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    27 décembre 2021 à 23:23 • Dorama Chick •

    C’est le réveillon du Nouvel An, et dans tout Jakarta, la fête bat son plein. Ce soir-là, Amelia (ou juste « Mel »), la fille d’un riche industriel, se rend avec son mari David à une fête organisée par son père ; beaucoup de ses partenaires d’affaires sont présentes, mais Mel et David y retrouvent aussi plusieurs de leurs connaissances, dont Sari et Laura, amies de longue date de Mel. Pourtant la jeune femme a prévu autre chose, ce soir-là ; discrètement, elle s’éclipse pendant la réception pour aller trouver Jenny, le véritable amour de sa vie, dans une chambre d’hôtel.

    Sianida n’est, hélas, pas une romance ; ç’aurait été trop facile. Ce que je viens de vous décrire, c’est ce qui se déroule avant que Mel décède subitement, le jour du 1er de l’an, suite à l’absorption d’un café. Un simple café ? Non, vu le nom de la série, peu de chances. Mais qui porte la réelle responsabilité de son décès ?

    On le dit peu (je m’inclus dans le lot), mais il y a pas mal de séries asiatiques qui, depuis quelques années, s’intéressent à des personnages LGBT ; le plus souvent, il s’agit de romances dites « BL » (boys love), mais de temps à autres on trouve aussi des romances lesbiennes (…pour les personnages trans, c’est un peu plus compliqué pour le moment), et même des séries qui ne sont pas vraiment des romances. Sianida, par exemple, est plutôt un thriller, et si j’en crois son générique et ses quelques extraits pleins de spoilers, peut-être aussi un peu une série carcérale, au moins par moments.
    Cela étant, comme la série n’a pas fini d’être sous-titrée et qu’il est de notoriété publique que j’ai la patience d’un enfant devant de la guimauve, je m’en tiens pour le moment à une review du premier épisode, où la romance est très présente.

    Et elle est pleine de tendresse et de complexité, cette phase amoureuse de Sianida. Les retrouvailles entre Mel et Jenny (les deux femmes ne se sont pas vues depuis 5 ans) sont à la fois émouvantes, passionnées et compliquées, et les émotions se bousculent, brouillonnes.
    Il faut dire que Jenny est partie vivre aux USA voilà plusieurs années, ce qui a peiné sa compagne ; mais de son côté elle n’a jamais bien digéré qu’ensuite Mel épouse un homme, quand bien même il s’agit d’un mariage de raison. David est en effet appelé à prendre la relève du père d’Amelia à la tête de ses affaires ; d’ailleurs je trouve très intéressant qu’à un moment, ce premier épisode prenne le temps d’expliciter que David est parfaitement conscient qu’Amelia n’est pas amoureuse de son mari et qu’elle ne l’a jamais été. Pour l’instant on ignore ce qu’il sait de l’existence de Jenny, mais force est de constater que Sari et Laura, elles, sont tout-à-fait au courant, et qu’elles encouragent même Mel dans cette relation. Leur seul problème, c’est qu’elles doivent mentir pour la couvrir et ne sont pas douées pour cela (…les meufs n’avaient même pas préparé un mensonge avant que Mel ne s’éclipse de la soirée, quel travail d’amatrices).
    Puisqu’il a été établi que personne n’a de problème avec la sexualité d’Amelia à part son père très conservateur (ce qui effectivement n’est pas le plus petit des inconvénients), Sianida se concentre donc sur ces fameuses retrouvailles, le 31 décembre. Sur la joie de se revoir, le plaisir de passer la nuit ensemble, la douceur de s’endormir côte à côte… mais aussi, ce sentiment perturbant que tout n’est pas réglé. Qu’Amelia est quand même mariée à David, et que Jenny vit quand même à l’autre bout du monde. Même en admettant que les deux femmes fassent la paix avec les 5 années écoulées, qu’elles n’ont pas passé ensemble, il reste des choses en suspens.

    Il est vraiment difficile (et pourtant vous me connaissez, moi, la romance…) de ne pas lourdement prier devant son écran pour que ces deux-là réussissent à trouver un moyen de vivre une idylle qui s’écrit depuis près d’une décennie. Seulement, je connaissais le sujet de la série dans les grandes lignes, et me voilà en fin de pilote à prier pour que Mel ne boive pas ce foutu café. On sait pas, si on le pense suffisamment fort, peut-être qu’elle va entendre et commander un jus d’orange à la place ? « Ne fais pas ça. Pose ta tasse. Pose. Pose la tasse. Pose-la. Nonononononon s’il-te-plaît ne bois pas… » …mais non. Et la voilà bientôt à faire des convulsions devant Jenny, Sari et Laura, avant d’être emportée à l’hôpital où elle s’éteint quelques heures plus tard. Est-ce que ça compte comme un Bury Your Gays ? Il est peut-être un peu tôt pour le dire avec certitude.
    La question qui se pose, donc, à partir de là, c’est : qui a mis du Sianida dans le café d’Amelia ? Il semble y avoir une personne toute désignée à blâmer vu les circonstances, mais il manque le motif. Et bien-sûr ce ne saurait être aussi simple, sans quoi on n’en ferait pas toute une série. Franchement je n’ai aucune idée de qui a fait quoi, à ce stade ; la série ne semble avoir glissé aucun élément concret pour permettre de se faire une idée dés le premier épisode.

    Ce qui est intéressant, c’est le choix que fait l’épisode pour nous introduire à tout cela. Sianida joue clairement l’effet de surprise en ne dévoilant pas avant sa toute fin qu’Amelia est supposée mourir pour que l’intrigue soit lancée. A un tel point, en fait, que la majeure partie de l’épisode fait comme si c’était elle la protagoniste centrale, et nous montre la journée du 31 décembre à travers son expérience : son arrivée à la soirée de son père, son escapade à l’hôtel, et ainsi de suite. Le premier épisode de Sianida est écrit pour qu’on se dise, ne serait-ce que pendant une fraction de secondes : mais c’est pas possible, elle ne va pas mourir, elle ne peut pas mourir, c’est elle l’héroïne ! Bah, si.
    Et du coup à la toute fin de l’épisode s’opère une bascule, parce que soudain on voit l’effet de ce décès sur Jenny (effondrée, nécessairement effondrée), et on comprend que c’est elle qui désormais va être notre protagoniste. Pas juste à cause du deuil, mais à cause de ce qui sans nul doute va lui tomber dessus vu les extraits passés sous nos yeux pendant le générique…

    C’est vrai qu’elle fait une coupable parfaite, la Jenny. Maîtresse secrète (enfin, secret de polichinelle, mais secret quand même), lesbienne (ce qu’on sait déjà que le père d’Amelia aura du mal à laisser passer), aucune attache dans son pays (elle s’apprête même à faire une demande de Green Card aux US), et… et, les circonstances.
    Mais c’est précisément parce que nous l’avons découverte avec les yeux de Mel que nous sommes prêtes à croire à son innocence. Nous avons vu l’intimité des deux femmes. Nous avons vu à quel point Jenny était amoureuse. Nous avons vu à quel point cette nuit du Nouvel An a remué ses sentiments les plus tendres envers Amelia. Il est difficile de croire que la coupable idéale est vraiment coupable…

    …C’est le but du jeu ! La jeune femme qui s’apprête à être accusée du pire, et qui va vraisemblablement souffrir dans les prochains épisodes à de multiples égards, est peut-être une tueuse. Ou peut-être une victime collatérale. Ou peut-être quelque chose entre les deux.


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  • Ça sent le sapin

    26 décembre 2021 à 20:39 • Review vers le futur •

    Tumi Sello, la gaffeuse la plus malchanceuse au monde, est de retour ! Vous n’imaginez pas à quel point j’attendais avec impatience la réapparition de How to Ruin Christmas, avec cette fois une saison 2 intitulée The Funeral. Tout un programme.

    Si vous l’avez loupée l’an dernier, voici ma liste de complim-… pardon, je veux dire : voici ma review de la première saison de cette série sud-africaine. Malgré ce que le titre aux airs anthologiques voudrait suggérer, les deux saisons sont très feuilletonnantes, et il vous faudra remettre le pied à l’étrier pour comprendre ce qui se passe cette année. J’avoue que personnellement, j’étais un peu rouillée (par définition, une année s’est écoulée depuis la mise en ligne de la première saison ; et c’est une année qui en a duré au moins dix), mais ne vous inquiétez pas, ma review précédente est là pour donner un coup de main.
    Ceci fait, voyons dans quel pétrin Tumi s’est embourbée cette année !

    Pour ce Noël 2021, Tumi est invitée à passer les fêtes avec sa famille, et un peu malgré elle, elle a accepté. Sa famille, c’est non seulement les Sello, mais c’est aussi, dorénavant, les Twala, du fait du mariage de sa sœur Beauty en 2020.
    Si un an a passé, peu de choses ont changé dans les dynamiques entre les deux familles : du fait de leur statut et leur argent, les Twala se réservent encore et toujours le droit de prendre les décisions pour tout le monde, et il a été décidé cette année que, après un braai inaugural dans leur nouvelle maison le 20 décembre, toute la famille étendue se réunirait dans leur maison de vacances sur la plage pour le jour de Noël. Ce braai est l’occasion de retrouvailles : c’est la première fois en un an que toutes sont réunies au même endroit.
    Passons donc en revue qui est là, et surtout, qui a fait quoi pendant l’année écoulée.

    Du côté Sello, Dineo (la mère de Tumi et Beauty) se prépare à prendre sa retraite, ce qui devrait s’accompagner d’une petite rentrée d’argent. Elle vit toujours avec son frère Shadrack et sa sœur Grace (le tandem comic relief de la série), mais la question commence un peu à se poser de la façon dont elle va vivre ses vieux jours ; Dineo n’a après tout personne dans sa vie…
    Du côté Twala, Vusi laisse l’insupportable Valencia parader avec leur nouvelle maison (qui certes est un peu plus petite), mais en réalité il est fauché ! Sous le coup d’une enquête pour détournement de fonds, ses comptes ont été bloqués mais il n’arrive pas à le dire à quiconque, et surtout pas à ses fils. Themba, qui a pris sa sobriété en main, a enfin réussi à avoir avec Lydia un petit garçon, évidemment appelé Shaka. Le seul bémol dans leur bonheur est que Lydia en a marre d’être sans cesse brimée par Valencia. En revanche, les choses sont plus tristes pour Sbu et Beauty, qui vivent à Londres et où quelques mois auparavant, elles ont dû faire face seules à une fausse-couche dont Beauty refuse de parler. A la place, elle a décidé de renouer avec son bon à rien de père, qui a des problèmes de santé et qu’elle a décidé d’aider à payer ses factures médicales. A tout ce petit monde vient encore s’ajouter Gogo Twala (« Grand’mère » Twala), qui a un cancer et vit donc ses derniers mois avec Vusi, au grand dam de celui-ci qui doit payer entre autres pour un infirmier à temps plein.
    Et puis bien-sûr, il y a Tumi. Tumi qui à la fin de la saison précédente, on le sentait, vivait une idylle avec Khaya, l’ami de toujours… et dont on sait enfin ce qu’il voulait lui révéler dans le cliffhanger de The Wedding. Il a une fille de 13 ans avec une autre femme ! En l’espace de quelques mois, l’irresponsable Tumi a été bien obligée d’apprendre sur le tas à devenir une belle-mère…

    Il y aurait déjà fort à faire avec toutes ces intrigues. Mais pendant le braai, alors qu’elle tente d’échapper au jugement général (plus les regards courroucés de Lydia, qui n’a pas oublié qu’elle a couché avec Themba dans la saison précédente…), Tumi tombe nez-à-nez avec Gogo. Celle-ci, se sentant prisonnière de la maison des Twala alors qu’elle voudrait profiter de ce qui lui reste à vivre, la force à l’aider à s’échapper. Pour une journée, elles partent en excursion dans un parc d’attractions…
    …sauf qu’au moment de rentrer, la vieille dame s’éteint paisiblement sur le siège passager de la voiture de Tumi.
    Devinez qui on va blâmer ?!

