrôlable) est Shahid, je ne plaisante même pas. Fort heureusement, en attendant d’avoir les moyens de faire ce genre de dépenses dans des loisirs, il y a internet, et internet a décidé qu’en 2021, on améliorait l’accès aux séries de Shahid. C’était déjà palpable l’an dernier, et ça m’a permis de parler de plusieurs de leurs séries (genre Bab Aljahim), mais ça se confirme déjà cette année !
    Me voilà donc aujourd’hui à vous parler de Jinniyya, une série koweïtienne fantastique dont j’espère ne pas trop écorcher le nom, lancée par la plateforme panarabique en novembre dernier. Elle ne compte que 8 petits épisodes (moins de 40 minutes en moyenne), mis en ligne deux par deux chaque semaine ; mais on va se contenter de parler du premier épisode pour le moment.

    Elevée par dans une famille où l’on est possédée par les jinns de mère en fille, Jinniyya porte le nom de sa grand’mère, à laquelle elle ressemble trait pour trait. Pour elle, cela ressemble à une malédiction : vivre la vie de son aïeule, alors qu’elle voudrait vivre la sienne. Mais, placée sous l’influence des jinns, et surtout de sa mère, elle semble incapable de se défaire du sort…

    Ce n’est pas la première fois (et sûrement pas la dernière) que je me fais la réflexion que peu de séries me rappellent à autant d’humilité que les séries produites dans le MENA. Il y a souvent (pas toujours, et il faut le noter ; mais souvent) des séries dans cette région devant lesquelles j’ai l’impression de passer à côté de quelque chose. Ce quelque chose, je soupçonne que ce soit un code culturel et/ou de production avec lequel je ne suis pas ou pas assez familiarisée. A force de regarder plus de ces séries, cependant, j’espère en comprendre les spécificités et dépasser l’incompréhension initiale.
    Au fil des expériences téléphagiques, j’ai réalisé qu’une partie de ce qui me bloquait, mais hélas une partie seulement, c’était que la fiction arabophone fonctionne en grande partie à l’opposé du « show, don’t tell » (montre, au lieu de dire). Les séries ont très souvent de nombreux dialogues, explicitant au maximum… eh bien, tout. De la personnalité des protagonistes à leurs motivations, en passant par les dynamiques interpersonnelles, ces séries, très souvent, font dire à leurs personnages tout ce que les spectatrices ont besoin de savoir. On compte très peu sur le langage non-verbal, sur l’exposition par l’action, ce genre de choses. Parfois je me dis que cette explication suffit à débloquer ma compréhension d’une série ; mais dans le cas de Jinniyya… ça n’est pas si simple.

    Alors oui, les personnages parlent beaucoup dans cette introduction de Jinniyya. On y parle, qui plus est, par allusions, avant que finalement vers la fin de l’épisode on obtienne un peu plus de clarté, lors d’une discussion familiale explicitant certaines clés du problème qui ne nous avaient pas été dévoilées avant que l’action ne commence. A la place, on s’engueule beaucoup ; les scènes pendant lesquelles la mère et/ou le père de Jinniyya râlent, menacent, s’énerve, sont plutôt nombreuses… et surjouées, ce qui n’aide pas.
    Mais ce n’est pas que cela. La dimension fantastique de la série est assez surprenante. La série démarre sur une incantation qui semble n’avoir aucune conséquence. Hors une scène tout au début de ce premier épisode, pendant laquelle les jinns qui accompagnent Jinniyya et sa jeune sœur Fakhriya les aident à régler leur compte à des hommes qui les ont sifflées et s’apprêtent vraisemblablement à les agresser, on ne voit pas vraiment de magie noire. Pire, la seule autre apparition d’un jinn est quasiment traitée sous l’angle de l’humour ; sa fonction est uniquement de renforcer le fait que Jinniyya fait peur (ce que l’accoutrement et le maquillage noirs, ainsi que les airs mystérieux adoptés par l’héroïne, établissaient déjà pas mal) même à des hommes adultes. Aucune mythologie, et quasiment pas de sorcellerie ou surnaturel, et quand il se produit, rien ne se passe ensuite.

