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    29 juin 2024 à 18:05 • Telephage-o-thèque •

    J’aime People Watching d’amour (et ne le dis probablement pas assez souvent). Cette websérie animée, proposée par Cracked quand ce nom portait encore un peu d’importance popculturelle, compte parmi les videos de Youtube vers lesquelles je reviens le plus souvent. Elle fonctionne sur le principe d’une anthologie dont les personnages vont et viennent, et dont les thèmes oscillent entre fantastique, science-fiction, et dramédie réaliste observant la nature humaine. Un étonnant mélange.
    En vrai, je ne sais pas complètement comment la décrire ; chaque épisode a son propre ton. Mais tous ont en commun de proposer une exploration de la condition humaine, quelque chose que nous oublions bien souvent partager et que la série place une insistance particulière à rappeler. Nous avons toutes en commun de ressentir différentes formes de solitude, à tout le moins… Mais il n’y a dans People Watching aucun défaitisme. Malgré ses sujets parfois douloureux, la série est pleine d’espoir. Un de ses sujets de prédilection consiste à nous rappeler que si nous expérimentons effectivement l’existence seules, nous avons au moins en commun de le faire ; aussi, si nous acceptions de partager avec vulnérabilité un peu de cette expérience, celle-ci serait moins difficile… Tout justement, People Watching exacerbe notre vulnérabilité pour nous rappeler à ce qui nous lie.

    Hier soir je n’avais pas le moral, et comme souvent, mes pas m’ont guidée vers la playlist des deux saisons. Comme on ne peut pas parler politique aujourd’hui quand on a un lectorat, parlons donc de People Watching. Et, une fois n’est pas coutume, faisons-le épisode par épisode, puisqu’il n’y en a que 20. Ne vous inquiétez pas, l’avantage d’une anthologie c’est que vous pouvez vous permettre de donner la priorité à certains plus qu’à d’autres, selon leur résonance pour vous.

    Trigger warning : dépression, idées suicidaires, harcèlement sexuel, violences homophobes, mentions de violences domestiques et sexuelles.

    Note : les épisodes de la première saison apparaissent ci-dessous avec deux titres. Le premier est celui qui s’affiche dans les épisodes, vraisemblablement choisis par l’équipe artistique de la série dont son créateur Winston Rowntree ; l’autre qui est celui, plus clickbait, proposé par Cracked (et ce n’est même pas toujours le même sur le thumbnail non plus !). Si ça n’avait été que moi, je n’aurais utilisé que le premier, mais à des fins de clarté j’ai décidé d’indiquer à la fois le titre original, et celui des videos telles qu’intitulées dans la playlist.
    Ah et aussi le lien vers chaque épisode se trouve dans l’image correspondante, comme ça, si vous avez envie, vous pouvez regarder un épisode qui vous attire.

    1×01 – Dating doesn’t work
    (ou « Why Speed Dating Is Terrible »)

    Le concept : Le speed dating est l’occasion pour plusieurs protagonistes de se confronter au regard des autres.
    Comment se présenter à l’autre dans le cadre amoureux ? Et surtout, comment le faire de façon à trouver quelque chose qui ait du sens, sans pour autant dévoiler ce que nous percevons comme nos pires insécurités et défauts ? Candy, pour qui ce n’est pas une première expérience, a décidé que ce soir-là, elle serait radicalement honnête ; cela implique d’aller droit au but et de ne pas chercher à plaire, mais plutôt à dire de but en blanc qui elle est et ce qu’elle veut. La démarche plait de façon très variable à ses interlocuteurs… A une autre table, Jeremy a également décidé d’opter pour l’honnêteté radicale, avec des résultats tout aussi mitigés pour trouver la perle rare ; mais à quoi bon tenter de plaire à tout le monde si c’est pour programmer un échec amoureux futur ?
    L’épisode est un gigantesque montage d’extraits de conversations entre des hommes et des femmes qui tentent de trouver l’amour d’autrui, mais se confrontent à l’image qu’elles ont d’elles-mêmes d’abord. Toutefois, les propos de Candy et Jeremy ont tôt fait de se propager aux autres candidates à l’amour, qui tentent d’être un peu plus directes quant à leur personnalité ou leurs attentes. Et ça ne marche pas nécessairement, parce que ça implique de révéler des choses rebutantes… mais comme le dit Christianne : « Yeah, but if I wasn’t horrified to the core of my being right now this would be a huge moment for you, right ? Focus on that !« . L’épisode est une fable douce-amère sur la vulnérabilité, et notre hésitation à nous dévoiler alors même que nous cherchons à créer de l’intimité ; une valse hésitation qui n’est pas toujours couronnée de succès, mais qui, au moins, fait progresser le rapport à soi-même.

    1×02 – The non-religious confessional
    (ou « Why Non Religious Confessionals Should Be a Thing »)

    Le concept : Deux chercheurs ont installé un confessionnal non-religieux dans une rue passante.
    Le principe est simple : vous pouvez dire tout ce que vous avez sur le coeur ; sans peur du jugement (d’autant que les chercheurs ne vous voient pas et ne peuvent vous identifier), et sans limite. Comme on s’y attend, après quelques banalités d’échauffement, progressivement les protagonistes commencent à dévoiler des choses personnelles. Ce n’est pas tout-à-fait de la thérapie, car les deux chercheurs se gardent bien d’intervenir au-delà du strict minimum, se bornant à prendre des notes pour quelques projet dont on n’a pas les détails. Mais cela suffit à des personnes comme Safra de traiter le siège inconfortable du confessionnal comme un divan de psy. Là encore, cet épisode est l’occasion d’en apprendre sur la vie intérieure des personnages ; mais à travers leur propos (et leur capacité à pratiquer un peu d’introspection en présence d’inconnues), on voit aussi lentement se dessiner un thème, celui de la solitude. Pas exactement la solitude physique, mais plutôt l’impression d’être seule à penser quelque chose. Le pire genre de solitude, peut-être. Mais… wait for it.
    Tous les épisodes de People Watching sont bons ; celui-ci est cependant l’un de mes absolus préférés. Je n’ai jamais vu sa conclusion autrement que derrière un rideau de larmes. People Watching a cette capacité à se pencher sur le sort d’anonymes (on ne connaît pas toujours le nom des protagonistes, qui n’ont pas non plus droit à une exposition traditionnelle pendant la plupart des épisodes permettant de les situer comme on le fait pour d’autres personnages de fiction) pour parler de l’universalité de l’expérience humaine. Son mantra est que, peut-être que si nous acceptions de dévoiler nos pensées les plus intimes qui nous semblent honteuses, si nous acceptions de parler de notre solitude, alors ce sentiment d’isolement et de honte s’effacerait. Au moins en partie.

    1×03 – I Want To Believe
    (ou « Why Dating With Depression Is So (Bleeping) Hard »)

    Le concept : suite à un match sur un site de rencontre, Safra a un premier rendez-vous avec Jeremy, pendant lequel la conversation s’oriente sur la dépression.
    Peut-être est-ce suite à sa brève interaction avec Candy dans le premier épisode, ou peut-être pas ; toujours est-il que Safra tente d’être radicalement honnête à propos de sa santé mentale avec un parfait inconnu. Dites sur le ton de la plaisanterie ou sous couvert de références popculturelles, les réalités de sa vie parfois empêchée par un état dépressif paralysant apparaissent au grand jour. La discussion s’étire ; plus le temps passe, plus Safra en dévoile sur ses insécurité, s’excuse de ses mécanismes, minimise sa propre expérience : « I just tend to assume I’m just 100 times worse than everyone else« . Jeremy semble réceptif, ce qui autorise Safra à entrer toujours plus dans les détails. Elle explique bientôt qu’elle voit sa dépression comme un homme qui passe son temps à la dénigrer : Depression Guy. Est-ce que ce rendez-vous se passe bien ? On le dirait pendant un moment. Toutefois plus la soirée avance, plus Safra commence à douter.
    Bon, au risque de me répéter, cet épisode est magistral (amusez-vous à compter les synonymes dont cet article va être truffé…). Entre ses références à The X-Files et ses métaphores alambiquées, Safra ne s’aperçoit pas qu’elle monopolise la conversation. Elle ne s’aperçoit pas de bien des choses. Le glissement est lent, quasi-imperceptible. Et d’une acuité dévastatrice.

    1×04 – Death is bullshit
    (ou « How Humans Will Eventually Beat Death »)

    Le concept : Candy est fauchée par une voiture sur un passage piéton, ce qui la conduit à passer plusieurs mois à l’hôpital. L’épisode se déroule presqu’intégralement dans la chambre d’hôpital dans laquelle Candy fait sa convalescence, avec en voix-off une conversation entre elle et Jeremy.
    Confrontée à ce qui a failli être sa propre mort, Candy explique à Jeremy que ce séjour long a été l’occasion pour elle de réfléchir, probablement pour la première fois, à ce que signifie de mourir. Et elle en a conclu que… ça n’a aucun sens ! C’est absurde ! La mort est absurde, et injuste, et nulle. Vraiment nulle. Au sens où elle réduit à néant tout l’univers contenu dans une personne. Dans sa démonstration, Candy ne peut pas s’empêcher d’exprimer de la colère, non pas vraiment à cause de l’accident lui-même, mais à cause de ce que l’accident l’a forcée à regarder en face. Pour elle, ç’a vraiment été une expérience spirituelle et intellectuelle (quoique, elle insiste : pas religieuse), qui a bousculé ses certitudes. Elle a acquis une nouvelle conviction…
    Sans doute l’un des épisodes les plus abstraits et métaphysiques de People Watching, Death is bullshit se veut à la fois porteur d’espoir et mu par le désespoir. Dans son lit de convalescence, incapable de bouger (ou si peu), en raison de ses blessures, Candy ne dit rien, tandis que la conversation entre elle et Jeremy se déroule en fond sonore, nous laissant progressivement comprendre qu’elle a lieu après sa sortie de l’hôpital. Mais les images qui se déroulent dans cette chambre d’hôpital ne sont pas dénuées d’intérêt, ni de sens.L’épisode se finit, une fois encore, sur une conclusion parfaitement maîtrisée ; et il faut avouer que People Watching a un sens aiguisé du mot de la fin… car curieusement, peut-être que cette obsession pour la mort cache une autre préoccupation, moins abstraite celle-là.

    1×05 – F·R·I·E·N·D·Z·O·N·E
    (ou « How ‘Friends’ Invented The Friendzone »)

    Le concept : Une conversation entre Ted et Martha à propos de Friends se poursuit au fil des années, dépeignant leur relation platonique à travers les différentes phases de leur vie.
    C’est un peu le négatif de l’épisode précédent : cette fois la conversation se tient devant nos yeux. La conversation commence au moment de leur rencontre (Martha portait un T-shirt Friends, bien que de façon ironique), mais après avoir un peu porté sur la série elle-même, la discussion s’oriente sur la portée de Friends, et notamment l’invention du concept de friendzone. « It’s the Robert Oppenheimer of all that Men’s Rights bullshit. Destroyer of worlds, Martha !« . A partir de là, Ted et Martha en viennent à parler de leur propre relation, qui jamais n’a été considérée comme autre chose qu’amicale… du moins, par elles. Leur entourage en revanche est convaincu qu’elles finiront ensemble à un moment ; ou qu’elles le devraient. Comme si une relation n’avait de valeur que dans la mesure où elle serait amoureuse ?
    Tout cela se produit alors que nous pouvons voir les multiples expressions du lien amical qui les unit. Du moment de leur rencontre (Ted venait de se faire harceler par un bully) à des nuits à grignoter sur le perron de leurs immeubles respectifs, en passant par un séjour à l’hôpital, une soirée dans un bar, un déménagement, des vacances à la plage, une visite chez le dentiste, une soirée télé, une dédicace de livre sans public… bref, tous ces moments où une amitié se renforce et s’épanouit. Ted et Martha s’insurgent contre l’expression « que des amies », qui vient si facilement à la bouche d’autrui (…et parfois la leur), et qui dénigre une relation pourtant fondatrice dans leur existence. Un joli conte qui réchauffe le coeur, derrière les petites vannes de circonstance : on se sent bien dans la friendzone.

    1×06 – Your Favorite Artist
    (ou « Why Your Favorite Artist Doesn’t Want To Meet You »)

    Le concept : Flossy donne un concert dans un petit bar ; l’épisode se focalise sur ses interactions avec le public.
    Chanteuse-compositrice, Flossy se produit avec une simple guitare dans une toute petite salle. Le cadre est intimiste, mais son audience lui est dédiée. Au moment de l’intermède, toutefois, Flossy ne décolle pas les yeux de son portable, n’offrant au mieux que des réponses laconiques aux personnes enthousiastes qui l’approchent pour la complimenter. Selon leur tempérament, les protagonistes la rencontrant (Safra qui est pleine d’admiration, Jeremy qui voudrait parler de détails qui ont eu du sens pour lui émotionnellement, Glasses qui veut parler de musique, Centa qui tente de la draguer, deux fans venue du Michigan pour l’entendre ce soir…) réagissent différemment à la façon dont Flossy les ignore. On commence à réellement froncer les sourcils quand la même chose se produit avec une chercheuse de talents qui l’approche pour parler d’un éventuel contrat avec une maison de disques : comment Flossy peut-elle n’avoir pas au moins de l’intérêt pour cela ?
    La question se pose, et bien-sûr, elle va avoir une réponse. Lentement. Vous commencez à le savoir maintenant, l’âme d’une personne met du temps à se dévoiler à nous, et People Watching est amatrice de conclusions qui déverrouillent notre compréhension. Flossy n’est venue ce soir-là que pour une raison… Your Favorite Artist est une invitation à se mettre à la place, de, eh bien, comme le dit le titre. Pourquoi devient-on artiste, dans le fond ?

    1×07 – Secret Losers Anonymous
    (ou « The One Self Help Group We’d Actually Join »)

    Le concept : Un groupe de parole pour losers, de toute évidence.
    Candy, Safra, Flossy, Ted et Jackson se retrouvent hebdomadairement aux réunions des SLA. Chacune est convaincue d’être la pire personne au monde, ce qui explique qu’elles n’ont pas d’amies. Mais chaque participante à la réunion a des raisons différentes de se considérer comme la pire des ratées, bien-sûr. En fait, c’est la seule chose qui les lie : leur impression commune d’avoir une vie pourrie, d’avoir tout foutu en l’air et de n’avoir qu’un avenir fait de solitude. Parfois une solitude physique, mais surtout une solitude émotionnelle induite par le fait que tout le monde les croit bien dans leur vie, impressionnantes peut-être même, et ne s’inquiète pas vraiment pour elles quand elles en auraient besoin. Au point que non seulement elles s’apitoient sur leur propre sort, mais elles commencent à se sentir hostiles (à des degrés divers) aux autres, parce que se sentant incomprises… « The number of times I’ve almost posted on Facebook : ‘does anyone want to come over and hang out’ is just too damn high« , se lamente Jackson.
    Secret Losers Anonymous explore la mesure du succès : la façon dont celui-ci s’entend socialement n’est pas la façon dont elle se ressent. Une part de moi aimerait bien avoir les problèmes de Candy (dont le prénom de naissance est Joan, au passage) ou de Safra, mais je dois reconnaître qu’il m’est impossible de ne pas ressentir de la peine devant ce qui les hante. Souvent, People Watching parle de l’expérience humaine comme d’une abstraction intime, mais son objet de prédilection est quand même de situer cette expérience dans le contexte de notre société, de ses attentes, de ses tumultes. Même si les cinq membres de ce groupe de parole se définissent comme des losers isolées, personne n’est une île… C’est précisément ce tiraillement qui dérange : l’impression persistante que ce qui est perçu selon les codes d’une société peu intéressée par l’intime… est si loin de ce qui est. En attendant que la définition du succès soit révisée, en tout cas, il y aura toujours l’option de se plaindre de la solitude en groupe. Cela ne résout rien, mais ça fait temporairement du bien.