    Le pire c’est qu’à ce stade, Tumi est parfaitement consciente du rôle qu’elle joue dans cette famille : celui de mouton à cinq pattes, qu’on va toujours accuser de prendre les pires décisions possibles. Certes, ses décisions ne sont pas toujours les plus sérieuses, mais on sent qu’elle essaie, en tout cas, de faire mieux qu’avant. Dans les circonstances du décès de Gogo, elle semble effectivement coupable à ses proches, mais en tant que spectatrices nous avons bien vu à quel point elle a au contraire été victime du hasard, et n’a fait preuve que de bonnes intentions. Sauf qu’on ne se défait pas comme ça d’une réputation gagnée pendant plus de deux décennies, et renforcée par le Noël précédent ; Tumi, malgré tous ses efforts, va avoir bien du mal à se racheter aux yeux des Sello et des Twala.

    Comme dans la saison précédente, une partie des tensions de la série repose sur le fait que les personnes qui composent cette immense famille patchworkée viennent de milieux très différents, qui expliquent en grande partie pourquoi il est impossible de s’entendre. Aux différences culturelles, linguistiques et sociales des Sello et des Twala, exprimées abondamment dans How to Ruin Christmas: The Wedding, viennent s’ajouter dans cette nouvelle saison trois autres univers.
    D’abord, la tante Prudence, sœur de Gogo Twala. Elle vit dans une large demeure en marge de Durban (en terre Zulu, donc, où l’on apprend du coup que les Twala ont leurs origines), et en tant que matriarche, elle va organiser les funérailles chez elle. Imposante et très conservatrice, Pru ne dissimule pas son mépris de la richesse outrancière des Twala, et mène tout le monde à la baguette afin de conduire les obsèques les plus traditionnelles possibles.
    Le frère de Vusi, Siyabonga, apparaît également pour la première fois. C’est un ambitieux comme peut l’être son frangin, mais la série établit aussi qu’il est un gangster ; il est habitué à un style de vie légèrement inférieur à celui des autres Twala, mais ce style de vie est généralement financé par divers crimes et délits. Siya est superstitieux, aussi (on le verra pendant sa toute première scène), mais pas religieux au point de s’empêcher de voler dans une église…
    Plus tard dans l’intrigue va apparaître un autre personnage, le mystérieux Richard Mkhize. C’est un vieil homme peu recommandable qui tient un strip club dans l’un des quartiers les plus dangereux du centre-ville de Durban. Quand Tumi vient le trouver (pour des raisons qu’il faudra découvrir par vous-même), elle découvre un homme plus complexe que prévu, avec une nette tendance à s’exprimer par paraboles (et souvent en afrikaans), qui, à sa grande surprise, se prend d’affection pour elle et se met à l’appeler Tumiza.
    Ces nouvelles protagonistes viennent apporter de nouvelles variations au panachage que nous connaissions déjà, mais avec toujours le même résultat : au final, qui que l’on soit et d’où que l’on vienne, il y a des choses sur lesquelles on peut tomber d’accord… après bien des péripéties.

    Voilà des semaines que j’anticipais avec impatience le retour de How to Ruin Christmas, mais je crois que je n’avais pas totalement réalisé ce que signifierait ce retour. J’en étais un peu au stade où je me disais : « chic, de nouvelles (més)aventures ! », sans vraiment réaliser que je n’allais pas me retrouver avec une anthologie reprenant les mêmes personnages… mais bien avec une série feuilletonnante qui continuerait de détailler la vie de ces personnages, et leurs dynamiques.
    Il y a moins de choses à régler cette année (The Funeral ne gomme pas les progrès accomplis dans The Wedding), comme par exemple entre Tumi et Beauty, mais ça veut aussi dire que les protagonistes peuvent profiter d’un meilleur character development individuel. Je n’avais pas vraiment perçu à quel point ce serait le cas avant d’y assister.
    Du coup je me suis trouvée un peu désarmée par les scènes les plus touchantes de cette saison. Alors évidemment, comme la série sait si bien le faire, on trouve aussi beaucoup d’humour et des péripéties légèrement absurdes. A un tel point que la façon dont se concluent certaines de ces intrigues est un peu superficielle comparée à d’autres. Reste qu’au final, How to Ruin Christmas confirme que derrière la farce à base de space scones ou de cercueil présidentiel violet (ça existe en grande taille ? c’est pour une amie), il y a une vraie intention de s’inquiéter des émotions les plus sincères des Sello et des Twala.
    …Y compris pour des protagonistes qui avaient pu paraître mineures précédemment ; j’ai notamment fondu pour l’intrigue de Dineo (l’an dernier je n’avais pas perçu à quel point son interprète Clementine Mosimane pouvait être fine et vulnérable), et Lydia a quelques très bons moments dans une intrigue pourtant banale. Que dire de Beauty, qui va en quelque sorte fait son deuil de son bébé en même temps qu’elle le fait de Gogo Twala ? Même Tumi, qui oscille entre son instinct chaotique et ses tentatives sincères de se ranger, a encore de belles ressources ; en outre l’interprétation Busi Lurayi continue d’être un plaisir de chaque instant, même quand elle a moins de temps d’écran que l’an dernier. Franchement, les protagonistes féminines de cette série, c’est que du plaisir.

    Quand a fini cette nouvelle saison (au passage, plus longue d’une heure que la précédente), j’ai eu le sentiment d’avoir assisté à un petit tour de magie. Dans The Wedding, les Sello et les Twala ont été unies par le mariage de Beauty et Sbu… mais The Funeral est la saison pendant laquelle elles apprennent à former une famille. Il y a un plan particulièrement émouvant sur la toute fin de saison, qui capture tout le monde ressentant la même émotion au même moment, et regardant dans la même direction… à cet instant, je me suis dit que j’avais de la chance d’avoir vécu ces quelques heures à regarder ces personnes si différentes se diriger lentement vers ce point de convergence. Aussi passagèrement cela soit-il !
    J’étais impatiente de voir cette saison, mais je crois que ce n’est qu’en la regardant que j’ai pris la mesure de mon attachement envers la série. Et naturellement, ça m’arrive avec plein de séries, mais je me suis aussi aperçue que c’est la première fois que j’ai l’opportunité de le vivre avec une série sud-africaine. Pour tout le mal que je pense (et dis) de certains aspects de la politique de Netflix en matière de fiction internationale… ça ne serait pas arrivé sans elle. Et pour cause, ça n’était jamais arrivé sans elle : peu de séries africaines de plusieurs saisons nous sont accessibles, même en 2021. La seule série sud-africaine dont j’ai pu voir deux saisons, c’était Intersexions… une anthologie.

    Cette intimité nouvelle m’a frappée de plein fouet parce que malgré toutes mes aventures télévisuelles, il s’avère qu’il m’en reste encore pas mal à vivre… C’est un peu idiot à dire, mais j’ai eu le sentiment de vivre ces retrouvailles comme une privilégiée. J’espère qu’il y en aura d’autres. J’espère de tout cœur que l’an prochain, Noël sera l’occasion de baptiser un bébé pour Sbu et Beauty (elles méritent), ou quelque chose dans cet ordre d’idée. Je veux pouvoir profiter des (més)aventures de cette famille, et suivre pour des années encore leur évolution.
    Je veux que How to Ruin Christmas devienne un rituel à la fois délirant et touchant. Gâchons plein de Noëls ensemble !


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  • Still waters run deep

    25 décembre 2021 à 20:43 • Dorama Chick •

    Balhae, une station scientifique sur la Lune. Plongée dans le noir, le froid, le silence. Mais de la tranquillité, cette mer n’a que le nom : une tragédie s’y est en effet jouée voilà 5 ans. La centaine d’habitantes de la station sont mortes dans une catastrophe radiologique, laissant une coquille vide en orbite de la Terre. Après tout ce temps, pourtant, les autorités décident d’envoyer une groupe d’astronautes composé de militaires et de scientifiques pour y récupérer un « échantillon ». Quelle est la nature de cet échantillon ? On ne sait pas. Mais si seulement c’était la seule chose qu’on ne sait pas…

    Goyoui Bada, lancée à la veille de Noël par Netflix (sous le titre The Silent Sea dans les pays non-coréanophones), est un huis clos étouffant au cœur de cette station lunaire. C’est aussi l’une des rares séries se déroulant dans l’espace produites en Asie. Je me devais donc évidemment d’y jeter un oeil, et au final, j’ai fait un peu plus que ça… puisque ceci est une review de saison.