    Quelque chose dans tout cela semblait, disons, superficiel ; peut-être même, tout simplement, mauvais. Après avoir regardé ce premier épisode, je me suis adossée à ma chaise, les sourcils froncés. Est-ce que Jinniyya est tout simplement une mauvaise série ? Ce serait l’explication la plus simple : une série fantastique qui se perd dans tout ce qui n’est pas fantastique, qui bavasse pendant des dizaines de minutes au cours desquelles on nous répète que la vie de cette famille est étouffante; et qui… et… attendez une minute !
    J’ai réalisé qu’il y avait une autre explication possible : Jinniyya n’est pas une série sur une jeune femme destinée à devenir sorcière. C’est une série sur la façon dont on peut grandir, se construire, et finalement prendre son envol, quand on a grandi dans une famille maltraitante. Le fantastique y sert simplement de métaphore. Comment j’ai pu louper ça ?

    Quand je repense à ce premier épisode de Jinniyya sous cet angle, tout a beaucoup plus de sens. Même le ridicule consommé des parents, surjoués sans merci (le père est un bon à rien, la mère une odieuse bonne femme qui maltraite tout le monde), et qui en fait illustre si bien pourquoi la protagoniste est si bouleversée par son existence. La faiblesse de son père est également expliquée par la présence des jinns, que sa mère peut contrôler… d’où aussi l’insistance de l’épisode sur le fait que des hommes craignent ou devraient craindre une jeune femme comme Jinniyya, quand elle sort accompagnée d’un jinn.
    Cela explique aussi l’importance du mariage dans l’intrigue, au moins en partie : Fakhriya lit les lignes de la main de Jinniyya, et découvre qu’il y est inscrit que la jeune femme va se marier. Je n’avais pas compris au départ pourquoi les deux sœurs paniquent, et finissent par se promettre de n’en parler à personne. Leur terreur m’était au départ apparue comme une question de magie (« une sorcière n’a pas le droit de se marier », quelque chose du genre), mais ça n’avait pas beaucoup de sens vu que leur mère, par définition, est mariée. Une fois qu’on considère qu’il s’agit plutôt de la promesse de pouvoir échapper à sa famille, ça s’explique en revanche beaucoup mieux.

    Tout, absolument tout a beaucoup plus de sens comme cela. Et je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai mis autant de temps à envisager les choses sous ce jour. Est-ce les dialogues qui m’ont perdue en route ? La traduction des dialogues qui était imparfaite ? Le fait que je me focalisais sur l’aspect fantastique ? La possibilité qu’une autre série produite dans un pays que je connais mieux aurait traité la même intrigue tout-à-fait différemment ?
    Sûrement un peu de tout cela, et quelques autres explications encore. Mais j’ai trouvé une clé de compréhension cette fois, et je soupçonne que la prochaine me viendra plus vite encore.


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  • All in the Phamily

    6 janvier 2022 à 19:38 • Review vers le futur •

    Cette semaine, la chaîne canadienne CBC faisait sa rentrée de début d’année avec le lancement de deux comédies, Son of a Critch mardi soir, suivie de Run the Burbs hier. Au départ, mon plan consistait à regarder les deux pilotes, puis de laquelle de ces séries j’allais vous parler.
    Après tout, elles ont pas mal de choses en commun ! Hors le fait qu’il s’agit dans les deux cas de comédies en single camera, elles ambitionnent toutes deux de s’adresser à un public plutôt familial.

    En les regardant aujourd’hui, toutefois, j’ai eu une pensée pour toutes ces séries canadiennes (plus encore les comédies) dont on n’entend jamais parler ou si peu, alors qu’elles ont des qualités. Son of a Critch et Run the Burbs ont toutes les deux des qualités, alors pourquoi choisir ? Je ne déteste rien tant que de devoir choisir, comme vous le savez. Alors… bah, j’ai pas choisi. On va parler des deux.

    Je commence (anti-chronologiquement) par Run the Burbs, qu’on doit à Andrew Phung, que l’on trouvait dans Kim’s Convenience. et qui est cette fois également le co-créateur de la série. La série se déroule dans une banlieue parmi tant d’autres, où Andrew Pham, son épouse Camille, et leurs enfants Khia et Leo, habitent une maison tout ce qu’il y a de plus banale, dans un cul-de-sac des plus ordinaires.