    1×08 – Writing to an old teacher
    (ou « The Importance of Reaching Out To Old Teachers »)

    Le concept : Ted écrit à son professeur de lettres du lycée, Steve Dolan.
    En mars 1999, Steve Dolan fait quelque chose d’anodin : il demande à Ted de rester après la classe, et le complimente sur un texte qu’il a produit pour le cours. Cet encouragement à écrire plus, et à essayer de se faire publier, même, est ce qui finira par motiver Ted à se lancer dans une carrière artistique. En mars 2016, pour la première fois depuis des lustres, Ted se retrouve par hasard à penser à M. Dolan et entreprend de lui envoyer un email. Mais la rédaction s’avère compliquée : on l’a entrevu dans les épisodes précédents, Ted n’est pas heureux, et le fait qu’il se considère comme un loser l’empêche de parler de sa vie sous quelque jour positif. Il voudrait remercier son ancien prof, mais en même il ne sait pas vraiment de quoi vu l’état de ses finances ou sa carrière. Sur un mode similaire à Death is bullshit, l’épisode déroule les différentes tentatives de rédiger cet email, avec en voix-off, les mots de Ted formule mais n’envoie jamais, tandis que sa vie se déroule en arrière-plan. Cette fois il n’y a donc pas de conversation, et pour cause : Ted se censure en prévision de la réaction qu’il imagine que Dolan aurait s’il voyait dans quel état est sa vie. Les mois passent, les situations se succèdent, et les brouillons aussi. Leur humeur oscille entre la sincérité et le cynisme, la gratitude et l’insolence. Et cela ne mérite jamais d’être envoyé.
    Y aura-t-il un moment où la vie de Ted ne lui fera pas honte ? Où il s’autorisera à parler à quelqu’un du passé sans craindre d’être jugé ? Je ne connais que trop bien ce sentiment. Je me suis moi aussi censurée plusieurs fois au fil des années, « je lui répondrai quand ça ira mieux ». L’impression que ça ne va jamais mieux. Ne plus jamais répondre.
    L’épisode s’arrête en mars 2017, quand Ted finit par enfin trouver les bons mots. N’est-ce pas, après tout, comme cela que tout avait commencé ?
    Peut-être que je devrais écrire à Mme L…

    1×09 – In defense of talking during the movie
    (ou « Watching A Movie At Home Vs The Theaters? »)

    Le concept : pourquoi peut-on parler pendant le film quand on regarde la télé, mais pas au cinéma ?
    Ted et Martha ont passé une soirée à regarder la télé, ce qui pour elles signifie parler à longueur de temps. Elles finissent par avoir l’idée d’aller au cinéma voisin pour assister à une séance au hasard et faire perdurer le plaisir de leur soirée. Sauf qu’une fois dans la salle, bien-sûr, leur conversation est accueillie par des signes plus ou moins discrets de se taire : on ne parle pas au cinéma. Mais pourquoi ? Communiquer est tout l’intérêt de faire quelque chose à plusieurs personnes, après tout. Encore plus quand le film (un blockbuster d’action) est archi-nul ! Dans la salle, plusieurs autres personnes auraient long à dire de ce qui se déroule à l’écran…
    In defense of talking during the movie est un sujet plus léger que la moyenne pour People Watching, mais au milieu des répliques narquoises ou des références télévisuelles ou cinématographiques se cache une réflexion sur notre rapport à l’art… et de la solitude que cela peut engendrer. Bon, pas une solitude aussi grave que celle abordée dans d’autres épisodes, mais suffisamment pour nous donner l’impression de louper quelque chose quand on n’apprécie pas un film qui pourtant semble conçu pour plaire au plus grand nombre. Être incapable, de par les rites arbitraires organisés autour d’une projection sur grand écran, de partager nos impressions, points de vue, blagues et expériences, nous isole au beau milieu d’une séquence supposée être collective. N’est-ce pas un impératif qui nous transforme en consommatrices passives au lieu d’être des participantes pleines et entières de l’expérience artistique ? In defense of talking during the movie a même une proposition à faire pour rectifier le tir, mais pas avant de donner l’occasion à Ted, Martha, mais aussi Candy/Joan et Jackson qui assistaient à la même projection, de laisser libre cours à leur parole.

    1×10 – Nostalgia
    (ou « Why Nostalgia Is Total Bull »)

    Le concept : si deux voyageuses du futur venaient observer notre époque, seraient-elles nostalgiques ?
    Malgré tous les épisodes sur le speed dating ou le fait de parler (ou non) au cinéma, People Watching est aussi une série qui peut explorer des épisodes high concept comme celui-ci : l’idée d’une nostalgie future. Nostalgia commence par un extrait du spectacle de stand-up de Ted, qui parle de sa théorie selon laquelle les Millennials sont nostalgiques de leur enfance parce que les difficultés du présent leur sont insoutenables. Mais l’épisode s’étend bientôt à la quasi-totalité des autres protagonistes régulières de la série : Joan, Flossy, Safra, Jeremy, Jackson, Martha … toutes parlant de leur transition de l’enfance à l’âge adulte, et de la désillusion qui s’en suit. L’occasion de découvrir un peu du passé de plusieurs d’entre elles (la transition de Jeremy est littérale : on apprend ici qu’il est un homme trans), ou de revisiter certaines scènes d’épisodes antérieurs (comme le confessionnals non religieux, qui fait brièvement une apparition). Entre la désillusion d’avoir atteint l’âge adulte mais de ne pas se sentir adulte, de ne pas avoir trouvé le bonheur, de ne pas avoir trouvé de sens… et l’horrible sensation que le futur est encore plus bouché, les personnages expriment un sentiment typiquement Millennial (People Watching ne se cache pas, par ses références notamment, de se baser essentiellement sur cette tranche d’âge ; mais gageons que les Gen Z s’y retrouveront dans une certaine mesure aussi). Malgré les déceptions, toutefois, Nostalgia se veut plein d’espoir et se refuse à toute nostalgie ; l’épisode est à regarder d’urgence si aujourd’hui, spécialement aujourd’hui, vous avez besoin d’entendre des choses positives.
    « I’d like to see a movie about how things do get better, and fear can’t change the world, because love is the only thing motivating enough to shape the future« . Cette phrase de Flossy fait écho à mes appels à plus d’utopies dans la fiction. Cette phrase fait du bien. Si vous ne devez voir qu’un épisode de People Watching ce weekend, que ce soit celui-là.

    2×01 – 2017
    Le concept : un documentaire sur l’année 2017 et son impact.
    Bien que démarrant une nouvelle saison, 2017 est dans la parfaite continuité de Nostalgia, en cela qu’elle porte un regard sur le passé et l’avenir à la fois, et tente de nous inciter à une sorte de recul par avance. C’est l’épisode qui m’a incitée à me lancer dans un revisionnage de People Watching ce weekend, d’ailleurs, car de toute évidence il fait écho à une période politique et sociale complexe, et… oui, non, pardon, on avait dit qu’on parlait pas politique aujourd’hui. Interrogées par le documentariste, Glasses (dont on apprend qu’il s’appelle en fait Gregory), Jeremy, Safra, Joan, Ted, Martha, Jackson et Flossy se rémémorent cette année, et le tournant qu’elle a marqué aussi bien dans leurs attitudes individuelles que dans la conscience collective.
    J’aime beaucoup cette idée d’imaginer le recul que j’aurai dans plusieurs mois ou années ; c’est quelque chose qui m’aide un peu dans mon anxiété (hélas ce n’est pas un remède magique qui guérit de l’anxiété dans sa globalité, mais cela résout certaines situations, en tout cas). Ici, bien-sûr, People Watching a trouvé un angle unique, qui nous est progressivement dévoilé et que donc je me garderai bien de gâcher. Si le regard sur 2017 est sans concession, il est aussi porteur d’espoir, notamment avec cette phrase de Joan :  » 2017 seemed like the frigging end times but even the ideal future of Star Trek was built on the ashes of World War 3. Good people only run for office when things have been terrible » (Joan parle beaucoup de Star Trek dans cet épisode, et ce ne sera pas la dernière fois !).

    2×02 – Hanging Out With My Brother
    Le concept : Jackson se lance dans un débat métaphysique avec son frère Martin.
    Au lieu de rejoindre ses potes, Jackson décide de rester chez lui pour regarder Star Wars: The Empire Strikes Back pour la trentième fois avec son frère. Sauf que cette fois-ci, Jackson est perturbé par la présence d’Obi Wan, qui revient sous la forme d’un fantôme pour guider Luke. Quelque chose dans ces scènes le bouleverse alors que ce n’était pas le cas avant. Il faut attendre, patiemment, que People Watching nous donne la clé, comme si souvent, avant de comprendre les enjeux émotionnels qui se trament sous la surface de cette intrigue. La soirée se poursuit donc, avec un dîner dans un diner ou un peu de lèche-vitrine chez un disquaire, et la conversation s’oriente sur la vie.
    Qu’est-ce qu’être en vie ? Jackson a fait des schémas, et tout. Il a une théorie : être en vie, c’est être perçu comme étant en vie par autrui. Mais ce n’est pas si simple ! Les relations à distance, les amitiés par internet, et toutes sortes d’autres situations, font que ce que l’on perçoit de l’existence de quelqu’un et son existence réelle peuvent être très différentes. Sa théorie s’étend à d’autres choses que les personnes, comme l’art, par exemple : « if a comic strip or a movie feels so authentic that you react to it with the same emotions you’d react to real things with, is it real ?« . Mais s’il tient tant à sa théorie, c’est pour une bonne raison : il a besoin de se raccrocher à sa conclusion.

    2×03 – Homeless People Bother Me
    Le concept : chaque jour en allant au boulot, Martha passe devant un sans-abri.
    Les aperçus que l’on a eu de Martha au fil des épisodes nous ont montré quelqu’un au caractère bien trempé, mais parfois un peu insensible, quand bien même cela ne signifie pas qu’elle ne ressent rien. Mais The non-religious confessional nous a bien averties : elle a du mal à composer avec certaines difficultés lorsqu’elles sont rencontrées par autrui. Est-ce un défaut d’empathie ? Homeless People Bother Me s’attaque à cette question. Les interactions successives de Martha avec le SDF de son quartier, ainsi qu’une conversation à bâtons rompus sur le sujet avec Ted, forment l’essentiel de l’épisode.
    La violence du propos de Martha, qui n’a d’égale que sa colère à croiser, jour après jour, quelqu’un qui demande si elle a de la monnaie. Il y a une part de préjugés, certainement, dans son attitude. Mais aussi une conscience qu’elle-même est au bord de la pauvreté, avec ses 60h/semaine dans un fast food qui ne la paie pas assez pour vivre. Homeless People Bother Me met progressivement Martha face à ses contradictions : justement, elle déteste son boulot dont elle se plaint à longueur de temps, alors pourquoi est-elle si outrée à l’idée que quelqu’un n’ait pas de job ? Peut-être parce que ce qui la dérange n’est pas le sans-abri, mais ce que l’existence d’un sans-abri sous-entend.

    2×04 – 37
    Le concept : que seriez-vous capable de faire pour trouver votre meilleure amie ?
    Le 12 octobre 2018 à 22h43, Safra engage la conversation avec une inconnue dans un bar. Mais 37 avance masqué : derrière cette conversation continue entre Safra et Mau (c’est le nom de l’inconnue) se cache en réalité un concept ingénieux et saisissant à la fois. Les deux jeunes femmes se lamentent sur l’état de leur vie amoureuse et plus largement sociale, sur le sentiment de solitude qui naît de ne pas rencontrer les bonnes personnes, et à la place, de devoir faire du tri dans des rencontres médiocres ou de se résigner à l’isolement. Le courant passe incroyablement bien et Safra, qui à l’origine n’était venue dans le bar que pour s’assurer de sortir de chez elle pendant une soirée de dépression, s’épanche de plus en plus quant à sa philosophie sur la vie, les relations, et le rôle de la chance. Il y a tant de facteurs qui entrent en compte ! Hey, vous connaissez Safra maintenant : quand elle commence à parler, on ne l’arrête plus.
    Or, Mau n’a aucune envie de l’arrêter. Voilà donc Safra qui se lance dans une énumération de tous les facteurs qui font qu’une rencontre peut échouer, en gardant à l’esprit, bien-sûr, le facteur de la santé mentale : « The worst you feel about yourself, the more you need people, and the more you don’t want to bother them. It’s an impossible situation« . En cela, cette conversation renvoie pas mal à ce que l’on a appris de Safra et son rapport à la dépression dans I Want To Believe. Toutefois, 37 apporte une conclusion bien différente à cet exercice qui pouvait initialement sembler similaire.

    2×05 – 20s
    Le concept : un site web qui permet d’enregristrer un vlog par an pendant 10 ans.
    People Watching est résolument plus intéressée par des épisodes high concept pendant cette deuxième saison, et 20s en est la démonstration. Sa collection d’extraits de videos donne une fois de plus la parole à toute une brochette de protagonistes quand elles avaient 20 ans : Joan, Martin, Safra, Flossy, Hat, Centa, Ted, Martha, et Janis. Face camera, elles s’expriment, d’abord incrédules plus de façon de plus en plus sincère, quant à leur expérience. Si le format évoque un peu celui de The non-religious confessional, ici le thème est donc spécifiquement avoir la vingtaine. C’est une histoire qui mêle désespoir, phase transitoire et espoir. 20s essaie de parler de la réalité à laquelle se confronte tout le monde, sous une forme ou une autre, au sortir de l’adolescence, avec honnêteté et réalisme, mais veut aussi raconter… eh bien, une fois de plus, ce que cela fait de voir tout cela avec le recul. « It’s not that you were incomplete, it’s that you were exactly as worthy as you are now, but without the ability to see it » : 20s veut donner cette capacité à quiconque regarde l’épisode. Et il n’y a pas de raison que ça ne s’applique qu’à une seule décennie de votre vie.

    2×06 – Prejudice
    Le concept : comment rencontrer quelqu’un qui ne s’arrête pas à ce qui est superficiellement perceptible ?
    Juste au moment où Joan commençait en avoir ras le cul des sites de rencontre, et affirmait à Janis son désespoir face à la gent masculine, la voilà qui matche avec la personne parfaite. C’est inespéré ! Cette personne s’avère être Jeremy, avec lequel toute spectatrice de People Watching aura constaté la compatibilité depuis Dating doesn’t work. La raison pour laquelle Joan décide de contacter Jeremy plutôt que de l’ignorer comme tous les autres mecs qui ont aimé son profil, le facteur déterminant qui fait qu’elle veut lui donner une chance, c’est qu’il ne semble pas avoir de préjugés liés à son apparence. La plastique de rêve de Joan, en effet, a plus d’inconvénients que d’avantages lorsqu’il s’agit d’attirer des personnes sérieuses (« I’m basically just the fucking secretary for my own photograph« ), pour ne rien dire de sa carrière de travailleuse du sexe.
    Voilà donc Joan et Jeremy à leur premier rendez-vous. Et ça se passe super bien. Ou bien ? L’intrigue de Prejudice commence du point de vue de Joan, puis s’intéresse à l’interaction des deux personnages pendant une soirée, mais s’oriente progressivement sur la perspective de Jeremy ; ce glissement permet de saisir des nuances qui n’apparaissaient pas forcément de prime abord. Et il y a une forme de solitude qui se crée pendant cette rencontre, un fossé d’autant plus douloureux que Joan et Jeremy sont compatibles mais ne peuvent pas totalement s’extraire de toutes sortes de mécanismes. Factors.

    2×07 – The Women Men Don’t See
    Le concept : formation accélérée au féminisme.
    Inspiré par ses interactions avec des inconnues sur OKCupid, Ted confesse à Martha qu’il est fasciné par les profils des femmes qu’il voit sur les sites de rencontre. En fait l’illumination est telle qu’il a décidé d’écrire un set de stand-up sur le sujet de ces « vraies femmes » si éloignées du portrait qui en est fait dans les médias. Martha ne partage pas son enthousiasme, pourtant, et essaie de lui expliquer qu’il ne voit pas la réalité de la condition féminine dans ces profils, mais une autre version toute aussi sélective. Parce que dans le fond, Ted ne voit que les femmes qui acceptent d’échanger avec lui, et ne les voit que par le prisme de ces interactions ; il y a donc toutes sortes de femmes qu’il ne voit pas, et qui représentent au moins autant cette « réalité » qui l’épate tant. Il y a, surtout, des interactions qui se passent sans lui, et auxquelles il n’a même jamais pensé.
    The Women Men Don’t See voit Martha donner un cours accéléré de féminisme à son meilleur ami, tandis qu’elles passent la soirée ensemble, alors qu’elle-même ne se voit pas vraiment comme une féministe. Cela passe par donner des exemples de choses qui sont totalement passées sous le radar de Ted, des détails qui montrent que les femmes élaborent des stratagèmes pour survivre à la violence qui échappent (plus ou moins volontairement) aux hommes. Malgré ses explications, pourtant, Martha confesse qu’il y a des choses qu’elle ne révèlera jamais à Ted. Pour ces choses-là, peut-être qu’il devra observer par lui-même. S’il le peut.