    Le futur dépeint par Goyoui Bada n’a rien de glorieux mais, sans vouloir vous déprimer, on commence à avoir l’habitude : dans la fiction comme ailleurs, les choses semblent de plus en plus mal barrées. On ne sait pas quand se déroule précisément l’intrigue, mais selon elle, dans un avenir relativement proche, la Terre se dessèche ; ses oceans et ses cours d’eau se vident, ses rares sources restantes sont souvent polluées, et sa population aquatique se meurt… et du coup, l’Humanité aussi.
    La série s’ouvre sur une séquence (devenue assez classique dans le domaine des séries d’anticipation) nous présentant un montage de reportages et de scènes du quotidien nous expliquant que d’ici 10 ans, même en procédant à une utilisation méticuleuse de l’eau, la Terre bleue n’aura plus aucune raison de porter ce nom. Et elle est gérée avec plus que parcimonie, cette eau, alors qu’il est devenu interdit d’avoir un animal (ça coûte trop d’eau de le garder en vie), et surtout, que des rations drastiques sont accordées à la population selon son statut, ce qui vient en plus du reste créer d’immenses inégalités d’accès à une ressource pourtant vitale. Si vous n’êtes pas encore totalement déprimée, alors apprenez qu’en plus, le taux de mortalité infantile est d’environ 10%, à cause à la fois de l’accès à l’eau, de la pollution, et des maladies se développant dans ces conditions.
    La situation est donc dramatique, pour ne pas dire désespérée. Le tableau que peint Goyoui Bada n’est pas exactement l’idée que je me faisais d’une série de Noël, mais il est en tout cas suffisamment complet (et régulièrement agrémenté de compléments au fil de la saison) pour servir de motivation à la fois globale et individuelle pour le reste de l’intrigue. J’ai d’ailleurs eu plus d’une pensée pour la première saison d’Another Life (c’est dommage parce que je voulais vraiment réussir à l’oublier, cette grosse merde), commise par la même plateforme, notamment parce qu’elle n’arrivait pas à donner à son futur glauque une quelconque raison d’être, à part pour faire genre. Et encore. Dans Goyoui Bada, il est certain que ce futur est toute la raison d’être de l’intrigue, les destinées personnelles finissant toujours à revenir à ce manque d’eau et les conséquences de celui-ci.
    Parce que Netflix n’est pas tombée de la dernière pluie (pardon), l’héroïne de la série Dr. Song Ji An est incarnée par Bae Doona, sûrement l’actrice sud-coréenne la plus connue de son public vu qu’elle était au générique de Sense8, Kingdom et Persona précédemment. Bien que la série s’intéresse ponctuellement à la perspective d’autres personnages, c’est à travers ses yeux que nous allons vivre l’intrigue, et lentement lever le voile sur ce qui se trame sur Balhae.

    Tout commence pour Dr. Song lorsque le gouvernement la recrute pour rejoindre l’équipe chargée de se rendre sur Balhae pour récupérer le fameux échantillon. Dés le départ, Goyoui Bada instaure un climat de méfiance envers les autorités ; il va progressivement s’avérer que cette méfiance est justifiée. L’administration spatiale et aéronautique, et en particulier la directrice Choi, se gardent bien de partager les informations en leur possession, notamment (ce qui vous l’admettrez n’est pas mineur) sur la nature de l’échantillon. Parce que Dr. Song est une astrobiologiste (même si quelques années plus tôt elle s’est reconvertie dans l’éthologie ; quelque chose d’ailleurs dont je pensais que la série se servirait un peu plus qu’elle ne le fait), elle est sollicitée pour apporter son expertise, qui permettrait de ramener la substance de l’échantillon sur Terre en toute sécurité.
    Sauf que Dr. Song n’est pas n’importe qui : elle est aussi la sœur de la scientifique qui dirigeait les opérations sur Balhae, et elle fait donc ce voyage le cœur lourd. Goyoui Bada ne veut pas transformer son intrigue, loin s’en faut, en prétexte à une exploration du deuil ; mais la série insiste aussi pour pousser son héroïne à faire face à des émotions qui n’ont jamais été totalement digérées, aussi bien sur les circonstances du décès que sur l’après. Car en 5 années, on pourrait penser que l’eau a coulé sous les ponts (sorry), mais tout n’a pas été réglé.
    Sur place, aux côtés de l’escadron dirigé par le capitaine Han, elle va s’apercevoir qu’on ne lui a pas dit la vérité sur la mort de sa sœur, et que d’ailleurs personne sur Terre n’a eu autre chose qu’une version très édulcorée des événements. La voilà donc lancée dans une quête de vérité, alors que, dans le même temps, l’équipage doit gérer d’autres dangers, à commencer par un alunissage en catastrophe qui le prive bien vite de sa navette, et donc d’un moyen de rentrer sur Terre. Les ennuis ne font que commencer, et le premier des morts parmi le groupe ne sera pas le dernier. Eleven little astronauts went out to the moon ; one broke his ribs and then there were ten…

    Je vais être franche avec vous : il y a des moments pendant lesquels Goyoui Bada est assez conventionnelle dans ses thèmes ou même son déroulement… et pourtant j’ai biberonné ses épisodes comme d’autres en cette saison leur vin de Noël.
    L’écofuturisme de la série n’est franchement pas révolutionnaire (et d’ailleurs la série le sent, puisqu’elle ne perd pas son temps à en détailler les causes), quand bien même il est détaillé de façon à donner une compréhension très complète des enjeux de cette mission sur la Lune. Quant à l’action elle-même, elle emprunte au thriller voire à l’horreur, plongeant certes ses personnages dans une terreur communicative, mais ne surprenant pas vraiment. Plein de fictions (séries, mais aussi films) ont eu l’idée bien avant Goyoui Bada d’enfermer des gens dans une station spatiale ou un quelconque vaisseau, et de les voir tomber comme des mouches progressivement (…je vous l’ai dit : à mon corps défendant j’ai pensé plusieurs fois à Another Life) au nom d’une mission opaque.

    Alors qu’est-ce qui fait que j’ai de bonnes choses à dire sur celle-là plus que pour d’autres ?

    Plein de raisons, en fait, à condition d’être capable de mettre de côté l’impression de déjà vu qui découle des aspects le plus conventionnels de la série.

    D’abord, je vous le dis tout net, j’ai énormément accroché à l’esthétique de la série. Bon, certes, il y fait souvent très sombre (le mal du siècle des séries, franchement), mais ici ça semble bien participer à l’univers dans lequel elle se déroule, et ce n’est pas systématique heureusement. Il y a une certaine poésie, en fait, dans son absence de lumière et/ou de couleur, qui ne fait que renforcer l’effet de scènes ou plans dans lesquels soudain la lumière et/ou la couleur deviennent capitales. Et puis, à l’image de son générique, Goyoui Bada se plaît à s’abimer dans des moments plus contemplatifs, presque poétiques, pendant lesquels les émotions des personnages se trouvent sublimées, ce qui signifie qu’on ressent des émotions parfois très intenses devant une série qui pourrait, de l’extérieur, paraître assez quelconque.

    Plus encore, je crois que la qualité première de cette saison de Goyoui Bada, c’est de faire systématiquement avancer son intrigue à chaque épisode. Vous me direz, ça devrait couler de source (…pardon), mais par les temps qui courent rien n’est moins sûr, et beaucoup de séries aiment nous faire mariner (désolée) en attendant des réponses qui ne viennent pas. Ici c’est le contraire ; chaque épisode fournit une réponse à une question importante, et ça donne une impression de satisfaction quand bien même, à plusieurs reprises, j’ai eu le sentiment d’obtenir cette réponse bien avant que les personnages ne la trouvent. Au moins, on ne se retrouve pas à hurler devant son écran pendant des heures : « MAIS ARRÊTE D’ÊTRE CONNE C’EST UN ESPION LUI LÀ », et c’est déjà ça de pris.
    La façon dont l’intrigue avance permet en outre de s’assurer que les conséquences dramatiques de ces réponses seront abordées, et que les morts qui jalonnent ces 8 épisodes ne seront pas dénuées de sens. On prend un peu de temps (pas tout le temps, mais suffisamment) pour dire : punaise, on a perdu quelqu’un là, c’est grave, c’est triste, c’est angoissant. Encore une fois ça devrait sûrement tomber sous le sens pour une série digne de ce nom, mais les faits prouvent bien que ce n’est pas une évidence pour beaucoup d’entre elles, et que Goyoui Bada a quand même le mérite de bien faire le taff.

    Je crois qu’en outre, le thème-même de Goyoui Bada m’a envoûtée. Le manque d’eau sur Terre, c’est à la fois le problème est aussi la solution de la série. Quels que soient les monstres que l’intrigue fait passer dans son intrigue (le spectre de la mort lente de la planète, bien-sûr, mais aussi des monstres autrement plus humains, et bien-sûr les dangers à bord de la station lunaire), il y a une unité thématique qui permet de dire que Balhae n’est pas qu’une parenthèse horrifique, elle fait partie d’un tout. Ce qui évidemment est souligné par la mythologie à mesure qu’elle nous est révélée, mais prend à plusieurs reprises une tournure imprévisible.

    Evidemment, il faudrait aussi souligner la qualité de la distribution, même si Bae Doona n’a plus vraiment besoin de faire ses preuves et Gong Yoo à peine plus. Il y a de très bons éléments au générique, même si plusieurs ont signé pour une présence à l’écran brève couronnée par une fin un peu abrupte, et on est clairement dans ce qui appartient à la catégorie du haut du panier sud-coréen. Netflix aurait tort de se priver de commander des séries comme ça en ce moment (même avant d’avoir vu le succès que remporterait Ojingeo Game).
    Il y a une impression générale d’effort qui se dégage de la série (et pas qu’une impression de budget, même si ça aussi), en dépit de certaines facilités ou de sa fin un peu déconcertante. D’ailleurs, sans y croire, j’espère que la série se verra offrir une deuxième saison, parce que je suis en train de finir The Expanse et je vais avoir besoin d’un nouveau space opera… Je peux comprendre sans aucune difficulté qu’on ne trouve pas Goyoui Bada révolutionnaire ; elle ne l’est pas, et elle ne prétend pas l’être (ou alors sa seule existence, vu son pays d’origine, est une révolution ; ça dépend du point de vue). Toutefois je trouve difficile de ne pas la trouver prenante, et de ne pas avoir envie de voir les retombées de ce qui s’est déroulé sous nos yeux pendant cette (première ?) saison, qui en outre forcerait la série à repousser encore les limites de ce qu’une série de science-fiction asiatique peut offrir.

    Mais bon, j’ai un peu le sentiment que je peux toujours croire cela et boire de l’eau.
    Vous n’imaginez pas combien de ces jeux de mots j’ai RETIRÉS de cette review, alors ne vous plaignez pas de ceux qui restent.


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  • The gift that keeps on giving

    24 décembre 2021 à 18:07 • Telephage-o-thèque •

    Au moment de Noël, ma tradition personnelle s’est imposée sous la forme d’un revisionnage (généralement une intégrale) de la comédie Titus. Voilà quasiment une décennie que chaque année, je me replonge dans la série… à l’exception de Noël 2020, où là, vraiment, j’ai décidé que le masochisme avait ses limites.
    Enfin, non, ce n’est pas exactement du masochisme. Pas exclusivement. C’est plutôt cathartique. Il y a peu de séries qui expriment le rapport complexe que l’on entretient à des parents maltraitants comme Titus le fait, ainsi que j’ai eu l’occasion de l’expliquer dans un article antérieur. Ah parce que, oui, la review de pilote du jour va être assez réjouissante, j’ai failli oublier de vous le dire.

    Trigger warning : maltraitance psychologique/émotionnelle et physique d’enfant.

    D’ailleurs, cet article en question, quand je l’avais préparé (…à la période de Noël), m’avait initiée à l’existence d’une autre série que Titus pouvant aborder le sujet. Ou disons, j’avais vaguement connaissance de l’existence de George Lopez, mais j’ignorais que les intrigues de ce sitcom familial en apparence assez conventionnel abordaient la question de la maltraitance. Il m’aura fallu m’armer de patience : malgré ses 6 saisons, la série était un peu difficile à dénicher. Mais par le plus grand des hasards, cette semaine, j’ai finalement trouvé son pilote.

