Les sens du mal

22 février 2017 à 20:02

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Lorsqu’un épisode est court, la tentation est forte d’essayer de capter l’attention du spectateur tout de suite, de lui transmettre les informations dont il a besoin pour s’intéresser à ce qui se passe, pour savoir qui sont les personnages, bref, pour favoriser son immersion. Hoo Yoo Jeung, une série fantastique proposée par Naver TVCast, un service de divertissement mobile sud-coréen, en 2014… a décidé de faire tout le contraire !
Générique inclus, le premier épisode de Hoo Yoo Jeung propose pas moins d’1mn45 sans dialogue, ce qui pour un épisode de 8 minutes environ, n’est pas rien.

Du personnage central de cette série à suspense, Dae Yong, on saura juste qu’il est tombé d’un toit, apparemment en présence d’une belle jeune fille. Pourquoi ? On sait pas. Mais ce n’est pas ça qui compte : après 3 jours dans le coma, à son réveil, Dae Yong est changé.
Il commence par voir des choses étranges : lorsqu’ils sont sur le point de mourir, les gens lui apparaissent avec un teint blafard et des yeux rouges ! Dans les couloirs de l’hôpital, ces étranges visions sont trop inquiétantes pour prendre du sens, mais lorsqu’il assiste à un accident de voiture, le spectateur commence à comprendre de quoi il s’agit. Notre héros, lui, est bien trop paniqué pour faire le lien entre les visages pâles qu’il voit et la mort imminente que ceux-ci signifient ; il tente au contraire de signaler l’anomalie à son médecin, sans succès.
L’autre particularité qu’il semble avoir développée, est de percevoir des odeurs lorsque les gens parlent, qui semble refléter quelque chose.. Mais quoi ? Sa mère sent les fleurs, son médecin pue, son meilleur ami exsude l’eau de cologne… quel sens donner à ces odeurs que Dae Yong est le seul à percevoir ?

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Le premier épisode de Hoo Yoo Jeung est purement dédié à l’exposition de cette étrange situation, et l’on n’en saura pas plus. Hoo Yoo Jeung n’a pas le temps, en fait, d’expliciter les étranges capacités dont Dae Yong est dorénavant doté, et laisse leur interprétation au spectateur (quand bien même il n’y a pas 712 explications). On ne saura pas non plus ce que le jeune homme fera de ces étranges dons à partir là. Court-il dorénavant un danger précis ? Ou au contraire, cela fait-il de lui une sorte de superhéros ? Ne comptez pas sur le premier épisode pour lancer quelque intrigue sur le long terme, dans un sens ou dans l’autre ?
Pas de panique cependant : sa première saison de 5 épisodes a été intégralement mise à disposition des utilisateurs de Naver TVCast… et la seconde de 6 épisodes, dés la semaine suivante !

On pourrait penser à ce titre que ce sont tout simplement « des épisodes d’une quarantaine de minutes » qui ont ainsi été produits, mais pas du tout. En fait, alors que je vous parle de séries mobiles aujourd’hui, un point semble très important à rappeler : tout comme les [meilleures] webséries, l’idée n’est pas de produire une histoire d’un seul tenant à découper ensuite en épisodes courts faciles à consommer sur un support plus volatile. Chaque épisode a bel et bien son début, son milieu et sa fin. Croire le contraire, c’est penser qu’une série peut être un « film de 10 heures », donc gardons bien nos comparaisons dans nos poches ! Le premier épisode de Hoo Yoo Jeung s’achève bien sur un cliffhanger, essentiellement dû non pas à une intrigue en fil rouge, mais bien à la réalisation soudaine qui frappe le personnage central : Dae Yong vient de réaliser qu’il voit la mort, et cela le frappe sur un plan émotionnel, quand jusque là il était simplement en train d’essayer de donner du sens. Cette émotion va-t-elle déterminer la suite de l’histoire ? Bon j’ai vu la suite de la saison, donc je ne veux pas vous spoiler… mais un peu, oui.

Comme l’ont découvert les webséries depuis le début des années 2000, ce qui fonctionne magnifiquement bien pour des séries courtes, c’est la science-fiction, le fantastique et le thriller, et Hoo Yoo Jeung tire très bien partie de cet héritage. Mais le fait que le premier épisode tente de laisser aussi de la place au contemplatif et/ou à l’émotion montre qu’on n’est pas simplement dans du conceptuel : le terme de drama trouve ici tout son sens. On n’est pas non plus dans la profondeur la plus totale, et d’ailleurs Hoo Yoo Jeung est finalement très mainstream de par les choses qu’elle met en place à ce niveau-là. Mais le mélange est équilibré, à défaut d’être révolutionnaire.
Des séries comme cella-là, la fiction mobile va encore en produire quelques unes dans les années à venir, le temps que le support trouve ses propres codes…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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