    2×08 – The Museum of Alternate Realities
    Le concept : que diriez-vous à celle que vous êtes dans une réalité alternative ?
    En sortant du club de strip tease après le boulot, Joan s’aperçoit qu’il peut des trombes et se réfugie dans un bâtiment qu’elle n’avait jamais remarqué jusque là : ledit Musée des Réalités Alternatives. Après une brève visite (pleine de détails sur lesquels je vous conseille de mettre l’épisode en pause pour les apprécier), elle est conduite à l’attraction-phare du musée : une salle de réunion où il lui est possible de discuter avec celle qu’elle est dans trois autres réalités. Si le scepticisme est de rigueur au début (« Okay, THAT’S impossible !« / »But what if it wasn’t ?« ), la voilà donc à se comparer à trois femmes qui lui ressemblent, mais dont aucune n’est strip-teaseuse. Où a-t-elle merdé pour finir par échouer dans la darkest timeline ?
    The Museum of Alternate Realities compte parmi mes épisodes de People Watching les plus revus au fil des années. Le concept, encore une fois, permet de gagner en perspective, mais cette fois non pas en introduisant le concept de recul temporel, mais contextuel. Le principe des roads not taken qui me fascine, et People Watching en fait ici une utilisation parfaite, notamment grâce aux cadres sur les murs qui permettent d’illustrer les propos et même les vies des protagonistes (c’est un procédé que la série utilise en réalité beaucoup sous une forme ou une autre, mais qui ici a vraiment atteint le sommet de son art). Dans un monde différent, Joan serait donc différente… mais à quel point ? Il s’avère que pas de beaucoup : si ses circonstances changent, en revanche sa personnalité et surtout ses valeurs restent les mêmes. C’est donc l’occasion pour Joan de se confronter à elle-même, au regard qu’elle porte sur elle-même et sa trajectoire, à son sentiment d’échec (abordé déjà dans Secret Losers Anonymous). The Museum of Alternate Realities est un exercice de pensée qui fait regretter qu’un tel musée n’existe pas ; l’entrée couterait certainement moins que des années de thérapie.

    2×09 – Love
    Le concept : Janis a une façon bien à elle de décider qui mérite de louer son appartement.
    C’est l’appart parfait : toutes les voisines sont des bibliothécaires, le loyer est minuscule, il n’y a aucun insecte ni animal indésirable… alors Janis veut donner les clés à quelqu’un qui mérite vraiment l’endroit. Elle explique à Joan que puisqu’il s’agit de l’appartement idéal pour une personne seule, elle attend des candidates à la location qu’elles lui prouvent qu’elles sont la personne la plus seule au monde. A mesure que l’épisode avance, d’autres personnes défilent devant Janis et tentent de lui prouver qu’elles sont isolées au dernier degré : Jeremy, Ted, Jackson, Flossy et finalement Gregory.
    Au début, toutes se lancent dans une compétition acharnée pour prouver qu’elles ne sont pas dignes d’amour, et que cela les condamne à la solitude éternelle. Mais aucun de leurs arguments ne convainc Janis, qui ne se laisse pas avoir par quelques anecdotes tristes ou des banalités sur le célibat. Cela ne l’empêche nullement de continuer d’écouter leurs monologues, ou de les encourager à en dévoiler toujours plus avec des petites remarques. L’épisode adopte un tournant (plus tôt que la plupart des épisodes de la série, d’ailleurs) quand Janis renverse la vapeur : si vous êtes si seule que ça, alors vous êtes incapable d’amour, pas vrai ? Et là, c’est le choc. Personne ne veut admettre ne pas être capable d’aimer. Plusieurs s’insurgent : c’est leur capacité à aimer qui leur fait ressentir cette solitude. Ce revirement conduit les candidates à dévoiler des choses sur elles qui sortent de l’apitoiement, et les poussent dans une direction bien différente, pendant que Janis continue de siroter son verre de vin rouge… trouvera-t-elle la personne incapable d’amour qui mérite son appartement pour personne seule ?

    2×10 – Hope in Every Box
    Le concept : .
    Le dernier épisode de la série revient auprès de Safra, et lui donne l’occasion de parler de dépression. Mais aussi de futur. De surprises. De choix.
    « Part of every day is hard to deal with, part of every year, and a huge part of my life is just trying to feel better before and after a setback for myself or for humanity. Trying to believe despite more bad days will definitely follow, trying to be happy with only being happy some of the time, trying to glimpse hope and the memorize what it looks like« .
    D’espoir.


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  • De l’espoir

    27 juin 2024 à 18:03 • Telephage-o-thèque •

    Note : pour des raisons pour le moment peu claires, cet article semble rencontrer des difficultés techniques, notamment au niveau des commentaires. J’espère pouvoir régler ces problèmes dans les jours à venir, et vous remercie pour votre patience. Dans l’intervalle, n’hésitez pas à utiliser les réseaux sociaux comme Mastodon, ou les commentaires sous d’autres articles, voire en dernier ressort le formulaire de contact, pour réagir à cette review. En attendant que ce soit corrigé, toutes mes excuses pour la gêne que cela pourrait causer.

    Une utopie est-elle possible à la télévision ? Certaines séries le laissent penser, au début… mais ce n’est très souvent que pour mieux nous révéler plus tard que ce qui nous apparaissait comme un monde parfait cache en fait des dysfonctionnements cruels ! D’une façon générale, la dystopie règne en matière de fiction : il est beaucoup plus simple de trouver des conflits narratifs dans un univers qui va très mal. Cela donne des raisons aux protagonistes de se comporter de manière héroïque, tout en levant progressivement le voile sur les mensonges, manipulations et complots se tramant derrière le vernis impeccable de leur société.
    …Et pourtant, je rêve d’une série se déroulant dans une utopie. On ne manque pas, ni en fiction ni dans la réalité, d’occasions d’imaginer le pire ; une fois de temps en temps j’aimerais une série qui imagine ce vers quoi tendre. Qui ait l’audace d’imaginer un monde où les plus grands problèmes de notre époque soient résolus. Qui propose un référentiel non du pire, mais du meilleur. Qui autorise à imaginer le progrès. La franchise Star Trek, je suppose, est une illustration de cela, sauf que je préfèrerais trouver une série qui s’intéresse à ce qui se passe sur Terre ! Je pense que ça n’empêche absolument pas des conflits d’exister, et on ne m’enlèvera pas cette idée de la tête ; c’est juste que ces conflits seront plus facilement interpersonnels, ou internes, qu’influencés par des questions systémiques. Dans une utopie, la nature humaine reste la même ; elle est simplement encadrée par une société qui tente d’en gommer les conséquences les plus néfastes. Imaginer une série qui saurait raconter ce genre de choses me remplit d’espoir.

    Il y a une série récente qui s’en est approchée d’assez près. Qui a trouvé une façon de parler de futur utopique, à sa manière. Une série qui n’est pas parfaite, et qui hélas, après avoir été renouvelée pour une deuxième saison, a finalement vu celle-ci être annulée, si bien qu’elle n’a pas vraiment de fin digne de ce nom. Au début de l’année, pendant que j’étais dans une phase d’appétit quant aux séries de science-fiction, je l’ai enfin finie. C’était au moment où je n’arrivais pas à écrire, et ceci n’est donc pas exactement une review ; mais j’ai beaucoup repensé à elle ces derniers temps et je crois que cette semaine est le bon moment pour parler de Moonhaven.

    Moonhaven se déroule dans un futur qui voit la Terre victime d’une catastrophe climatique qui a vicié son air, diminué sa production alimentaire, et condamné ses populations, lesquelles vivent dans le rationnement, la guerre ou encore la pauvreté.
    La série démarre en 2201, un peu plus de cent ans après qu’une tentative ultime de renverser le cours des choses ait été mise en branle : une mission a envoyé plusieurs Terriennes sur la Lune, et les a ensuite coupées du monde. Leur mission : exister en complète autarcie ; créer une société qui soit capable de composer avec les défis écologiques, économiques et humains de la Terre ; puis, y revenir plusieurs générations plus tard, pour apporter les solutions trouvées sans influence terrienne. Ou disons, presque pas d’influence : une intelligence artificielle, nommée IO, conçue par l’un des grands conglomérats qui règnent sur la société terrienne, a également été envoyée sur la Lune. Les deux mondes n’ont, semble-t-il, eu aucune communication pendant près d’un siècle ; l’intrigue commence à deux semaines du moment où ce silence s’achèvera. Un première vague de jeune Lunaires doit en effet venir sur Terre très prochainement, et commencer à implémenter les changements nécessaires pour sauver la planète de son cycle destructeur, grâce aux idées nées ces dernières décennies. Pour le moment, personne n’a aucune idée de ce à quoi la société lunaire peut bien ressembler.
    Moonhaven a donc trouvé une solution formidable pour parler d’une utopie, puisque s’y trouve également un monde dystopique plus familier des spectatrices, et plus simple à décrire. Certaines personnes pourraient avancer que ce que décrit la série pour la Terre est moins un futur dystopique qu’une anticipation réaliste de ce vers quoi on se dirige… mais ne les écoutez pas ! Restez avec moi, on essaye de ressentir de l’espoir aujourd’hui.

    Parlons-en donc, de cette utopie. La saison de Moonhaven se déroule presque totalement sur la Lune, et la plupart de ses protagonistes sont des Lunaires. Tout le défi pour la série, en particulier au début, est d’établir de façon plausible un monde utopique où les choses vont bien, de décrire pourquoi cette société a réussi à inventer quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs et qui devrait résoudre les problèmes.
    Or, Moonhaven commence par la découverte d’un corps dans un bosquet, celui d’une jeune femme appelée Chill Spen, et qui suggère qu’un meurtre aurait été commis sur la Lune. Le premier acte criminel à s’y dérouler depuis des générations… Une affaire dont Paul Sarno et son collègue Arno Noon sont aux premières loges, et qui pique leur curiosité. Toutefois, la société lunaire est structurée de telle façon qu’il n’y a pas vraiment de police, ou du moins pas au sens où nous l’entendons : dans une société où l’intelligence artificielle et la videosurveillance permettent d’identifier une victime et de reconstituer son décès en quelques minutes, il n’y a pas franchement besoin d’enquête. La mission de Sarno et Noon est plutôt d’accompagner les personnes vivantes à traverser une tragédie (parfois avec l’aide de médicaments pour aider à oublier des émotions difficiles, d’ailleurs).
    Tout cela se produit donc en parallèle des derniers préparatifs d’une mission dont la plannification remonte à un siècle. Le corps de Chill Spen est découvert à peu près au moment de l’arrivée sur la Lune d’Indira Mare, une Terrienne qui porte le titre d’Envoy, et assure la liaison entre les deux corps célestes, notamment avec Maite Voss, la cheffe du conseil lunaire (bien qu’en fin de mandat). C’est elle qui supervise le Bridge, soit l’envoi de la première vague lunaire sur la Terre, l’aboutissement de plusieurs générations d’effort. La sécurité de la visite d’Indira Mare est assurée par son garde du corps, le ténébreux Tomm Schultz ; toutes les deux sont conduites par la pilote Bella Sway, une Terrienne qui à l’origine n’était pas supposée quitter sa navette le temps de ce petit voyage préparatif. Or, il apparaît que Bella est directement concernée par le décès de Chill Spen, dont il est rapidement révélé qu’elle était la demi-soeur.

    Le monde de la Lune est, ma foi, faute de trouver un meilleur terme, lunaire. Nous le découvrons en grande partie à travers les yeux de Bella, une jeune femme endurcie voire aggressive, qui a eu une carrière militaire pendant une guerre terrienne, et qui adopte une attitude méfiante et sceptique dans tout ce qu’elle fait. Pour elle (et donc pour nous), cette utopie est surtout bizarre, n’a pas de sens, ne fait appel à aucune référence.

    Sur la Lune, dans le petit espace terraformé où est conduite la mission lunaire, on pratique une espèce de yoga (le Kinetobet, que Sarno décrit comme un « alphabet de danse »), l’amour libre, les exercices de respiration, et la vie en communauté dans des maisons en bois mais en permanence connectées aux technologies développées avec l’aide d’IO. Il faudrait aussi mentionner le fait qu’en l’espace d’environ un siècle, la langue a évolué sur la Lune, et plusieurs termes ont fait leur apparition, généralement témoignant d’un effort de simplifier le language autour de l’intelligence émotionnelle. Le vocabulaire des Lunaires est émaillé de termes comme « frustangle » (quelque chose de complexe, préoccupant, indémélable, et qui frustre), « dreadfeel » (le sentiment qu’on ressent à l’idée que quelque chose de terrible s’est ou va se produire), « think » (pensée, concept, ou plus largement toute production intellectuelle même imaginaire), ou encore « truelune » (une foi inébranlable). Bella trouve tout cela, et bien plus, PASSABLEMENT RIDICULE.
    J’ai beaucoup pensé à Bella ce mois-ci.

    Bien-sûr qu’une utopie nous semble absurde. Tout dans nos experiences terrestres nous a habituées au pire, pas au meilleur !La familiarité des atrocités et des souffrances nous force à nous blinder ; n’est-ce pas la raison pour laquelle Bella est notre cheval de Troie émotionnel dans cette série ? Tenez, même la fiction nous a habituées au pire, quasi-incapable qu’elle est si souvent de présenter une utopie comme autre chose qu’une dystopie avançant masquée… Même si Bella vit dans un futur bien plus dramatique que notre présent, son expérience de la vie sur Terre l’a conduite, comme la plupart d’entre nous, à toujours s’attendre au pire, si ce n’est à un niveau individuel au moins à un niveau systémique. Cela l’a conditionnée à devenir plus blasée, plus pessimiste, plus cynique.
    Comment une personne cynique pourrait-elle réagir à cette culture autrement qu’avec un sourire en coin moqueur ? Rien de tout cela ne lui semble réel. Enfin, si, bien-sûr, c’est sous ses yeux ; mais conceptuellement, la vie sur la Lune n’a aucun lien avec la réalité que Bella connaît, à laquelle elle s’est entrainée à survivre physiquement et émotionnellement pendant toute sa vie. Moonhaven fait un travail magnifique lorsqu’il s’agit de décrire cette société comme si elle n’était qu’un groupe de hippies high tech scandant des kumbaya dans la forêt. C’est, au sens propre, complètement lunaire, évidemment !
    Et donc, tout l’enjeu de Moonhaven, c’est de donner envie à Bella d’y croire. D’adhérer à ces étranges rites, à ce mode de pensée inconnu, à cet esprit de partage. Et, à terme, de vouloir protéger tout cela, ce qui est impensable au début de la série ! Comment la Bella qui débarque sur la Lune dans le premier épisode pourrait-elle s’imaginer un instant mettre son bras au service de la paix, la zénitude et le partage altruiste ? Car depuis près d’un siècle, la communauté lunaire toute entière n’est tendue que vers un but : servir de laboratoire afin de trouver les solutions qui sauveront la Terre. C’est ça, truelune. Et c’est absolument inédit sur notre planète.

    Justement. C’est l’autre raison pour laquelle j’ai beaucoup pensé à Moonhaven ce mois-ci.
    Pendant un siècle, la Lune et la Terre n’ont pas communiqué (si ce n’est par l’entremise, très fragmentaire, de l’Envoy, principalement en vue des préparatifs de retour des Lunaires sur notre planète). La Terre a les yeux tournés vers la Lune, attendant que sa population exilée dévoile comment résoudre ses problèmes. Elle n’a aucune idée de ce qui l’attend. Et il y a des choses qui vont être très, très dures à accepter.
    Ce n’est pas l’intrigue principale de cette première saison (je suis à peu près certaine que cela aurait fait l’objet de la deuxième si son renouvellement n’avait pas été finalement annulé), mais pendant que se déroule l’arrivée de Bella et les événements qui suivent, plusieurs indices nous disent que… il y a des trucs qui ne passeront tout simplement pas. Les Lunaires sont animées de leur truelune, cette foi infaillible notamment dans leur mission ; les générations nées sur notre satellite ont grandi avec un seul objectif, celui de travailler dur à résoudre nos problèmes. Cet objectif est au centre des tensions de cette première saison parce qu’une minorité de Lunaires commencent à se dire que, bah que les Terriennes se démerdent, nous on est bien sur la Lune, on va rester entre nous en fait. Mais la majorité des Lunaires croient encore à cet idéal de générosité consistant à avoir vécu toute leur vie, à avoir été conçues, même, uniquement dans le but de guérir la société terrienne de ses maux. Cela les a poussées à accepter des choses assez radicales.
    Par exemple ? Sur la Lune, on n’élève pas son propre enfant. Lorsqu’un bébé naît, il est retiré à ses parents immédiatement et confié à d’autres ; après quelques années, l’enfant est confié à encore une autre famille, et ainsi de suite jusqu’à l’âge adulte. Un enfant ne rencontre sa mère biologique (« mada« ) qu’au moment du décès de celle-ci, quand juste avant qu’elle ne s’éteigne il leur est donné une occasion de se découvrir, et de parler du chemin parcouru l’une sans l’autre. Cette pratique, explique Paul Sarno, est destinée à éviter que des familles ne se liguent les unes contres les autres, que des dynasties se forment autour du pouvoir (et cette leçon a été apprise dans le sang par la Lune il y a un siècle et demi, lors d’une première tentative de colonisation). Ce mode d’éducation rotatif, lui, s’assure que chaque membre de la communauté considère tout enfant comme le sien, avec bienveillance ; parce que techniquement tout enfant pourrait effectivement être le vôtre ! Sur la Lune, oeuvrer pour le bien commun prend aussi ses racines dans cette vision de la vie en communauté. Moonhaven se déroule alors que ces pratiques sociales sont ancrées depuis un siècle sur la Lune, et sont largement acceptées ; mais de toute évidence, l’implémentation sur Terre se prépare à être houleuse.
    Malgré les défis qui s’annoncent, ce que dit, parfois même explicitement, Moonhaven, c’est que le progrès ne s’obtient pas sans un changement plus profond de la société et de ses règles : « The power to fix all your problems will destroy you without a culture to contain it« . On ne peut pas améliorer le monde juste avec une intelligence artificielle : il faut profondément modifier les mentalités afin de faire bon usage des solutions futures. Ce n’est qu’une fois que l’on pense autrement que l’on peut adopter les changements bénéfiques pour toute la société. Et donc, Moonhaven essaie d’imaginer une société reposant (au moins en grande partie) sur des principes différents. Or, les fondements d’une société, même dystopique, on a tendance à collectivement s’y accrocher ; Moonhaven prédit que la transition sera pénible, mais inévitable. Et, au bout du compte, bénéfique.