    Si je vous dis que George Lopez a toutes les apparences d’un sitcom américain banal, ce n’est pas par hasard : elle appartient à cette grande tradition de la comédie multi-camera qui consiste à prendre un comédien, lui donner sa propre série avec une jolie épouse et des enfants, et partir dans des intrigues domestiques supposées refléter les préoccupations des « vraies gens ». Bon, osons le dire, ces préoccupations sont historiquement des préoccupations d’homme blanc de la classe moyenne (ou classe moyenne haute), en général, avec les nombreux biais que cela implique ; ne serait-ce que parce que le vehicle qu’est la série est supposé mettre en valeur ce personnage souvent au détriment des autres. J’ai eu l’occasion de vous parler, notamment, des représentations genrées qui découlent de cette tradition étasunienne… un sous-genre télévisuel qui n’a rien de récent, mais qui battait justement son plein au moment où George Lopez a démarré, en 2002.
    La première originalité de George Lopez dans le panorama dessiné dans l’article en question, c’est, et vous l’aurez sûrement deviné à son nom, que George Lopez (le comédien) interprète dans George Lopez (la série) un homme du nom de George Lopez (le personnage) qui est un homme hispanique. Ce qui est suffisamment rare dans les séries similaires pour être soulevé ; c’est dire si on part de loin (il y a aussi quelques hommes noirs dans ce type de séries, mais en infime minorité). D’ailleurs ce serait précisément sur ce critère que Sandra Bullock aurait souhaité aider George Lopez (l’acteur) à produire George Lopez (la série) pour ABC, apparemment. George Lopez (…le personnage) est en outre un homme qui vient d’être promu manager de son usine, mais qui pendant la décennie et demie qui a précédé, travaillait sur une chaîne de montage d’une compagnie aéronautique. Cela fait donc de lui l’un des rares hommes venant du monde ouvrier, bien que son ascension sociale récente lui permette de vivre de façon plutôt confortable (c’est quand même pas Roseanne).
    Vous le voyez, comme souvent lorsqu’une tendance se dessine à la télévision, George Lopez (la série ; punaise c’est pour ça que je déteste les vehicles) s’y conforme pour mieux essayer d’y apporter sa contribution personnelle, et enrichir le genre.

    L’intrigue de ce premier épisode commence justement de façon extrêmement conventionnelle, alors que Carmen, la fille aînée de George et Angie, est prise la main dans le pot de confiture : elle présente de faux mots d’excuse au collège pour se faire exempter de cours de natation, prétendant avoir ses règles. Depuis six semaines… Puisqu’elle a menti a tout le monde pendant un mois et demi, George lui promet qu’il va aussi lui mentir UNE fois, à elle, à un moment dans le futur, et qu’elle ne saura jamais ce qui est vrai ou non. Ce sera sa punition, elle verra ce que ça fait. C’est d’ailleurs une jolie forme de punition, assez éloignée de l’éducation par la contrainte ou la manipulation, très présente dans les sitcoms domestiques. Je ne dirais pas que c’est une solution parfaite, mais elle est quand même plutôt élégante, surtout que Carmen est immédiatement avertie de ce qui l’attend, elle ne saura juste pas quand le mensonge sera prononcé. Pas de « ah et au fait je t’ai dit ça mais c’était un mensonge, maintenant tu vois ce que ça fait » plus tard dans l’épisode (en fait, on ne saura jamais sur quoi George lui a menti… s’il l’a vraiment fait).
    Toutefois, tout de suite après, on entre dans la vraie intrigue principale de ce premier épisode. George Lopez (la série) suit en effet son héros éponyme au travail aussi, et en tant que manager fraîchement promu, l’une des premières missions qu’il reçoit de son patron (le propriétaire de l’usine Mr. Smith) est de choisir qui il va devoir renvoyer : l’équipe qui inclut son meilleur ouvrier… ou bien l’équipe qui inclut sa mère.

    Nous y voilà. Benita dite « Benny » est en effet elle aussi une ouvrière ; c’est d’ailleurs elle, va-t-on apprendre, qui a jadis trouvé un job pour George à l’usine. Aujourd’hui elle fait partie de l’équipe d’inspection, ce qui n’est pas un job essentiel (plusieurs machinistes pourraient le faire) par temps de restrictions budgétaires. Le choix semble évident, c’est elle qu’il faut virer. Sauf que George, en fait, est terrifié. Il est terrifié par l’idée de renvoyer sa mère, bien-sûr, comme n’importe qui, mais pas seulement parce qu’il a peur pour elle. Il a peur pour lui.
    Il faut dire que dés sa première scène, Benny s’est révélée absolument glaçante. Elle vit à proximité de la maison des Lopez, et, comme c’est la tradition dans les sitcoms US, s’y invite quand ça lui chante (grosse ambiance Everybody Loves Raymond), et arrive donc au beau milieu de la découverte du mensonge de Carmen. Sa contribution à la conversation ?
    Benny : « They lie because they’re not afraid of you. »
    Angie : « Benny, we’re handling this. »
    Benny, mimant une torgnole : « I don’t see anybody getting hit ! »

    Il n’y a pas de mots pour vous décrire la façon dont je me suis figée devant mon écran, à la fois à cause de la réplique et du rictus de haine sur le visage de l’actrice. Je regardais George Lopez précisément à cause de ce personnage… et celle-ci m’a quand même surprise. J’ai rarement vu des sitcoms dépeindre la violence parentale aussi vite, et aussi clairement ; c’est encore plus rare pour un personnage féminin (comparez avec quelle prudence Malcolm in the Middle a abordé le sujet). Ce qui est dit avec ces deux répliques, 2 minutes après que la série ait démarré, de la personnalité de Benny, nous en suggère aussi beaucoup sur l’enfance de George ; c’est l’un des nombreux indices de la violence, et une violence cruelle qui plus est, qui l’enjoignent à avoir peur de sa mère même à l’âge adulte.
    Même si elle ne le frappe plus, Benny continue d’ailleurs encore aujourd’hui de se montrer violente, en ne loupant pas une seule occasion de rabaisser son fils ; à ses yeux, George n’est pas un vrai homme, parce que, je cite : « you’re always like this, you wanna be the good guy, why don’t you grow a pair ?! » (oui c’est étonnant, hein, comment un parent maltraitant peut élever un people-pleaser…). Elle voudrait ouvertement qu’il soit aussi cruel qu’elle, et dans ce premier épisode, la série fait le choix de ne même pas élaborer pourquoi elle l’est autant. George Lopez pourrait décider d’expliquer ou d’excuser cette femme, pour nous dire : « il faut comprendre son expérience, c’est une immigrante pauvre, elle pense que le monde est dur et qu’il faut être implacable pour y survivre », par exemple ; mais non. Il n’y a pas d’autre excuse donnée qu’une simple constatation : la première (et seule, pour le moment) impulsion de Benny, c’est la violence. Qui n’aurait pas peur de la réaction d’une femme comme celle-là ?
    Le pilote va être jalonné d’indications complémentaires à ce sujet. Une autre manifestation de la perversité de Bennie se révèle ainsi plus tard dans l’épisode, quand George lui avoue que c’est elle qui va être virée. Le premier réflexe de la vieille femme est de lever la voix pour s’insurger… ou plutôt, tenter une opération de chantage émotionnel de la plus basse espèce.
    Benny : « What’s best for the company ?! I’m your MOTHER ! Was the company there when you won your Little League trophy ? »
    George : « Mom, YOU weren’t even there ! You dropped me off at the curb ! »
    Pardon, mais qu’y a-t-il de plus typique qu’un parent maltraitant révolté à la moindre contrariété, prêt à ressortir des dossiers vieux de plusieurs décennies pourvu d’obtenir de vous ce qu’il veut ?
    George n’est d’ailleurs pas le seul à la craindre. Le fils de George et Angie, Max, qui n’a pourtant qu’une poignée de répliques dans cet épisode introductif, mentionnera à deux reprises faire des cauchemars récurrents… dans lesquels Benny le tue. La famille est tellement habituée à ces cauchemars qu’elle les traite comme une banalité (mais aussi un argument pour ne pas renvoyer Benny de l’usine, ce qui risquerait de la faire emménager à la maison). Dans le fond tout le monde a un peu peur de la vieille femme, à part peut-être Angie, qui est la seule à vraiment exprimer de la colère à son égard à un bref moment… mais hors de sa présence.

    Et pourtant, ce que dit cette intrigue inaugurale de George Lopez, c’est que George ne lui veut pas de mal, à cette horrible femme. Il n’a que des mauvais souvenirs de son enfance, il est conscient qu’il vivrait mieux si elle n’était pas en permanence dans sa vie, mais… mais c’est sa mère. Il ne veut pas qu’elle perde son travail. Il envisage même, avec Angie, de laisser Benny emménager avec la famille si jamais elle perd son travail. Et par la suite, il finit même par négocier quelque chose en sa faveur auprès de Mr. Smith… Benny a raison : c’est un good guy. Ce n’est certainement pas grâce à elle, toutefois.
    George Lopez, en vingt minutes suivant un cahier des charges aussi strict que celui du sitcom multicam, a réussi à en dire beaucoup, en creux, sur les tiraillements complexes que l’on peut ressentir face à un parent violent à mesure que l’on grandit. J’ai ressenti ce tiraillement d’adulte pendant près d’une décennie, moi aussi, avant de couper enfin les ponts avec mes parents ; je le trouve très bien retranscrit.

    Je n’ai pas fait exprès de trouver le premier épisode de George Lopez juste avant les fêtes, je vous le jure ! Pure coincidence. Mais ça tombe plutôt bien qu’il me rappelle pourquoi je « célèbre » Noël seule, comme toutes les autres fêtes de l’année d’ailleurs, sans plus aucune famille dans ma vie. Parce que ma vie n’est pas un sitcom, et que je ne trouvais pas d’humour dans les dialogues de Benny. Au juste, je suis incapable de dire si je suis devenue une good guy aujourd’hui (une people-pleaser, c’est assez certain en revanche). Je ne suis pas grand’chose aujourd’hui.
    Mais je sais ce que je ne suis pas aujourd’hui : avec Benny (et Emily). C’est mon cadeau de Noël de moi à moi.


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  • Friendtopia

    23 décembre 2021 à 22:59 • Review vers le futur •

    Comme je refuse le concept-même de « retard » en téléphagie, me voilà au mois de décembre à commencer une série dont tout le monde a parlé au printemps. De toute façon, c’est pas comme si les séries s’auto-détruisaient au bout de quelques mois !