    Sauf que la Pham n’est pas ordinaire. Andrew et Camille sont des parents encore assez jeunes, au moins dans leur tête, et ont résolu de ne pas changer d’état d’esprit juste parce qu’elles vivent une vie qui pourrait sembler rangée. Tout est toujours une bonne excuse à être décontractée et à s’amuser, et c’est en particulier vrai pendant ce premier épisode, qui se déroule au cœur de l’été (…oui bon, c’est un choix de diffusion je suppose).
    Andrew est surexcité à l’idée d’organiser le « Block-buster », une gigantesque fête qui a lieu sur le terre-plein au milieu du cul-de-sac. Les Pham en sont les organisatrices depuis qu’elles ont emménagé dans le quartier, parce qu’apparemment avant elles, personne dans le voisinage ne se parlait, et maintenant c’est l’événement estival incontournable auquel tout le monde veut participer. Tout le monde a des préparations de dernière minute à faire, sauf que, évidemment, ce n’est pas si simple… il s’avère notamment que les Pham n’ont pas procédé à la demande de permis d’utilisation de la voie publique auprès de l’association du quartier. En outre, l’invité musical qu’Andrew était si ravi de présenter à ses voisines ne vient finalement pas. Comment sauver le Block-buster ?

    Dans Run the Burbs, il y a une énergie palpable, et la bonne nouvelle c’est que même si Andrew y occupe une bonne place, il n’y éclipse absolument pas Camille. Leur partenariat donne lieu à des échanges complices et savoureux, mais aussi à des intrigues individuelles, puisqu’il y a deux problèmes à résoudre le même jour. J’ai même une préférence pour l’intrigue de Camille, qui découvre qu’un permis a déjà été délivré pour utiliser l’espace public… et décide de se lancer dans un pari pour obtenir le précieux sésame.
    Au final, ça donne un épisode plein de références (Andrew et Camille ont d’ailleurs une private joke à ce sujet), de rythme, et de gags relativement inédits. J’ai été un peu surprise par la tournure des événements (je pense qu’un autre choix de conclusion à l’histoire du permis était possible, sans nécessairement contraindre les Pham à sembler trop conventionnelles), mais il n’en reste pas moins que ça fonctionne, dans la joie et la bonne humeur.

    Ce n’est pas une série très compliquée, ni même très bavarde quant à ses personnages. D’ailleurs le fait que les Pham aient décidé de rester « cool » n’est même pas quelque chose d’explicité, comme le serait une motivation posée pour nous expliquer pourquoi Andrew et Camille font les choix qu’elles font (ce qui veut dire qu’il n’y a pas vraiment d’antagonisme à leur désir de rester détendues, sauf si l’on compte Barb, la responsable de l’association de quartier qui joue les éteignoirs). On n’a pas envie de nous dire pourquoi ces personnages sont comme ça, juste de nous faire suivre des délires qui prouvent que ce n’est pas parce qu’on a rangé les wagons qu’on mène forcément une vie ennuyeuse. Tout cela sans oublier les petits indices rappelant que cette Phamille-là est aussi une famille asiatique moderne, un peu melting pot (Andrew Phung est d’origine vietnamienne, Rakhee Morzaria est d’origine indienne), où les influences se croisent sans même y penser.
    En un sens, c’est la famille parfaite : celle qui a trouvé l’équilibre parfait dans son couple (Andrew est père au foyer, Camille est une à la tête de sa propre compagnie), dans son identité, dans son quartier, dans sa tête. L’épisode parvient à marcher précisément à la frontière entre l’aspirationnel et l’escapisme. L’un dans l’autre j’ai passé un bon moment, et j’ai fini l’épisode avec un sourire, même si je ne suis pas totalement convaincue que Run the Burbs soit le genre de série dont on tombe éperdument amoureuse.

    Le ton et la démarche de Son of a Critch ne pourraient être plus différentes. La série est l’adaptation de l’autobiographie du comédien Mark Critch (d’où le titre), qui officie aussi comme narrateur de la série. L’idée est pour lui de revenir sur son enfance, ou plus précisément le début de son adolescence, dans les années 80 en Terre-Neuve. En-dehors du fait qu’il s’agit d’une série inspirée par des personnes réelles, Son of a Critch rappelle beaucoup l’approche de Young Sheldon, et d’ailleurs il est assez difficile de se défaire de la comparaison pendant une bonne partie de l’épisode introductif.