    Alors qu’il semblait impossible de ne pas être blasée, pessimiste et cynique, j’ai essayé de chercher en moi les ressources pour espérer. Même juste un peu. Même temporairement. Puiser quelque part, n’importe où, l’énergie nécessaire à imaginer un meilleur avenir que celui qui semble se profiler.
    Moonhaven a occupé mes thinks… pardon, mes pensées ces derniers temps, parce que c’est une série qui parle de la douleur du changement, mais aussi de son impérieuse nécessité. Telles sont quelques unes des questions que pose cette saison orpheline. Sa conclusion est qu’il n’est pas facile de changer les mentalités, mais que c’est faisable. A la fin de cette première saison, à l’orée de la première phase de changement induite par le début du Bridge, Bella a changé. Elle adhère à l’idéal de société de la Lune, et a fait le travail nécessaire pour en comprendre les rouages qui au début lui semblaient ridicules.
    Ce n’est pas simple de changer la société. Cela ne se fait pas sans opposition, parfois violente. Mais c’est faisable. Même si ça semblait futile et ridicule à la base, c’est faisable.

    Je veux me focaliser là-dessus tant que j’en ai l’énergie. Sur le fait que de la bienveillance accomplit bien plus pour notre société que de l’autorité. Sur le fait qu’il n’y a pas d’autre alternative que de transformer la société en profondeur. Sur le fait qu’un vote n’est pas un changement de mentalités, certes, mais qu’il permet d’en combattre d’autres plus négatifs. Sur le fait qu’on n’a pas encore trouvé la solution magique qui nous donnera les clés de notre propre utopie, mais qu’on sait quoi faire pour éviter une dystopie, au moins. Alors faisons ça.
    Et comme l’unique saison de Moonhaven ne dure que 6 épisodes, si vous voulez ressentir un tout petit peu d’espoir d’ici dimanche, il est encore temps de se lancer dans un (re)visionnage…


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  • This is a fine TV show

    16 juin 2024 à 21:09 • 3615 My (So-Called) Life •

    Et donc, l’éternelle question : comment parler de séries en ce moment ?

    J’ai l’impression d’écrire cet article tous les deux ans, maintenant. Ou en tout cas une variation de cet article. Il y a eu celui-là au début de la pandémie COVID ; puis il y a eu celui-ci après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La question revient régulièrement, lancinante : comment on peut bien parler de séries quand il y a plus important ailleurs ?

    Lorsque le monde va mal, ou disons encore plus mal que d’habitude, et que la menace semble se faire imminente, j’ai du mal à parler de séries. Que suis-je supposée faire, publier ma review de How To Ruin Love comme si de rien n’était ? Me plaindre de MILF of Norway comme si c’était mon plus gros problème en ce moment ? Ecrire quelques paragraphes sur Sierra Madre avec sérieux ? Quelle est la série dont je puisse parler sans me sentir sale de parler de séries, au juste ?!

    Je n’ai pas plus de réponse maintenant que j’en avais il y a deux ou quatre ans ; je soupçonne que je n’en aurai pas plus la prochaine fois non plus. La réalité, c’est que la fiction tout brillante puisse-t-elle être n’a pas le pouvoir d’annuler les effets de la réalité. De toute façon ce n’est pas son rôle. Ce serait grave si ça l’était, soit dit entre nous.

    Il est très possible que ce soit justement ce qui me perturbe, en fait. Si je regarde des séries, c’est précisément parce que c’est l’une de mes convictions les plus profondes que la fiction peut nous aider à nous améliorer, et peut-être même, carrément nous changer. La façon dont j’en parle, la façon dont je la regarde, le fait même que je la regarde pour commencer, tout cela n’est rien d’autre que la manifestation de cette foi. Mes expériences au fil des décennies (dont presque deux à écrire dans ces colonnes !) n’ont fait que confirmer qu’il est possible, si l’on s’ouvre à elles, si l’on cherche celles qui ont quelque chose de précieux à nous dire, si l’on s’ouvre à celles dont on ignorait tout, d’apprendre des choses sur le monde autant que sur soi-même, et d’ainsi évoluer. Si je ne croyais pas en cela, cela n’aurait aucun intérêt d’être curieuse, après tout. Si je ne croyais pas en cela, ce que je fais serait l’équivalent de collectionner des miles…
    Si je ne croyais pas en cela, alors je n’aurais pas écrit de review pour Years and Years, ou, tiens, la conclusion de la review de la très à propos The Plot Against America :

    Mais est-ce suffisant pour éviter le pire ? Y a-t-il seulement un moyen d’éviter le pire ? Ce que les Levin craignent, ce n’est pas juste une présidence. Ce sont les sympathisants de Lindbergh qui se réunissent dans une taverne bavaroise, ou qui rouent de coups des Juifs à la tombée de la nuit, discrètement. Le danger, ce n’est pas seulement Lindbergh lui-même, mais ce qu’il incarne, et le fait qu’il l’incarne pour un nombre grandissant de compatriotes des Levin. Ce qui inquiète, c’est que pour le moment, hors la communauté juive de Newark dans le New Jersey, l’Amérique ne semble pas s’inquiéter assez. « My brother was in Berlin back in ’32. He wrote to us about what Goebbels and Hitler were up to. The government there, they played by the rules. The Nazis, they made a joke of every damn rule. »Ces deux reviews, d’ailleurs, ont été écrites pendant une autre crise téléphagique similaire, que cette fois j’avais essayé de tourner en façon constructive de faire passer à la fois la boule que j’avais au ventre, et un message. La bonne blague. Je n’ai déjà pas beaucoup de lectrices, mais c’est encore plus illusoire de penser que ces lectrices ne partagent pas déjà ma façon de voir (vu mes prises de position de plus en plus évidentes au fil des années dans mes reviews elles-mêmes). Celles qui ont besoin de lire ces mots sont celles qui ont fui mes colonnes il y a bien longtemps… Ecrire ces mises en garde plus ou moins explicites n’accomplit rien.

    …Alors forcément, quand il s’avère que le pouvoir que je prête à la télévision n’évite pas le pire (et le pire se présente régulièrement à nos portes ces derniers temps), je suis désemparée. Il est sûrement là, le secret de mon désoeuvrement régulier. Dans la réalisation implicite que cette télévision que j’aime tant ne change que moi, pas le monde autour. Voilà qui la rend soudainement très dérisoire…

    Pourtant, j’ai tout essayé.
    J’ai essayé le voyage « dépaysant » (Postcards semblait tout indiquée pour cela !).
    J’ai essayé l’escapisme (déjà deux saisons de Bridgerton découvertes ce printemps, auxquelles je faisais allusion récemment, et potentiellement la troisième dans la foulée si je trouve l’énergie).
    J’ai essayé des séries inquiètes mais optimistes (j’ai fini Sweet Tooth, qui brille principalement par son appel à l’espoir).
    J’ai essayé de me replonger dans de vieilles séries (j’ai revu la première saison de Misfits).
    J’ai essayé de me consacrer à ma review de Fallout (pour laquelle vous avez voté).
    J’ai essayé de regarder les choses en face en finissant ma review de La Fièvre (qu’à l’origine je voulais ne poster qu’après un marathon Baron noir, mais euh, là, je sais pas, je sais plus…).
    Tout. J’ai tout essayé. J’ai tourné ma téléphagie dans tous les sens en espérant trouver l’angle salvateur qui lui permette de me ressourcer et me nourrir, plutôt que de m’être douloureuse. Mais rien ne fait passer le sentiment mêlé d’urgence et de terreur. Rien ! Même pas une série qui s’empare précisément de cette urgence et cette terreur !

    Le problème, ce n’est bien-sûr pas la télévision. Et ce n’est même pas vraiment mon rapport à la fiction télévisée. Le problème, c’est de devoir continuer à exister dans un monde qui se refuse obstinément à s’améliorer.


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  • C’est pas l’homme qui prend la mer

    8 juin 2024 à 19:37 • Telephage-o-thèque •

    Que savez-vous de l’Histoire du Portugal, au juste ? Pendant le 20e siècle, par exemple ? Moi, je vous le dis tout net, pas grand’chose. Mais fort heureusement c’est à ça que sert la curiosité !

    Terra Nova est une série portugaise sans dinosaures, mais malgré ce lourd handicap, la série ne manque pas d’intérêt. Elle se déroule dans les années 30, sur la côte atlantique, à Ílhavo. Un endroit que la série décrit comme un village de pêche, mais dont Wikipedia nous dit qu’en 1930 elle comptait plus de 17 000 âmes, donc euh… bon, on n’a pas la même définition d’un village.
    Quoi qu’il en soit, Terra Nova se penche sur la vie des pêcheurs (masculin volontaire) et de leurs familles.

    Dans le premier épisode, les pêcheurs n’ont pas encore pris la mer : ce n’est pas encore le bon moment. Mais les préparations bruissent dans le fond des activités quotidiennes des habitantes, et cela se sent au bar qui est encore rempli, ou aux filets que l’on tisse… Terra Nova choisit de montrer les choses les plus banales avec l’intention de révéler la nature de ses protagonistes, de leur donner l’opportunité de se montrer telles quelles.

    Par exemple, le pêcheur Albino, dit « le Bossu » (il n’est pas bossu), attend que la mer soit plus clémente pour s’embarquer dans la saison de pêche. Même si l’on ne sait pas ce qui, exactement, le hante, en revanche on sait qu’il a la conscience lourde. Sa fille Mariana, elle, sait bien qu’elle restera sur la terre ferme quand viendra le moment de partir en mer pour son père ; or elle a des envies de nouveaux horizons. Elle travaille comme serveuse dans un petit bar où les pochtrons du village viennent boire tous les soirs, mais elle aspire à trouver une place comme domestique chez des gens riches dans une grande ville, pour partir. Peut-être qu’elle a lu trop de livres (sa mère le pense certainement), ou peut-être est-elle réellement destinée à autre chose que la vie qui est actuellement la sienne. Ou peut-être que son avenir est avec le séduisant Miguel, qui va partir en mer pour la première fois bientôt, et qui est la seule personne au village qui encourage sa passion pour la littérature ?
    Le Docteur Bernardo aussi a besoin de changer d’air. Il est lassé des consultations dans son cabinet, et a récemment appris que ses écrits, qu’il espérait voir publiés, n’étaient pas assez bons. Alors qu’il noie sa peine de plume dans un bistrot, il est abordé par deux hommes qui lui proposent de devenir le médecin de bord de l’expédition qu’ils organisent. Le pêcheur Tó Verde, quant à lui, sait bien qu’il prendra la mer bientôt ; il utilise en fait sa capacité à voyager pour faire miroiter à sa prostituée préférée, Madalena, l’opportunité de quitter le pays et changer de vie. En échange de cette promesse qui devra, lorsque le temps le permettra, se concrétiser prochainement, Madalena lui offre des passes gratuites… Pas sûr, pourtant, que Verde soit très honnête dans sa promesse.
    Pendant ce temps-là, chez le Capitaine Silva, on a d’autres préoccupations. Dans cette famille comptant parmi les plus aisées d’Ílhavo, leur fille unique Amélia est sur le point de présenter son petit-ami Pedro à ses parents, or, c’est un étudiant qui vient d’une famille plus humble. Et, ce que le Capitaine ignore, c’est que Pedro est également un communiste…

    Dans les petits et grands tumultes de la vie, Terra Nova dessine en effet le contour d’un Portugal figé dans la peur. A voix basse, on parle du gouvernement de Salazar (dont je ne savais franchement pas grand’chose, c’est bien : ça m’a poussée à un peu de lecture) ; on imprime secrètement des pamphlets politiques ; on échappe à la police (parfois avec le soutien discret d’autres citoyens…), et ainsi de suite. Raconter la Grande Histoire à travers toutes ces petites histoires est le but de la série.
    Pas étonnant que tant de monde dans la série étouffe à sa place, étouffe dans son pays, étouffe dans une nation prise à la gorge. Bien-sûr que l’on rêve d’ailleurs lorsqu’on vit sur un sol fasciste… Terra Nova décrit bien tout cela, sans pour autant se lancer dans de grands monologues abstraits. C’est ce qui explique que son premier épisode se déroule intégralement à terre, dans ce village : pour nous expliquer que ce n’est pas que par nécessité professionnelle que l’on s’embarque dans un périple périlleux sur les mers.

    Les épisodes suivants nous parleront, quand il aura levé l’ancre, de ce qui se passe à bord du Terra Nova (c’est le nom du navire de pêche, d’où le titre de la série bien-sûr). Il est probable que malgré le désir de s’éloigner du Portugal, celui-ci embarque aussi avec les pêcheurs : on peut sortir le pêcheur du port, mais pas le port du pêcheur. Les situations personnelles, sociales et politiques vont elle aussi être du voyage, et se mêler pour expliquer ce qui va se passer…
    Diffusée en 2020 par la télévision publique portugaise, RTP1, Terra Nova est une production historique comme je les aime : elle s’intéresse moins à des figures majeures qu’à des anonymes (généralement de condition humble), elle adopte le ton calme de la chronique, et dans le même temps elle ne romantise pas l’existence de personnages au point d’oublier le contexte politique de leur époque. C’est mon type d’approche préférée. Elle est l’adaptation du roman O Lugre, une oeuvre de l’écrivain portugais (ancien médecin notoirement à gauche) Bernardo Santareno ; la diffusion correspond au centenaire de sa naissance. Visiblement, cela a plu au public portugais : la série a trouvé un tel succès qu’elle a été remontée au format d’un long métrage, et qu’elle est sortie sur grand écran (nul doute qu’on y perd en nuances, car on ne raccourcit pas une série de 10 épisodes si facilement). Le film a également été projeté au musée maritime d’Ílhavo, et a connu un peu de gloire dans des festivals internationaux. Finalement, la version en 13 épisodes a fait son arrivée sur la plateforme max dans certains pays.
    Tout un périple.


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  • Comedy crumbs

    7 juin 2024 à 21:15 • Telephage-o-thèque •

    Ayant passé une mauvaise semaine, j’avais envie de rire un peu. Surtout qu’en ce moment, je suis assez préoccupée par l’impression que j’ai que les séries que je regarde nécessitent toutes un trigger warning, et que réviser à la hausse ma consommation de fictions plus légères ne pourrait pas faire de mal.
    Dans cette démarche, en fouillant dans mes dossiers, j’ai réalisé également que j’avais pas mal de sitcoms dans mes archives, lancés il y a plusieurs mois voire un peu plus, auxquels je n’avais pas touché du tout depuis leur diffusion. Alors plutôt que de continuer à donner la priorité à d’autres séries, j’ai donc décidé d’en regarder le premier épisode et puis, bah, de vous en parler.