    We Are Lady Parts est une série dont j’ai en effet entendu beaucoup de bien, mais avec la tentative de visionnage de Girls5eva (puissamment pas drôle), puis le lancement Queens (dont j’ai un peu plus apprécié la tendresse mais qui restait basique), les groupes de musique, j’avais l’impression d’en faire le tour. Vraiment, ça ne me disait vraiment rien de tenter une troisième série sur ce thème, quand bien même le buzz n’en finissait pas de m’y inciter. We Are Lady Parts, bien-sûr, est un peu différente : contrairement aux deux séries que je viens de citer, elle ne s’intéresse pas à un groupe qui se reforme, mais à un groupe qui est en train de se constituer. Cependant, ce n’est pas sa plus grande originalité.

    S’il s’agit bel et bien d’une série sur plusieurs jeunes femmes, c’est la perspective de l’une d’entre elles, Amina, qui a les faveurs de ce premier épisode (et, je le présume mais n’y ai pas encore jeté un oeil, des suivants aussi). Amina est brillante (elle étudie la microbiologie), passionnée (par la guitare ; elle donne d’ailleurs des cours), drôle (même si parfois seules ses parents semblent l’apprécier)… Le problème c’est qu’elle a une personnalité juste un tout petit peu trop loufoque pour être considérée comme l’épouse potentielle idéale, et qu’elle n’arrive pas à trouver chaussure à son pied. Dans sa quête de l’âme sœur, ou au moins d’un homme voulant bien d’elle (baby steps), elle se sent d’autant plus isolée que tout son entourage semble, lui, engagé hors de la voie du célibat. Et ça, ça la désespère plus que tout : cette solitude face à une période de sa vie où personne ne semble vivre la même chose qu’elle.

    Dans ces circonstances, Amina semble donc vivre beaucoup dans sa tête, mais cela va changer. Elle croise en effet (totalement par hasard) le chemin de quatre autres jeunes femmes qui, elles, ont un tout autre objectif que la romance. Saira, Ayesha, Bisma et leur manager Momtaz ont en effet créé le groupe punk Lady Parts, et y consacrent tout leur temps libre. Sauf que Saira, la charismatique leader du groupe, a décrété qu’il manque quelque chose à leur son, et qu’il leur fallait absolument recruter une guitariste.
    Alors naturellement, le premier épisode de We Are Lady Parts ne fait pas beaucoup de mystère sur le fait qu’Amina d’une part, et Saira, Ayesha, Bisma et Momtaz d’autre part, vont finir par jouer ensemble. De toute façon, le suspense n’est pas exactement sa préoccupation centrale : la série essaie plutôt de dépeindre, avec humour et énergie, les vies de ces vingtenaires londoniennes, avec leurs hauts, leurs bas… Et ce premier épisode, qui pourtant devrait être alourdi par les contraintes d’un épisode d’exposition, le fait avec une légèreté incroyable. On se laisse emporter dans ces portraits de personnages gentillement excentriques ; des jeunes femmes profondément imparfaites, essentiellement parce que leurs vies sont imparfaites, mais qui, chacune à leur façon, font leur possible pour en tirer le meilleur.

    Pendant les mois qui ont séparé son lancement de mon visionnage, j’avais entendu des choses sur We Are Lady Parts. Ce qui revenait le plus souvent (à part des épithètes dithyrambiques), c’était qu’aux yeux de beaucoup, la série avait le mérite de mettre en scène un groupe de jeunes femmes musulmanes très différentes les unes des autres ; et oui, évidemment, à la télévision occidentale ça fait un bien fou de voir qu’il y a de la place pour plus d’un archétype pour ce genre de personnage. On ne peut certainement pas dire que ça arrive tous les jours. Rien que l’existence d’Amina (à plus forte raison en tant que protagoniste centrale) est rarissime ! Et je suspecte que pour certaines spectatrices encore plus que pour moi, ç’ait beaucoup de valeur.
    Mais je crois que ça joue un peu en défaveur de la série d’en parler (presque) toujours sous cet angle, parce qu’elle a vraiment plein d’autres qualités. Il y a eu notamment une séquence musicale pendant ce premier épisode qui m’a laissée… écoutez, le mieux que je puisse faire pour vous décrire ma réaction, c’est rappeler à votre bon souvenir la tête des Showrunners devant le trailer de Crazy Ex-Girlfriend. D’ailleurs, ce n’est pas la seule raison pour laquelle We Are Lady Parts m’a rappelé Crazy Ex-Girlfriend, il y a une volonté commune d’utiliser la musique pour dire des choses finalement très intimes sur ce que c’est que d’être une jeune femme aujourd’hui (bon, la série américaine est plus saucy que la britannique, mais vous saisissez l’idée), et ce, sans hésiter à tenir des propos féministes ouvertement politiques, allant au-delà d’un girl power simpliste. Sans compter que We Are Lady Parts semble vraiment se réclamer haut et fort de la tradition des sitcoms blue collar britanniques… Bref, je comprends complètement qu’on soit extatique à son sujet, c’est juste dommage de se focaliser uniquement sur le côté «  » »diversité » » » et la musique, quoi.

    En tout cas, pas mécontente d’avoir refusé de finir l’année sans avoir tenté We Are Lady Parts, et je vais probablement combler mes lacunes à son sujet dans les jours qui viennent. Comme quoi, ça a du bon parfois d’attendre le moment pour regarder une série quand on le sent.


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  • No pasarán

    22 décembre 2021 à 19:32 • Review vers le futur •

    En décembre, comme vous le savez, c’est le moment de l’année où je finis des brouillons en souffrance pendant les mois précédents. C’est la dernière opportunité pour certaines séries d’avoir leur propre review : après, très souvent, il devient trop tard. Il y a naturellement des exceptions, mais le flux de nouveautés est tel qu’à un moment, il faut admettre que certains articles ne seront jamais finis, trop de temps a coulé sous les ponts téléphagiques. L’une des miraculées en cette fin d’année est la série historique Król, diffusée l’an dernier par Canal+ Premium, filiale polonaise de…
    Eh bien naturellement, de Canal+, ce qui explique la diffusion dans nos contrées de la série cet été, sous le titre The King.

    Loin de moi l’idée de faire du mauvais esprit (mon Dieu ! non, c’est pas le genre de la maison), mais s’il seulement était aussi facile pour Canal+ de diffuser les séries africaines du groupe que de diffuser les séries polonaises… Enfin bon, on fait toutes des choix, hein ? Et les choix du groupe Bolloré, on les connaît. Bref.
    Donc, avec quelques mois de décalage, voilà ma review de pilote.

    Et ma review c’est que je sais pas trop quoi en penser.

    Objectivement, ce n’est de toute évidence pas une série de mauvaise facture. Król est une série historique démarrant en 1937, sur fond de montée du fascisme dans toute l’Europe.
    En Pologne, la Falanga est l’une des incarnations de cette montée ; le groupe, bien que marginal, est très actif et son leader Bronisław Żwirski, qui ne se cache absolument pas de détester les Juifs, ne manque pas d’ambition pour la Pologne, dont la grandeur lui semble indissociable du catholicisme.
    La série ne se concentre pas sur ses activités, ou sur le climat antisémite qui s’installe à Varsovie (en particulier au sein de la police), bien que ces éléments soient évidemment mentionnés. Król s’intéresse plutôt à l’univers de la mafia juive, dont le chef incontesté est Jan Kaplica. Celui-ci a trouvé un équilibre bien particulier : il se pose en bienfaiteur des masses opprimées (et tient volontiers des propos socialistes voire marxistes), organise une soupe populaire, et semble globalement apprécié… Mais il est également respecté en temps qu’ancien combattant indépendantiste, et bien-sûr, craint, car sa bienveillance s’arrête où commencent ses propres intérêts. En particulier, il est également l’usurier de nombreux foyers pauvres du quartier juif.
    Dans le premier épisode de Król, l’exposition met plutôt bien avant sa position complexe, et en apparence parfois contradictoire. Ce n’est pas un homme mauvais, et par certains aspects il semble vraiment croire en ce qu’il dit ; mais c’est également quelqu’un qui tient à préserver le pouvoir qu’il possède, par la force s’il le faut, et qui n’hésite pas à entrer dans des négociations plus politiques si cela lui permet de se maintenir à son rang. A ses côtés, se trouvent deux hommes de confiance. D’une part, Janusz Radziwiłek (ou « Doktor »), un militaire froid voire même cruel, qui ne rêve que de se lancer dans le trafic de drogues pour enrichir plus encore son clan (et lui-même). Quoi qu’il en coûte pour autrui. Et puis d’autre part, Jakub Szapiro, un boxeur en fin de carrière qui joue également les hommes de main, notamment en collectant les dettes… ou en punissant les mauvais payeurs pour le compte de Kaplica. La série suit en fait, plus qu’aucun autre personnages, sa perspective et sa vie intérieure, qui par certains aspects rappelle un peu celle de Don Draper : c’est un homme séduisant, influent et respecté… mais aussi profondément torturé.

    J’ai plusieurs problèmes avec ce que je viens de vous dire. D’abord, oui, ce cliché de l’homme qui fait des trucs sales et s’en veut, mais qui continue de les faire comme s’il n’était pas l’une des personnes les mieux placées de son milieu pour faire des choix différents (le crime, ça paie, il suffit de voir l’appartement de Varsovie où il vit avec sa parfaite épouse et leurs deux enfants). Sauf qu’au contraire, il s’apprête à redoubler d’investissement dans son activité criminelle. Mais bon, on a l’habitude.
    Non, ce qui me chiffonne le plus, c’est que la série soit montrée à la fois comme une série sur le crime organisé (et le crime organisé dans la communauté juive en particulier), ET une série sur la Pologne de l’entre-deux guerres. Le mélange me met très mal à l’aise. Je sais que le crime organisé et la politique ne sont pas si éloignées l’une de l’autre, et qu’il y a eu des périodes où c’était plus vrai encore ; d’ailleurs, même si je n’ai pas suivi la série, j’ai cru comprendre que Peaky Blinders (à laquelle Król, plutôt à raison pour ce que j’en ai vu, est régulièrement comparée) soulignait aussi combien ces deux mondes étaient poreux. Il y a une violence dans la politique rarement montrée dans les séries, en particulier lorsqu’elle concerne des groupes de taille modeste, mais extrêmes. Reste que je ne peux pas m’empêcher de penser qu’une série où l’on montre plutôt les Juifs comme des criminels (…pas loin de légitimer certains des propos énoncés par les personnages antisémites), dans l’atmosphère ambiante qui plus est (en Pologne et dans une bonne partie de l’Europe), et sur une chaîne du groupe Bolloré (quand même), suscite quand même un peu le malaise.
    Quand Król montre la violence, c’est soit une violence symétrique entre les forces rassemblées par Kaplica et Żwirski (comme dans la première partie du pilote qui joue plus sur les ressemblances que les différences ; du vrai bothsiderism comme on ne l’aime pas), soit exclusivement la violence perpétrée par un membre ou un autre de l’organisation mafieuse juive de Kaplica. Et peut-être que ça ne veut rien dire… mais peut-être que c’est le genre de trucs auxquels je préfèrerais qu’on fasse attention.

