50 shades of series finale (director’s cut)

22 avril 2014 à 14:00

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« Après des saisons de diffusion, comment conclut-on une série ? La fin est-elle programmée depuis le premier épisode ? En passant en revue des œuvres aussi diverses que Lost, Les Soprano ou Breaking Bad, nous allons tenter de comprendre comment on réussit – ou on rate – la fin d’une série. »

C’est en ces mots que se présente la première table ronde de Séries Mania, animée par Thomas Destouches, qui ouvre le festival à 16h aujourd’hui. Une problématique intéressante qui nous touche parce que nous investissons émotionnellement les séries que nous regardons, mais aussi parce que la question touche également à des aspects plus techniques de la fabrication d’une série. Là où la logique d’une industrie et l’art doivent se rejoindre… l’un et l’autre pouvant parfois poursuivre des buts contradictoires.

Mais dans ces colonnes, j’aime bien vous rappeler que le monde téléphagique ne tourne pas autour des USA. De la même façon que les débats autour des pilotes ne se posent pas de la même façon dans la plupart des autres pays, par exemple, ce questionnement sur les fins de séries est, par nature, très américano-américain. Et « plusieurs saisons de diffusion » n’est pas du tout la norme dans tous les pays de la planète ! En fait, même quand c’est le cas, les modalités sont très variables. Dans de nombreuses industries télévisuelles, le renouvellement n’étant jamais tenu pour acquis, ni même considéré comme un objectif, la fin de la 1e saison est souvent planifiée à l’avance. Si bien que, finalement, se demander « comment une série va finir » est, selon le pays, le problème du spectateur… ou plutôt celui la production.
Les séries mentionnées à titre d’exemple dans cette introduction étant américains, et la présence d’intervenants issus de l’industrie française (François Descraques et Nicole Collet) garantissant des illustrations sous nos latitudes, je vous propose de parler un peu des fins de séries à travers le monde, pour prendre un peu de recul, et aborder les choses sous un angle différent, histoire d’aborder la table ronde de tout-à-l’heure avec plein d’idées nouvelles !

– JAPON
On commence avec un premier pays assez inflexible sur les conditions de préparation de ses dénouements. Je vous ai déjà parlé plusieurs fois des spécificités de la télévision nippone : avec son système de 4 saisons par an, et son renouvellement quasi-intégral des grilles tous les 3 mois (pour ceux d’entre vous qui ont loupé le début, n’hésitez pas à remonter les tags pour trouvé les détails de cette organisation), le Japon fait partie de ces pays où les séries sont éphémères par nature.
De ce fait, l’immense majorité de ces séries sont conçues comme des mini-séries d’1 seule saison, avec 13 épisodes maximum. Si une saison 2 est commandée (ce qui, de surcroît, ne concerne qu’une fraction des séries diffusées chaque saison), elle est généralement autonome, et ce même si les acteurs reprennent tous leur rôle. Les saisons 2 peuvent être considérées comme une simple prolongation des aventures de la saison 1 (en particulier pour les séries policières), mais assez souvent, elles se comportent même comme des reboots voire des spin-offs. Il n’est pas nécessaire d’avoir vu la saison 1 pour apprécier la saison 2, et ainsi de suite si la série gagne une saison 3 (fait encore plus rare).
Du coup, la fin d’une saison, et par extension, d’une série japonaise, est toujours considérée par dés la conception, et offre une conclusion déterminée par avance. Cela ne signifie pas que certaines fins de séries ne peuvent pas être ouvertes, mais dans ce cas, elles le sont volontairement, et non dans une optique de cliffhanger. Et comme en plus, ces séries vont généralement jusqu’au bout de leur commande, quelles que soient les audiences, les annulations sont rares et les fins abruptes quasi-inexistantes.

– CORÉE DU SUD
Là encore, une grande partie des séries a tendance à n’exister que pour une seule saison, bien que les épisodes aient tendance à être plus nombreux (les comédies de type sitcom sont une exception, et peuvent être renouvelées ; en revanche elles sont minoritaires dans les grilles). La fin d’une série est généralement planifiée à l’avance… mais avec un petit twist par rapport au Japon !
En effet, les chaînes sud-coréennes n’hésitent pas, en cas de fort succès, à prolonger une fiction. Ces extensions, auparavant marginales, deviennent courantes, et peuvent rajouter un épisode… ou une dizaine ! Si cette prolongation fait le bonheur des spectateurs désirant ne pas se séparer tout de suite de leurs personnages favoris, à plus forte raison parce qu’ils n’ont quasiment aucune chance de leur revenir), elle a cependant tendance à pousser la production d’une série à faire traîner les choses au tout dernier moment, sans raison très valable… La chose est faisable parce que la plupart des séries sud-coréennes sont tournées avec un très court délai par rapport à la diffusion ; on rapporte dans les pires des cas des montages qui sont finis la veille pour une diffusion le lendemain ! Sans prendre ces délais pour argent comptant, la proximité de la production avec la diffusion permet en tous cas une plus grande flexibilité ; le fait que beaucoup de séries soient produites en in-house favorise encore ce procédé.
A noter également que, contrairement aux chaînes japonaises, les chaînes sud-coréennes sont également plus enclines à annuler une série qui ne fonctionne pas. Dans ce cas, la production de la série a l’option de procéder à un montage différent, permettant d’offrir une conclusion certes précipitée, mais considérée moins brutale qu’une annulation à l’américaine.