    Act Your Age (2023 / Bounce TV)
    J’étais totalement passée à côté de cette série lors de sa diffusion l’an dernier (ce qui est souvent le cas pour les fictions des chaînes afro-américaines, qui ne se retrouvent pas aussi souvent sur la toile que les autres…), jusqu’à ce que son unique saison fasse son apparition sur Netflix en mai. Preuve qu’il n’est jamais trop tard.
    Et c’est d’ailleurs le sujet de la série : il n’est jamais trop tard. Act Your Age, comme le suggère son titre, s’intéresse à trois femmes dans la cinquantaine qui ont un peu perdu contact avec le temps, mais qui sont toujours amies. L’une d’entre elles organise une réunion sous un prétexte mineur, avant de leur annoncer que, surprise ! Elle est sur le point de se marier et de commencer une nouvelle vie. Les voilà donc qui s’embarquent dans une virée nocturne d’enterrement de vie de « jeune » fille qui va conduire à une série de gags plus ou moins drôles. Mais ce n’est pas l’essentiel. Une grande partie du charme d’Act Your Age tient en effet dans les interactions de son trio de tête (trois comédiennes qui ne sont plus à présenter, et que l’on trouve à la télévision depuis deux ou trois décennies). Et de ce côté-là, ça marche bien ! Par exemple, une dynamique qui m’a beaucoup plu, c’est combien Angela et Keisha sont dans une sorte de rivalité vis-à-vis de l’amitié de Bernadette, dont elles veulent, malgré les années et l’éloignement, toujours être la meilleure amie préférée. Cela donne quelques échanges vraiment dynamiques, qui éclipsent d’autres choses plus classiques et oubliables dans cet épisode.
    Act Your Age embarque aussi l’entourage de ces femmes (deux d’entre elles ont des enfants… qui sont aujourd’hui jeunes adultes, ça change de la plupart des sitcoms) dans certaines choses, notamment la conclusion de l’épisode qui consiste à inciter nos héroïnes à profiter de la vie, parce que c’est pas parce qu’on a 50 ans qu’il faut se ranger et arrêter de s’amuser. C’est un principe plutôt rafraîchissant, pour le genre, et je trouve que ça fonctionne bien dans l’ensemble.

    Extended Family (2023 / NBC)
    Avec l’ambition humble de raconter une énième histoire de famille recomposée, Extended Family essaie de proposer quelque chose de positif et moderne, en évitant si possible les clichés. Ce premier épisode, en tout cas, produit un effort visible en ce sens, et il est plutôt bien récompensé.
    Jim et Julia ont été mariées pendant 17 ans, mais ont divorcé quelques mois plus tôt de façon plus qu’amiable. Et elles le répètent haut et fort : elles ne pourraient pas être plus heureuses de cette séparation ! Depuis, Julia s’est mise en couple avec Trey, son nouveau petit-ami. Grace et Jimmy, leurs enfants, font la navette entre ces deux bouts de leur famille, et tout paraît bien se passer. Mais les apparences sont trompeuses, comme ce premier épisode va le prouver…
    D’une intrigue un peu bateau (le poisson rouge de Grace meurt pendant qu’elle était en colonie de vacances, ses parents s’interrogent sur la meilleure façon de gérer cette crise), Extended Family arrive à extirper une exposition efficace. Démonstration est progressivement faite que, non, tout n’est pas si fluide dans ce divorce dont Julia et Jim se disent si satisfaites. Et de la même façon que Grace n’a pas digéré le divorce, on sent poindre un peu de jalousie résiduelle de la part de Jim envers Trey, et toutes sortes de petits détails qui montrent que tout n’est pas aussi amiable que l’ex-couple aime à le dire. Ces nuances, Extended Family arrive à les montrer et en jouer sans lourdeur, camouflées quelques gags un peu convenus mais efficaces ; le mélange fonctionne plutôt bien, même sans rien réinventer.
    La partie la plus maladroite de la série consiste à créer des scènes d’interview sur un canapé, afin de fournir aux personnages une excuse pour expliciter leurs intentions ou émotions ; outre le fait que ce soit pas franchement intéressant, on ne sait même pas vraiment qui est supposée interviewer ce couple anonyme. Surtout qu’Extended Family n’est même pas un vrai mockumentary, donc euh… Bon. Admettons. Mais c’était pas nécessaire.

    Outmatched (2020 / FOX)
    Dans Malcolm in the Middle, il avait fallu que Lois et Hal s’adaptent à l’intelligence hors-normes de l’un de leurs fils. Dans le premier épisode d’Outmatched, Kay et Mike, qui ont déjà du mal à comprendre leurs deux aînées qui sont des « génies », apprennent après un test de QI qu’un troisième enfant est également en avance pour son âge. Il ne leur reste plus qu’une fille « normale », comment vont-elles gérer ?!
    Fonctionnant sur les mécanismes typiques de ces sitcoms où les parents sont dépassées, Outmatched pense avoir trouvé un angle unique en faisant en sorte que trois des quatre gosses soient « surdouées », créant des défis supposément insurmontables pour ce couple débordé. Mais déjà, sa vision de l’intelligence est si stéréotypée qu’en fait ce n’est pas drôle. Les gamines s’expriment comme des encyclopédies, font régner la terreur sans qu’on comprenne trop pourquoi vouloir mener une expérience dans la salle-à-manger sème la zizanie, et ainsi de suite. Outmatched semble aussi adhérer à une conception très classiste de l’intelligence : les parents, en plus d’être d’un intellect supposément moyen, sont aussi de la classe moyenne (et vivant à Atlantic City), quand les goûts de leur marmaille tendent vers l’opéra, les grands peintres classiques, les langues anciennes, ce genre de choses. Du coup la série joue moins sur la question de l’intelligence que sur un étrange complexe d’infériorité…
    Le résultat n’a ni queue ni tête, on n’adhère à rien et certainement pas aux misères de ces parents qui semblent, honnêtement, avoir des problèmes formidables… et qui s’en rendraient sûrement compte si elles arrêtaient de courir vapoter ou boire dans leur cave chaque fois qu’une gamine dit quelque chose qu’elles ne comprennent pas. En même temps, pas étonnant qu’une série qui semble partir du principe eugéniste que le QI est un truc uniquement déterminé à la naissance n’ait pas l’idée de faire une seule fois ouvrir Wikipedia à Kay et Mike pour essayer de se mettre au niveau de leur marmaille.

    United We Fall (2020 / ABC)
    Un bel exemple de sitcom « à l’ancienne » et notamment le début des années 2000, dans le même esprit que Still Standing, qui suit un couple tentant de faire face aux défis de la parentalité. C’est novateur, comme vous le voyez.
    Mais le plus gros problème de cet épisode tient moins dans son manque d’originalité (qualité dont beaucoup de comédies parviennent à se passer) que dans son écriture un peu faiblarde. La série ne semble en fait pas trop savoir où aller. Elle établit mal qui sont ses parents, dont le seul trait de personnalité consiste en gros à être parents ; elle établit mal ses protagonistes secondaires pourtant supposées servir d’entités perturbatrices (la grand’mère, qui pourtant vit avec le couple, est à peine visible dans deux scènes et demies) ; l’intrigue part dans tous les sens…
    On nous dit que Bill et Jo s’interrogent sur la capacité à être de bons parents, surtout parce que la mère de Bill, qui vit avec la famille, critique tout ce qui se passe sous son toit. Mais ces insécurités, au lieu d’être explorées, sont écartées lorsque la maîtresse de leur fille aînée, qui les avait convoquées pour leur parler… leur annonce que la petite va bien (Jo fera remarquer qu’une convocation juste pour dire ça était peut-être superflue, et je suis d’accord). Donc qu’a-t-on appris ? Pas grand’chose. C’est d’autant plus bizarre que leur fille aînée démontre à plusieurs reprises des traits qui indiquent qu’elle est peut-être en avance pour son âge, ou éventuellement neurotypique (selon ce que les scénaristes comprennent de la neurotypie, en tout cas) et ç’aurait vraiment mérité une discussion avec la maîtresse, pour le coup, mais non. Donc tout va bien ? Non, parce que tout d’un coup leur fait FAIT UN PROLAPSUS ANAL. Qu’est-ce que quoi ? Et donc voilà toute la famille qui passe la nuit aux urgences, découvrant que « ça arrive même aux bons parents », avant de rentrer au petit matin à la maison. Et donc euh, bah, je sais pas quelle leçon il faut en tirer.
    Vous me direz, peut-être ne faudrait-il pas en tirer de leçon : la vie est trop complexe pour qu’on en tire des certitudes juste sur la base d’une journée (certes forte en émotions). Mais United We Fall n’est pas assez fine, ni dans son intrigue ni dans ses dialogues, pour nous laisser penser qu’elle soit capable de ce genre de nuances. Structurellement et historiquement, on devrait sortir de l’épisode d’un sitcom familial tel que celui-ci avec une conclusion claire, or là il n’y a aucune forme de résolution. C’est juste vingt minutes de chaos suivies du générique de fin. Je ne suis pas étonnée que cette série ait été annulée au bout d’une saison, il n’y avait pas grand’chose à sauver à part le capital sympathie de Will Sasso, et il s’est reconverti dans le Sheldonverse depuis.

    Bon, je vous l’accorde, c’est un bilan un peu en demi-teinte. C’est d’ailleurs sûrement la raison pour laquelle je n’avais pas regardé ces séries plus tôt, au moment de leur diffusion initiale ou au moins avant leur annulation : j’ai tendance à être un peu sévère avec les séries multi-camera, aussi je n’ai pas souvent une raison de me précipiter dessus juste pour découvrir que je n’avais pas envie de les voir… Mais au moins, je me serai forcé la main pour regarder des séries plus « innocentes » que ce dont j’ai l’habitude, et c’est l’essentiel.
    La découverte, c’est aussi ça, dans le fond, je suppose : s’obliger à sortir de sa zone de confort (puisque paradoxalement des séries avec vingt trigger warnings sont, il faut croire, normales pour moi), quitte à y retourner plus tard. Il n’y a pas d’obligation à changer nos habitudes, juste à nous donner une chance de trouver une série qui nous plaise là où on ne l’aurait pas naturellement cherchée.
    D’ailleurs… hm, non. Je ne sais pas si je vais vous parler d’une série que j’ai commencée en mai et dont j’ai déjà vu deux saisons. Je crains un peu de l’aborder, parce qu’on sait toutes que je suis nulle quand il s’agit de ce genre télévisuel. Enfin, j’ai pas décidé. On verra. Pour le moment, tenons-nous en aux sitcoms.


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  • Take Five + Cinq

    1 juin 2024 à 19:40 • Take Five •

    Oyez, oyez ! C’est le retour du Take Five. Comme en mai, les reviews n’ont pas manqué sur des séries faisant l’actualité, vous serez sûrement peu surprise de constater que ce sont cinq reviews de séries plus « anciennes » qui occupent notre article de fin de mois. Alors bien entendu, tout est relatif : certaines de ces fictions datent seulement de l’an dernier… Mais elles sont beaucoup moins récentes que beaucoup des publications du mois écoulé, ça c’est sûr.

    Et comme toujours en 2024, l’oubliez pas de continuer de scroller après ces reviews, car il y a un peu de rab’ !

    B.A.: O Futuro Está Morto (2023)
    Science-fiction, Teen drama

    Alors je sais, ça se fait pas de se moquer. C’est déjà bien d’avoir réussi à vendre une série à (HBO) max, moi-même je pourrais pas, donc hein, effectivement. Ya du mérite. Loin de moi l’idée de vouloir minimiser le travail que demande une série. Je veux dire, ce sont des dizaines, centaines d’emplois, après tout… mais enfin, force est de constater que B.A.: O Futuro Está Morto (« B.A. » c’est pour « Beijo Adolescente », soit un baiser adolescent) n’est pas la fiction la plus fine au monde.
    Dans cette dystopie brésilienne, le pays vit dans une dictature qui ne dit pas son nom. Les adultes sont frappées par un mal étrange, la « monochromie », qui leur fait progressivement perdre leur capacité à percevoir les couleurs, mais aussi à ressentir des émotions ; on présume que c’est la raison pour laquelle la dictature a réussi à être instaurée sans résistance (on présume beaucoup de choses pendant ce premier épisode, je vous préviens). En outre, les adultes se bourrent de cachets leur permettant d’avoir accès à des sentiments aussi essentiels que l’amour, la joie ou le courage (par contre cela ne semble pas avoir d’effet sur les couleurs), donc vous vous doutez bien que faire la révolution, ya pas de risque. De fait, dans ce monde entièrement gris, seules les adolescentes perçoivent encore les couleurs, et s’habillent donc en tenues fluo bigarrées. Mais ça ne s’arrête pas là : de nombreuses adolescentes développent des superpouvoirs tenus secrets auprès des adultes, mais admirés par la génération des ados. Ces dons se manifestent après avoir embrassé quelqu’un qui a déjà des pouvoirs, mais se révèlent si et seulement si on vomit des couleurs peu de temps après (trigger warning : plan sur un fond de chiottes). Les ados dotées de pouvoirs se réunissent sous le nom de code « B.A. », dans un lieu tenu secret des adultes. Les B.A. sont en deuil quand commence la série : l’un des leurs, Aldo, a été brutalement tué la veille alors qu’il était à vélo. Suite à cette tragédie, une campagne de recrutement a été lancée au lycée… sauf qu’Ariel, qui le soir de ses 15 ans a embrassé la B.A. « LinLin » dont il est amoureux, a par un coup du sort loupé le bon moment pour être invité dans le repaire des B.A. ! Heureusement, le lendemain de ce baiser, le voilà qui est découvert dans les toilettes en train de vomir un arc-en-ciel, et par qui ? Nul autre que Tomas, le plus doué des B.A. !
    Voilà. Donc. Bon. Dites-vous que si ça fait pas très sérieux sur le papier, c’est rien comparé à l’épisode lui-même qui est parfaitement risible. La métaphore est ultra-transparente, pour commencer. On se sent limite pris pour des crétines quand on regarde cet épisode, parce que le world building est quasi-nul alors que c’est un épisode d’exposition… Cela donne l’impression que la série ne semble même pas vraiment avoir quelque chose à dire sur le fond de cette histoire dystopique, en fait. Une demi-heure à remplir avec du vide… Mais on aimerait que ce soit le plus gros défaut de B.A.: O Futuro Está Morto ! Non, le problème, c’est que la série mise à 712% sur son esthétique ! Or, c’est juste moche. Genre, vraiment moche. Vous vous souvenez quand je vous disais que Mila no Multiverso arrivait à faire de la science-fiction colorée mais pas cheap ? Bon bah, toutes les séries de science-fiction brésiliennes n’ont pas la chance d’être Mila no Multiverso, quoi. Ici les costumes sont ridicules, les maquillages sont ridicules, les décors sont ridicules, les couleurs fluos sont ridicules… même dans les années 80 et 90 on avait plus de goût. Et encore une fois, tout cela serait parfaitement tolérable si ce premier épisode avait autre chose à proposer.
    …Nan mais je veux dire, ya un ado dont le superpouvoir est de faire du breakdance tellement fort qu’il crée des courants d’air, quoi. Comment vous voulez que je défende ça ?! La curiosité, d’accord, mais pas à n’importe quel prix.

    Coupling (2000)
    Comédie, Romance

    Un dimanche de mai que je m’ennuyais un peu, j’ai décidé de jouer à un jeu consistant à ouvrir un de mes dossiers au hasard pour regarder le premier épisode d’une série, n’importe laquelle. Sachant que j’en suis à quelques 6653 dossiers dans mes archives personnelles (à raison d’un dossier par série), tout pouvait arriver ; n’écoutant que ma mollette, je suis tombée sur le pilote de Coupling.
    Bon. Bah écoutez, j’ai dit que je regardais un épisode de série au hasard. Quand faut y aller…
    Coupling n’a jamais été ma tasse de thé ; je ne me souviens plus sur quelle chaîne je l’avais initialement découverte, au début des années 2000, pendant ma toute première fringale de séries. A l’époque je fourgais des cargaisons de VHS vierges à mes proches qui avaient accès au câble ou au satellite (ce qui n’était pas mon cas), avec pour mission d’enregistrer au moins un épisode de chaque série diffusée en France, idéalement le premier épisode mais même pas obligatoirement ; la diffusion linéaire étant souvent à ce prix. J’avais ainsi hérité de plusieurs épisodes de « Six Sexy » (selon la belle tradition française consistant à changer un titre en anglais pour un autre titre… également en anglais) que j’ai oubliés immédiatement et avec zèle. Pourquoi j’ai retéléchargé le premier épisode de Coupling plusieurs années plus tard est une énigme dont le temps a perdu la clé.
    Non non, mais c’est bon, ça va, j’ai dit que je regardais un épisode de série au hasard, je vais m’y coller, hein.
    Le premier épisode de Coupling commence sur un petit quiproquo narratif : deux conversations ont lieu en parallèle à propos d’une relation amoureuse, entre deux hommes d’une part et deux femmes d’autre part, nous laissant penser qu’elle porte sur la même relation. Alors que, pas du tout. Mais c’est du foreshadowing parce qu’en fait les personnages qu’on pensait être ensemble vont finalement flirter puis convenir d’un premier rendez-vous pendant cet épisode. Tout cela est surtout l’occasion de présenter les 6 protagonistes principales de la série, ces deux-là mais aussi leurs potes hautes en couleurs, dont plusieurs sont des ex, et de créer un patchwork de relations plus ou moins amicales et/ou amoureuses. Pour de l’exposition, ça marche bien, si je suis honnête. Même dans mon abysse d’ennui, j’admets que c’est bien joué. Le problème, bien-sûr, est que la seule chose qui intéresse les six héroïnes de Coupling (elles n’ont strictement rien d’autres à dire) est LE sujet qui me confine à la neurasthénie. Inutile de préciser que même si je les avais en ma possession, je ne regarderais pas les épisodes des versions éponymes étasunienne et grecque, y compris au nom des comparaisons que j’affectionne tant.
    Je sais pas trop si je dois rejouer à ce jeu hasardeux, du coup ; ça semble risqué.