    Du coup, vous comprenez sûrement pourquoi j’ai eu du mal à finir cette review. En dépit des apparences, je trouve toujours compliqué de dire : « cette série-là, idéologiquement, je ne la sens pas » quand le reste tient la route (voire même plus). En outre, l’inconfort n’est pas forcément une mauvaise chose, en télévision ou toute autre forme artistique. Et puis comme toujours, je ne suis pas non plus à l’abri d’avoir eu une interprétation erronée, ou dit  de façon plus magnanime, une interprétation incomplète, de la démarche de la série. Je n’en ai, après tout, vu qu’un épisode, et l’exercice qui consiste à installer une série, s’il me passionne, a forcément ses limites.

    Fort heureusement, en téléphagie, on a le droit. On a le droit de ne pas/plus regarder une série si on ressent du malaise à l’idée de la regarder, même si sa qualité « objective » n’est pas remise en question (le culte de la qualité « objective », c’est d’ailleurs une discussion en soi…). En fait, on a le droit de ne pas regarder une série, tout court. On a le droit, et il faut le prendre, de dire : cette série-là, je passe mon tour. Et toutes les raisons de le faire sont de bonnes raisons, d’ailleurs. Même celles avec lesquelles le reste du monde n’est pas d’accord : vous êtes encore la personne qui décide de ce que vous regardez.
    Ma raison, pour être tout-à-fait franche avec vous, c’est qu’en 2021 il y aura eu suffisamment de choses pour me mettre mal à l’aise et/ou en colère sans que je puisse y faire grand’chose. Mais sur les séries que je regarde, en tout cas, j’ai encore ce pouvoir-là : celui d’arrêter. Alors je n’ai jamais fini Król, et je ne la finirai probablement jamais ; le groupe Bolloré fait ses choix et je fais les miens.


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  • Forgive me not

    19 décembre 2021 à 21:24 • Telephage-o-thèque •

    Malgré tous mes efforts et ma bonne volonté, je ne serai jamais une téléphage très appliquée. Chaque semaine (…que dis-je : chaque jour), je mets la main sur de nouveaux épisodes, et force est de constater que beaucoup atterrissent sur une sorte de liste d’attente aux airs de purgatoire. Il y en a parmi eux que je ne regarde jamais, oubliés dans les limbes de mon organisation qui n’en a que le nom. Et il y a ceux que, soudain, je vais redécouvrir, lovés dans un petit dossier avant que ma souris de leur tombe dessus par hasard, accident ou ennui.

    C’est le cas d’Emoyeni, une série sud-africaine proposée la chaîne publique SABC1 en 2018, dont le premier épisode était en sommeil dans mes archives depuis plusieurs mois. Assez longtemps pour que je ne me souvienne pas où je l’avais dénichée avec ses sous-titres (elle est apparemment depuis devenue disponible sur Netflix dans certains pays, mais j’ai l’impression que la France n’en fait vraisemblablement pas partie). Trop longtemps pour réussir à regarder si je peux mettre la main sur les 3 autres épisodes de son unique saison.
    Bon, pour Emoyeni en particulier, ce n’est pas trop trop grave : il s’agit d’une série anthologique, regarder son premier épisode tout seul n’est donc pas exagérément frustrant. Mais tout de même, quel gâchis. C’est pas comme si on croulait sous les opportunités de voir des séries fantastiques sud-africaines, quand même…

    J’ai du mal à me pardonner quand je fais ce genre de choses, par inattention, inconstance ou autre. Mais si vous trouvez dans votre cœur la force de passer outre le fait que je ne pourrai jamais vous en dire plus sur la série, alors discutons quand même de son premier épisode. Car, bien que je ne conteste absolument pas qu’Emoyeni soit une série fantastique, cependant, je pense qu’il serait plus précis de parler ici d’une anthologie dramatique dont les ressorts s’appuient sur le fantastique…

    Ce premier, intitulé « Tshenolo » (« Révélation »), a pour point de départ le décès de l’homme d’affaires Skhumbuzo Mahlangu. C’est un homme qui est marié depuis environ dix ans à son épouse Kitso Mahlangu, une microbiologiste reconnue dont la carrière remplie de succès a permis de financer à la fois la vie du couple et les affaires de son époux. Tout commence comme une belle journée parmi tant d’autres pour la jeune femme, que nous découvrons dans sa belle demeure à faire du sport dans sa salle de gym privée, avant d’aller fêter, plus tard dans la soirée, ses 30 ans avec son mari. Tout semble parfait, dans cette existence, jusqu’à la part de gâteau laissée par Skhumbuzo dans le frigo pour surprendre sa femme.
    Ce que Kitso ignore, c’est que s’il prétend être à Durban pour un déplacement professionnel, en fait Skhumbuzo a menti et se trouve en excursion avec sa maîtresse, Angela. Celle-ci ne manque d’ailleurs pas de se montrer jalouse pour l’attention que Skhumbuzo prête à sa femme, et c’est en essayant de la rassurer alors qu’il est au volant de sa voiture que notre homme perd le contrôle du véhicule. Skhumbuzo et Angie meurent sur le coup.

    Emoyeni met un point d’honneur à nous faire suivre les jours suivants aux côtés de Kitso. La douleur qui l’empêche de faire quoi que ce soit, les rites auxquels sa mère doit la pousser à se plier, et surtout, la colère lorsqu’une étrangère débarque après les funérailles en trainant par la main un petit garçon. Elle dit s’être occupé de lui pendant plusieurs jours depuis la mort d’Angie, dont il est le fils, mais qu’elle ne peut plus s’en occuper ; puisqu’il est aussi l’enfant de Skhumbuzo, sa place est dans la maison des Mahlangu. Kitso, et on la comprend, est furieuse ; elle est également convaincue qu’il s’agit d’une arnaque, parce que quand même, si son mari avait eu un enfant de 7 ans, elle l’aurait su.
    C’est là que l’épisode commence une curieuse bifurcation. Là où de toute évidence c’était sa perspective qui était centrale dans l’intrigue, Emoyeni commence à basculer sur la perspective d’autres personnages : Skhumbuzo Junior (ou « SJ »… oui, il porte le nom de son père), qui se retrouve trimbalé de foyer en foyer alors qu’il vient de tout perdre ; la mère de Kitso, qui prend l’enfant en pitié et en affection malgré l’hostilité de sa fille, dont elle sent bien qu’elle a besoin d’aide pour passer ce tournant difficile de sa vie ; et même Skhumbuzo lui-même. Ah, nous voilà donc arrivées au volet fantastique.

    En effet, on comprend progressivement que Skhumbuzo est mort, mais que son sort est encore en suspens. Le sort de son âme immortelle, plus spécifiquement. Un chauffeur de taxi du nom de M’Jab le dépose devant le domicile de sa femme, et lui indique que c’est ce que ressent Kitso pour lui qui déterminera où il sera envoyé. La série essaie de ne pas employer les termes (et échoue, au détour d’un tirade) mais clairement il s’agit de Paradis et d’Enfer. Et bien-sûr, plus il attend pour régler ses affaires, plus il va devenir certain qu’il sera destiné à brûler pour l’éternité.
    Le problème c’est que Skhumbuzo, qui on le comprend n’est pas très fier du sale coup qu’il a joué à son épouse, refuse de la confronter directement, essayant plutôt de parler à son fils qui n’a pourtant pas le moindre pouvoir sur sa propre situation. Les choses trainent donc en longueur tandis que Kitso fait procéder à un test ADN, avant de finalement faire envoyer l’enfant dans un foyer pour orphelines.
    Emoyeni veut en fait parler de ça : de la façon dont Skhumbuzo va devoir se racheter au yeux de celle qui a partagé sa vie pendant 10 ans. Et surtout, comment cela va obliger sa femme et son fils à se parler, malgré le chaos, malgré la colère, malgré le deuil.
    Les spectatrices sont placées dans une étrange position : celle de finalement devoir compatir avec tout le monde. Ce qui en soi n’est pas forcément une mauvaise idée, c’est juste que la série n’a pas toujours le temps de rentrer dans la complexité de cette façon d’aborder les choses. Dans l’abstrait, oui, la colère de Kitso, le tristesse de SJ, et le désespoir de Skhumbuzo, sont toutes valides bien que reposants sur des intérêts en apparence contradictoires. Vouloir que chacun de ces personnages trouve une forme de paix n’est pas incompréhensible, ce qui l’est un peu plus c’est de ne pas expliquer pourquoi le consensus final a du sens émotionnellement pour tout le monde. Lorsque ce premier épisode d’Emoyeni se finit, on ne saurait trop dire si sa fin a été un peu précipitée, ou si sa conclusion repose sur une morale différente de, disons, pour caricaturer, Les Anges du Bonheur. Notez bien que les deux ne s’annulent pas nécessairement…

    J’ai l’impression de ne pas assez le souligner dans mes reviews, mais découvrir des séries venues du monde entier, c’est aussi ça. Se demander si une série qui ne délivre pas forcément satisfaction en matière de développement dramatique et/ou de morale, le doit à des différences culturelles, à une intention artistique particulière, ou à un défaut de la série lui-même.
    Est-ce qu’il était réellement nécessaire que, dramatiquement, on nous donne une raison qui paraisse valable au pardon de Kitso ? Dans le fond peut-être pas. Peut-être que tout ce qui comptait, c’était qu’elle apprenne à aimer cet enfant, malgré tout. Ou qu’elle se souvienne que son choix de ne jamais avoir d’enfant, répété à plusieurs reprises dans cet épisode, n’était en réalité pas tout-à-fait un choix au départ. Ou que toutes ces protagonistes trouvent un moyen de faire la paix avec la réalité, quand bien même ça n’a pas du sens objectivement. Ou bien, la série a une idée du pardon qui repose sur autre chose que ce à quoi le pardon correspond pour moi, une spectatrice qui n’est pas sud-africaine. Ou encore, peut-être qu’Emoyeni veut tout simplement me laisser décider comment interpréter tout cela…

    D’ailleurs je n’aurai sans doute jamais de réponse ferme à cette question, mais, quelque part, c’est aussi pour me la poser (elle et toutes les questions semblables que mes explorations télévisuelles me posent) que je regarde une série sud-africaine. Ou égyptienne. Ou brésilienne. Ou japonaise. Parce que je ne veux pas juste des « histoires exotiques », je veux des histoires qui font sens pour d’autres. Je veux remettre en question ce qui me semble évident, même si, au final, ça ne m’empêche pas d’avoir mes préférences.
    Regarder Emoyeni m’a rappelé que parfois, je ne vais pas comprendre parfaitement ce que je regarde (et pas pour de simples raisons linguistiques), parce qu’il me manque certaines références. Ca peut être aussi simple à expliquer que rechercher pourquoi le deuil en Afrique du Sud signifie rester assise sur un matelas ; ou ça peut être plus profond, comme ici, et ne jamais trouver de solution propre et satisfaisante. Plutôt s’accrocher à ce qui à mon sens devrait être, accepter qu’il y a des choses qui m’échappent, sans que ça m’empêcher de continuer.
    Oh, attendez… je crois que je viens de choisir mon interprétation préférée.