EunggeubNamnyeo-650Eunggeub Namnyeo, une série sud-coréenne qui a reçu le mois dernier une extension pour… 1 épisode.

–  BRÉSIL, COLOMBIE, MEXIQUE… et la majeure partie de l’AMÉRIQUE DU SUD
Sur le continent où est née la telenovela, la longueur d’une série n’est pas un obstacle à la conception d’une fin solide et cohérente. En fait, contrairement aux idées reçues sur les soaps, les telenovelas ont une durée déterminée par avance, en moyenne entre 6 et 8 mois. La fin de la série est donc partie intégrante de la conception de celle-ci… même si elle n’est qu’un point sur l’horizon pour les spectateurs ! En gardant en tête un objectif clair (par exemple amoureux ou familial), généralement posé comme une problématique dés le premier épisode, la telenovela peut s’autoriser des convolutions à volonté, pourvu, vers la fin de son unique saison, de retomber sur ses pattes et offrir la conclusion attendue par les spectateurs. La telenovela traditionnelle (bien que beaucoup de séries récentes essayent de s’en écarter) a tendance à proposer une fin rassurante, positive, contrastant avec les nombreux obstacles parfois sordides rencontrés en chemin (par exemple dans les narconovelas) ; ne pas la donner cette conclusion très attendue par les spectateurs a tendance à faire des mécontents ; paradoxalement, même si une telenovela a une fin conçue en même temps que la série, on ne regarde pas une telenovela pour sa conclusion !
Cette pratique s’applique de façon plus variable aux séries courtes. Les mini-séries et autres séries hebdomadaires, lesquelles dépassent rarement la quinzaine d’épisodes, suivent dans ce cas des modèles plus proches du système australien/britannique, ou même américain dans le cas des comédies de type sitcom.
A noter enfin que dans les pays du continent où la télévision est la plus pauvre, et où les fictions sont essentiellement des imports, des co-productions avec des pays frontaliers, ou des adaptations de format (c’est le cas par exemple en Équateur, où les séries produites ou co-produites en Colombie sont nombreuses), il n’y a pas de règle. Ou plutôt, le pays suit les règles qu’il peut, au cas par cas et selon le budget, le pays co-producteur… ou tout simplement, le format de l’œuvre originale.

– AUSTRALIE et ROYAUME-UNI
Deux pays aux procédés similaires, qui misent en grande partie sur des diffusions peu étalées dans le temps. D’une certaine façon, on peut dire que ça compense un autre aspect du système : les séries peuvent passer des semaines, voire des mois, entre la fin de leur production et leur diffusion. Il n’y a donc pas de marge de manœuvre avec les équipes de tournage ou de post-prod. Avec la commande de saisons généralement courtes, les chaînes, en particulier dans le public, ont tendance à favoriser les mini-séries, ou à considérer les fictions comme des engagements à court terme.
La saison 1 est alors auto-suffisante, et la fin planifiée par avance. Si la série obtient du succès lors de sa première saison, et alors seulement, elle est renouvelée et la chute de l’intrigue peut suivre la même problématique qu’aux USA. On peut généralement remarquer que les saisons 2 de séries australiennes ou britanniques semblent moins craindre l’annulation, et ont tendance à ne pas planifier leur fin. Chaque prolongement d’une saison pousse alors la production à reporter la décision sur le dénouement.

Résultat : la planification d’une fin de série est plus un problème lié aux méthodes américaines dues à la longueur des saisons et à la poursuite du renouvellement ! D’ailleurs, les pays ayant adopté les modalités de production des États-Unis, tels que le Canada, ou la Russie, rencontrent le même problème. En n’inventant pas leur propre modèle, ces pays sont limités par l’adoption du système américain qui pousse au renouvellement.
Plus près de nous, l’Allemagne et l’Espagne partent également du principe qu’une série est faite pour être renouvelée, rencontrent parfois les mêmes difficultés face à la planification de leurs fins de séries. Mais une plus grande flexibilité, qui passe notamment par des saisons plus courtes, ou le recours à des épisodes plus longs (c’est le cas en Espagne où les épisodes font 70 minutes et permettent de donner une fin correcte au dernier moment), sont autant d’alternatives.

Une comparaison qui met les choses en perspective en attendant la table ronde ! See you there !

Article également publié sur le site officiel de Séries Mania.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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