    Ida tar ansvar (2022)
    Drama, Thriller

    La peur est une émotion normale et même salvatrice ; mais l’anxiété, elle, conduit à ressentir de la peur même lorsqu’il n’y a pas lieu. Si vous avez déjà lu ne serait-ce qu’un paragraphe de littérature psychologique au sujet de l’anxiété, vous connaissez sûrement les lieux communs sur ce trouble de « l’alarme permanente » qui donne l’impression qu’un danger existe, même quand ce n’est pas du tout le cas. Ida est une grande anxieuse ; elle a emménagé à Oslo où elle est perpétuellement effrayée à l’idée de tout ce qui pourrait se produire de pire dans cette grande ville impersonnelle où elle ne connaît personne. On pourrait l’arnaquer ! Elle pourrait être poussée sous un train ! Il pourrait y avoir un incendie !
    L’avantage, c’est qu’Ida fait des études en psychologie, et qu’elle est donc consciente que son anxiété l’alarme sur des choses qui ne vont pas se produire. Mais, parfois, l’alarme sonne pour une bonne raison ! Et en particulier, Ida fait la rencontre dans ce premier épisode du colocataire de deux connaissances de fac, qui lui donne des frissons. Pour être honnête, le portrait qu’en ont brossé ses deux colocataires n’aide pas, et avant même de l’avoir vu, Ida a eu un mauvais sentiment à son égard ; mais cela lui a suffit pour se mettre en tête qu’il a tout d’un incel. Et un incel pourrait se lancer dans un meurtre de masse !
    Il est difficile de dire pour le moment si Ida tar ansvar est l’histoire d’une jeune femme paranoïaque, ou celle d’une future psychologue dont l’anxiété l’aide à repérer avant d’autres une catastrophe imminente. Depuis le début de l’épisode, la série lui a donné parfois raison, parfois tort, sur les autres choses qui l’ont préoccupée. Bref, ça pourrait aussi bien être l’un que l’autre, et c’est bien pour ça qu’on appelle ça un thriller psychologique ! Alors en attendant de donner quelques réponses, Ida tar ansvar soigne son portrait de l’héroïne, et je dois dire que celle-ci incarne une forme d’anxiété convaincante et communicative, quand bien même elle n’est pas toujours prise aux sérieux par des tiers (la réaction de son frère est assez parlante à ce sujet). Non, en fait, à la réflexion… ça aussi c’est très convainquant.

    Paese (2020)
    Comédie

    Je suis la première à avouer quand je ne sais pas quelque chose ; c’est même ce que j’aime le plus en télévision. Alors quand j’ai découvert que fin 2020, une série corse avait été lancée par une chaîne régionale, je me suis mise en tête d’y jeter un oeil, évidemment. EVIDEMMENT. Paese est donc une série produite en Corse… et en corse. Je vous rassure, il y a des sous-titres, aimablement fournis par France3 Via Stella, puisqu’on doit cette initiative locale à la télévision publique.
    Il s’agit d’une shortcom : le premier épisode dure 7 minutes et 15 secondes, montre en main. La série se déroule dans le petit village fictif de Caracutu, et procède, par vignettes courtes d’une minute maximum, à nous présenter toutes sortes de villageoises avec des préoccupations très simples. On les trouve accoudées au bar, assises dans leur salon, affairées dans leur cuisine ; vous saisissez l’idée… En fait, structurellement, on est très très proche de séries comme Scènes de ménages, à plus forte raison parce que les personnages ne se mélangent pas, et que ce sont les mêmes « couples » qui interagissent encore et encore. Ces duos ne sont que rarement romantiques, puisqu’on trouve deux potes au bar, deux soeurs, une femme et son père (ou grand-père ? enfin je sais pas, c’est pas établi clairement, et dans les sous-titres elle le vouvoie), et enfin, quand même, un couple marié « mixte » entre une femme corse et un homme du continent (qui d’ailleurs nous propose les seuls dialogues en français). Les situations de cet épisode ne sont pas toujours liées les unes aux autres, format anthologique oblige ; toutefois, plusieurs font allusion à des « influenceurs » qui auraient été attirés par une jolie photo postée sur internet, et qui les pousse à faire du tourisme dans le village. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde…
    Paese non plus ne sera pas nécessairement du goût de tout le monde, ce qui est ironique de la part d’une série dont l’humour mainstream râtisse tellement large qu’on se prend des coups de râteau jusqu’à Marseille. Si vous êtes une téléphage exigeante en matière d’humour, ce n’est peut-être pas la peine de vous échiner à tester la série. Par contre, si vous voulez voir de quoi il retourne juste par curiosité, pourquoi pas, et c’est vrai que la plus-value linguistique joue aussi son rôle. En ce qui me concerne, j’ai dû un peu ruser pour mettre la main dessus ; en outre, il semblerait que la série se soit retrouvée à un moment… sur Canal+ !? Clairement ya pas de petit profit dans l’état actuel des finances de l’audiovisuel public, mais si ça permet de lancer d’autres projets régionaux (un peu comme Space Game en Ile-de-France), ma foi…

    Young Sheldon (2017)
    Comédie

    Ça ne m’ennuie pas de le dire : je n’avais jamais vu le pilote de Young Sheldon, estimant que le forcing de Youtube relatif à The Big Bang Theory, dont l’algorithme me flanque dans les pattes des videos tous les trois mois en moyenne, me valait bien une exonération. Et pourtant, au fil des ans, j’ai vu quasiment tout ce qu’il y avait à voir de Young Sheldon… parce qu’une fois encore l’algorithme de Youtube m’a fourgué des extraits par camions entiers ! Mais vous savez quoi ? L’air de rien, il m’est plutôt sympathique, ce spin-off. Depuis environ deux ans, je gardais un oeil plus ou moins distrait sur les aventures de la famille Cooper via ces extraits… et puis j’ai décidé de regarder le final pour de vrai, et pas juste en morceaux. C’est à ce moment-là que mon cerveau m’a arrêtée dans mon élan et m’a dit : « si tu veux regarder le final d’une série, tu ferais mieux d’abord d’avoir vu le pilote ! ». Je n’ai aucun argument raisonnable à opposer à pareille exigeance ; ce n’est pas dans mon ADN de pilotovore que d’en trouver.
    Alors du coup, j’avais déjà vu plein de scènes du premier épisode de Young Sheldon sur Youtube, et il n’y avait pas franchement de surprise ici. En outre, Young Sheldon est le contraire d’une surprise dans la plupart des choses qu’elle fait : c’est une série familiale qui se veut accessible à un public conservateur, avec un enfant tout mignon dans le rôle-titre et des intrigues souvent gentillettes. Le premier épisode en particulier ne fait surtout rien d’intéressant, établit ou plutôt rétablit combien son protagoniste est bavard, intellectuel et un peu chiant, mais c’est bien tout. Le premier épisode tourne entièrement autour de lui et des réactions qu’il suscite, dans son foyer comme au lycée où il vient de faire son entrée : Young Sheldon n’avait pas encore réalisé à ce moment-là à quel point sa force résidait non pas dans son personnage éponyme, mais dans l’ensemble de sa distribution. Il n’y a même pas vraiment d’intrigue secondaire : le maigre passage concernant son frère aîné Georgie est quand même lié à l’entrée de Sheldon au lycée (dans la même classe que son grand frère). Le pilote s’était convaincu qu’on ne voulait rien voir d’autre ; fort heureusement la production s’est ravisée avec le temps.
    Mais bon, au moins c’est vu. Et du coup, j’ai pu regarder le double-épisode final, j’ai bien chialé ma race comme si j’avais aimé cette série depuis le premier jour alors que pas du tout, tout va bien. Pour me consoler je me suis rappelé que le network a d’ores et déjà commandé un spin-off : Georgie & Mandy’s First Marriage (si un jour on décide de rendre les spin-offs illégaux, ce sera vraiment la fin pour CBS), et ça va encore mieux. J’ai hâte d’avoir une relation compliquée à cette série-là aussi.

    Vous le saviez, je le savais, tout le monde le savait : tôt ou tard, une série chinoise se devait de décrocher le titre de « poster du mois », c’était obligé.
    Plus surprenant par contre : le poster du mois est celui d’une série d’horreur ! Je ne l’ai pas encore regardée, et par « pas encore » je veux dire que ça ne se produira sûrement jamais me connaissant, mais j’ai été absolument enchantée de tomber sur ce poster de Wo Zai Dong Bei Zuo Bai Shi Di Na Xie Nian. That’s a mouthful.

    Alors malheureusement, j’ai beaucoup de difficultés à trouver un format haute définition de la version horizontale de ce poster (c’est bien plus facile pour la version verticale), mais il n’empêche que je le trouve saisissant. Les contrastes chaud/froid, dont vous le savez je suis très friande ; les visages impassibles des renardes mais aussi bien-sûr des masques ; l’impression de vent mais aussi de mouvement, comme si je sentais la chaise à porteurs tanguer sur la route…
    Il y a quelque chose de très réaliste et palpable, dans ce poster qui pourtant inclut des renardes humanoïdes, et qui, euh, vous avez vu la gueule de la forêt dans le fond ?

    En cherchant une image plus nette, j’ai trouvé d’autres posters pour des films chinois présentant des ingrédients similaires (voir ici, ici ou encore ici ; de toute évidence c’est une référence culturelle à un type de procession que je ne connais pas [encore]), donc clairement ce n’est même pas le poster le plus original au monde.
    Mais je sais pas quoi vous dire. Magnifique.

    Une fois n’est pas coutume, le commentaire du mois est en anglais ! A séries hétéroclites, lectorat hétéroclite, après tout.
    Ce commentaire de Tea Rex, publié sous la review de la série thaïlandaise Bangkok Khanika (qui se déroule dans le milieu de la prostitution), m’a poussée à réaliser que je n’ai jamais vraiment clarifié ma politique concernant les trigger warnings. Du moins, rien au-delà de cet article maintenant un peu daté.

    Et puisqu’ils semblent être utiles et appréciés, je vais du coup un peu expliquer ma démarche. Si la discussion des trigger warnings vous est sensible, n’hésitez pas à passer à la conclusion de ce Take Five, je n’en prendrai pas ombrage !

    Je suis deux grands principes essentiels dans la rédaction de mes trigger warnings :
    1/ Répertorier non pas ce que ma review va mentionner, mais plus largement, ce que j’ai vu dans l’épisode ou la saison concernée. C’est-à-dire que parfois, il va y avoir quelque chose dans la liste des TW que je ne vais absolument pas discuter dans ma review parce que ça n’entre pas dans le cadre de ma critique, ou parce que mentionner de cette scène en particulier ne me semble pas nécessaire, ou encore parce que certaines choses me semblent spoiler si j’élabore à leur sujet. Parfois d’autres raisons, ça dépend des cas. Mais donc du coup, je vois ces trigger warnings comme un avertissement vis-à-vis de la série, pas de ce que je raconte ; dans l’idéal (mais évidemment vous faites absolument ce que vous voulez), cela ne devrait pas être indicatif du contenu de mon article. L’idée derrière cela étant que, si mon rôle est de vous donner envie de découvrir des séries, et de vous donner une raison de regarder les séries en question, alors il est normal que je vous avertisse sur la teneur des séries que je vous incite à regarder.
    2/ J’ai une liste officieuse de triggers que je considère comme nécessaires, et je suis consciente que cette liste peut être incomplète. En gros, tout ce qui relève des violences de genre, violences sexuelles, violences commises sur des mineures, ainsi que de la violence faite à soi-même (suicide, auto-mutilation, et ce mois-ci s’est posée la question des troubles du comportement alimentaire…). Enfin, les manifestations traumatiques sont quelque chose que j’essaie de faire figurer dans mes TW quand j’estime que la série fait plus que dire « oh regardez la protagoniste est traumatisée » et que des scènes montrent l’ampleur de ce traumatisme ; mais paradoxalement, alors que je souffre de PTSD, j’ai beaucoup de difficultés à être rigoureuse sur ce point. Il y a donc toutes sortes de choses que je ne fais pas figurer (comme la santé mentale, les addictions, la mort en général et notamment mort d’un enfant, mort d’un animal…). Il y a, aussi, des choses qu’il m’arrive de mentionner dans la review sans pour autant les mettre en TW (c’est le cas pour le racisme, ou les scènes de gore ; un bon exemple de cela est la première saison de The Legend of Vox Machina sur laquelle j’ai écrit au début de l’année). C’est un système imparfait, je suppose, mais avoir cette liste informelle me permet d’avoir une checklist mentale, et de m’y tenir autant que possible ; je crains souvent qu’élargir cette liste conduise à des oublis.

    Je serais en fait très curieuse d’avoir des retours, et c’est probablement la raison pour laquelle le commentaire de Tea Rex m’a fait beaucoup d’effet : je crois bien que c’est la première fois que quelqu’un me parlait des TW que j’affiche (de plus en plus souvent, il me semble) en tête de review.
    Merci à elle pour cela. And big thanks to English-speaking readers for their dedication, which goes as far as to read machine-translated articles in order to keep up with my humble publications.

    Exceptionnellement, je finis ce Take Five sur deux notes à part.

    D’abord, cette semaine se tenaient les Canadian Screen Awards, avec le gala final hier soir. Et il s’avère que la série Little Bird, que je reviewais la semaine dernière à l’occasion de sa diffusion sur arte, a décroché TREIZE prix, dont un pour l’actrice indigène Darla Contois ! Little Bird est ainsi officiellement devenue la série la plus primée de l’histoire de ces récompenses…
    Si vous n’y avez pas encore jeté un oeil, il n’est pas encore trop tard : les épisodes sont disponibles sur arte.tv jusqu’en août, m’enfin ne trainez pas trop. Par contre, ma review de la saison, elle, reste en ligne jusqu’à l’apocalypse, ou au moins jusqu’à ce que je sois trop pauvre pour pouvoir payer mon hébergement.

    Et puis, puisqu’on parle d’hébergement, il y a actuellement des travaux sur le Dotcom, qui pourraient provoquer de légères perturbations en juin. Certains, qui ont déjà eu lieu ces derniers jours, ont consisté à ENFIN passer le site en https, quelque chose qui n’avait que trop traîné. La sécurité a aussi été accrue au niveau des commentaires qui utilisent dorénavant hCaptcha (n’hésitez pas à me faire part de tout soucis avec cet outil ; à noter que les personnes malvoyantes devrait pouvoir installer un cookie spécial qui leur simplifiera l’usage de ce module).
    Quelques autres petites choses devraient prochainement se greffer à ces premières améliorations. Après tout, ladyteruki.com n’avait connu aucun changement depuis 2013 ! Il y avait donc quelques rafraîchissements à faire, mais je vous rassure, rien de drastique. Ya pas les moyens de toute façon !

    Cette fois c’est vraiment tout en ce qui me concerne ; j’avais pourtant pas mal parlé ce mois-ci mais il faut croire qu’il m’en restait encore à dire… Maintenant c’est votre tour de me raconter ce que vous avez regardé en mail, je veux TOUT savoir.


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  • Call me by your deadname

    1 juin 2024 à 19:26 • Review vers le futur •

    Note : pour des raisons pour le moment peu claires, cet article semble rencontrer des difficultés techniques, notamment au niveau des commentaires. J’espère pouvoir régler ces problèmes dans les jours à venir, et vous remercie pour votre patience. Dans l’intervalle, n’hésitez pas à utiliser les réseaux sociaux comme Mastodon, ou les commentaires sous d’autres articles, voire en dernier ressort le formulaire de contact, pour réagir à cette review. En attendant que ce soit corrigé, toutes mes excuses pour la gêne que cela pourrait causer.