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  • Iron man

    19 décembre 2021 à 21:23 • Dorama Chick •

    On ne va pas se mentir, je ressens un plaisir intense à l’idée de me lancer dans le premier épisode d’une série juste parce que, sur le papier, elle a l’air originale. Même quand je devine sans difficulté que je ne vais pas spécialement l’aimer.
    Aujourd’hui on cause steampunk japonais, et laissez-moi vous dire que ces deux mots s’accordent rarement ensemble. Pour être sincère, « steampunk » est un mot qui s’accorde avec très peu de choses à la télévision ; ce genre, sans doute parce qu’il est réputé onéreux à produire, mais aussi parce qu’il s’agit d’une niche méconnue de la science-fiction (c’est un peu le serpent qui se mord la queue, vous en conviendrez) n’a fait l’objet que d’une poignée de séries à travers le monde. Alors vous imaginez bien qu’en Asie, où la science-fiction a une place assez limitée (généralement résumée à des séries high concept et occasionnellement un peu d’anticipation ; Goyoui Bada sur Netflix, la semaine prochaine, sera d’ailleurs une intrigante exception), c’est encore pire.

    Avant que vous ne vous excitiez, laissez-moi quand même vous préciser que O-Edo Steam Punk est une série de la chaîne indépendante TOKYO MX (pas très riche, et orientée vers l’animation et la culture geek), et que son poster promotionnel ressemble à ça :

    En fait le concept de steampunk est tellement étranger aux spectatrices nippones, que la série se sent obligée d’expliquer le concept-même d’uchronie rétrofuturiste en ouverture de son premier épisode ! Officiellement, la série se déroule donc sur une planète lointaine il y a plusieurs centaines d’années, dans une ville japonaise exactement comme Edo. Donc c’est pas vraiment Edo, hein, vous avez compris ? N’allez pas penser que cette série qui ressemble à une série historique est une série historique. On ne saurait insister assez là-dessus, ne croyez pas trop ce qu’on va vous dire !
    Ce point épineux ayant été clarifié, O-Edo Steam Punk démarre alors que deux jeunes hommes se sont engagés dans une compétition pour voir lequel des deux est le plus résistant à la vapeur. Voilà qui ressemble un peu à un concours pour voir qui est le plus masochiste, mais la foule rassemblée devant l’événement observe avec intérêt qui va gagner, après que tous les autres candidats aient déclaré forfait. L’un de ces jeunes hommes est Yuuta, qui se retrouve ici en compétition avec avec celui qui était auparavant son meilleur ami, Yasuke. De l’avis général (y compris Yasuke), le pauvre Yuuta est un homme faible et incapable. Toute la ville le prend pour un nul. Il est apprenti chez le forgeron, où on se contente de le laisser observer car il n’est bon à rien. Mais c’est ce qui lui a permis d’améliorer sa résistance à la vapeur, et aujourd’hui, coûte que coûte, il tente de tenir bon et prouver qu’il a l’étoffe d’un héros… et finalement, c’est bien ce qui se produit, et si l’essentiel de la population rassemblée devant le concours s’inquiète de Yasuke, la résistance physique de Yuuta n’a pas échappé à un observateur.

    Peu de temps après, alors qu’il n’a pas encore tout-à-fait récupéré de l’épreuve, Yuuta assiste, impuissant, à l’enlèvement de la belle Oteru. Celle-ci s’avère être la nièce de l’homme qui observait la victoire de Yuuta d’un air satisfait, et qui se révèle n’être nul autre que… Hiraga Gennai ! Ou, euh, ma foi, j’imagine qu’il est un Hiraga Gennai alternatif ? La série ne s’épanche pas sur la raison pour laquelle un monde parallèle ressemblant à Edo mais n’étant pas Edo inclurait des personnalités historiques avérées…
    En dépit de son apparence loufoque, Gennai est un scientifique de génie, et il va vite dévoiler à Yuuta son projet secret : il développe une armure fonctionnant à la vapeur ! Elle décuple les forces de quiconque la porte, et peut donc faire de n’importe qui un héros… à condition, bien-sûr, de tolérer la chaleur provoquée par la vapeur. Vous voyez vers quoi on se dirige.

    Car oui, O-Edo Steam Punk n’est pas une uchronie au sens où, mettons, Ooku ~Tanjou ou Onna Nobunaga pouvaient l’être. On ne s’y destine pas à revisiter l’Histoire, mais plutôt à faire joujou avec. C’est avant tout une série tokusatsu (genre dont je vous avais dressé l’historique ici) avec un twist historique.

    La suite de l’épisode va confirmer ce diagnostic. Lorsque les criminelles qui ont kidnappé Oteru reparaissent, elles se servent de la jeune femme comme d’une monnaie d’échange pour exiger de Gennai qu’il leur fournisse son « trésor », et Yuuta, désormais affublé d’une énorme armure de métal et de vapeur, va les affronter pour protéger à la fois la nièce et l’inventeur. La séquence d’action (un mot que j’emploie avec un certain laxisme ici) qui s’en suit démontre assez clairement que dans les faits, O-Edo Steam Punk est plutôt l’enfant bâtard des franchises Kamen Rider et… Yuusha Yoshihiko !
    Naturellement, même s’il découvre l’étendue de ses pouvoirs au fur et à mesure des attaques successives, Yuuta réussit à secourir Oteru et déjouer les plans des méchantes de la série, au moins pour le moment. Il découvre cependant que la combinaison qu’il porte ne peut fonctionner que pendant 3 minutes, ce qui laisse augurer de petits inconvénients à l’avenir. Mais pour l’instant, il peut se consoler en se disant qu’il est bien devenu un héros. Ou, comme Gennai aime à le dire, un « Steam Punk ».

    A ce stade de ma review, vous l’aurez compris, j’ai trouvé ce premier épisode divertissant, mais pas indispensable. Les comparaisons que je dresse (en particulier avec Yuusha Yoshihiko) devraient aussi vous donner une indication claire de la raison pour laquelle c’est un diffuseur réputé comme fauché qui a proposé la série (quand bien même celle-ci a trouvé ensuite une seconde vie sur la plateforme TSUTAYA TV). O-Edo Steam Punk ne s’embarrasse pas trop de la construction d’un univers cohérent, comme le prouvera l’apparition d’un autre personnage historique dans l’épisode… alors que Hiraga Gennai et Shirou Amakusa n’étaient pas contemporains l’un de l’autre.
    Mais étrangement, je ressens une certaine tendresse envers la série. Elle essaie avec peu de moyens (narratifs autant que budgétaires) de faire quelque chose d’un peu original, sans se prendre trop au sérieux.
    Il faut aussi et surtout préciser qu’O-Edo Steam Punk a une dernière particularité : elle est un projet monté par une troupe de théâtre appelée Europe Kikaku (« le projet Europe »), basée dans plusieurs villes du pays et habituée à jouer des comédies dites « de genre », écrites ou co-écrites en interne par son président, Makoto Ueda. Sa prédilection pour le fantastique ou la science-fiction se retrouve bien ici !
    Et moi, ça me fait chaud au cœur qu’une compagnie de théâtre, même si elle existe depuis plus de deux décennies et n’en est pas à sa première incursion dans le secteur audiovisuel (Yoshifumi Sakai, qui est crédité comme scénariste et créateur d’O-Edo Steam Punk, a plusieurs crédits à son actif, dont Honou no Tenkousei REBORN sur Netflix) arrive à monter un projet un peu lunaire comme celui-ci. C’est ce qui s’approche le plus d’un projet alternatif, dans le domaine d’un média de masse comme la télévision, et que quelque chose comme O-Edo Steam Punk parvienne à exister (même si c’est dans une relative obscurité ; je n’ai découvert son existence que récemment alors qu’elle date du début 2020), ça me donne quand même envie d’en parler.


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  • À la casse

    17 décembre 2021 à 21:56 • Review vers le futur •

    L’un de mes plus grands regrets de 2021 (à part, vous savez, avoir dû vivre en 2021) aura été de n’avoir pas trouvé le temps et/ou l’énergie de faire une review complète de Superstore, malgré mon marathon de l’été dernier très concluant. Vous me direz, il reste encore environ quinze jours avant de finir l’année, mais j’ai tendance à ne pas voir l’intérêt de commencer une review 6 mois après avoir vu les épisodes (si je l’avais commencée à l’époque mais qu’elle n’était pas finie, ç’aurait été différent). Il faudra donc faire sans, alors que pourtant je n’aurais eu quasiment que du bien à en dire.

    Fort heureusement, NBC se porte à mon secours en lançant American Auto, qui est de façon assez transparente une tentative de recréer la magie de Superstore, mais avec une distribution (majoritairement) différente, et en se déroulant dans un milieu professionnel différent. Sur le fond comme sur la forme, toutefois, l’entreprise ne trompe personne… à une nuance près. Mais une nuance d’importance.

    Payne Motors était jadis un géant automobile américain, secteur qui n’est aujourd’hui plus que l’ombre de lui-même. La compagnie, comme tant d’autres, se cherche désespérément un nouveau souffle, et celui-ci se matérialise par l’embauche au poste de PdG de Katherine Hastings, une exécutive venue de l’industrie pharmaceutique, pour remplacer le PdG précédent parti à la retraite. Le premier épisode d’American Auto commence alors qu’elle vit son premier jour dans l’entreprise, qui tombe au moment où Payne doit annoncer en grandes pompes son nouveau modèle, la Ponderosa. Or, pendant le briefing, l’équipe découvre un énorme problème dans le logiciel de conduite automatique de la Ponderosa : celle-ci est paramétrée pour… s’arrêter pour les piétonnes blanches, mais ignorer et donc renverser les personnes racisées. Oui, la Ponderosa est une voiture raciste !!! Et il ne reste que quelques heures pour trouver quelque chose d’autre, n’importe quoi, à annoncer à la place de l’intelligence artificielle biaisée de la voiture.

    American Auto prouve dés ce premier épisode qu’elle est disposée autant que l’était Superstore à utiliser l’univers dans lequel elle se déroule comme un tremplin, afin de critiquer à la fois la société de consommation américaine, et plus largement la société américaine. Les questions raciales, récurrentes dans Superstore, sont donc l’objet de la toute première intrigue de cette nouvelle série, sans grande surprise.
    Au cours de ce premier épisode, la série va aussi évoquer d’autres aspects, qui tiennent plus à l’identité de ses personnages. Katherine Hastings, par exemple, ne connaît rien aux voitures ; non seulement elle vient d’une industrie différente mais en plus elle ne s’intéresse pas au produit lui-même (elle estime que c’est même sa force, de la même façon qu’un trafiquant de drogues ne consommerait pas sa propre came). En fait, elle n’a même pas le permis ! Cela choque, bien-sûr, ses employées, et notamment la directrice du marketing Sadie, ou Wesley, l’héritier de l’ancien PdG qui était certain qu’il allait aussi hériter de son poste ; toutes les deux ont grandi, comme tant d’autres Américains, dans l’idée qu’une voiture est un symbole autant qu’un outil de liberté, et plus largement, une part intégrante de leur identité. American Auto essaie de désosser le mythe, tout en l’utilisant pour ridiculiser la façon dont Katherine vend des voitures comme elle a vendu des pilules : sans affect, ni même considération pour les conséquences autres que le chiffre d’affaires. En cela, elle est à la fois très compétente et ridicule, comme l’était Glenn dans Superstore (elle est par contre moins attachante).

