Humour et maquereau

9 novembre 2015 à 11:16

En matière de fiction scandinave, on peut dire qu’on est gâtés. Les chaînes et les festivals ont trouvé un filon et pour le moment il n’a aucune raison de s’épuiser, ce qui fait que nous sommes entourés d’offres intéressantes, on le voyait encore ce weekend avec Frikjent. Là où des tas de pays sont si difficiles d’accès (très peu de séries australiennes sont diffusées sous nos latitudes, par exemple, et il est clair que les festivals, même s’ils accordent de l’attention à ce pays, sont loin de proposer un échantillon aussi large que pour la Scandinavie), franchement, les pays du Nord nous sont servis sur un plateau.
…Et pourtant, je trouve quand même à me plaindre. Régulièrement, je vous rappelle qu’un tiers de la production scandinave environ est dédiée aux comédies, et que ces comédies, on ne les voit JAMAIS (…sauf si elles sont co-produites par des Américains, n’est-ce pas). Personne ne les diffuse, personne ne les projette, personne ne les traduit en fait, du coup les possibilités sont vraiment limitées.

Aujourd’hui, là, dans les archives que je suis en train de trier, il y a pourtant une exception. Bienvenue dans la review du pilote de Grotesco. Accrochez-vous, vous n’êtes pas habitués.

Grotesco-650

En fait, laissez-moi préciser ma pensée : vous n’êtes pas habitués… venant de la Scandinavie. Mais Grotesco, toute suédoise qu’elle soit, rappellera en revanche l’humour britannique absurdiste dans toute sa splendeur.
La série démarre sur un avertissement : chaque épisode est différent ; une formule pseudo-anthologique qui permet d’obtenir des gags tirés par les cheveux (comme dans une comédie à sketches) sans qu’ils ne durent trop longtemps et finissent par ne plus être drôles (comme dans une comédie plus feuilletonnante). L’équilibre est bien trouvé parce qu’ici, la plaisanterie dure une vingtaine de minutes, soit suffisamment longtemps pour partir dans un délire le plus total, sans avoir à se forcer sur le long terme.

Le premier épisode de Grotesco tourne autour d’une découverte terrifiante : un portail temporel a été retrouvé, et il conduit sur la ville de Göteborg dans les années 70 (1972 ou 73 selon les estimations).
La raison pour laquelle c’est atroce, c’est que Göteborg est le berceau d’une culture un rien beauf, où on fait sans arrêt des jeux de mots pourris et où on mange du maquereau. Les gens sont gentils, souriants, heureux, bref c’est un véritable cauchemar. Très vite le Premier ministre convoque une cellule de crise pour envisager tous les scénarios possibles afin de sortir de cette situation avant que les choses n’empirent.

La raison pour laquelle l’humour scandinave voyage si peu, c’est probablement parce que l’humour en général se traduit difficilement ; les sous-titres (amateurs) de Grotesco tentent d’expliquer les clins d’œil de ce premier épisode (notamment sur l’amour des habitants de Göteborg pour les jeux de mots, ce qui complexifie la tâche), mais vous l’aurez compris, ces références sont suédo-suédoises avant tout. Ce qui ne signifie pas que Grotesco n’est pas drôle hors de ses frontières, mais plutôt que ce genre de série demande, bien plus que pour les exports dramatiques, d’accepter de s’immerger dans une culture et son point de vue, et pas simplement dans l’intrigue d’une fiction.
Passé l’effet de surprise (« mais qu’eeeeeeest-ce que c’est que ce truc ?! »), Grotesco finit par être drôle dans sa façon de caricaturer des personnages (le Premier ministre, le diplomate en convention à Paris, l’employé du Gouvernement…) et des genres (on note de gros emprunts à la fiction militaire dans ce premier épisode, plus convenus mais aussi plus universels dans leur ton parodique). Le résultat n’est pas facilement accessible, quoiqu’on s’habitue, mais il mérite tout de même d’être vu.

Évidemment personne ne va se précipiter pour proposer Grotesco au public francophone (dommage, une troisième saison vient d’être annoncée cet automne, après 5 ans d’absence), alors si vous avez envie d’y jeter un oeil par vous-même, il faudra vous contenter de Youtube. D’ordinaire, mon allergie au streaming m’empêche de dire ce genre de choses, mais vu qu’en l’occurrence on ne peut compter sur personne d’autre…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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