    Mon exaspération relative à la deuxième saison de La legge di Lidia Poët commençant doucement à monter depuis quelques mois (elle n’en finit pas d’arriver « bientôt », cette nouvelle saison…), je pensais que regarder une autre série italienne me permettrait de patienter un peu. C’était surestimer la qualité de La vita che volevi, lancée cette semaine par Netflix. Quoique plutôt que de parler de lancer, il serait plutôt plus juste de parler de chier, parce que Netflix n’a même pas pris la peine de créer un poster promotionnel pour la série. Tout porte au contraire à croire que prendre des captures au hasard et foutre un N rouge dessus était l’effort maximum que la plateforme était disposée à produire.

    En même temps, qui pour l’en blâmer ? Moi aussi j’éprouverais un certain buyer’s remorse devant cette série qui a beaucoup de mal à décider ce qu’elle veut être.

    Trigger warning : violences domestiques.

    Et, quand elle le décide, elle fait quasi-systématiquement les pires choix possibles.

    Ce qui m’attirait à la base dans La vita che volevi (ou The Life You Wanted de son titre international), c’est que la série avait pour héroïne une femme trans à la quarantaine bien sonnée. Ce n’est pas un profil courant, puisque comme vous le savez beaucoup de séries s’intéressant à des protagonistes LGBT souffrent d’un jeunisme forcené ; pas toutes, et c’est heureux, mais quand même une large majorité.
    Gloria, c’est son nom, vit à Lecce dans une somptueuse villa, et a trouvé le succès dans deux carrières parallèles : la photographie d’art, et le tourisme, secteur dans lequel elle a ouvert sa propre entreprise et dispose d’une assistante particulière qui est aussi un peu son amie, Eva (également une femme trans). Plus tard, bien plus tard dans l’épisode, on apprendra qu’elle entretient également une relation amoureuse avec Ernesto, un homme à succès dont l’affection est réciproque. Elle a donc tout pour être heureuse, et La vita che volevi aime d’ailleurs à insister au fil de son premier épisode sur le fait que cette vie-là, ce n’est pas le fait de la chance, et elle n’est pas tombée du ciel : Gloria se l’est créée.

    Toutefois, cela ne saurait durer, naturellement. Et voilà qu’un beau matin se présente devant sa porte Marina, qui est enceinte jusqu’aux yeux. Quelques rapides flashbacks nous apprennent que Marina était proche de Gloria lorsque celle-ci venait d’entamer sa transition, 15 ans plus tôt. Elles ont même couché ensemble à quelques reprises. Sauf que, juste avant que Gloria ne parte en Espagne pour une opération, Marina qui devait l’accompagner a finalement fait marche arrière, d’abord en lui disant qu’elle la rejoindrait plus tard, et finalement en ne venant jamais pour s’évanouir dans la nature. Gloria éprouve encore du ressentiment d’avoir été abandonnée à un moment capital de sa vie, et elle est furieuse que Marina réapparaisse comme si de rien n’était, au bout d’une décennie et demie. Elle l’envoie donc bouler, mais voilà que quelques heures plus tard, un hôtel contacte Gloria : Marina, qui s’est présentée en utilisant son nom comme recommandation, a mis le feu à un matelas en fumant au lit. Sauf que Marina n’est pas seule : elle a avec elle deux enfants, un adolescent du nom d’Andrea, et une petite fille répondant au nom d’Arianna.
    Et du coup, toute furieuse qu’elle soit, Gloria n’a pas le coeur à les laisser se démerder, et leur propose de passer 48h chez elle, après quoi elle somme Marina de trouver un autre endroit où aller.

    Euh, ah bon ? Mais, euh, t’étais pas en colère contre Marina ? Elle n’a pas utilisé ton nom dans un établissement avec lequel tu as une relation professionnelle ? Elle n’a pas MIS LE FEU A UN MATELAS ?! Je peux citer au moins dix raisons de ne pas l’inviter avec sa marmaille chez toi, mais ok. J’imagine qu’il faut bien qu’il y ait une série.

    Le plan de Marina à partir de là (la série ne l’explicite pas, mais on ne m’ôtera pas de l’idée qu’elle a foutu le feu au lit exprès) : prendre Gloria par les sentiments pour essayer de grapiller autant de temps que possible avec elle. Elle a clairement des motivations cachées ; la série prend tout son temps pour les dévoiler. Alors que ses enfants et elle s’incrustent dans la vie de Gloria, et apprennent à la connaître, Marina explique progressivement que chacune de ses gosses (présente ou à venir) a été conçue avec quelqu’un de différent, et qu’elle ne s’entend pas avec le père d’Arianna, non plus qu’avec l’homme dont elle est enceinte…
    Si vous êtes fortiche en maths, vous aurez compris qu’il y a trois enfants et deux pères cités. C’est que, Marina essaie d’amener sur le tapis la révélation ultime : Andrea est en réalité le fils de Gloria, conçu il y a 15 ans.

    Et si c’était ce que voulait raconter La vita che volevi, ce serait… bon, je vais pas dire formidable. Je vais certainement pas dire original. Mais partons sur : tenable. Oui, voilà : cela donnerait une série parfaitement adéquate. Or ce n’est pas ce qui se passe ici.

    Pour commencer, il me faut vous parler des gros problèmes de ton de ce premier épisode : la série s’ouvre sur une séquence digne d’un thriller glacial, dans laquelle Gloria entre dans un hôtel, vraisemblablement inquiète. Elle porte un bébé qu’elle emmène aussi rapidement que possible dans une chambre, avant de s’y enfermer et de sortir une arme à feu. La scène, bien-sûr, s’arrête juste au moment où quelqu’un frappe à la porte de sa chambre et qu’elle ouvre, l’arme cachée dans son dos mais prête à l’emploi. Suspense, angoisse, tout ça. Sauf que le reste de l’épisode ne sera plus du tout sur le même ton ! Les échanges entre Gloria et Marina sont tendus, les flashbacks sont sexy, il y a même toute une scène musicale dans une boîte de nuit (où Marina a emmené ses enfants… euh, ok ?!), et clou du spectacle, la fin de l’épisode tombe dans le mélodrame le plus soapesque. Et je ne parle même pas du maigre matériel promotionnel qui semble penser qu’il s’agit d’une romcom !
    Il n’y a rien de cohérent dans ce que pratique La vita che volevi, rien qui ait une identité, rien qui envoie un message clair aux spectatrices quant au genre de série qu’on est en train de regarder.

    Mais je crois que ce qui est le plus inconfortable dans cet épisode introductif de La vita che volevi, c’est carrément son rapport à la transidentité de son héroïne.
    Loin de moi l’idée de me faire l’arbitre de ce qui est ou non transphobe, et il y a sûrement des nuances qui m’ont échappé. Mais en tout cas, moi, ce que j’ai vu, c’est une femme trans (qui bien-sûr était autrefois chanteuse dans une boîte de nuit, because of reasons) qui une fois de plus était renvoyée indirectement à une forme de masculinité par cette histoire de parenté. Si elle est mère d’Andrea, c’est en effet bien parce qu’elle a mis Marina enceinte, et ça ne s’est pas fait par l’opération du saint-Esprit… D’une façon générale, La vita che volevi adore rappeler que Gloria n’est pas simplement une femme, mais une femme trans, comme pour écrire en rouge dans la marge que « HEY AVANT ELLE AVAIT L’AIR D’UN HOMME ». Et pour mieux enfoncer le clou, dans les flashbacks qui montrent Gloria 15 ans avant le début de l’intrigue, Gloria est incarnée par un acteur cis que la série met systématiquement torse nu pour bien montrer combien son corps répond aux normes masculines, quand bien même il porte du fard à paupières. Cette insistance à montrer l’avant/après (comme si la série avait compris que prononcer un deadname ne se faisait pas, mais qu’elle avait à sa disposition le moyen de faire l’équivalent visuel) est d’autant plus troublante que dans le fond, c’est ça le noeud du problème entre Gloria et Marina : à une époque, Gloria avait un pénis. Là est le pêché originel.
    C’est que, pour ne pas gêner la transition de Gloria, Marina ne lui a pas dit à l’époque qu’elle était enceinte, et a préféré disparaître presque du jour au lendemain. La fin de l’épisode, dans laquelle les deux femmes ont une confrontation à ce sujet, est assez claire quant à l’interprétation accusatrice qu’il faut faire de cela : « Tu devrais avoir honte, Gloria. […] Andrea est NOTRE fils. Et il va falloir que tu t’y fasses », suivi d’un gros plan sur Gloria, en larmes, clairement placée dans une situation dont la série nous dit qu’elle est en tort et qu’il va lui falloir se remettre en question. En tort de quoi ? D’avoir transitionné 15 ans plus tôt et, sans le savoir, avoir eu un enfant avec une femme qui a décidé de réapparaître dans sa vie et lui révéler la vérité en moins de 24h ? On peut difficilement lui reprocher de ne pas accueillir cet enfant à bras ouverts maintenant… Mais ce que sous-entend fortement La vita che volevi, c’est que le choix qui lui donne tort, c’est celui d’il y a 15 ans consistant à vouloir devenir une femme plutôt que poursuivre sa relation avec Marina et élever Andrea.
    La vita che volevi semble vouloir l’obliger à accepter la vie qui a été choisie pour elle, comme si la vie heureuse et stable qu’elle s’était construite avait un prix, et qu’il était temps de passer à la caisse.

    Alors on est d’accord que ce n’est que le premier épisode, ce qui signifie que les interprétations du ton et du propos de La vite che volevi peuvent évoluer pendant les 5 épisodes suivants de la mini-série. Il y a même, potentiellement, un monde dans lequel ces interrogations ont de l’intérêt, au lieu de sembler punitives. Toutefois je suis très pessimiste à ce sujet. Entre les difficultés de ton, les représentations au mieux boîteuses, les motivations faiblardes, et l’empilement de thèmes (Eva est frappée par son petit-ami ; il est largement sous-entendu que la raison pour laquelle Marina a quitté son compagnon est que lui aussi est probablement violent…), n’aide vraiment pas à avoir bon espoir pour l’intrigue principale et son message.

    Pour finir, au risque de juger toute une démarche artistique sur la base d’une seule interview, je trouve quand même assez vagues les propos tenus par le co-créateur et réalisateur de la série, Ivan Cotroneo, qui expliquait dans la presse spécialisée italienne l’an dernier :

    « Cette idée vient de très loin. Moi et [Monica] Rametta voulions écrire une histoire mettant en vedette une femme non cisgenre, une femme forte et indépendante, l’histoire d’une femme transgenre. Ces personnages sont souvent laissés en marge, collatéraux ou marginalisés. Il y a eu un long processus de gestation d’écriture. Nous avons retrouvé une histoire importante, de sentiments, de deux amies qui se retrouvent après 15 ans. Nous voulions raconter un personnage de femme indépendante et libre, rarement évoqué. »

    …cool story bro mais ça vous choque pas que la première chose que vous fassiez avec une femme trans indépendante et libre, c’est l’en blâmer et essayer de l’obliger à l’être moins ? J’avoue que je ne comprends pas la démarche.

    Et en fait, je soupçonne Netflix d’en avoir conscience. D’avoir bien senti le problème. D’avoir un peu honte. Parce que lancer une série avec une héroïne trans juste avant le mois de juin, et la promouvoir aussi peu, c’est difficile de ne pas y voir un signe.


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  • Internalisation

    31 mai 2024 à 21:06 • Review vers le futur •

    Jane a des préférences. Comme tout le monde, pensait-elle ! La jeune femme est d’origine coréenne mais adoptée en Australie par un couple blanc, et elle a grandi au milieu de personnes blanches (à un tel point que la ville de son enfance s’appelle Mount Whiteman !) ; cela inclut sa meilleure amie Edi, mais aussi… tous ses partenaires sexuels précédents. Pendant des années, Jane en a simplement conclu que c’était son fétiche pour les barbes et autres parties du corps poilues qui l’avait naturellement conduite à ne coucher avec qu’avec des hommes blancs. Mais un incident vient totalement remettre en question ses certitudes !

    White Fever est une comédie australienne qui s’attaque, par le rire, à un sujet complexe. Et pourtant, si le privé est politique, alors cela tombe sous le sens que la question très intime de qui nous choisissons de mettre dans notre lit soit éminemment politique ! C’est selon ce principe que la série veut aborder le rapport de Jane à la blanchité, mais aussi, à travers elle, à sa propre asianité.

    Jane n’avait donc jamais rien remis en question ; à ses yeux, il était évident qu’elle était asiatique, puisqu’elle le portait sur son visage. Toutefois, il lui arrive souvent de plaisanter avec ses amies (toutes aussi blanches les unes que les autres, donc) sur le fait que, de par son attitude et ses goûts, elle était plus blanche qu’elles. Sans jamais interroger ce qu’il pouvait y avoir derrière cette blague.
    Le déclencheur du déclic de Jane apparaît lorsque son amie d’enfance Edi se prépare à se marier. Son fiancé Kong est en effet un jeune homme hmong, et Edi fait des efforts pour se familiariser avec sa culture. Cela passe par l’intégration d’accessoires traditionnels à sa robe de mariée, à apprendre des termes de vocabulaire hmong, ou encore à passer du temps avec Ka, la soeur de Kong, qui est une guérisseuse spécialisée dans l’utilisation de cristaux et qui traverse la vie en affichant une attitude mystique (et qui, en outre, est également enceinte jusqu’aux yeux). Ka et plus généralement les efforts d’Edi pour embrasser la culture asiatique de sa belle-famille mettent Jane profondément mal à l’aise. Pour Jane, ce n’est pas naturel, mais elle n’y a pas réfléchi au-delà de cette sensation initiale d’inconfort.
    Lors de la soirée d’enterrement de vie de jeune fille d’Edi, Jane met de côté tout cela pour draguer un barman très roux, très blanc et très velu, qui la ramène chez lui. Excitée au dernier degré par ce blanc au profil de bear, qui s’appelle Ross… Jane voit son enthousiasme légèrement douché lorsqu’elle réalise en voyant sa déco que Ross a toutes les apparences d’un weeaboo/koreaboo. Est-il possible qu’elle soit, en ce moment-même, dans le lit de ce type, fétichisée pour être asiatique ?! Elle qui l’est mais si peu ? Jane écarte cette idée du mieux qu’elle peut.

    Mais si White Fever suggère que ce n’est pas la première fois que la jeune femme a fait volontairement abstraction de la question raciale dans sa vie, la série ne l’autorise pas à le faire longtemps. Une dispute avec Edi, suivie d’une autre avec Ross qu’elle a revu (et qui l’a traitée de « fausse asiatique » !), la mettent devant le fait accompli. Elle doit admettre qu’elle a « un genre » : elle est atteinte de white fever ! Le truc, c’est que cela trahit surtout quelque chose sur elle-même de plus large, et désormais, Jane ne peut plus ignorer qu’elle n’est pas à l’aise avec sa propre asianité.

    Contrairement à beaucoup de séries qui font le choix d’aborder des problématiques raciales par le rapport à l’autre, White Fever prend le parti assez rare de proposer une conversation intime, entre Jane et Jane. C’est son rapport à elle-même qui est sous les feux des projecteurs. La façon dont elle a évité de disséquer ces problématiques jusqu’ici, et, vraisemblablement, la façon dont elle va devoir tout remettre à plat désormais, sont au coeur de l’intrigue.
    La réflexion portée ici par la série ne consiste en effet pas à forcer Jane à coucher avec des personnes qui ne l’attirent pas, mais à s’interroger sur le pourquoi de ses préférences, et leurs racines sociales comme individuelles. La fin de l’épisode, dans laquelle elle ouvre une vieille boîte contenant des affaires de son enfance, souligne combien ce sont ses expériences personnelles, petites et grandes (son adoption transraciale, la poupée blanche avec laquelle elle a grandi, etc.), qui ont façonné sa perception de ce qui était normal ou, plus tard, attirant. Mais tout ça, bien-sûr, n’est pas que son fait, et participe à des mécanismes qui la dépassent. Voilà donc que subitement, tout cela la prend par surprise, parce qu’elle a en fait repoussé l’échéance d’examiner sa propre identité : c’était facile et confortable à faire quand elle était la seule asiatique de son entourage ! Or, avec l’arrivée de Ka et Kung dans sa vie, elle réalise qu’elle n’a pas décolonisé son esprit, pour reprendre les termes de la video qu’elle regarde vers la fin de cette introduction. Forcément, c’est un choc.