    Mais l’angle a changé : American Auto, au lieu de se dérouler aux côtés des « petites mains » de Superstore (les employées d’une grande surface parmi tant d’autres, sans aucun pouvoir de décision ni même pouvoir tout court), la nouvelle comédie de Justin Spitzer se déroule dans les bureaux où l’on prend les décisions. A l’exception d’un personnage (un mécanicien qui, au fil de ce premier épisode, va se rendre important et finalement être… promu dans les bureaux), tout le monde dans American Auto est très éduqué, et mène un train de vie confortable loin des préoccupations des employées de ses usines ou même de ses concessionnaires. On y subit la loi du marché, on y craint la réaction de la presse ou du grand public, mais globalement, on vit bien. Là où Superstore était un manifeste sur la survie (et le droit à faire mieux que survivre) de celles qui vivent au bas de l’échelle du consumérisme américain, American Auto se préoccupe de celles qui en sont la cause, et je trouve ça personnellement moins engageant.
    Je lis qu’apparemment, American Auto avait été pitchée à NBC avant Superstore, alors que son créateur venait de travailler au sein de l’équipe de The Office ; je vois absolument dans quelle mesure American Auto serait le maillon manquant dans cette progression. Mais passer après Superstore pour n’en tirer que les aspects superficiels (le type d’humour, les collègues incompétentes et/ou caricaturales, la romance au boulot… et même l’acteur Jon Barinholtz dans exactement le même type de personnage), ça laisse un goût amer dans la bouche. On a l’impression d’une photocopie et d’une régression en même temps, je ne savais pas qu’il était possible de faire un tel grand écart, mais American Auto fait montre d’une fascinante flexibilité dans ce domaine.
    Je ne doute pas qu’en laissant un peu de temps à la série, je pourrais développer un peu de tendresse pour une à plusieurs de ses protagonistes, malgré tout, parce que les workplace comedies s’y prêtent généralement très bien, surtout si on leur laisse une à deux saisons pour faire leur effet (je vous l’accord, c’est un « si » massif par les temps qui courent). Sur le fond, pourtant, je vois mal comment la dynamique pourrait être corrigée. Et ça suffit à me couper toute envie de vérifier.


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  • Vous allez voir

    16 décembre 2021 à 22:01 • Review vers le futur •

    Lors d’un récent procès, Twitter a indiqué n’employer que 1 867 modératrices pour veiller au contenu posté par quelques 400 millions d’utilisatrices (du côté de Facebook, il y en aurait environ 20 000). Généralement, les plateformes sociales sous-traitent à plusieurs sociétés ce genre de missions, en fonction de la langue notamment. On sait que l’ampleur de la tâche est bien trop grande pour le peu de personnel qui lui est alloué… mais on sait aussi à quel point il s’agit d’un travail très dur psychologiquement. D’ailleurs, l’an dernier, Facebook a dû indemniser des modératrices, frappées de traumatismes après avoir vu des centaines de milliers de messages, images et videos violentes.

    C’est un travail très dur, et c’est précisément ce qui intéresse Je ne suis pas un robot, une websérie québécoise mise en ligne par Télé-Québec la semaine dernière. Elle s’ouvre sur cette motivation lancée au début de journée dans l’open space d’un bureau de modératrices : « Pensez à la petite fille de 6 ans, qui ouvre sa tablette, qui voit pas de sexe anal ? Bah ça c’est grâce à nous, ça ! »…

    Trigger warning : suicide, torture, maltraitance animale, viol et violences sexuelles, contenu pornographique… et j’en oublie forcément. 

    Avec seulement 6 épisodes de 6 à 12 minutes, on pourrait se dire que Je ne suis pas un robot va être l’affaire de, quoi, allez ? Une petite heure ? Mais ça, c’est sans compter sur le temps que vous allez passer ensuite à ressasser ce que vous avez vu.

    Depuis 8 ans, Marie-Chantal travaille à SoulShine, une entreprise où les salariées s’entendent dire à longueur de journée qu’elles rendent internet meilleur, parce qu’elles sont chargées de modérer les contenus des plus grandes plateformes du monde. Huit années de bons et loyaux services, dans ce métier, ce n’est vraiment pas rien, mais « MC » a été promue récemment à un poste de manager, et supervise maintenant une petite équipe d’une douzaine de personnes. Elle voit toujours passer des heures et des heures de videos, mais désormais son rôle est de contrôler les choix de modération de ses subalternes. C’est un métier difficile, mais il faut bien que quelqu’un le fasse.
    Dans son bureau entièrement décoré avec des figurines d’animaux mignons (chats, chiens, dauphins…), ses T-shirts avec des chatons adorables, et sa passion sans commune mesure pour les crêpes sucrées et les milkshakes à la fraise du resto d’à côté, Marie-Chantal ne manque pas de raisons d’être de bonne humeur. Son énergie positive semble parfois extrême, mais c’est peut-être ce qui lui a permis de tenir aussi longtemps. Elle n’est pas toujours très sûre d’elle, mais au moins, elle s’entend bien avec son supérieur direct, Nick, dont elle ne semble pas remarquer qu’il est un faux-cul complet. Vraiment tout irait bien au bureau, si…
    Je ne suis pas un robot démarre alors qu’une employée travaillant dans l’équipe de Marie-Chantal s’est récemment suicidée, comme le rappelle discrètement un panneau bloquant l’une des fenêtres de l’open space. Il n’y a pas vraiment lieu de se demander pourquoi : Je ne suis pas un robot nous montre quel genre de videos l’équipe doit regarder et modérer à longueur de journée.

    Si vous avez fréquenté internet, et évidemment vous avez fréquenté internet, alors vous savez exactement de quelles videos il s’agit. Les 5 options de modération proposées par le logiciel interne de l’entreprise tentent de diviser en catégories propres et bien rangées ce qui est en réalité un groupe de dégueulasseries les plus sordides. Ca va faire plus de 20 ans que je suis sur internet, et les videos que modèrent les employés de SoulShine, je les ai vues ; pas exactement celles-là, mais les nuances sont minimes. Je me dis parfois que j’en voyais bien plus avant ; j’ai échappé à 2 Girls, 1 Cup (de justesse), mais j’en ai vues d’autres un peu moins célèbres et aussi dérangeantes. Certaines me hantent encore. Il n’y a rien de nouveau, dans ce que montre Je ne suis pas un robot, mais ça n’en est pas moins choquant. D’ailleurs la série se fait un devoir de ne pas simplement les suggérer, mais bien de les montrer ; la série a tourné sa propre B-roll (choisissant d’ailleurs uniquement de faire modérer à ses personnages des videos, et non des textes ou images statiques), et a donc pris le soin de trouver le bon dosage, mais on va bel et bien assister à du contenu extrême.
    C’est comme si la série s’était dit : « Puisque Marie-Chantal doit les voir, alors vous aussi, pas d’échappatoire. Voilà ce que ces modératrices voient à longueur de journée pour que vous n’ayez pas à les voir ; eh bien aujourd’hui, vous allez voir. Vous allez prendre la mesure de ce que ces employées voient pour vous protéger ». La démarche a du sens, dans le cadre du propos que tient la série. Reste que ça n’en est pas moins difficile.

    Au début, MC semble faire contre mauvaise fortune bon cœur ; la phrase de motivation qui ouvre la série, c’est elle qui la lance, avec un grand sourire, à son équipe qui a déjà les écouteurs vissés sur les oreilles. C’est un boulot qui transforme en zombie, mais Marie-Chantal semble y avoir échappé. Elle croit en ce qu’elle fait, elle est investie, elle veut bien faire parfois jusqu’à l’excès… mais quelle est l’alternative ? Si elle ne remplit pas sa mission comme un sacerdoce, alors qui sait ce que vous allez voir demain sur les réseaux sociaux.
    Les choses basculent lorsqu’elle doit valider la modération d’une video dans laquelle un mystérieux tueur masqué met un petit chaton dans un four à micro-ondes. Pour elle qui aime tant les chats, c’est la goutte d’eau. Elle commence à avoir vraiment du mal à regarder ce qui apparaît sur son écran. Dans le même temps, elle doit également faire face à une nouvelle employée un peu rebelle, qui semble prendre un malin plaisir à lui parler du fameux tueur de chats. Oui, pluriel, ce n’est pas la dernière video qu’on verra de lui. Il devient dés lors de plus en plus clair que Marie-Chantal commence à lâcher la rampe.

    …Sauf qu’elle ne fait pas seulement face à l’impact de ces videos, mais aussi à la violence du travail lui-même. Alors certes, Je ne suis pas un robot n’a pas beaucoup de temps pour explorer cet aspect des choses, mais par petites touches, la série nous dit, aussi, que le mode de management empire largement l’état psychologique dans lequel se trouvent les modératrices. La cadence infernale à laquelle les videos doivent être vues et modérées, les conséquences lourdes lorsque des erreurs d’appréciation sont faites, l’open space sombre où personne n’a le temps (ni l’envie) de se parler, la façon dont les mesures de sécurité draconiennes impliquent de laisser à l’accueil tout effet personnel (sac, téléphone portable, etc.).
    Effectivement, il est attendu des modératrices qu’elles soient des robots, aussi performantes et parfaites que la modération automatique, voire plus… parce que sinon, nul doute qu’on paierait pour une modération automatique sans s’embêter avec des employées. Comme si être modératrice n’était pas assez compliqué psychologiquement, la violence capitaliste vient donc s’ajouter à tout cela.

    Je ne suis pas un robot ambitionne toutefois un peu plus que de simplement nous parler du travail de modération, et comment il fragilise la santé mentale. Plus la série avance, et plus elle nous parle tout simplement de l’humanité lorsqu’elle est sur internet. Parce que, ces videos, elles ont des gens qui tombent dessus, mais aussi des gens qui les font.
    Dans le dernier épisode, un personnage assènera : « Les humains y sont dégueulasses, pis y vont jamais arrêter de l’être. La seule affaire qu’on peut peut-être faire, c’est s’arranger que ça paraisse pas trop ». Et je crois que de tout ce que Je ne suis pas un robot m’a montré pendant sa courte existence, c’est ce qui va me hanter le plus…


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  • Fun fact du mercredi 24 mai 2017
  • Ready ?
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  • Et elle vit que c’était bon

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