    La série démarre alors que Mark a une dizaine d’années, et entre dans un collège catholique en étant pleinement conscient d’être très différent de ses petits camarades. Le pilote s’ouvre même avec une confession : hors son grand-frère, Mark n’a jamais fréquenté d’enfants. Les goûts du petit garçon sont donc plus proches de ceux de son grand-père (avec lequel il partage une chambre), ou plus largement de sa famille (dont il est proche un peu malgré lui, et c’est bien normal, c’est l’âge qui veut ça). La famille Critch est dépeinte comme un peu bizarre, avec ce père animateur de radio ringard et cette mère au foyer (vraiment très similaire à Mary Cooper, y compris physiquement, il faut vraiment faire quelque chose pour ça dans les épisodes suivants) assertive et conservatrice. Avec elles, Mark a pris l’habitude d’écouter du Sinatra, de siroter un jus de pomme on the rocks, et de regarder des émissions comiques… forcément il va vite déchanter lors de sa première journée au collège.

    L’avantage principal de Son of a Critch, c’est non seulement sa voix-off qui permet d’avoir du recul (là encore comme Young Sheldon, la voix-off est celle de Mark adulte), mais aussi le personnage de Mark lui-même, qui est parfaitement averti de la proie qu’il représente pour des harceleuses. Et dés le premier jour, ça ne loupe pas, il est la cible de « Fox », une camarade de classe qui vient d’une famille de tortionnaires (on découvrira fugacement que Mike aussi a affaire à des membres de sa famille). Fort heureusement, il n’est pas le seul nouvel élève, et il commence progressivement à se lier à Ritchie, un môme d’origine philippine qui est l’unique élève racisé de l’école (…vraiment, c’est difficile d’arrêter de comparer à Young Sheldon).
    Mark est un garçon certes un peu à part, mais intelligent. Pas intelligent d’une façon académique, nécessairement, mais il est fin observateur et profondément capable d’examiner aussi bien les situations que lui-même, pour essayer de sociabiliser autant que possible, sans perdre de vue qui il est. Dans ce premier épisode, on assiste à une sorte de genèse de son talent de comédien : il découvre que, quand bien même il est incapable de se servir de ses poings, il a lui aussi des armes à opposer à des bourreaux.

    Difficile de nier que Son of a Critch se veut à la fois drôle et douce. Sa nostalgie ne porte pas que sur une époque (les années 80), mais à une période de la vie, quand tout était à la fois plus simple et plus compliqué. Mark, comme avait des « petits » problèmes dans une vie qui était largement protégée… mais pour un enfant ça reste des « gros » problèmes, parce qu’il est encore en train de définir qui il est.
    L’intrigue de ce premier épisode se finit presque comme celle du premier épisode de Malcolm in the Middle… presque, parce que ce que Son of a Critch n’a pas en gags clownesques, elle l’a en tendresse. Et j’ai cru deviner que les choix faits pour clore cette intrigue disent aussi quelque chose de la comédie telle que la perçoit Mark Critch. Le sous-texte est un peu de déterminer ce qui est drôle autant que ce dont on peut rire, et de comment on en vient à déterminer le juste milieu. Son of a Critch n’est pas qu’une série sur « comment Mark Critch est devenu comédien », mais aussi une série sur quel genre de comédien il est devenu, et surtout pourquoi. Or, ces évolutions sont intimement liées à quel genre de personne il est. Il faudra surveiller les épisodes suivants pour s’en assurer, mais cela semble être l’intention motrice ici ; et c’est, au final, la raison pour laquelle Son of a Critch a quelque chose que Young Sheldon n’aura jamais. Parce qu’elle porte sur une véritable personne, qui s’interroge sur comment elle est devenue elle-même.

    Alors clairement, malgré leur cible similaire, ces deux séries ne pourraient pas être plus différentes. Et je suis bien contente de n’avoir pas eu à choisir entre elles, car comparer les pommes et les oranges n’a pas de sens, en téléphagie pas plus qu’en cuisine. J’ai, vous l’aurez sûrement deviné, ma petite préférence ; mais la bonne nouvelle, c’est que vous avez toutes les cartes en main pour vous forger la vôtre.
    Ou n’avoir aucune préférence et regarder les deux, c’est possible aussi. Encore une fois : pourquoi choisir ?


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