    Regarder White Fever sans être asiatique, c’est être autorisée à assister à une conversation compliquée, parfois douloureuse, et clairement inconfortable ; elle n’en est pas moins nécessaire pour une personne racisée vivant dans une société majoritairement blanche. Le recours à de la popculture asiatique connue (par exemple lorsque, dans un moment de panique en s’enfuyant de chez Ross, Jane se retrouve au milieu d’un groupe de danseuses interprétant une cover de NEXT LEVEL dans un parc) n’est pas à interpréter comme une façon de nous donner des repères, et encore moins de nous divertir au premier degré, mais plutôt comme un rappel de l’omniprésence d’une culture que Jane a jusque là soignement écartée autant que possible. Ici, la Kpop est presqu’une menace…
    En cela, bien que s’adressant à une tranche d’âge différente (il y a du sexe dans White Fever), la comédie australienne fait montre d’une démarche similaire à celle de la série brésilienne Além do Guarda-Roupa et semble miser sur une tentative de réconciliation avec soi-même. Sera-t-elle couronnée de succès ? Je ne sais pas encore : la série a démarré en avril, mais je n’ai trouvé du temps pour la tester que cette semaine. Une chose est sûre cependant : vu l’énergie débordante de son interprète principale Ra Chapman (également créatrice de la série), que ces efforts soient fructueux ou non, ils seront passionnants et hilarants.


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  • I’m about to do it XXL

    30 mai 2024 à 17:25 • Review vers le futur •

    Il faudrait un sacré revirement pour que je change d’avis sur Showmax, ma plateforme de SVOD préférée de toute la planète, et dont je n’en finis pas de chanter les louanges. Au fil des ans, j’ai eu l’occasion de vous proposer un tour d’horizon de douze de ses séries (effectué pendant une période d’essai), de publier des reviews de pilotes, comme Adulting ici ou Outlaws là, et même, m’exatasier sur la première saison de The Republic (qui n’est effectivement pas un Showmax Original, mais quand même accessible en Europe, à l’époque, uniquement via la plateforme). Et si je n’aime pas toutes les séries proposées par Showmax, je suis quand même très, très rarement déçue.
    Généralement, mon enthousiasme a porté sur des séries sud-africaines, qui constituent la majorité de son catalogue. A l’occasion, j’ai pu mentionner d’autres productions du continent, à l’instar de la série ghanéenne ENO par exemple.

    Trigger warning : pornographie non-consentie.

    Ce mois-ci, Showmax a lancé une série kényane qui me faisait très envie. Par chance, en ce même mois de mai, j’ai aussi trouvé de nouveaux moyens de mettre la main sur plus de séries africaines, et me voilà donc à vous parler de Big Girl Small World.

    Ciku Wamai est une animatrice de radio dont la carrière est en train de décoller : elle est à la tête d’une matinale plutôt populaire, ce qui lui permet d’être contactée par le magazine Pinnacle pour figurer parmi les 25 profils des personnalités les plus en vue de la capitale. A sa grande surprise, pendant l’interview, elle apprend même qu’elle sera sur la couverture ! Dans sa vie privée, les choses vont plutôt bien aussi. Elle est en couple avec Cassim, un comédien de stand-up avec lequel elle partage sa vie.
    Toutefois, Ciku se débat avec un manque de confiance en elle. D’abord parce que son succès est inespéré pour elle qui a grandi dans une toute petite ville de province dans une famille conservatrice, et qui n’a pas fini le lycée. Mais surtout parce qu’en tant que femme grosse (la série nous précise lors de l’incontournable scène de pesée qu’elle fait 110kg), elle ne se sent pas toujours à sa place dans sa propre vie.

    Vous vous souvenez quand je me plaignais du traitement des questions de poids par la comédie nigériane Awkward Things About Losing Weight ? Bon, c’est facile, c’était la semaine dernière. Eh bien Big Girl Small World est l’antidote idéale.
    Bien que ne négligeant pas des moments un peu plus légers, la série prend très au sérieux le rapport de Ciku à son poids, en particulier parce que l’image qui lui en est renvoyée est banalement violente. Par exemple, une fan la reconnaît en public et l’approche pour une photo, ce qui devrait être source d’un peu de joie… jusqu’à ce que la mère de la fan en questions glisse : « je ne vous imaginais pas aussi grosse ». La réaction de Ciku sur le moment, quand elle se prend ces micro-aggressions qui la ramènent à son complexe d’infériorité, est à plusieurs reprises de s’imaginer réagir avec colère, voire violence ; mais bien-sûr, ça ne se fait pas. Consciente qu’il est attendu d’elle qu’elle se prenne ces remarques avec le sourire, voire même sans faire mine de les remarquer, elle se reporte donc sur d’autres choses… et notamment, la série semble suggérer qu’elle a peut-être un rapport faussé à la nourriture, dans laquelle elle cherche le réconfort. Le premier épisode ne le traite pour l’instant pas comme quelque chose de pathologique, et montre juste Ciku mangeant une barre de chocolat après une rude journée, donc je ne mets pas ça dans les trigger warnings ; mais si je trouve les épisodes suivants j’éditerai peut-être cette review en conséquence, vu que j’aime bien vous dire dans quoi vous mettez les pieds.
    Hélas pour Ciku, son poids peut aussi conduire à une perte de chance. C’est le cas dans ce premier épisode pendant le photoshoot de la couverture de Pinnacle. Il semblerait que le magazine n’ait pas prévu de tenues adaptées à sa morphologie, et voilà donc notre héroïne qui se glisse dans la seule robe disponible (un truc rose atroce, au passage, relevant plus du costume de meneuse de revue que de la robe classe digne d’une publication d’élite comme Pinnacle), dans laquelle la styliste la fait entrer à la force des bras. Ciku n’est pas à l’aise et ne peut pas respirer… aussi lorsqu’elle se penche pour ramasser son portable tombé à terre, la robe se déchire. Embarras. La styliste prétend alors que Ciku a menti sur ses mesures, et qu’au lieu de faire un régime elle a pris du poids, conduisant l’exécutive de Pinnacle qui supervisait la session à tout annuler. Ciku ne sera donc plus sur la couverture, un succès symbolique dont elle se réjouissait tant…

    Big Girl Small World a tout l’air d’une nouvelle réussite pour Showmax. La série fait un vraiment bon travail lorsqu’il s’agit de suivre le rapport de Ciku à la fois à son corps et au reste. En fait, elle ne voudrait rien tant que ne pas être constamment renvoyée à son poids, mais rien à faire. Le reste du monde s’obstine à voir sa taille avant tout le reste.
    Pendant qu’elle se débat avec ces problèmes (qui malheureusement pour elle n’ont rien de nouveau), Ciku ignore que Cassem aussi a une actualité chargée. Il a en effet été contacté par un maître-chanteur qui le menace de divulguer une sex tape du couple s’il ne reçoit pas une somme exorbitante. Cassem, qui ne parvient pas à rassembler l’argent, a vu une video d’un masculiniste qui l’inspire à penser qu’avoir la bague au doigt contraindra la jeune femme à ne pas se plaindre si la sex tape est publiée… J’avoue que je n’ai pas forcément tout compris de la logique (en même temps, tant mieux !), mais en tout cas, voilà Cassem décidé à demander sa main à Ciku pendant sa prochaine performance de stand-up. Oh, cool, une demande en public ; qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Surtout après un set rempli de blagues grossophobes…

    Même si Big Girl Small World n’est pas toujours une production parfaite (il y a, en particulier, quelques soucis de stabilité au niveau du son), ce premier épisode fourmille de bonnes idées et, pour le moment, d’une bonne mise en pratique de ces idées. Ça donne vraiment envie de voir la suite ! Sur le fond en tout cas, cette introduction pose des enjeux (ainsi que quelques questions : qui est Aisha, qui semble émerger du passé de Ciku ?) dramatiques solides.
    Malgré les nombreuses déceptions (petites et grandes) qu’affronte Ciku dans ce premier épisode, j’ai été soulagée de voir que Big Girl Small World ne vire pas à l’humiliation. Peut-être, au moins en partie, parce que l’équipe de scénaristes est entièrement féminine ? Au lieu de souffrir, comme je le craignais un peu, d’embarras de seconde main, j’ai au contraire trouvé touchant le traitement des obstacles rencontrés par l’héroïne. Elle parvient en outre à le faire sans recours à la voix-off, ce qui est une autre forme de soulagement ! Big Girl Small World prend sa protagoniste centrale au sérieux, lui permet de se révéler dans toutes ses nuances, lui accorde le droit d’afficher de la colère, de l’ambition, de l’espoir, de l’abattement… sans jamais l’y résumer.

    Il y a pas mal de choses que met en place ce premier épisode qui piqueront l’intérêt des téléphages les plus curieuses, à commencer par l’opportunité de parler de standards de beauté dans une culture africaine, pour changer. L’occasion d’un autre son de cloche, peut-être ? Mais plus encore, je trouve fascinant que Big Girl Small World réfléchisse au-delà de la seule idée du poids, puisque se profile aussi la question de la sexualité à travers la sex tape, faisant du rapport au corps une problématique plus large de la série. Il ne peut pas non plus être totalement un hasard qu’à la fois Ciku et Cassem soient des personnalités du show business ; dans ce premier épisode, Ciku est une gloire montante, mais Cassem a aussi l’opportunité d’être la tête d’affiche d’une soirée dans un club de comédie, suggérant que la célébrité, même relative, du couple, va également avoir une incidence sur ce qui se prépare. Enfin j’ai vraiment des questions sur ce que la série introduit au sujet de la masculinité toxique, et que je n’avais jamais vraiment vu une série aborder par le biais, pourtant réel et préoccupant, de l’impact des réseaux sociaux sur les mentalités individuelles des hommes.
    Autant de thèmes qui, séparément, sont intéressants ; mais ensemble, forment vraiment une série au projet ambitieux. J’allais dire : qui voit les choses en grand !


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  • Le bon plaisir du Prince

    29 mai 2024 à 18:15 • Telephage-o-thèque •

    En 1608, le royaume hongrois de jadis vit dans la division. Des guerres sanglantes pendant le 16e siècle ont conduit à l’émergence de trois territoires distincts : à l’Ouest, les terres absorbées par les Habsburg ; au centre, les nouvelles frontières de l’empire ottoman ; l’Est, en revanche, a réussi à maintenir une indépendance relative. C’est la Principauté de Transylvanie qui maintient une identité hongroise, bien que soumise au sultan. A la tête de ce fragile état bloqué entre deux royaumes influents se trouve le tout jeune Prince Gábor Báthory…
    Báthory ? Báthory… Voyons voir, Báthory en Transylvanie… ça me dit quelque chose ? Oh bof, ce n’est sans doute pas important.

    Tündérkert est une série hongroise, donc (car, spoiler alert : à un moment, la Hongrie existera à nouveau !), promue à l’international sous le titre Fairy Garden. Une appellation qui me laissait imaginer un ton très différent de ce que j’ai pu voir dans ce premier épisode ! Il n’y a, en fait, rien de magique ou de fantastique ici : on s’attache au contraire à parler du règne de Gábor Báthory, et je vous prie de me croire, ce n’est pas un conte de fées.

    Un an après son mariage, après une campagne qui lui a permis de trouver la victoire et asseoir son statut dans la région, le jeune Prince Gábor revient en son palais de la Principauté et célèbre son influence dans la région.
    Par un traité avec l’empire ottoman, il a assuré la protection mais aussi la (relative) indépendance du peuple hongrois qui lui est reconnaissant, mais… ce succès reste insuffisant. En effet, malgré ses victoires, il est peu populaire auprès d’un certain nombre de nobles. Ceux-ci considèrent que le Prince a été mis sur le trône uniquement grâce à l’influence du capitaine Gábor Bethlen, mais n’a aucun mérite en propre.
    Une certaine stabilité ayant été obtenue par le biais du traité avec le sultan, c’est donc le moment pour le Prince de dresser l’inventaire de ses alliés et de ses ennemis dans ses propres rangs. Pendant la fête célébrant ses faits d’armes et son retour, le jeune Báthory découvre ainsi qu’un poème moqueur circule à son propos ; il pense que c’est l’un des riches nobles de la famille Bánffy qui en est à l’origine, et qui d’ailleurs ne s’est pas présenté aux célébrations. Il se jure de régler le problème et pour cela, il fait appel à des hajdúk, qu’il traite comme des mercenaires et auxquels il promet les richesses des Bánffy en échange d’une petite aide pour exécuter l’odieux poète…

    Le premier épisode de Tündérkert, s’il reconnaît l’importance historique du Prince Gábor Báthory et aime à en répéter l’importance vitale pour le peuple hongrois, n’éprouve aucune affection pour lui.
    Par moments, elle confesse qu’il s’agit d’un gringalet colérique et détestable, qui ne se rachète que par sa tendresse envers sa soeur Anna Báthory (…dont toute la Principauté est convaincue qu’il couche avec) et dans une moindre mesure, sa loyauté envers sa tante Erzsebet Báthory. Aaaaah, je me disais aussi ! La série évoque d’ailleurs quelques, hm, rumeurs au sujet de celle-ci, sans en confirmer l’exactitude. Si Tündérkert ne donne pas dans le fantastique avec elle, alors la série ne le fera jamais. A part à son bras droit Bethlen, le Prince n’accorde aucune considération à qui que ce soit d’autre, comme le parfait adolescent ingrat qu’il est. Même à son chancelier, János Imreffy, il n’offre que du mépris, en particulier lorsqu’il saute sa femme dans tous les coins de la Principauté, venant même jusqu’à la tirer de son lit conjugal ! Cela, bien que son épouse la reine, la très pieuse Anna Palotsai, que depuis un an il n’a toujours pas touchée, l’attende dans ses appartements… Clairement, le Prince n’en fait qu’à sa tête. Ce ne saurait être très bon pour lui.
    En parallèle, Gábor Báthory est affligé par une peur dévorante, probablement due aux circonstances de son accession à son trône, mais aussi à son âge : il est terrifié par tout ce qui pourrait menacer son autorité (d’où la colère que suscite le poème). Cette terreur s’étend même au médaillon ancestral que les Báthory se transmettent depuis des siècles, à propos duquel il fait des cauchemars. Il craint qu’il ne présage d’une menace; qu’il croit déceler partout.
    Tous ces ingrédients sont non pas construits pour suggérer des éléments fantastiques, mais pour montrer combien l’immaturité du roi, sa façon de se mettre tout le monde à dos parce qu’il pense que l’autorité due à son rang devrait suffire, ses angoisses plus ou moins fondées, ou ses décisions impulsives, peuvent semer le trouble.

    …Vous serez en effet surprise d’apprendre qu’assurer l’indépendance d’une partie de la Hongrie n’empêche pas certaines personnes à la cour d’éprouver du ressentiment ! Etonnant, n’est-ce pas ? Et ce sont les graines que le premier épisode de Tündérkert est en train de semer, patiemment. Après avoir mis en place, parfois sans avoir l’air d’y toucher, les causes, la fin de l’épisode s’arrête sur les conséquences qui vont mettre le jeune Prince face à ses responsabilités.

    Tündérkert est une saga historique qui se veut mature : il y a un peu de sexe, un peu de sang… La réalisation reste toutefois plutôt sage et essaye dans la mesure du possible de se concentrer sur la teneur historique et dramatique de son intrigue, évitant autant que possible le raccolage à la Game of Thrones. Il est difficile d’ignorer que c’est quand même l’une des influences de la série, si ce n’est pour son contenu, au moins pour l’espace télévisuel dans lequel elle essaie de se glisser ; mais ce n’est pas la seule influence, fort heureusement.
    Toutefois, une partie de cette intention de maturité sonne à l’occasion un peu creux : Tündérkert semble parfois souffrir de ses hésitations à s’engager sur ce qu’elle dépeint. Des hésitations peut-être mues par une fibre patriotique qui l’empêche de vraiment présenter les événements sous un jour négatif, ou peut-être dont la raison d’être est tout simplement que ce premier épisode n’est bien-sûr qu’un tour de chauffe. Reste que le premier épisode, par moments, donne l’impression de se retenir de s’engager totalement. Comme si, craignant d’être trop graphique, la série s’était dans le même temps abstenue de faire ou dire quoi que ce soit de trop clivant sur le fond aussi. Après, dans la Hongrie d’Orbán, une position franchement critique envers le « Prince défenseur de la Hongrie divisée et assaillie » pourrait être difficile à tenir, effectivement…

    Si comme moi vous ne connaissez pas très bien cette page de l’Histoire hongroise, Tündérkert peut être une expérience intéressante. Outre les événements décrits, il faut dire combien les costumes sont réussis, et dans une certaines mesure les décors aussi ; l’intrigue se déroule à la sortie de l’ère médiévale et c’est vraiment bien fait. D’ailleurs même au niveau du matériel promotionnel, un véritable effort a été produit pour créer une oeuvre attrayante ; les profils des différentes protagonistes sont magnifiques. Esthétiquement, on n’a pas des moyens astronomiques, mais la série se tient vraiment bien.
    Comme vous le savez, je ne suis que modérément intéressée par la fiction historique en général, mais si c’est votre tasse de thé en général, alors le cas particulier de Tündérkert devrait vous plaire !


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